Cours généraux de la formation « Moniteur Sportif Educateur » Thématique 5 : Éthique et déontologie Module 1 : Le cadre sportif face aux assuétudes Session de formation

Préambule Cette présentation vient en support au syllabus des cours généraux du niveau « moniteur sportif éducateur », thématique 1 « cadre institutionnel et législatif », module 1 « Le cadre sportif face aux assuétudes ». Le syllabus est la référence des matières abordées dans ce module. Les notions abordées dans ce module devront être mises en relation avec les notions vues dans le module CG2_Th1_Mod3_ Lutte contre le dopage : entre prévention et répression (1/2).

Objectif de ce module de formation En bref … Le module aborde la problématique des assuétudes en relation avec le sport.  Première partie : les drogues et le phénomène des addictions dans notre société (culte de la performance, jeunisme, quête d’efficacité et de rapidité, goût de la satisfaction immédiate etc.).  Deuxième partie : la pratique sportive et les addictions (les addictions dans le sport, le sport en tant qu’addiction)  Troisième partie : pistes de réflexion pour agir en prévention Au terme de cette unité de formation, le moniteur sportif éducateur pourra appréhender le phénomène des assuétudes dans sa complexité, avec des éléments lui permettant de construire un dialogue plus serein avec les jeunes.

Plan 1.Les drogues et le phénomène des addictions 1.Qu’est-ce qu’une drogue ? Qu’est-ce que la dépendance? 2.Les effets des drogues 3.Une société dite de consommation 2.La pratique sportive et les drogues 1.L’éthique du sport 2.Le sport, une drogue ou un remède ? 3.Grille de lecture: le modèle des jeux de Caillois (1957) 3.Agir en prévention 1.Déceler: les critères de Goodman (1990) 2.Comprendre: le cycle psychosocial de l’addiction (Morel, 2010) 3.Comment accompagner les jeunes sportifs ?

1. Les drogues et le phénomène des addictions

1. 1. Qu’est-ce qu’une drogue? Une drogue est une substance qui agit sur le cerveau, qui modifie la perception de soi et/ou de son environnement  Il peut s’agir d’un produit ou d’un comportement  La substance existe à l’état naturel ou est synthétisée, elle est légale ou illégale  Chaque culture a « sa » drogue (alcool)  Les représentations varient selon les produits, les époques, les milieux sociaux  Les usages (plutôt que les produits) sont durs ou doux

Qu’est-ce que la dépendance? La dépendance se situe sur un continuum qui va :  de la vie (la dépendance du bébé envers sa mère, la dépendance à l’oxygène) à la mort (l’autodestruction par consommation abusive)  du normal (petites habitudes qui font plaisir) au pathologique (glissement morbide de ces habitudes qui prennent trop de place, mettent en danger la personne)  du manque (le handicap, la grande vieillesse, la maladie) à l’excès (l’abus de produits de consommation) Dépendance physique/dépendance psychique La dépendance est l’incapacité de « faire sans » son objet (qu’il s’agisse de drogue ou non)

La dépendance évoque un état pathologique. Être dépendant est stigmatisé par la société Addiction, étymologiquement, signifie esclavage. Être « addict » est valorisé par la société Assuétude : belgicisme synonyme de dépendance L’expérience de la dépendance n’est pas étrangère à l’expérience de la condition humaine. Nous avons tous l’expérience d’un « désordre » de la volonté Selon Stanton Peele (Love and addiction, NY, Taplinger publishing, 1975), nous sommes dépendants d’une expérience, et non d’une molécule

1.2. Les effets des drogues Les sédatifs (ou dépresseurs)  Ils ont une action apaisante, parfois un effet désinhibiteur : alcool, opiacés (héroïne, codéine,…) tranquillisants, solvants (éther, colle,…), anesthésiants (GHB, kétamine), barbituriques Les stimulants  Ils augmentent l’activité du système nerveux central, diminuent les sensations de faim et de fatigue, donnent une impression de gain en énergie et en capacité d’action, comme la nicotine, la caféine, la cocaïne, les amphétamines ou les antidépresseurs Les perturbateurs  Ils perturbent l’activité du cerveau en modifiant les fonctions perceptives, comme le cannabis, les hallucinogènes (LSD, datura,…). Leurs effets portent sur les perceptions et sur les émotions associées à celles-ci (hallucinations effrayantes, vécus oniriques agréables)

A. Morel (2010), Aide-mémoire en addictologie, Paris, Dunod, p. 37

1. 3. Une société dite de consommation Sommes-nous tous des « drogués »? Il existe une tendance forte à la médicalisation (DSM V):  à considérer que tout problème a sa solution « en pilule »  que tout comportement répétitif, toute passion, est une pathologie « Je consomme, donc je suis »  Augmentation du stress, de la course à la performance, peur de ne pas être à la hauteur A une époque marquée par l’incertitude, nous avons un grand besoin d’assurance, de maîtrise  L’utopie du risque zéro

