Les amendements humiques
Les amendements humiques 1 - Rappel concernant l’humus Amélioration physique du sol Amélioration des propriétés chimiques du sol 2 - Le bilan humique La minéralisation de l’humus Le coefficient isohumique K1 Les indices ISB et CMB Les apports d’humus Le calcul du bilan humique 3 – Les amendements humiques Les fumiers Utilisation des fumiers Le compostage en tas Le compostage de surface Les lisiers Les composts de sous produits ligneux Les produits commerciaux
1 - Rappels concernant l'humus Les séquences précédentes ont montré le rôle essentiel joué par les matières organiques (MO) du sol, et par l'humus en particulier. -> amélioration des propriétés physiques du sol Les MO participent à la formation de structure grumeleuse en constituant des agrégats de particules lorsque celles-ci sont trop divisées (dans les sols à texture grossière), ou bien en aidant à la rupture des mottes compactes qui peuvent se former en sol à texture fine. La formation d'agrégats résistants permet de renforcer la stabilité structurale du sol et de lutter contre l'érosion et la battance des sols fragiles. L'humus est un colloïde hydrophile qui augmente la capacité de rétention en eau du sol. L'humus se lie aux argiles qu'il protège du lessivage et de la dispersion.
-> amélioration des propriétés chimiques du sol L'humus est un colloïde électronégatif dont le pouvoir absorbant est beaucoup plus élevé que celui de l'argile (300 à 500 meq/100g contre 80 à 150 meq/100 g pour une montmorillonite et 3 à 15 meq/100 g pour une kaolinite). L'humus augmente ainsi la CEC des sols. Pour les mêmes raisons, l'humus améliore le pouvoir tampon du sol. La minéralisation des MO est source d'éléments nutritifs pour les plantes. Si la minéralisation primaire M1 est un processus rapide, de l'ordre de l'année, la minéralisation de l'humus M2 est un phénomène lent 1 à 2 % par an sous climat tempéré (0,5 % en sol très calcaire) ; mais les quantités mises en œuvre étant importantes, les quantités d'éléments nutritifs sont relativement importantes : - ainsi un sol à 2,5 % d'humus peut fournir prés de 90 kg d'azote /ha/an par la seule minéralisation M2.
2 – Le bilan humique L'humus est lentement mais régulièrement détruit. Il est donc indispensable de le renouveler si l'on veut conserver le potentiel de fertilité du sol. -> La minéralisation de l'humus En pratique, le taux de minéralisation de l'humus K2 n'est pas mesuré. On peut toutefois en avoir une estimation en tenant compte du type de sol (Tableau 1 Diapo suivante) et des conditions de culture. Tout ce qui favorise l'activité microbienne — irrigation, travail fréquent du sol, stimulation de l'activité biologique par des apports organiques (engrais verts, engrais organiques …) , culture sous serres — contribue à la destruction d'une partie du stock d'humus. Ainsi, en terrain sableux, un sol maraîcher sous abri chauffé peut perdre annuellement jusqu'à 5% d'humus.
Tableau 1 : taux de minéralisation de l'humus en fonction des sols (d'après J. C. Rémy et A. Marin-Laflèche 1976) Type de sol Argile % Calcaire % pH K2 % sableux neutre sableux acide sableux calcaire limon moyen limon argileux limon calcaire argileux argilo-calcaire 5 15 22 10 38 30 2 7.0 5.0 8.0 7.5 8.1 2.0 1.0 1.7 1.6 1.3 0.9 0.7
-> Le coefficient isohumique K1 Ce coefficient indique la quantité de M.S. d'un produit qui incorporée au sol est susceptible de fournir de l'humus stable (modèle Hénin & Dupuis). Il est dépendant à la fois de la matière première, du type de sol, et des façons culturales. La valeur du K1 d’une matière première est mesurée in situ par analyses sur des périodes relativement longues (en général 3 ans) ; Elle dépend donc étroitement de la nature du sol et de son potentiel biogéologique d’humification. Tableau 2 : Valeurs de K1 de différentes matières premières matière première M.S. en % K1 en % sol non calcaire sol calcaire fumier bien décomposé (6 mois) 20 à 25 50 30 à 50 fumier peu décomposé (2 mois) 22 35 à 40 fumier pailleux 25 20 fumier composté 25 à 40 60 à 75 paille 85 15 8 compost urbain marc de raisin composté 35 30 fumier de champignon dégobeté - 53 à 44 fumier de champignon non dégobeté tourbe 100 engrais vert jeune 10 1
