Hémostase L'hémostase est le mécanisme amenant à l'arrêt du saignement lorsqu'un vaisseau a été blessé. Lorsqu'un vaisseau sanguin est blessé, diverses étapes se mettent en place. La vasoconstriction est une réponse immédiate à la lésion d'un vaisseau. Cela correspond à la "constriction" (contraction) du vaisseau sanguin, le spasme vasculaire diminue le diamètre du vaisseau et ralentit le saignement. La vasoconstriction dure 15 à 60 secondes et a pour effet de ralentir la circulation sanguine au niveau du vaisseau déchiré et de permettre aux réactions suivantes d'être pleinement efficaces.
L'hémostase primaire se produit : les plaquettes se lient au collagène des parois vasculaires exposées pour former un amas, le clou plaquettaire de Hayem (Georges Hayem); l'agrégation plaquettaire provoque l'adhésion des plaquettes entre elles L' hémostase secondaire ou coagulation se produit. La phase préparatoire de la coagulation est déclenchée par le contact d'une protéine plasmatique, le facteur XII ou facteur Hageman avec les tissus. La coagulation implique une cascade complexe de facteurs de coagulation, ce qui débouche au bout du compte en la transformation du fibrinogène, une protéine du sang, en fibrine polymérisée, ce qui crée un caillot. Ce processus dure 3 à 6 minutes après rupture du vaisseau
L'hémostase comporte 3 temps : - le temps pariétal : composé du temps vasculaire et du temps plaquettaire. - le temps plasmatique. - le temps thrombodynamique.
1. Le temps pariétal - Le temps vasculaire Vasoconstriction du vaisseau, afin de diminuer le flux sanguin au niveau de la lésion. - Le temps plaquettaire - adhésion plaquettaire : les plaquettes adhèrent aux fibres de collagènes du tissu conjonctif afin d'obstruer la brèche. - agrégation plaquettaire : formation d'un caillot formé essentiellement de plaquettes qui obstrue la brèche du vaisseau et arrête le saignement, c'est le clou plaquettaire.
2. Le temps plasmatique le temps plasmatique est constitué par les phénomènes de coagulation et aboutit à la formation d'un thrombus (caillot de fibrines) qui bloque le sang. la coagulation est due à la fibrine. La fibrine résulte de la transformation d'une protéine, le fibrinogène. Cette transformation se fait sous l'influence de la thrombine, ferment provenant de la transformation de la prothrombine par la thromboplastine. La coagulation comporte donc 3 étapes : la thromboplastinoformation : aboutit à l'élaboration de la thromboplastine. ne peut avoir lieu qu'en présence de calcium. résulte de l'interaction de facteur : facteur XII, XI, X, IX, VIII, V, III. la thrombinoformation : transformation de la prothrombine en thrombine sous l'action de la thromboplastine : la prothrombine est synthétisée par les cellules du foie en présence de vitamine K. réaction accéléré par des activateurs : facteur VII, V. la fibrinoformation : c'est la transformation du fibrinogène en un réseau de filament de fibrine.
3. Le temps thrombodynamique Après coagulation du sang, se produisent 2 phénomènes : la rétraction du caillot : le caillot se rétracte et laisse exsuder du sérum. - la dissolution du caillot : elle est due à l'action d'une enzyme plasmatique qui dissout la fibrine, c'est la fibrinolyse.
Risque lié au maintien du traitement par agents antiplaquettaires (AAP) La poursuite du traitement par AAP avant une intervention chirurgicale permet d’assurer la prévention du risque thromboembolique associé à la pathologie cardiovasculaire. En contrepartie, cette attitude thérapeutique majore le risque de saignement per et postopératoire. L’aspirine est le seul AAP dont l’effet sur le saignement périopératoire en odontostomatologie a été étudié. L’augmentation du risque de saignement associé au maintien du traitement par AAP est très mal évaluée que ce soit en terme de fréquence ou de gravité.
Les complications hémorragiques postopératoires peuvent être subdivisées en deux groupes en fonction de leur gravité : les hémorragies sévères avec engagement du pronostic fonctionnel et/ou vital et les hémorragies mineures. Les hémorragies sévères regroupent les saignements postopératoires importants et les hématomes actifs et expansifs des espaces profonds (plancher buccal, loge submandibulaire et loge latéropharyngée) qui nécessitent une hospitalisation.
Conduite pratique : modalités de prise en charge périopératoire du patient sous AAP lors de soins dentaires ou d’une intervention de chirurgie, parodontale ou implantaire. Évaluation du risque opératoire: L’évaluation préopératoire du patient doit être globale. Ses objectifs sont : – de rechercher et d’identifier, en dehors du maintien du traitement par AAP, les facteurs susceptibles de potentialiser le saignement ; – d’évaluer le risque médical ; – d’apprécier le degré d’autonomie et de coopération du patient.