2. La pratique sportive et les drogues L’idéal de la Grèce antique : « kalos (beau) kagathos (bon) », le corps d’athlète allié à la culture et à la vertu

2.1. L’éthique du sport Éthique du sport : valeurs, respect, persévérance, discipline (vs corruption, violence, aspect mercantile, discrimination) Passage de « l’important, c’est de participer » à « l’important, c’est de gagner » Volonté de « moraliser » le sport La question de la loi, de la responsabilité, du risque, du danger… conduit à un devoir d’aide, d’accompagnement, d’éducation

2.2. Le sport, une drogue ou un remède ? Le sport peut guérir de l’addiction et être une addiction Une exigence de performance, « être le meilleur »  Le cannabis, l’alcool et/ou le tabac peuvent réduire l’anxiété  La drogue, comme le sport, fait temporairement disparaître les souffrances corporelles ou sociales La recherche d’un corps « parfait » (anabolisants) Le goût du risque, l’importance de « se dépasser », de mettre son corps à l’épreuve Effet de groupe, la « troisième mi-temps », l’alcool symbole de fête, de virilité

Le sport qui guérit (sur le site du Soir, 13/07/15) Le Taï Chi Chuan, art martial chinois, est idéal pour apprendre à maîtriser ses émotions. Les sports collectifs favorisent la socialisation, les arts martiaux favorisent le travail sur soi-même, les sports explosifs canalisent l’énergie de ceux qui réagissent violemment dans la vie quotidienne (boxe, activités de sprint, natation, cyclisme).

2.3. Grille de lecture Le modèle des jeux de Caillois (1957) : 4 impulsions primaires:  La compétition (être le plus rapide, endurant, habile …)  Le simulacre (jouer un rôle, faire comme si, se sentir fort)  La chance (gagner n’est jamais garanti)  Le vertige (goût du risque, perte de contrôle, vitesse)  Comme le sport, les drogues donnent un sentiment de puissance, l’impression d’être vraiment soi-même Deux impulsions secondaires : le jeu gamin et le jeu stratégique (qui accepte les souffrances, comme dans l’entraînement de haut niveau) Le modèle vaut pour le sport, le poker, le jeu vidéo, etc.

3. La prévention Le mot « prévention » comporte en lui-même un élément de menace Prévenir la population de l’arrivée d’un cyclone n’est pas de la prévention, améliorer l’habitat ou les constructions est de la prévention. Elle demande du temps, de l’anticipation Nous l’envisageons sous trois angles: l’inquiétude (déceler), la compréhension (identifier les motivations), l’accompagnement (favoriser le développement de la personne)

3.1. Les critères de Goodman (1/2) Quand faut-il s’inquiéter? Comment repérer une conduite problématique? Impossibilité de résister à l’impulsion de s’engager Tension croissante avant de s’engager Plaisir lorsqu’on s’engage dans le comportement Sentiment de perte de contrôle dans le comportement

Les critères de Goodman (2/2) Au moins 5 éléments parmi les suivants:  Préoccupations fréquentes pour le comportement ou les préparatifs  Fréquence plus grande, durée plus longue que prévue  Efforts répétés pour réduire, contrôler ou arrêter le cpt  Temps de préparation considérable  Réalisation du cpt à la place de ses activités habituelles  Abandon des autres sphères de vie quotidienne  Poursuite du cpt même en sachant que c’est mauvais  Besoin d’augmenter le rythme, l’intensité  Agitation, irritabilité si le cpt ne peut se faire

A. Morel (2010), Aide-mémoire en addictologie, Paris, Dunod, p Comprendre les addictions

3.3. Comment accompagner les jeunes sportifs ? L’éducation préventive se fonde sur quatre piliers:  La norme : mettre du cadre – sanctionner – contrôler – rappeler la loi  Le savoir : informer des risques et dangers – apporter des connaissances (littérature scientifique)  L’orientation : – soigner les problèmes, faire appel à un réseau  L’esprit critique : Responsabiliser –- émanciper – favoriser un équilibre entre ce qui est transmis par les adultes (« l’héritage du passé ») et les échanges entre pairs (« les interactions du présent »)

Synthèse La société favorise et stigmatise les comportements de dépendance Le sport améliore le bien-être mais, paradoxalement, peut contrarier ce bien-être En accompagnant les jeunes dans les questions et difficultés qui se posent à eux, en énonçant les interdits, en développant l’estime de soi et en autorisant l’esprit critique, les éducateurs aident les jeunes à grandir