-> les indices ISB et CBM L’ISB (Indice de Stabilité Biochimique) et la CBM (Caractérisation Biochimique de la Matière organique) sont de création récente (M. Linères & J.L. Djakovich 1993 et D. Robin 1997). Leur principe consiste à identifier les différentes fractions de la MO et en déduire la résistance à la biodégradation. Leur domaine d’application concerne plus les nouvelles matières organiques - amendements et engrais - mis sur le marché que les MO d’origine agricole, bien connues quant à leurs caractéristiques et leurs propriétés. L’ISB (comme la CBM) prend en compte la nature des composants organiques ; il permet de classer des MO en fonction de l’origine des matériaux et de mesurer rapidement le rendement global à espérer d’un amendement. Les études récentes mettent en avant les limites de ces indices : ces méthodes reposent implicitement sur une hypothèse d’additivité des constituants, or ceux-ci ne sont pas accolés, mais en interaction étroite, ces interactions pouvant modifier la réactivité des constituants élémentaires. Un autre paramètre à considérer est la granulométrie — plus ou moins fine — du produit qui peut jouer un rôle important au niveau de son évolution dans le sol. Toutefois, on constate une corrélation satisfaisante entre l’ISB et le taux résiduel de MO. L’ISB s’avère donc une mesure pertinente de la stabilité des produits en condition de champ sur le moyen terme.
-> Les apports d'humus Figure 1 : classement de quelques résidus de cultures et amendements organiques (67 échantillons) en fonction de leur ISB mesuré par l’analyse biochimique (M. Lineres 1993) -> Les apports d'humus La principale source d'humus du sol est la matière ligneuse ; ainsi : - l'incorporation de produits animaux (farines de plumes, déchets d'abattoir, …) ne fournira jamais d'humus - le rendement en humus d'un végétal est d'autant plus élevé que ce végétal est riche en lignine. Les engrais verts jeunes fournissent peu d'humus, alors que les pailles ou les composts d'écorce ont un rendement humique élevé. Les restitutions des cultures fournissent des quantités d'humus plus ou moins importantes selon les niveaux de rendement et les types de sol.
-> Le calcul du bilan humique Tableau 3 : fournitures en humus par les restitutions de quelques cultures (d'après Rémy et Marin-Laflèche) -> Le calcul du bilan humique Faire un bilan humique consiste à calculer d'un côté l'humus détruit annuellement, celui qui est produit par les restitutions de culture, et celui qui est fourni par les apports d'amendement organique. En pratique, l'évaluation des fournitures par les restitutions étant difficile, on se limite à compenser les pertes d'humus par les apports organiques et d'effectuer un contrôle régulier de l'évolution du taux de MO par des analyses de sol. L'évolution de ce taux étant très lente, une analyse tous les 5 à 7 ans est suffisante.
Exploitation de polyculture-élevage ; Exemple de calcul : Exploitation de polyculture-élevage ; Sol sablo-limoneux , non calcaire ; Densité apparente (1) 1.4 t/m3) Taux de MO : 2.5 % Profondeur de terre arable (en pratique : profondeur d'enfouissement de la MO) : 25 cm Taux annuel de minéralisation de l'humus (K2) : 2 % Poids d'1 ha de terre : 10 000 0.25 1.4 = 3 500 t Poids d'humus / ha : 3 500 2,5% = 87.5 t Poids d'humus minéralisé : 87.5 2% = 1.75 t Soit 1 750 kg d'humus détruit annuellement dont il faudra compenser la perte. Si pour cela on utilise un fumier de bovin bien décomposé (20% de MS ; K1 = 50%) : il faudrait théoriquement apporter : 1 750 50% = 3 500 kg de MS de fumier, soit 3 500 20% = 17 500 kg ou 17.5 t de fumier par ha et par an pour compenser les pertes par minéralisation et maintenir le taux de MO à 2.5 %. (1): la densité apparente d'un sol est le poids volumique de ce sol. Elle est mesurée en pesant un volume de sol en place et séché. Elle varie avec la structure du sol (porosité plus ou moins forte) et avec la texture (nature et proportions des éléments sableux). La D.a. des sols cultivés varie généralement de 1.3 à 1.5 t/m3.
