Les recommandations 2015 de l’ESC sur les endocardites infectieuses Professeur Abdoul Kane
Définition Greffe d’un microorganisme (bactérie ou levure) sur un endocarde sain ou le plus souvent lésé. Localisation: valves, prothèses valvulaires, endocarde, cardiopathie congénitale, sonde de pace maker ou de DAI.
Endocardite Affection grave (complications hémodynamiques, thrombo-emboliques, infectieuses, décès) Traitement curatif difficile (antibiothérapie prolongée à fortes doses, traitement de la cardiopathie, chirurgie ~ 50%) Intérêt de la prévention (nouveau paradigme depuis quelques années)
Pourquoi une mise à jour des recommandations ? Publications de nouvelles études randomisées (notamment sur la chirurgie) Développement de l’imagerie (surtout cardiologie nucléaire) Accent particulier sur l’«Endocardite Team»
Agrégation plaquettaire Pathogénie Endocardite subaigue Jet Lésion endocarde Lésion de jet Endocardite infectieuse Agrégation plaquettaire Endocardite abactérienne Colonisation microbienne Bactériémie
(toxicomanie IV, cathéter) Localisation cardiaque Pathogénie Endocardite mitrale Endocardite aigue Germe virulent Inoculation directe (toxicomanie IV, cathéter) Localisation cardiaque Endocardite Bactériémie
Quand évoquer une endocardite ? Fièvre associé à un souffle de régurgitation d’apparition récente Affection fébrile avec cardiopathie préexistante à risque, sans autre foyer infectieux évident
Quand évoquer une endocardite ? Fièvre associée à l’une des situations suivantes : Intervention récente avec risque de bactériémie Signes d’insuffisance cardiaque Trouble conductif récent Phénomène vasculaire ou immunologique (complication embolique, tâche de Roth, érythème de Janeway, nodule d’Osler…) AVC récent Abcès périphérique (rénal, splénique, cérébral, vertébral)
Expression polymorphe Diagnostic souvent difficile Sujets âgés Immuno-déprimés Prothèses Cardiopathies congénitales Suspicion ++ Investigations complémentaires ++
L’endocardite une fièvre (90%) chez un cardiaque (85% de souffle)… … et des signes extra-cardiaques
L’endocardite : une hémoculture positive et des végétations à l’échographie Végétation mitrale
Echographie : un rôle clé A réaliser le plus tôt possible (idéalement dans les 24 heures) Echographie trans-thoracique d’abord (sensibilité de 70% à 80%) puis ETO (sensibilité de 90% à 100%) ETO si prothèse ou matériel intra-cardiaque ++
Echographie : un rôle clé ETO si ETT positive (sauf en cas d’endocardite du cœur droit) Si examen initial négatif, répéter l’ETT ou l’ETO après 5-7 jours si persistance de la suspicion Refaire l’ETT si apparition d’un nouveau souffle, embolie, fièvre persistante, Bloc, abcès, insuffisance cardiaque
Echographie : un rôle clé Devant toute bactériémie à Staphylococcus aureus ou « Candidaemie » (fréquence, gravité, indication de la chirurgie) → réaliser une échographie dans la semaine où le traitement a été initié ou dans les 24 heures en cas de signe faisant évoquer l’endocardite ETT à réaliser après antibiothérapie pour évaluer la morphologie et la fonction myocardique et valvulaire
Autres techniques d’imagerie Scanner Coroscann comme alternative de la coronarographie (risque hémodynamique et embolique accru) Abcès, pseudo-anévrisme, fsitule : diagnostic, pronostic Recherche d’une pathologie pulmonaire dans l’endocardite du cœur droit (infarctus, abcès…) Etude anatomique pré-opératoire dans l’EI aortique Evaluation des prothèses valvulaires Complications cérébrales, abcès spléniques…
Autres techniques d’imagerie IRM Diagnostic des atteintes cérébrales Interéssant dans le diagnostic d’endocardite chez les sujets sans symptômes d’appel cérébraux avec diagnostic non encore confirmé Médecine nucléaire Diagnostic des embolies périphériques et des métastases infectieuses (limites : atteintes cérébrales) Renforce la performance diagnostique dans les formes non confirmées Intérêt dans le suivi de l’antibiothérapie
