SEMINAIRE DE FORMATION CONTINUE : LES INFECTIONS RESPIRATOIRES Prise en charge de l’adulte immunocompétent avec une pneumonie aiguë Quels examens microbiologiques demander ? Dans quelles circonstances ? Pr. M Maurin Laboratoire de bactériologie-virologie CHU de Grenoble
Pneumonie aiguë communautaire Définition: infection des alvéoles et bronchioles pulmonaires, due à des bactéries, des virus, des parasites ou des mycètes Rmq: la pneumonie est la seule infection respiratoire aiguë pour laquelle un retard de l’antibiothérapie a été associé à un risque plus élevé de mortalité
Étiologies des pneumonies en fonction du lieu de traitement File T.M. Community-acquired pneumonia. The Lancet 2003; 362: AmbulatoireHôpitalSoins Intensifs S. pneumoniaeS. pneumoniaeS. pneumoniae M. pneumoniaeM. pneumoniaeLegionella sp. H. influenzaeC. pneumoniaeH. influenzae C. pneumoniaeH. influenzaBGN Virus *Legionella sp.S. aureus PNO aspiration virus * * Influenza A et B, adénovirus, VRS, parainfluenza
Étiologies des pneumonies nécessitant une hospitalisation File T.M. Community-acquired pneumonia. The Lancet 2003; 362: séries Virus*1-23% Bactéries pyogènes % -Streptococcus pneumoniae11-48% -Haemophilus influenzae2.7-11% -Staphylococcus aureus1.4-5% -Moraxella catarrhalis0-3% -Entérobactéries1-11% -Pseudomonas0-2% * Influenza, adénovirus, VRS, parainfluenza
Étiologies des pneumonies nécessitant une hospitalisation File T.M. Community-acquired pneumonia. The Lancet 2003; 362: séries Bactéries intracellulaires (« atypiques ») % -Mycoplasma pneumoniae % -Chlamydophila pneumoniae0-16.3% -Legionella0-8% -Chlamydophila psittaci0-1% -Coxiella burnetii 0-1% Mycobacterium tuberculosis % Pneumocystis sp.0-8% Infections mixtes2-11%
Épidémiologie des agents de pneumonies communautaires Flore humaine endogène : -Virus : transmission inter-humaine, par voie aérienne -S. pneumoniae, H. influenzae, M. catarrhalis : bactéries commensales de l’oro-pharynx -Staphylococcus aureus : portage rhino-pharyngé ~30% de la population -Entérobactéries : bactéries commensales du tube digestif bas -M. pneumoniae, C. pneumoniae : portage oro-pharyngé, transmission inter-humaine par la salive
Épidémiologie des agents de pneumonies communautaires Flore environnementale : -Pseudomonas : réservoir hydrique, aérosols -Legionella : réservoir hydrique, aérosols -Pneumocystis sp.: réservoir environnemental mal connu Zoonoses : -Chlamydophila psittaci : psittacidés (perruches, perroquets), aérosols -Coxiella burnetii : animaux domestiques et familiers, aérosols (lait non pasteurisé) Mycobacterium tuberculosis : pathogène strictement humain, transmission inter-humaine par voie aérienne
Quand et pourquoi demander une documentation microbiologique au cours d’une pneumonie ? Quand ? -pneumonie grave, nécessitant une hospitalisation -pneumonie sur terrain particulier (BPCO, cardiopathie, immunosuppression, …) -contexte épidémiologique particulier (épidémie) Pourquoi ? -évaluation du pronostic -adaptation du traitement antibiotique -intérêt épidémiologique
Documentation microbiologique: Hémoculture sensibilité faible positives dans ~10% des cas de pneumonies communautaires positives dans 10 à 30% des pneumonies à S. pneumoniae mais spécificité de 100% si germe isolé responsable de PNO seul examen permettant d’affirmer une étiologie +++
Documentation microbiologique: culture du liquide pleural Rarement pratiquée à titre diagnostique sensibilité faible : < 10% mais spécificité bonne si germe isolé responsable de PNO Car prélèvement considéré comme non souillé
Documentation microbiologique: culture de l’expectoration Prélèvementseuil (cfu/ml) crachats> 10 7 aspiration bronchique> 10 5 lavage broncho-alvéolaire> 10 4 brossage bronchique> 10 3 biopsie pulmonairenon Technique examen direct: PNN, micro-organismes +++ culture adaptée à une flore polymicrobienne quantification de la flore pathogène cultures spécifiques : Legionella, Mycobacterium, M. pneumoniae, C. pneumoniae, Virus
