Le Roman Français Contemporain Autobiographie, autofiction, roman du Je Dott.ssa Roberta Sapino A.a Séance 3
« L'histoire de ma vie n'existe pas. Ça n'existe pas. Il n'y a jamais de centre. Pas de chemin, pas de ligne. Il y a de vastes endroits où l'on fait croire qu'il y avait quelqu'un, ce n'est pas vrai il n'y avait personne. » (M. Duras, L’ Amant, 1984)
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Autobiographie ? Non, c’est un privilège réservé aux importants de ce monde, au soir de leur vie, et dans un beau style. Fiction, d’événements et de faits strictement réels; si l’on veut autofiction, d’avoir confié le langage d’une aventure à l’aventure du langage, hors sagesse et hors syntaxe du roman, traditionnel ou nouveau. (S. Doubrovsky, Fils, 1977)
J’ai inscrit « roman » en sous-titre sur la couverture, fondant ainsi un pacte romanesque par attestation de fictivité, simplement parce que je m’y suis trouvé contraint, malgré l’insistance inlassable de la référence historique et personnelle. […] Non seulement auteur et personnage ont la même identité, mais le narrateur également : en bonne et scrupuleuse autobiographie, tous les faits et gestes du récit sont littéralement tirés de ma propre vie ; lieux et dates ont été maniaquement vérifiés. (S.Doubrovsky,«Autobiographie /vérité/psychanalyse », 1980)
Pour n’importe quel écrivain, mais peut- être moins consciemment que pour l’auteur autobiographe (il s’est passé par l’analyse), le mouvement et la forme même de la scription sont la seule inscription de soi possible. La vrai « trace » indélébile et arbitraire, à la fois entièrement fabriquée et authentiquement fidèle. Par un paradoxe qui n’en est pas un, l’originalité de l’écriture est l’unique garantie d’origine. (S. Doubrovsky, Parcours Critique, 1980)
Eux, ils fonçaient, bille, bombe en tête. Eux, ils avaient leurs noms sur l’affiche. Moi, j’ai mon nom sur mes livres. Ecrire ne m’a jamais délivré. Je n’ai jamais été libéré. Les mots ne sont pas des actes. Même imprimés, ce sont des paroles en l’air. Ces pensées-là, lorsqu’une occasion les ressuscite, si on les réveille, elles battent en moi comme une houle que rien n’apaise, une fièvre qui ne peut pas retomber. Cette guerre pas faite, je n’arrête pas de la refaire. JE SUIS REFAIT. […]. A l’époque, je n’avais pas voix au chapitre. Maintenant, j’emplis des chapitres de ma voix. Je vocifère en vain, fureurs inutiles. Le passé, on peut le raconter, l’écrire. On ne peut pas le récrire. (S. Doubrovsky, Le livre brisé, 1989)
Une autofiction est une œuvre littéraire par laquelle un écrivain s’invente une personnalité et une existence, tout en conservant son identité réelle (son véritable nom). (V. Colonna, L’autofiction. Mémoire de doctorat, 1989)
Définition: Nous appelons autobiographie le récit rétrospectif en prose que quelqu’un a fait de sa propre existence, quand il met l’accent principal sur sa vie individuelle, en particulier sur l’histoire de sa personnalité. (Ph. Lejeune, L’autobiographie en France, 1971)
Cette définition met en jeu des éléments qui appartiennent à trois catégories différentes: 1.La forme du langage: a)Récit; b)En prose. 2. Le sujet traité: vie personnelle, histoire d’une personnalité. 3. La situation de l’auteur: a)Identité de l’auteur, du narrateur et du personnage; b)Perspective rétrospective du récit. Est une autobiographie toute œuvre qui remplit à la fois les conditions indiquées pour chacune des catégories. (Ph. Lejeune, L’autobiographie en France, 1971)
Je parle de moi à la façon de l’acteur brechtien qui doit distancier son personnage: le « montrer », non l’incarner, et donner à son débit comme une chiquenaude dont l’effet est de décoller le pronom de son nom, l’image de son support, l’imaginaire de son miroir (Brecht recommandait à l’acteur de penser tout son rôle à la troisième personne). (R. Barthes, Roland Barthes par Roland Barthes, 1975)
Tout procède pour moi d’une poétique de l’empreinte – dont le principe se trouve exposé au cœur de L’Enfant éternel – et qui détermine une importance fondamentale accordée à l’image, elle-même considérée comme trace, signature, marque du réel. D’où le caractère épiphanique du roman vrai qui recueille les images par lesquelles se manifeste l’expérience du réel et qui les arrange dans l’espace du livre en assurant de l’une à l’autre la circulation signifiante du récit. (Ph. Forest, Le roman le réel et autres essais, 2007)
Considérée comme pure empreinte l’image ne dit rien. On pourrait même aller jusqu’à dire qu’elle ne représente rien. Elle témoigne du trou ouvert dans le tissu des phénomènes par l’expérience vide du réel. Il faut le roman pour ne pas abandonner les images à la solitude de leur statut de signes vides et créer donc l’espace où la parole puisse perpétuellement se reprendre et, dans la fidélité au réel dont elle procède, produire sans fin la possibilité d’une même histoire vivante. Le roman parle les images. (Ph. Forest, Le roman le réel et autres essais, 2007)
Tout se passe comme si le mot « autofiction » était un catalyseur. Ou une particule traceuse, dont la trajectoire révèle les lignes de force d’un champ, avant de s’évanouir. Peut-être n’existe-t-il pas vraiment de « genre » qui corresponde à ce mot, mais dans le sillage de son passage nos problèmes s’éclairent, nos différences s’expriment. (S. Doubrovsky, Autofiction & Cie, 1993)