Hémoculture : la pierre angulaire Asepsie cutanée rigoureuse pour limiter le risque de contamination Endocardite sub aigue : 3 échantillons d’hémocultures , ≥ 30 min d’intervalle (moments différents pour identifier la bactériémie, éviter voie centrale), aérobie, anaérobie … Choc septique ou sepsis sévère : 2 échantillons à 1 heure d’intervalle
Hémoculture : la pierre angulaire Endocardite : Bactériémie persistante Ne pas attendre les pics fébriles pour faire les hémocultures 1 seule hémoculture positive : méfiance
Hémoculture que faire si patient déjà sous antibiothérapie? Avant le diagnostic d’EI : Stop pendant 7 à 10 jours, délai requis pour que les hémoculture soient positives Diagnostic d’EI déjà posé : Refaire les hémocultures après 48 – 72 heures (efficacité du traitement)
Avoir des approches spéciales pour des causes rares d’endocardites à hémoculture négative
Les critères de Duke … oui mais ne se substituent pas au jugement clinique (outil de recherche au départ, spécifique, modérément sensible) Pris à défaut si : Endocardite sur prothèse, pace maker, DAI (écho non contributive dans 30%) ou du cœur droit
Critères de DUKE modifié 2015 Critères majeurs Hémocultures positives sur 2 prélèvements différents Echocardiographie positive végétations ou abcès ou apparition récente d’une déhiscence de prothèse ou apparition ou aggravation récente d’une régurgitation valvulaire. PET-Scan positif (activité autour d’une prothèse) Scanner : Lésion para-valvulaire L
Critères de DUKE modifié 2015 Critères mineurs Facteurs prédisposants (cardiopathie préexistante, toxicomanie intraveineuse) Fièvre (≥ 38°C) Phénomènes vasculaires : embolie artérielle, infarctus pulmonaire septique, anévrisme mycotique, hémorragie intracrânienne, hémorragies conjonctivales, érythème de Janeway Phénomènes immunologiques : glomérulonéphrite, nodule d’Osler, tâche de Roth, facteur rhumatoïde Critères microbiologiques : hémocultures positives hors critère majeur, sérologie positive.
Critères diagnostiques Diagnostic certain Critères pathologiques Germe isolé par culture ou étude histologique d’une végétation ou d’un abcès Critères cliniques 2 critères majeurs ou 1 critère majeur et 3 critères mineurs ou 5 critères mineurs Diagnostic possible 1 critère majeur et 1 critère mineur ou 3 critères mineurs Diagnostic rejeté Existence d’une alternative au diagnostic d’endocardite ou Guérison durable après une antibiothérapie ≤ 4 jours
Diagnostic : résumé L’échocardiographie, les hémocultures et les données cliniques : pierre angulaire du diagnostic de l’endocardite infectieuse Si hémoculture negative : envisage d’autres études microbiologiques La sensibilité des critères de Duke peut être amélioré par les nouvelles techniques d’imagerie (IRM, CT-scan, PET/Scan)
Pronostic Le prognostic peut être évalué en utilisant des critères cliniques, échographiques et bactériologiques simples Si hémocultures positives après 48-72 heures d’antibiothérapie : pronostic mauvais
Facteurs pronostiques Caractéristiques du patient Microorganismes Complications Sujet âgé Endocardite sur prothèse Diabète type 1 Comorbidités Critères échographiques
Facteurs pronostiques Caractéristiques du patient Microorganismes Complications Staph Aureus EI fungiques Gram – (hors HACEK) Critères échographiques
Facteurs pronostiques Caractéristiques du patient Microorganismes Complications Insuffisance cardiaque Insuffisance rénale AVC Choc septique Critères échographiques
