L’assujettissement au statut social des travailleurs indépendants des mandataires de société Copyright Me BEUSCART & Me WATTIEZ – Avocats associés Grand Chemin 154 à 7531 TOURNAI (Belgique) Tél. : / Fax. : +3269/
1. LE CADRE GENERAL DE L’ASSUJETTISSEMENT A LA SECURITE SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS
Arrêté royal n°38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants Article 3, §1, al 1 : « Le présent arrêté entend par travailleur indépendant toute personne physique, qui exerce en Belgique une activité professionnelle en raison de laquelle elle n'est pas engagée dans les liens d'un contrat de louage de travail ou d'un statut. » : L’activité doit être exercée en Belgique L’activité exercée doit être professionnelle L’activité ne peut être exercée dans les liens d’un contrat de travail ou d’un statut
L’activité doit être exercée en Belgique : Critère de territorialité de l’activité, indépendamment de la nationalité ou du lieu de résidence Principe directeur de la réglementation européenne : principe d’unicité de la législation applicable → lex loci laboris (‘Etat du lieu de travail’)
L’activité exercée doit être professionnelle : ‘Activité’ : sont donc exclus les associés non actifs d’une société commerciale. Sont par contre concernés les associés actifs, c-à-d ceux qui, au sein de la société, exercent une activité en vue de faire fructifier le capital qui leur appartient en partie (Cass., 26 janvier 1987, Pas., I, p.609) ‘Activité exercée dans un but de lucre’ : indépendamment de la production, effective ou pas, de revenus ‘Activité exercée de manière habituelle’ : existence d’un ensemble d’opérations liées entre elles, répétées et accompagnées de démarches en vue de cette répétition
L’activité ne peut être exercée dans les liens d’un contrat de travail ou d’un statut : Cet élément négatif de la définition a pour conséquence de regrouper dans ce régime les titulaires de professions aussi diverses que celles de commerçants, agriculteurs, artisans, professions libérales, administrateurs de société, prostituées (Cour du Travail de Liège, 9 mars 1978, JTT, 1979, p.280), diseuses de bonne aventure (Cour du Travail de Gand, sect. Bruges, 23 juin 1987, RDS, 1988, p. 131) *** A la suite de cette définition, l’AR n°38 édicte diverses présomptions relatives à l’exercice d’une activité de travailleur indépendant dont une présomption d’assujettissement liée à la qualité de mandataire de société.
2. LA SITUATION ANTERIEURE AU 1 er JUILLET 2014
A.Les textes applicables B.Le caractère simple des présomptions admis par la jurisprudence C.Le renversement des présomptions
A. Les textes applicables (avant le 1 er juillet 2014) Art. 2 de l’AR du 19 décembre 1967 portant règlement général en exécution de l’AR n°38 : « L’exercice d’un mandat dans une association, ou une société de droit ou de fait qui se livre à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif est, de manière irréfragable, présumé constituer l’exercice d’une activité entraînant l’assujettissement au statut social des travailleurs indépendants. » Art. 3, §1, al. 4, de l’AR n°38 : « Les personnes désignées comme mandataires dans une société ou association assujettie à l’impôt belge des sociétés ou à l’impôt belge des non-résidents sont présumées, de manière irréfragable, exercer, en Belgique, une activité professionnelle en tant que travailleur indépendant. »
B. Le caractère simple des présomptions admis par la jurisprudence Remise en question du caractère irréfragable de ces présomptions, notamment : → arrêt de la Cour Constitutionnelle du 3 novembre 2004 : La présomption d’assujettissement au statut social des indépendants des mandataires qui gèrent en Belgique une société assujettie à l’impôt belge des sociétés ou des non-résidents viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu’elle est irréfragable, Le caractère général et absolu de cette présomption est disproportionné à l’égard de ces mandataires puisqu’il les empêche d’établir la cessation de leur activité autrement qu’en démissionnant de leur mandat.
→ arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne du 27 septembre 2012 ‘Partena c/ Les Tartes de Chaumont-Gistoux’ : Le droit de l’Union « s’oppose à une réglementation nationale telle que celle au principal dans la mesure où elle permet à un Etat membre de réputer, de manière irréfragable, comme étant exercée sur son territoire, une activité de gestion, à partir d’un autre membre, d’une société soumise à l’impôt dans ce premier Etat ». → application par la majorité des juridictions de fond des enseignements tirés de l’arrêt du 3 novembre 2004 et de l’arrêt Partena de la Cour de Justice : Caractère simple des présomptions à tout le moins à l’égard des mandataires qui gèrent en Belgique une société belge et des mandataires qui prétendent gérer une société belge depuis un autre Etat membre en ce qui concerne la condition portant sur la localisation de l’activité en Belgique,
C. Le renversement des présomptions Révision par l’INASTI de sa position (note du 24 juin 2013) suite aux décisions de la Cour Constitutionnelle et de la Cour de Justice de l’Union Européenne Eléments permettant ou non le renversement des présomptions sur base de la jurisprudence des juridictions du travail Eléments permettant ou non le renversement des présomptions sur base de la jurisprudence des juridictions du travail : Le mandataire est autorisé à prouver qu’il n’exerce pas son activité de mandataire en Belgique Le mandataire peut démontrer qu’il n’exerce pas d’activité Le mandataire d’une société en Belgique peut démontrer que cette activité n’est pas professionnelle parce qu’elle n’a pas de caractère habituel Le mandataire d’une société en Belgique peut démontrer que cette activité n’est pas professionnelle à défaut de but de lucre mais la gratuité doit être démontrée en droit et en fait
3. LA SITUATION POSTÉRIEURE AU 1 er JUILLET 2014
A.Les nouveaux textes B.Le caractère simple des présomptions consacré légalement C.Le renversement des présomptions
A.Les nouveaux textes Double présomption instaurée par la loi du 25 avril 2014 portant des dispositions diverses en matière de sécurité sociale : Une présomption d’assujettissement : « Sous réserve de l’application des articles 5bis et 13, §3, les personnes qui sont désignées comme mandataires dans une association ou une société de droit ou de fait qui se livre à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif, ou qui, sans être désignées, exercent un mandat dans une telle association ou société, sont présumées, de manière réfragable, exercer une activité professionnelle de travailleur indépendant. » Une présomption de localisation de l’activité en Belgique : « L’activité professionnelle de travailleur indépendant, comme mandataire au sein d’une association ou une société assujettie à l’impôt belge des sociétés ou à l’impôt belge des non-résidents, est présumée, de manière réfragable, avoir lieu en Belgique. »
B. Le caractère simple des présomptions consacré légalement Primauté du critère sociologique sur le ‘critère du mandat’ Travaux préparatoires de la loi du 25 avril 2014 : « Les présomptions d’assujettissement des mandataires de société […] doivent […] être mises en concordance avec la jurisprudence européenne et nationale ».
C. Le renversement des présomptions Le nouvel article 3, § 2, de l'arrêté royal no 38 habilite le Roi à « déterminer la manière dont les présomptions visées au paragraphe 1er, alinéas 4 et 5, peuvent être renversées ». À l'heure actuelle, le Roi n'a fait usage de cette habilitation qu'en ce qui concerne la première présomption, en introduisant à l'article 2 de l'arrêté royal d'exécution du 19 décembre 1967 la disposition suivante : « § 1er. Les mandataires visés à l'article 3, § 1er, alinéa 4, de l'arrêté royal no 38, peuvent apporter la preuve de la gratuité de leur mandat : 1° par une disposition statutaire ou à défaut, 2° par une décision de l'organe compétent pour fixer les rémunérations des mandataires. (,,,)
§ 2. La disposition statutaire ou la décision, visée au paragraphe 1er, peut produire ses effets au plus tôt à partir du douzième mois qui précède : 1° soit le mois au cours duquel la disposition statutaire ou la décision est publiée dans les annexes du Moniteur belge ; 2° soit le mois au cours duquel la disposition statutaire ou la décision est communiquée à la caisse d'assurances sociales à laquelle le mandataire est affilié ou, à défaut d'affiliation, à l'Institut national. § 3. La preuve de la gratuité du mandat ne peut pas être admise lorsque des revenus visés à l'article 30, 2o, du Code des impôts sur les revenus 1992, découlent du mandat ou lorsque l'association ou la société, visée à l'article 3, § 1er, alinéa 4, de l'arrêté royal no 38, verse des cotisations ou des primes pour la constitution d'une pension complémentaire du mandataire ».
Le mandataire peut également renverser la présomption de l’exercice d’une activité professionnelle de travailleur indépendant sur base des autres critères sociologiques, Ces autres critères sociologiques peuvent notamment être l’exercice effectif et habituel de l’activité.
CONCLUSIONS
Le mandataire d'une société commerciale belge peut démontrer qu'il n'exerce pas d'activité professionnelle de travailleur indépendant ou qu'il n'exerce pas cette activité en Belgique. Les nouvelles dispositions réglementaires et la jurisprudence existante en la matière sont très utiles pour appréhender les éléments qui peuvent ou non être invoqués devant les cours et tribunaux belges, en vue d'apporter une telle preuve.
Bien que le caractère réfragable des présomptions ait été confirmé, ce qui était nécessaire au regard des principes de non- discrimination et des règles européennes en matière d'assujettissement à la sécurité sociale, il faut admettre que le renversement des présomptions n'est quant à lui... pas simple. La gratuité du mandat doit être prouvée en droit et en fait. Et n'a-t-il pas été jugé, notamment, que le seul fait d'être à tout moment susceptible de devoir contrôler et/ou représenter la société en qualité de mandataire, suffit pour donner à l'activité du mandataire un caractère régulier et habituel ? Ou encore, que la seule présence à des assemblées générales de la société au siège de celle-ci, même occasionnelle, suffit à établir l'activité du mandataire en Belgique ?