Documentation microbiologique: culture de Legionella rarement visible au Gram +++ culture en milieu spécifique: BCYE- fer, L-cystéine, charbon délai : 3 à 7 jours sensibilité < 50% ~20% des cas diagnostiqués en Europe spécificité = 100% identification d’espèce et de sérogroupe typage moléculaire (AFLP, PFGE, MLST)
Documentation microbiologique: culture M. pneumoniae et C. pneumoniae Bactéries non visibles au Gram +++ culture en milieux spécifiques: M. pneumoniae : milieu SP4 C. pneumoniae: cellules eucaryotes (BGMK, Hep-2) Culture lente : 3 à 4 semaines ou plus sensibilité < 10% spécificité = 100% Cultures rarement pratiquées en routine
Documentation microbiologique: culture de M. tuberculosis Coloration de Ziehl Neelsen culture en milieu solide : Lowenstein Jensen, délai : 3 à 4 semaines culture en milieu liquide : Middlebrook, délai de jours sensibilité ~80% sur expectorations spécificité = 100% Identification du groupe tuberculosis par sonde moléculaire en 24h
Documentation microbiologique: culture de l’expectoration Intérêts: importance de l’examen direct +++ isolement d’un germe permet un antibiogramme Intérêt épidémiologique (SPRP) Limites: faible sensibilité (bactéries fragiles) très faible spécificité +++ flore pathogène / commensale bactéries et virus difficilement ou non cultivables quantification très approximative
Documentation microbiologique: antigène urinaire Legionella pneumophila sg1 détection spécifique des antigènes de L. pneumophila sg 1 ELISA, tests immuno-chromatographiques sur membrane (ex. Now TM Legionella, coût ~22 ) urines concentrées, délai : ¼ h à 2 h, mais sensibilité 10% sensibilité : 70 à >90% pour L. p sg 1, 14 à 65% pour L. p sg 2-15 < 10% pour L. non pneum. spécificité : 99 % faux négatifs et faux positifs rares
333 cas prouvés par isolement d’une souche sg 1 = 281(88.6%), sg 2-15= 48, non typables = 4 Infections communautaires (n=148) Infections nosocomiales (n=67) Infections liées aux voyages (n=118) Sensibilité du Binax EIA 86.5 %44.2 %93.7 % Sensibilité du Biotest EIA 76.0 %45.7 %94.4 % Helbig J.H. J. Clin. Microbiol. 2003; 41: Antigène urinaire Lp1: communautaire versus nosocomial
Antigène urinaire Lp1 : durée d’excrétion 61 patients avec pneumonie et antigénurie à L. pneumophila suivi de l’antigénurie sur urines concentrées (x 25) test négatif à 2 mois pour 75% des patients persistance si immunosuppression, ou fièvre après 72h de traitement Sopena N. Eur. J. Clin. Microbiol. Infect. Dis. 2002; 21: 845-8
Documentation microbiologique: antigène urinaire S. pneumoniae recherche d’antigènes de S. pneumoniae excrétés dans les urines test immuno-chromatographique sur membrane (ICT) détecte le polysaccharide C donc « tous les sérotypes » facile et rapide (~15 min) peu influencé par une antibiothérapie préalable Coût ~ 22.0 (hémoculture aérobie ~ 1.4 ) Test Binax Now S. pneumoniae
Dominguez J. Chest 2001 ; 119 :243-9 Patients Hôpital Universitaire Germans Trias i Pujol, (Barcelone, Espagne) groupe 1 : 51 patients avec pneumonie à pneumocoque certaine - 28 isolement de S. pneumoniae en hémoculture (~ 55%) -23 détection d’Ag capsulaire polysaccharidique dans les urines par CIE groupe 2 : 16 patients avec pneumonie à pneumocoque probable : gram et/ou culture sur expectorations positifs à pneumocoque groupe 3 : 71 patients contrôles - 28 pneumonies d’étiologie autre que pneumocoque - 12 bactériémies d’étiologie autre que pneumocoque - 31 infections urinaires groupe 4 : 16 patients présentant une pneumonie d’étiologie inconnue Documentation microbiologique: antigène urinaire S. pneumoniae
Résultats Test urinaire Binax Now Pneumo positif chez : - 41/51 patients avec pneumonie à S. pn. certaine : sensibilité = 80.4% soit 23/28 (82.1%) bactériémiques soit 18/23 (78.3%) non bactériémiques - 7/16 patients avec pneumonie à pneumocoque probable (43.7%) - 2/71 (2.9%) contrôles soit une spécificité de 97.1% (pneumonie à L. pneumophila, et septicémie à B. fragilis) - 11 sérotypes différents détectés chez les 24 patients bactériémiques (pas de spécificité de sérotype)
