Walter Benjamin, la photographie et le cinéma

Présentation au sujet: "Walter Benjamin, la photographie et le cinéma"— Transcription de la présentation:

1 Walter Benjamin, la photographie et le cinéma
Petite histoire de la photographie (1931) L’Œuvre d’art à l’ère de la reproductibilité technique (4 versions de 1937 à 1938)

2 Les textes cités Petite histoire de la photographie (1931):
Titre abrégé en PHP Traduction de André GUNTHERT, Études photographiques, n °1, novembre 1996 [En ligne, L’Œuvre d’art à l’ère de la reproductibilité technique (1e version, 1935) Titre abrégé en OA Traduction inédite de Bruno Tackels et pour le # 18 de Jacques Boulet Revue Appareil, mai 2011 [En ligne,

3 Walter Benjamin, la photographie et le cinéma
1. La place de la photographie et du cinéma dans la pensée de Benjamin 2. Le dépérissement de l’aura à l’ère des arts reproductibles 3. Le cinéma entre hypnose et réveil

4 1-La place de la photographie et du cinéma dans la pensée de Benjamin
I/ Deux textes essentiels II/ Une réflexion sur la « modernité » III/ L’ambivalence des arts « reproductibles »

5 II/ Une réflexion sur la « modernité »
À de grands intervalles dans l’histoire, le mode de perception des communautés historiques se transforme en même temps que leur mode d’existence. La manière dont s’organise la perception humaine – le médium dans lequel elle se réalise – est conditionnée non seulement par la nature, mais également par l’histoire. W. Benjamin, OA, #4.

6 II/ Une réflexion sur la « modernité »
La peinture […] invite le spectateur à la contemplation. Devant elle, il peut s’abandonner au gré de ses associations. Devant un plan de cinéma, la chose est impossible. À peine l’a-t-il saisi qu’il s’est déjà transformé. […] Le cours des associations pour celui qui contemple les images d’un film est immédiatement interrompu par leur transformation. C’est là que réside l’effet de choc du film qui, comme tout choc, ne peut être saisi que par une attention renforcée. Le film est la forme d’art qui correspond au danger de mort accentué dans lequel vivent les contemporains. W. Benjamin, OA, #17.

7 III/ L’ambivalence des arts « reproductibles »
Ainsi que le prouvent les guerres et les crises économiques […], l’homme se trouve devant cette deuxième nature qu’il a bien inventée, mais qu’il ne maîtrise plus déjà depuis longtemps. […] Le film sert à exercer l’homme devant ces nouvelles aperceptions et réactions qui exigent une relation avec un appareillage dont l’impact dans sa vie s’accroît quotidiennement. Transformer le gigantesque appareillage technique de notre époque en matière de l’innervation humaine, telle est la tâche historique au service de laquelle le film tient son sens historique. W. Benjamin, OA, #6.

8 2-Le dépérissement de l’aura à l’ère des arts reproductibles
❶ Qu’est-ce que l’aura? D’où vient son dépérissement? ❷ La photographie selon Benjamin ❸ Nuit et Brouillard (1955) d’Alain Resnais

9 ❶ Qu’est-ce que l’aura? Qu’est-ce en somme que l’aura ? Un tissu original composé d’espace et de temps : apparition unique d’un lointain, aussi proche soit-il. Celui qui repose, un après-midi d’été, et suit du regard la crête d’une montagne à l’horizon ou la ligne d’une branche qui projette son ombre sur lui, cet homme respire l’aura de cette montagne, l’aura de cette branche. W. Benjamin, OA, #4. Sentir l’aura d’un phénomène, c’est lui conférer le pouvoir de lever les yeux. W. Benjamin, « Sur quelques thèmes baudelairiens ».