Période postopératoire la période postopératoire représente une des étapes importantes de la prise en charge des patients sous AAP. Elle ne doit pas être négligée. Elle comporte une surveillance, des conseils postopératoires et des consignes précises sur la conduite à tenir lors d’un saignement postopératoire. Traitement curatif des complications hémorragiques postopératoires Le traitement curatif d’une hémorragie postopératoire repose essentiellement sur une reprise chirurgicale de l’hémostase locale et une surveillance clinique. En cas d’échec de la reprise de l’hémostase locale ou d’atteinte de l’état physique du patient, un transfert en milieu hospitalier est recommandé. Un bilan d’hémostase est prescrit pour éliminer une cause systémique non dépistée (affections hépatiques, troubles de la coagulation…).
Enfin, le contrôle du risque hémorragique, ne doit pas faire oublier au praticien les autres risques opératoires. Un interrogatoire médical approfondi et un examen clinique sont indispensables. L’avis du médecin généraliste ou du spécialiste (cardiologue, neurologue…) est fortement recommandé pour l’évaluation précise du risque cardiovasculaire. En fonction de la nature de l’acte envisagé (soins dentaires, intervention chirurgicale) et de la sévérité de la pathologie cardiovasculaire (complication ischémique récente, troubles du rythme et/ou insuffisance cardiaque associés), le praticien décide ou non de l’utilité ou non d’intervenir en milieu hospitalier.
Le choc hémorragique traumatique : principes de prise en charge L'état de choc hémorragique associe une chute brutale de la volémie à une anémie aiguë. Ce double mécanisme altère la perfusion tissulaire et compromet les échanges gazeux et énergétiques au niveau cellulaire. Il aboutit à une souffrance viscérale diffuse. L’état de choc hémorragique est fréquent en traumatologie. Son pronostic, fonction de l’intensité de la spoliation sanguine et de sa durée, est directement dépendant de la rapidité de la prise en charge.
En préhospitalier, l’impossibilité de pouvoir assurer l’hémostase, de disposer de produits sanguins et d’être capable de transporter rapidement la victime, explique en partie la fréquence des décès à ce stade initial de l’intervention. Les objectifs thérapeutiques L’objectif médical de la prise en charge est d’éviter l’évolution vers la défaillance multiviscérale en intervenant sur trois objectifs plus ou moins intriqués: l’arrêt du saignement, le maintien de la volémie et l’amélioration du transport d’oxygène.
Obtenir l’hémostase : Il n’existe pas de petit saignement que l’on doive négliger. Si l’hémostase ne peut être obtenue en préhospitalier, elle relève alors du chirurgien. Tout doit alors être mis en œuvre pour assurer le transfert le plus rapide possible vers une structure chirurgicale adaptée. Il existe néanmoins certains cas où elle devra être recherchée à tout prix. C’est le cas par exemple des plaies très hémorragiques du cuir chevelu (points de suture à visée hémostatique, agrafes…) et des amputations ou délabrement de membres (pansement compressif, garrot).
Maintenir la volémie : Le maintien de la volémie est un problème crucial qu’il faut résoudre dès la phase initiale de la prise en charge en raison du risque de désamorçage brutal de la pompe cardiaque . Le remplissage vasculaire est primordial. Il ne doit plus être réalisé dans le but d’obtenir la meilleure tension artérielle possible mais en fonction « d’objectifs tensionnels » prédéterminés. En effet, une augmentation de la pression sanguine par remplissage excessif avant de pouvoir réaliser une hémostase correcte peut être délétère car elle augmente la vitesse et l’abondance de l’hémorragie, déloge mécaniquement le clou plaquettaire, dilue les facteurs de coagulation et aggrave l’hypothermie . Si l’hémostase ne peut être réalisée sur place, il faut limiter les apports liquidiens et se donner des objectifs tensionnels systoliques modestes en rapport avec le concept « d’hypotension permissive ».