Guttierez F. Clin Infect Dis 2003 ; 36 : Patients Hôpital Général Universitaire de Elx (Alicante, Espagne) octobre 1999 à octobre 2001, score de Fine 493 patients adultes admis pour pneumonie communautaire antibiothérapie préalable chez 114 / 493 (23%) des patients Tests - 2 hémocultures, ECBC - urines pour Binax Now Legionella et S. pneumoniae (x 25 à 50 fois) - 2 sérums (Legionella, Coxiella, C. pneumoniae, C. psittaci, M. pneumoniae, Influenza A et B, Parainfluenza, VRS, Adénovirus) Documentation microbiologique: antigène urinaire S. pneumoniae
Analyse des résultats prévalence du pneumocoque dans la population étudiée : 27 / 493 = 5% des CAP, 13.9% des cas documentés évaluation du test Binax S. pneumoniae / cas documentés Sensibilité = 70.4 %, VPP = 54.3% Spécificité = 89.7%, VPN = 94.6% Guttierez F. Clin Infect Dis 2003 ; 36 : Critères de diagnostic étiologique - hémoculture ou culture de liquide pleural positives - isolement en flore prédominante dans un ECBC de bonne qualité - multiplication par 4 au moins des titres sérologiques
Documentation microbiologique: les sérologies des pneumonies « atypiques » 1 sérum unique = diagnostic possible 2 sérums, phase aiguë puis convalescence (après 3-4 semaines) = diagnostic certain diagnostic rétrospectif +++ Sensibilité faible Spécificité bonne : peu de réactions croisées aux seuils définis Intérêt limité pour la prise en charge immédiate des patients Test de référence dans toute étude étiologique de pneumonies Plouffe J.F. Importance of atypical pathogens of community-acquired pneumonia. Clin. Infect. Dis. 2000; 31suppl.2:35-39
Documentation microbiologique: les sérologies des pneumonies « atypiques » M. pneumoniae : RFCp, ELISA, IgM et IgG - infection certaine : x 4 des titres ou séroconversion - infection aiguë si présence IgM ? - infection probable: titre > seuil (RFCp > 64) C. pneumoniae : IFA, ELISA, IgM et IgG - infection certaine : x 4 des titres ou séroconversion - infection aiguë si présence IgM ? - infection probable : IgG > 512 ou IgM > 16 Legionella spp. : IFA, (Lp sg 1-6) x 4 des titres et > 128 ou titre unique > 256 C. burnetii : IFA (antigènes phase II) x 4 des titres et IgG > 200 ou IgM > 50 ou IgG > 200 Plouffe J.F. Importance of atypical pathogens of community-acquired pneumonia. Clin. Infect. Dis. 2000; 31suppl.2:35-39
Intérêt d’un diagnostic microbiologique extensif au cours des CAP 262 patients, dec nov. 2000, âge moyen = 64 ans Hémocultures, culture liq. pleural, culture crachats, Ag. urin. Legionella et S. pneumoniae, sérologies (intracellulaires, virus) Étiologie identifiée pour 158 / 262 (60%) patients : S. pneumoniae (37%), M. pneumoniae (9%), H. influenzae (7%), L. pneumophila (5%), etc. Étiologie mixte (17, 6%) : bactérie + atypique ou bactérie + virus Rendement diagnostique pour les cas documentés : –Gram positif 40/44 adéquats (91%)- sérologies 34/262 (13%) –Culture crachat 36/44 (82%)- Ag pneumo / urines 52/262 (20%) –Hémoculture 40/254 (16%)- Ag Legionella / urines 12/262 (5%) –Culture LBA/brossage bronchique 32/64 (50%) Van der Eerden. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 2005; 24:
Documentation microbiologique: techniques d’amplification génique PCR, PCR en temps réel prélèvements respiratoires, sérum, urines, etc. gènes cibles : spécifiques de chaque pathogène sensibilité analytique < 10 ufc/ml intérêt / viabilité bactérienne, antibiothérapie préalable délai : 4 à 6 heures +++
Documentation microbiologique: techniques d’amplification génique sensibilité très variable en fonction du pathogène et du type de prélèvement considéré spécificité : en général > 98% faux négatifs : inhibiteurs de la Taq polymérase faux positifs : Pas de différentiation flore commensale / pathogène (ex. S. pneumoniae, H. influenzae, BGN) ADN contaminant (ex. L. pneumophila et Kits d’extraction ADN !)