3 – Les amendements humiques -> Les fumiers On appelle fumier un mélange de pailles et de déjections animales. C'est depuis très longtemps le produit le plus utilisé pour les apports de MO aux sols. Le fumier constitue à la fois : - un amendement : avec, selon les sols, un K1 de l'ordre de 35 à 50 %, c'est une source importante d'humus. - un fertilisant : selon l'origine animale, il apportera des quantités plus ou moins importantes d'éléments minéraux aux plantes (Tableau 4). - un stimulateur de l'activité biologique du sol. Sous le terme fumier se regroupent des produits différents, de composition différente, selon le type d'élevage d'où ils proviennent (espèce animale, alimentation, mode de stabulation, origine des pailles), et selon le mode de stockage. Il est délicat de définir des valeurs standard du fumier selon son origine. Seule l'analyse avant épandage peut fournir des indications fiables. Faute d'analyse, on peut toutefois se référer aux normes repères établies par l'ITCF.
Tableau 4 : Composition de différents fumiers par rapport au produit brut (source ITCF)
-> Utilisation des fumiers Si le fumier est un excellent amendement organique, une mauvaise utilisation de ce produit peut conduire à des effets néfastes pour le sol. Certaines pratiques sont à proscrire, comme l'enfouissement de fumier frais en profondeur : les micro-organismes aérobies ne peuvent se développer, une décomposition anaérobie se produit alors, provoquent des situations d'asphyxie (taches de gley) et de toxicité pour les racines (acides organiques, inhibition de la germination, …). A proscrire également l'épandage après séjour prolongé en petits tas sur la parcelle (pertes importantes d'éléments, répartition hétérogène). Pour une utilisation optimum du fumier, deux méthodes sont à retenir : a) le compostage en tas On peut définir le compostage comme un procédé biologique contrôlé de conversion et de valorisation des substrats organiques, en un produit stabilisé, hygiénique, semblable à un terreau, riche en composés humiques. Cette transformation est en fait une fermentation aérobie, réalisée par des micro-organismes.
Le compostage en tas se caractérise - par une élévation rapide de la température ; celle-ci, combinée à la production d'antibiotiques par les micro-organismes provoquant l'hygiénisation du produit (destruction des graines de mauvaises herbes et d'une partie des pathogènes). - par une réduction du volume et de la masse du tas (près de 50 % en 3 mois) - par une transformation des matières premières : dans un compost "mûr", on ne reconnaît plus les pailles), par l'absence d'odeurs désagréables. Le compostage en tas permet une réorganisation de l'azote et du phosphore, limitant ainsi les pertes. Il favorise aussi l'humification des matières première : un compost mûr de fumier de bovin a un K1 de 70%. La diminution du volume du fumier permet de réduire les quantités à épandre; de même, le compost étant ainsi plus concentré en MS et en éléments minéraux que le fumier brut, cela permet d'apporter des doses plus faibles à l'ha. La pratique du compostage en tas Dans les conditions habituelles, le fumier est mis en andain de section triangulaire ayant une base de 2 à 3 m et une hauteur de 1.50 m à 1.80 m (une hauteur trop élevée provoque un tassement du tas à la base entraînant des pertes d'éléments par les jus, et des conditions anaérobies de fermentation). On effectue un contrôle de la température : la montée en température doit s'effectuer très rapidement (quelques heures) après la confection du tas.
L'oxygène apporté lors de la mise en tas est consommé rapidement par les micro-organismes. Il se renouvelle ensuite grâce à un effet cheminée (Figure 2). Cette circulation de l'air n'est obtenue que si la structure du tas convient; or la décomposition du fumier conduit à un affaissement de l'andain et au colmatage des pores. Il est donc nécessaire de retourner le tas pour relancer le processus. Ce travail de retournement s'effectue avec un épandeur à poste fixe (ce qui demande de la place et du temps), ou grâce à des retourneurs d'andains (matériel assez coûteux). Figure 2 : répartition de la chaleur et effet cheminée dans l'andain de compos
Utilisation du compost Au cours du temps, le compost "mûrit", et cela d'autant plus rapidement qu'il est régulièrement retourné. Ce processus correspond à une stabilisation du carbone et à la production de substances pré-humiques. Selon le type de sol, du taux d'humus, des cultures à développer, on utilisera un compost plus ou moins évolué. Un sol en redressement humique préfèrera un compost "mûr", alors que l'on choisira plutôt un compost "jeune" pour stimuler l'activité biologique du sol. Pour s'assurer de la non-toxicité d'un compost immature vis à vis de plantes on peut effectuer un "test cresson". Généralement, après 3 mois de compostage, on peut enfouir le fumier (voir encadré). Pour en savoir plus : http://www.ouest.cuma.fr/html/agroequip_env/thema/gestion_engrais/compostage_val_agro/compostage_val_agro.htm
b) le compostage de surface Cette technique n'est pas à proprement parler un compostage, mais plutôt un système de fermentation aérobie à basse température. La décomposition de la matière organique se fait en conditions aérobies maxima, mais elle ne s’effectue pas hors sol comme pour le compostage en tas. La méthode consiste à épandre à la surface du sol une couche de fumier frais, et à le laisser se décomposer suivant un temps variable. Il est conseillé de mélanger ce fumier frais aux premiers cm du sol (à l'aide de disques ou de fraises par exemple) pour assurer une décomposition plus rapide, avant enfouissement. L'enfouissement ne s'effectuera pas avant 3 semaines. La technique du compostage de surface permet une stimulation maximale des micro-organismes de la rhizosphère. Cette supériorité peut sembler étonnante au regard des pertes d’azote qu’entraîne cette pratique. Mais celles-ci sont largement compensées par la fixation de l’azote atmosphérique due à la stimulation des bactéries fixatrices. La pratique du compostage de surface, si elle offre un gain de temps par rapport au compostage en tas, ne permet pas le phénomène d'hygiénisation du fumier (mauvaises herbes, pathogènes) produit par le compostage en tas.