10 ❷ La photographie selon Benjamin David Octavius HILL (1802-1870)
La photographie nous confronte à quelque chose de nouveau et de singulier : dans cette marchande de poisson de New-haven, qui baisse les yeux au sol avec une pudeur si nonchalante, si séduisante, il reste quelque chose qui ne se réduit pas au témoignage de l'art de Hill, quelque chose qu'on ne soumettra pas au silence, qui réclame insolemment le nom de celle qui a vécu là, mais aussi de celle qui est encore vraiment là et ne se laissera jamais complètement absor-ber dans l'“art”. W. Benjamin, PHP, #2. Newhaven ( )

11 ❷ La photographie selon Benjamin
On découvre l'image de Dauthendey, le photographe, père du poète, à l'époque de ses fiançailles avec la femme qu'il trouva un jour, peu après la naissance de son sixième enfant, les veines tranchées dans la chambre à coucher de sa maison de Moscou. On la voit ici à côté de lui, on dirait qu'il la soutient, mais son regard à elle est fixé au-delà de lui, comme aspiré vers des lointains funestes. W. Benjamin, PHP, #2.

12 ❷ La photographie selon Benjamin
Debout dans un costume d’enfant trop étroit et presque humiliant, chargé de passementeries, le garçonnet, âgé d’environ six ans, est placé dans un décor de jardin d’hiver. Des rameaux de palmier se dressent à l’arrière-plan. Et comme pour rendre ces tropiques ca-pitonnés encore plus étouffants, le modèle tient dans sa main gauche un chapeau démesuré à larges bords, comme en portent les Espagnols. Sans doute disparaîtrait-il dans cet arrangement, si les yeux d’une insondable tristesse ne dominaient ce paysage fait pour eux. W. Benjamin, PHP, #4. Franz KAFKA

13 ❷ La photographie selon Benjamin
Le spectateur ressent le besoin irrésistible de chercher dans une telle image la plus petite étincelle de hasard, d'ici et maintenant, grâce à quoi la réalité a pour ainsi dire brûlé de part en part le caractère d'image – le besoin de trouver l'endroit invisible où, dans l'apparence de cette minute depuis longtemps écoulée, niche aujourd'hui encore l'avenir, et si éloquemment que, regardant en arrière, nous pouvons le découvrir. W. Benjamin, PHP, #2.

14 ❷ La photographie selon Benjamin
Une salutaire distance entre l'homme et son environnement. Elle laisse le champ libre au regard politiquement éduqué, devant lequel toute intimité cède la place à l'éclaircissement du détail. W. Benjamin, PHP, #6.

15 ❷ La photographie selon Benjamin Eugène ATGET (1857-1927)
Atget est presque toujours passé à côté des « belles vues et des soi-disant curiosités » – mais pas d'une longue rangée de bottines, ni d'une cour parisienne où s'alignent en rang du matin au soir les charrettes à bras, ni d'une table après le repas, quand la vaisselle n'a pas encore été rangée […]. Pourtant, curieusement, presque toutes ces images sont vides. W. Benjamin, PHP, #6. Place des Carmes Porte d’Asnières

16 ❷ La photographie selon Benjamin Eugène ATGET
On a dit à juste titre qu’il avait photographié ces rues comme on photographie le lieu d’un crime. Le lieu du crime est lui aussi désert. Le cliché qu’on en prend a pour but de relever des indices. Chez Atget, les photographies commencent à devenir des pièces à conviction pour le procès de l’histoire. C’est en cela que réside leur secrète signification politique. W. Benjamin, OA, #7. ❷ La photographie selon Benjamin Eugène ATGET Passy: Rue Berton Passage Bourg l’Abbé

17 ❷ La photographie selon Benjamin August SANDER (1876-1964)
« Menschen des 20. Jahrhunderts » [Les hommes du XXe siècle] Maçon (1928) Pâtissier (1928)

18 August SANDER ❷ La photographie selon Benjamin
Renoncer à la figure humaine représente pour la photographie l'objectif le plus irréalisable. À celui qui l'ignorerait, les meilleurs films russes ont appris que le milieu et le paysage ne se dévoilent que pour celui qui, parmi les photographes, sait les saisir dans leur manifestation anonyme sur un visage. […] August Sander a rassemblé une série de têtes qui ne le cède en rien à la puissante galerie physiognomonique d'un Eisenstein ou d'un Poudovkine. […] Sander commence par les paysans, les hommes attachés à la terre, puis conduit l'observateur à travers toutes les couches et tous les métiers jusqu'aux repré-sentants de la plus haute civilisation et redescend jusqu'aux idiots. […Son] observation est certainement sans préjugés, audacieuse mais aussi tendre – au sens du mot de Goethe : « Il existe une tendre expérience qui s'identifie inté-rieurement à l'objet et devient ainsi une véritable théorie. » W. Benjamin, PHP, #7. Les artistes du cirque. Une famille de paysans.