Documentation microbiologique: amplification S. pneumoniae 129 patients avec pneumonie communautaire –Hémoculture positive à S. pneumoniae: 11/112 testées –Culture expectoration positive à S. pneumoniae: 19/114 testées –99 non S. pneumoniae, dont 43 avec autre étiologie identifiée Real time PCR : seuil de positivité à 3.7 x 10 4 copies de génomes / ml expectoration (défini par courbe ROC) À ce seuil : –Sensibilité = 90%- VPP = 58.7% –Spécificité = 80%- VPN = 96.2% VPP faible, mais sensibilité de la culture faible ! Pb du choix de la méthode standard, Pb du portage ! Yang S. J. Clin. Microbiol. 2005; 43:
Documentation microbiologique: amplification C. pneumoniae 22 C. pneumoniae, 29 espèces contrôles : sensibilité et spécificité de 100% 50 pvmts respiratoires (épidémie à C. pneumoniae 1994) TETR-PCR versus nested-PCR contrôle 16 TETR-PCR et nested-PCR pos 28 TETR-PCR et nested-PCR neg 6 discordances, dont 2 faux positifs en TETR-PCR Sensibilité = 90%,Spécificité = 93.3% Pb du choix de la méthode standard, Pb du portage ! Madico G. J. Clin. Microbiol. 2000; 38:
Documentation microbiologique: amplification M. pneumoniae M. pneumoniae, M. fermentans, M. hominis, M. genitalium, M. orale, M. buccale, M. salivarium, M. pirum, M. arthritidis, U. urealyticum et 12 espèces contrôles : sensibilité et spécificité de 100% 117 pvmts respiratoires (LBA, BA, asp. nasales) 100 PCR M. pneumoniae négatives 17 PCR M. pneumoniae positives 16S rRNA real time NASBA versus PCR contrôle Sensibilité 94.1% rt NASBA / PCR, Spécificité = 100% Pb du choix de la méthode standard, Pb du portage ! Loens K. J. Clin. Microbiol. 2003; 41:
Documentation microbiologique: amplification L. pneumophila 23S-5S Real time PCR, Cible: région intergénique 23S-5S Sondes d’hybridation Legionella spp. ou L. pneumophila Sensibilité, spécificité = 100% sur 40 souches de Legionella 17 patients avec légionellose (culture, antigène urinaire, séroconversion) versus 23 contrôles: autres causes de pneumonie Sensibilité = 94%, spécificité = 100% Pas de portage asymptomatique ?! Herpers B.L. J. Clin. Microbiol. 2003; 41: Possibilité de différentier L. pneumophila des autres espèces du genre
Documentation microbiologique: PCR multiplex : Chlamylege ® (Argene Inc.) Ginevra C. J. Clin. Microbiol. 2005; 43: PCR multiplex : M. pneumoniae, C. pneumoniae, Legionella Étude de souches : Contrôles pos : 9 Mp, 65 Lp 1-15, 38 Leg. non pneumophila Contrôles neg : 6 Candida, 2 champignons, 16 bactéries Sensibilité et spécificité analytiques = 100% 30 pvmts respiratoires chez 18 patients infectés par un des trois pathogènes, sensibilité = 100% 220 aspirations nasopharyngées, enfants, hiver Chlamylege / rt PCR « maison » : 98.6% de concordance 4 C. pneumoniae et 6 M. pneumoniae pour les 2 tests + 2 M. pneumoniae et 1 Legionella sp. pour le Chlamylege 116 négatifs (86 asp nas, 28 asp endotr): spécificité=100%
Documentation microbiologique: rt PCR multiplex : Pneumoplex ® (Prodesse Inc.) rt PCR (sondes à hydrolyse) L. pneumophila L. micdadei Chlamydophila pneumoniae Mycoplasma pneumoniae Bordetella pertussis Khanna M. J. Clin. Microbiol. 2005; 43: 125 LBA testés : 100 artificiellement contaminés soit 20 LBA x 5 pathogènes 25 contrôles négatifs Sensibilité = 100 % Spécificité = 98.5 %
Documentation microbiologique: quel bilan ? ~ 5-10% de l’ensemble des pneumonies communautaires sont documentées ~ 60% des pneumonies communautaires nécessitant une hospitalisation sont documentées S. pneumoniae demeure le 1er pathogène en fréquence S. pneumoniae et L. pneumophila sont les pathogènes les plus redoutables en terme de mortalité Apport du diagnostic microbiologique à la prise en charge initiale des pneumonies: Gram de l’expectoration, hémocultures, antigène urinaire L. pneumophila sg1, PCR et rt PCR ?