Les produits disponibles sont les cristalloïdes (Ringer Lactate® ou sérum salé isotonique à 0,9%) et les colloïdes (hydroxy-éthyl-amidons et gélatines). Deux méta-analyses anglo-saxonnes (4-5) mettent en évidence un avantage des cristalloïdes par rapport aux colloïdes sur la mortalité (4%) chez les patients polytraumatisés. Le sérum salé hypertonique (SHT) à 7,5% semble voir ses indications mieux précisées. Son intérêt est lié à son pouvoir d’expansion volémique puisque 250 ml de SHT équivalent à 2000 ml de sérum salé isotonique mais avec pour conséquence une élévation de la natrémie jusqu’à environ 160 meq.l-1 et de l’osmolarité jusqu’à environ 390 mosmol.l-1. L’effet est transitoire, mais peut être prolongé par l’adjonction de colloïdes, prolongeant ainsi l’effet volémique (RescueFlow®, NaCl à 7,5 % avec dextran 70 à 6%, spécialité récemment commercialisée en France en flacon à dose unique de 250 ml). Expérimentalement, le SHT aurait un effet immuno-modulateur inhibant l’adhésion des cellules neutrophiles sur les cellules endothéliales avec une baisse des troubles de la perméabilité capillaire. Cet effet serait de nature à limiter la réaction inflammatoire et en particulier le syndrome de détresse respiratoire aigüe (SDRA).
La voie veineuse utilisée doit pouvoir être mise en place très rapidement et privilégier le haut débit (cathéter court, de gros diamètre). Devant l’impossibilité de mettre en place une voie veineuse périphérique, l’alternative sera la voie fémorale. Les voies jugulaires internes et sous clavières sont plus difficiles et plus longues à mettre en place. Elles sont même considérées comme dangereuses. La voie intra-osseuse reste une voie d’exception chez l’adulte. Il s’agit d’une voie de sauvetage qui permettra d’administrer des vasopresseurs
Le pantalon anti-choc se situe entre hémostase et remplissage Le pantalon anti-choc se situe entre hémostase et remplissage. Si ses effets sur le remplissage sont modestes et peuvent être estimés entre 500 et 800 ml, son action sur l’hémostase est importante (véritable clampage aortique sous diaphragmatique) s’il est utilisé à des pressions de gonflage élevées (80 mmHg au niveau des membres et 60 mmHg au niveau de l’abdomen). Son usage impose une ventilation mécanique et une sédation. Ses principales indications sont représentées par les hémorragies intra-abdominales, les hémorragies artérielles ou veineuses des membres inférieurs par grandes lacérations, les hémorragies rétro péritonéales et les fractures complexes du bassin.
L’utilisation des vasopresseurs est de plus en plus préconisée pour atteindre les objectifs tensionnels fixés en évitant le remplissage excessif. Une meilleure connaissance de la physiologie du choc hémorragique a mis en évidence une composante vasoplégique lors de la phase de décompensation, expliquant l’intérêt des vasopresseurs et le bénéfice que l’on peut retirer de leur usage précoce avec une amélioration de la morbidité, en particulier chez le traumatisé crânien en choc hypovolémique.
La stratégie thérapeutique La stratégie d’emploi et la mise en œuvre de ces moyens repose sur une dynamique dépendant à la fois du patient et de sa réponse aux différentes thérapeutiques. Choc hémorragique à hémostase contrôlée : S’il s’agit d’un choc hémorragique dans lequel l’hémostase est totalement contrôlée, la restauration d’un état hémodynamique satisfaisant doit être l’objectif principal afin d’assurer la meilleure perfusion tissulaire. Choc hémorragique secondaire à des lésions pénétrantes : il faut limiter les apports en solutés, utiliser éventuellement les vasopresseurs, voir le pantalon anti-choc pour éviter le désamorçage cardiaque en se fixant des objectifs tensionnels modestes (hypotension permissive à 80 mmHg ) et mettre en route une logistique qui assure le transport du patient le plus rapidement possible, non vers le déchocage, mais directement au bloc opératoire où toute l’équipe médico-chirurgicale doit être prête à le recevoir.
Choc hémorragique secondaire à un traumatisme fermé : c’est souvent le cas en traumatologie routière. L’administration des fluides est réalisée par des épreuves de remplissage successives, véritables « titration du remplissage », en réévaluant l’état hémodynamique à chaque palier à la recherche de signes d’amélioration (réduction de la tachycardie, élévation tensionnelle).
Conclusion La prise en charge d’un choc hémorragique répond à une stratégie précise qui doit gérer le facteur temps car la survie du patient est directement liée au temps qui s’écoule entre l’hémorragie et le geste d’hémostase. La prise en charge médicale ne doit donc pas retarder l’évacuation mais se poursuivre durant celle-ci. Au « scoop and run » du concept américain doit se substituer le concept français « agir en courant » («work and run»). Cela impose une coordination éprouvée de l’ensemble des moyens mis en œuvre, qu’ils soient médicaux, logistiques et surtout de communication avec des entraînements réguliers de toute la chaîne médicale tendue du lieu de l’accident à l’hôpital d’accueil ainsi qu’une analyse a posteriori de toutes les interventions pour une vraie démarche d’assurance qualité.