19 ❷ La photographie selon Benjamin
Elles inquiètent celui qui les contemple. Il sent bien que pour aller vers elles, il doit chercher un chemin. W. Benjamin, OA, #7.

20 ❸ Nuit et Brouillard (1955) d’Alain Resnais

21 3-Le cinéma entre hypnose et réveil
1. Une réception « dans la distraction » 2. Le jeu de l’acteur 3. Kenedi rentre chez lui (2003) et Kenedi se marie (2007) de Želimir ŽILNIK

22 1/ Une réception  dans la distraction : ❶ « Distraction » vs « concentration »
On le voit, c'est au fond toujours la même plainte : les masses cherchent la distraction (Zerstrueung), mais l'art exige la concentration (Sammlung). C'est un lieu commun. Reste à savoir si c'est une position qui apporte quelque chose pour une réflexion sur le film. Il faut y regarder de plus près. L'opposition entre distraction (Zerstrueung) et concentration (Sammlung) permet aussi la formulation suivante : celui qui se concentre devant l'œuvre d'art s'y abîme ; il y pénètre comme ce peintre chinois dont la légende raconte que, contemplant son tableau achevé, il y disparut. Au contraire, la masse distraite engloutit en elle l'œuvre d'art. Les édifices en sont l'expression la plus évidente. L'architecture offre depuis toujours le prototype d'une œuvre d'art dont la réception s'effectue dans la distraction (in der Zerstreung) et collectivement. Les lois de sa réception sont riches d'enseignement. W. Benjamin, OA, #18.

23 1/ Une réception dans la distraction: ❷ perception optique vs perception tactile
Les édifices font l'objet d'une double réception : par l'usage et par la perception. Ou mieux dit : de manière tactile et optique. […] Il n'existe dans l'ordre tactile aucun équivalent de la contemplation dans l'ordre optique. La réception tactile se fait moins par la voie de l'attention que par celle de l'habitude. Cette dernière régit même dans une large mesure la réception optique de l'architecture. Elle consiste beaucoup moins en une attention captivée qu'en une perception passagère. W. Benjamin, OA, #18.

24 1/ Une réception dans la distraction: ❸ Un spectateur « expert »
La réception dans la distraction (in der Zerstreung), […] elle-même symptôme de profonds changements de l'aperception, a trouvé avec le film son véritable instrument d'exercice. Par son effet de choc, le film répond à cette forme de réception. Le film ne fait pas seulement reculer la valeur cultuelle parce qu'il met le public dans une attitude d'expert, mais aussi parce que l'attitude d'expert au cinéma n'exige pas d'attention. Le public est bien un examinateur, mais un examinateur dis-trait. W. Benjamin, OA, #18.

25 2/ Le jeu de l’acteur L’acteur de cinéma ne joue pas devant un public mais devant un appareil. […] Assumer [l’essai] signifie sauvegarder son humanité face à l’appareil. L’intérêt de ce jeu est immense, car c’est devant l’appareil qu’une grande majorité des habitants des villes se trouve dépouillée de son humanité dans les bureaux et les usines durant toute la durée d’une journée de travail. Le soir, ces mêmes masses remplissent les salles de cinéma pour faire l’expérience de la revanche que l’acteur de cinéma prend pour elles, non seulement en affirmant son humanité – ou ce qui leur apparaît tel – face à l’appareil, mais surtout en se servant de celui-ci pour son propre triomphe. W. Benjamin, OA, #10.

26 3/ La « geste » de Kenedi de Želimir ŽILNIK
43 films entre 1967 et 2009 2003 : Kenedi rentre chez lui (Kenedi se vraca kuci) 2005 : Kenedi perdu et retrouvé (Gde je bio Kenedi dve godine) 2007 : Kenedi se marie (Kenedi se zeni)

27 Želimir ŽILNIK: entretiens, conférences, analyses
Livre et DVD: For an Idea – Against the Status Quo: An Analysis and Systematisation of Želimir Žilnik’s Artistic Practice, New Media Center_kuda.org and Playground produkcija, Novi Sad, 2009. Site du cinéaste: Conférence sur la trilogie consacrée à Kenedi, Biennale de Venise, 2011: :