Facteurs pronostiques Caractéristiques du patient Microorganismes Complications Critères échographiques Complications périannulaires Fuites mitrales ou aortiques sévères FEVG basse HTAP sévère Grosses végétations Dysfonction sévère de prothèse Refermeture mitrale précoce, autres critères élévation PTDVG
Facteurs pronostiques Caractéristiques du patient Microorganismes Complications Sujet âgé Endocardite sur prothèse Diabète type 1 Comorbidités Staph Aureus EI fungiques Gram – (hors HACEK) Insuffisance cardiaque Insuffisance rénale AVC Choc septique Critères échographiques Complications périannulaires Fuites mitrales ou aortiques sévères FEVG basse HTAP sévère Grosses végétations Dysfonction sévère de prothèse Refermeture mitrale précoce, autres critères élévation PTDVG
Facteurs associés à la récidive Antibiothérapie initiale inadaptée, Germes résistants, Foyers infectieux persistant, Drogues IV, Dialyse
Critères pour une antibiothérapie parentérale en ambulatoire (OPAT)
Indications de la chirurgie cardiaque Hémodynamiques Infectieuses Emboliques
Indications de la chirurgie cardiaque en urgence Grade/Niveau EI mitrale ou aortique sur valve native ou prothèse, Fuite aigue et sévère, obstruction ou fistule créant un OAP ou un choc cardiogénique IB
Indications de la chirurgie cardiaque Degré d’urgence Grade/ Niveau EI mitrale ou aortique sur valve native ou prothèse, fuite sévère ou obstruction avec insuffisance cardiaque ou des signes écho de mauvaise tolérance Relativement urgente IB Infection locale mal contrôlée (abcès, faux anévrisme, fistule, augmentation de taille de la végétation) Hémocultures positives malgré antibiothérapie et contrôle foyers septiques métastatiques IIaB EI mitrale ou aortique sur valve native ou prothèse, avec végétation > 10 mm et antécédent embolique malgré antibiothérapie adaptée EI mitrale ou aortique sur valve native, végétation > 10 mm, fuite ou sténose sévère, risque opératoire faible EI mitrale ou aortique sur valve native ou prothèse isolée avec une végétation de très grande taille (> 30 mm) EI mitrale ou aortique sur valve native ou prothèse isolée avec une végétation de grande taille (> 15 mm), sans autre indication de la chirurgie IIbC
Indications de la chirurgie cardiaque Degré d’urgence Grade/ Niveau Infection fungique ou à germe multirésistant Relativement urgente/ Elective IC Endocardite sur prothèse par Staph et non HACEK Gram - IIaC
Endocardite sur pace maker Situation difficile, signes trompeurs (sujets âgés ++), mauvais pronostic (sujet âgé, co-morbidités) Traitement : Antibiothérapie, extraction du matériel
Prévention De nouvelles recommandations qui s’affranchissent de certains mythes … Antibioprophylaxie à réserver aux sujets à haut risque
Prévention Importance des mesures d’hygiène surtout cutanées ou bucco-dentaires Emergence des endocardites à staphylocoques et des causes nosocomiales : intérêt des mesures non spécifiques
Les dents ont beau rire, le cœur sait la blessure qu’il porte Porte d’entrée bucco-dentaire Les dents ont beau rire, le cœur sait la blessure qu’il porte
Quel est le risque réel d’un geste dans la sphère bucco-dentaire ? Degré de bactériémie moindre pour un geste bucco-dentaire que pour les activités quotidiennes (brossage des dents, mastication) (104 CFU) Bactériémie plus importante en cas de mauvais état bucco-dentaire
Activités quotidiennes > 5 millions d’extractions 2 brossages de dents par jour pendant 1 an 164 000 extractions dentaires Bactériémie Activités quotidiennes pendant un an > 5 millions d’extractions dentaires Bactériémie
Faible niveau de preuves avec plusieurs études négatives Impact des soins dentaires dans la survenue des endocardites infectieuses dans la population générale Faible niveau de preuves avec plusieurs études négatives 1 cas d’endocardite infectieuse prévenue pour … 150 Mille gestes avec antibiothérapie 46 Mille sans antibiothérapie