Les lisiers On appelle lisier un mélange de déjections animales d'aspect pâteux ou liquide, comportant une grande quantité d'eau. Ce produit est avant tout un fertilisant : en effet, le lisier possède un C/N très faible, et ne contenant pas de produit ligneux il est incapable de produire de l'humus. Les lisiers sont une source de nuisance importante. Ils portent atteinte à l'environnement : - par la pollution des eaux dues à des pratiques inadaptées : ruissellements de surface, infiltration rapide vers les nappes phréatiques, dissémination de germes pathogènes, de métaux lourds, de substances médicamenteuses, - en provoquant une dégradation de la structure des sols (glaçage) à travers des nuisances olfactives très mal ressenties par le voisinage des élevage. Les solutions envisageables concernant le traitement des lisiers : - techniques d'épandage différentes, - désodorisation par enfouissement direct ou par aération mécanique - traitement de type effluents domestiques à forte charge comprenant des boues liquides à éliminer.
Les composts de sous-produits ligneux Ce sont des composts végétaux produits généralement à partir d'écorces ou de "déchets verts" (taille, tonte, élagage de provenance urbaine le plus souvent). Ces composts se caractérisent par un C/N moyen (entre 15 et 25) et un ISB élevé (55 à 80 %). La composition minérale de ces produits est très variable selon l'origine des matériaux (Tableau 5) et généralement peu élevée. Ces produits doivent être compostés avant utilisation, et contenir suffisamment d'azote pour éviter un effet dépressif du sol pendant leur décomposition. Enfin, certains déchets verts peuvent contenir des produits indésirables (terpènes) selon les espèces qui les composent (notamment certains résineux comme les thuyas). Ils doivent alors avoir composté suffisamment longtemps pour assurer la disparition de ces éléments. Tableau 5 : composition minérale de différents composts forestiers en ‰ de la MS (d'après M. MUSTIN) Exemple : 1 t de compost forestier 50% chêne / 50% pin fournit en moyenne 4.1 kg d'azote, 1.2 kg d'anhydride phosphorique, 21 kg d'oxyde de potassium et 5.4 kg d'oxyde de magnésium lors de sa décomposition
Les produits commerciaux On trouve aujourd'hui dans le commerce de nombreux amendements industriels proposés par diverses entreprises. Ces produits sont souvent, pour des raisons évidentes de conservation, sous forme de granulés (environ 85 % de MS) ou bien sous forme de produits fortement stabilisés par le compostage (environ 60% de MS). Les caractéristiques de ces produits sont très différentes tant sur leur valeur fertilisante que sur leur rendement humique. Il est donc nécessaire de les comparer entre eux sur ces critères. Application de la norme NFU 44051 : Les Amendements Organiques sont composés principalement de matières carbonées végétales fermentées ou fermentescibles, destinées à l'entretien ou à la reconstitution de la matière organique stable ou humus du sol. Les éléments N, P2O5, K2O sont exclusivement d’origine organique avec une teneur inférieure à 3% pour chacun Tableau 6 : composition de divers amendements du commerce (Afnor NFU 44051) Pour en savoir plus : http://www.inra.fr/dpenv/lopezc00.htm#que