Rationnel des nouvelles recommandations EI plus lié aux activités quotidiennes qu’aux gestes bucco-dentaires La prophylaxie même si elle était efficace à 100% ne préviendrait qu’un faible nombre d’EI (peu ou pas de preuves scientifiques de l’efficacité chez l’homme) Risques d’effets secondaires liés à l’antibiothérapie (allergie, résistances …)
Rationnel des nouvelles recommandations Controverse persiste sur l’antibioprophylaxie Faut-il tout simplement l’abandonner ? L’ESC la maintient pour 3 raisons Doute sur l’évaluation du risque Mauvais pronostic chez les sujets à haut risque (surtout si prothèse) Sujets à haut risque peu nombreux (donc moindre impact négatif de l’antibiothérapie)
Que retenir pour la pratique
Mesures visant à réduire le risque d’endocardite infectieuse Hygiène bucco-dentaire et cutanée strict. Surveillance dentaire/6 mois en cas de haut risque. Annuel pour les autres Désinfection des outils Eradication des foyers infectieux : peau, urine Antibiothérapie curative pour toute infection bactérienne Eviter l’automédication aux antibiotiques Contrôle strict de l’infection pour toute procédure à risque Eviter le percing et les tatouages Limiter si possible les voies veineuses et procédures invasives. Préférer les voies périphériques aux voies centrales. Remplacer les cathéters périphériques tous les 3-4 jours. Prendre soins des cathéters posés.
Quand proposer une antibioprophylaxie ? Chez les sujets à haut risque Grade/Niveau Prothèse valvulaire (incluant TAVI ou autre matériel prothétique) IIa Antécédent d’endocardite Cardiopathie congénitale (cyanogène, matériel prothétique chirurgical ou per-cutanée, pendant 6 moins ou au long cours en cas de shunt résiduel)
Quel geste nécessite une antibioprophylaxie ? Manipulation du tissu gingival ou de la région péri-apicale des dents ou effraction de la muqueuse orale
Quel geste (ne) nécessite (pas) une antibioprophylaxie ? Pas d’antibioprophylaxie pour les procédures ORL, respiratoires (bronchoscopie, laryngoscopies, intubation oro-trachéale, …..), digestives, uro-génitales (fibroscopie, coloscopie, cystoscopie, césarienne…) ou cutanées Ou les autres procédures dentaires (anesthésies zones non infectées, traitement de caries superficielles….)
Recommandations sur l’antibioprophylaxie Grade/Niveau Il est indiqué de rechercher un portage nasal de Staphylocoque Aureus avant une chirurgie cardiaque IA Antibioprophylaxie recommandée avant mise en place d’un pace maker ou d’un DAI IB Attendre au moins 2 semaines après traitement d’un foyer infectieux avant une procédure intra-cardiaque ou intra-vasculaire IIaC Antibioprophylaxie indiquée avant mise en place d’une prothèse mécanique valvulaire par voie chirurgicale ou transcutanée, d’un matériel endo-vasculaire ou d’autres corps étrangers
Comment conduire l’antibioprophylaxie ? Situation Antibiotique Adultes (30-60 min avant l’acte) Enfants Absence d’allergie à la Pénicilline ou à l’Ampicilline Amoxicilline ou Amicilline 2 gr per os ou IV 50 mg/kg per os ou IV Allergie à la Pénicilline ou à l’Ampicilline Clindamycine 600 mg per os ou IV 20 mg/kg per os ou IV
Endocarditis Team : Pourquoi ? Tableau polymorphe : manifestations cardiaques, neurologiques, rhumatologiques, infectieux Plusieurs spécialistes impliquées : bactériologistes, cardiologues, chirurgiens, échographistes, radiologues… Réduction de la mortalité
Conclusion Affections fréquentes Diagnostic : clinique , échographie, microbiologie, place de l’imagerie Traitement : antibiothérapie, rôle clé de la chirurgie Prévention : privilégier l’hygiène bucco-dentaire, réserver l‘antibioprophyaxie aux situations à très haut risque
Merci