INTRODUCTION Le code de l’enfant, adopté le 23 janvier 2015 par le parlement béninois et réintroduit à l’Assemblée Nationale pour mise en conformité avec la constitution, a été élaboré avec la participation de tous les acteurs.

Il a le mérite de rassembler dans un document unique, toutes les dispositions légales de protection des droits de l’enfant et d’harmoniser la législation nationale avec les grands principes universellement reconnus par la Convention relative aux Droits de l’Enfant et les autres instruments juridiques internationaux auxquels le Bénin a adhéré

L’aperçu que nous vous présentons est axé sur les points suivants: 1-les objectifs de la loi 2-Le contenu de la loi 3-Les grandes innovations de la loi 4-Les défis de la mise en œuvre 5-La conclusion

I-OBJECTIFS DU CODE Le législateur a retenu cinq objectifs qui, à notre modeste appréciation, tiennent compte non seulement des normes modernes mais aussi des réalités béninoises:

Garantir à l’enfant le droit de bénéficier de différentes mesures à caractère administratif, social, judiciaire, sanitaire et autre, visant à le protéger de toutes formes d’abandon, de négligence, d’exploitation et d’atteinte physique, morale, psychique et sexuelle;

Diffuser et promouvoir la culture des droits et devoirs de l’enfant et en faire connaitre à celui-ci les particularités intrinsèques en vue de garantir l’épanouissement intégral de de sa personnalité et de le préparer à ses futures responsabilités citoyennes;

Faire participer l’enfant à tout ce qui le concerne par des moyens appropriés, susceptibles de l’aider à acquérir les vertus du travail, de l’initiative et de l’effort personnel;

Cultiver en lui les valeurs de solidarité, de paix et de respect mutuel afin de l’amener à prendre conscience de l’indissociabilité de ses droits et devoirs par rapport à ceux du reste de la communauté;

Renforcer la responsabilité des parents, de la famille et de l’ensemble de la communauté à l’égard de l’enfant.

II-CONTENU DU CODE La loi portant code de l’enfant Béninois comporte 409 articles répartis en sept titres

1ère partie DISPOSITIONS GENERALES (Art.1 à 44) La première partie consacre un certain nombre de définitions retenues par le législateur. Trois principes généraux sont identifiés à savoir: la non-discrimination, la notion de l’intérêt supérieur de l’enfant et la prise en compte de son opinion. De même, les droits( à la vie, à l’identité, à la liberté de pensée et d’expression, à l’information etc.) et devoirs de l’enfant (obéir à ses parents, aller à l’école, respecter les lois du pays, etc.)

2ème partie DU STATUT ET DE L’ETAT CIVIL DE L’ENFANT (Art.45 à 111) Cette partie est relative à la filiation de l’enfant à travers la procréation naturelle, l’assistance médicale à la procréation et par l’adoption. A travers ce code la question de l’adoption nationale et internationale est enfin réglée. Il est prévu l’existence d’une autorité centrale pour s’occuper des questions de l’adoption internationale.

3ème partie DU DEVELOPPEMENT DE L’ENFANT (Art.112 à 128) Cette partie instaure la gratuité scolaire et obligatoire de la maternelle à la fin du cycle primaire. Elle interdit le décrochage scolaire et met l’accent sur la formation, l’organisation ,l’épanouissement et la discipline sans recours aux châtiments corporels.

4ème partie PROTECTION SOCIALE DE L’ENFANT (Art.129 à 228) Elle énumère les institutions de protection de l’enfant. Elle confie ainsi aux parents le rôle de premiers responsables de l’enfant; l’Etat n’intervenant qu’en second lieu. Elle traite de la protection sociale avant, pendant et après la naissance de l’enfant et règle la question du travail des enfants, fixant ainsi la majorité professionnelle à 14 ans. Le code interdit d’utiliser les enfants pour la vente.

5ème partie PROTECTION JUDICIAIRE DE L’ENFANT (Art.229 à 323) Cette partie énumère expressément en son article 229, les structures de la justice pour mineurs: *le juge d’instruction chargé des mineurs *le tribunal pour enfants présidé par un juge des enfants *le substitut du procureur de la République chargé des mineurs *la chambre des mineurs de la Cour d’appel * la Cour d’assises des mineurs Le juge des mineurs est désormais compétente non seulement en matière pénale mais aussi dans les matières civiles. L’institution de la méditation pénale est consacrée par ce code. Enfin, il réglemente la vie de l’enfant en milieu carcéral et ceux nés ou sont admis avec leur mère en milieu carcéral.

6ème partie LA PROTECTION PENALE DE L’ENFANT ( (Art.329 à 405) De nouvelles infractions spécifiques sont prévues et fortement réprimées. Ces infractions sont relatives à la protection de l’enfant avant sa naissance, aux expériences médicales menées sur l’enfant, à l’accusation de sorcellerie, la prostitution, la non déclaration de naissance de l’enfant, l’incitation à la mendicité des enfants, la pédophilie, la zoophilie, la prise d’otage d’enfant, l’abstention de scolariser l’enfant etc.

7ème partie DISPOSITIONS TRANSITOIRES (Art.406 à 409) Les anciennes structures de protection de l’enfant restent valables jusqu’à ce que de nouvelles structures soient installées. Elles officient conformément aux mécanismes en vigueur non contraires à la présente loi.

LES GRANDES INNOVATIONS DU CODE DE L’ENFANT BENINOIS La loi n°2015-08 portant code de l’enfant en République du Bénin a apporté d’importantes innovations en matière de protection des enfants. Parmi ces innovations, nous pouvons citer: La création des tribunaux pour enfant dans toutes les juridictions et des chambres des mineurs dans les cours d’appel; L’institution d’un magistrat du parquet chargé des mineurs;

Saisine des juridiction par l’enfant capable de discernement (Art Saisine des juridiction par l’enfant capable de discernement (Art.149): cette innovation va entraîner un grand bouleversement dans le comportement des acteurs judiciaires. Ce qui répond à la logique du 3ème protocole additionnel de la CDE. La création des institutions de protection de l’enfant (protection sociale et judiciaire) La création de nouvelles infractions, en plus des infractions courantes ( article 324 à 405 du code);

Spécification des devoirs de l’enfant: traditionnellement, les acteurs sociaux et étatiques mettent l’accent sur les droits de l’enfant comme si les êtres humains âgés de moins de 18 ans n’avaient pas de devoirs envers leurs parents, leurs familles, la société, l’Etat, la communauté internationale et pourquoi pas vis-à-vis d’eux mêmes. Cette lacune a été comblée dans le code qui énumère à l’article 44 du code les devoirs de l’enfant.

Définition du concept « Enfant en situation difficile »; mise à part la définition de l’enfant commune à plusieurs textes de loi sur l’enfance ( toute personne âgée de moins de 18 ans,) le code donne une large perception de l’enfant en situation difficile devant bénéficier d’une protection spéciale. L’article 169 du code définit une vingtaine de catégorie d’enfants considérés comme étant en situation difficile.

L’institution d’une assistance par l’Etat à une famille démunie; La création d’une police spéciale de protection des mineurs sur toute l’étendue du territoire; La répression du recrutement et de l’utilisation des enfants dans les groupes et forces armées ainsi que dans la police; L’interdiction de torturer un enfant;

La répression des accusations de sorcellerie contre un enfant; L’institution du placement social de l’enfant dans une famille d’accueil ou dans un foyer autonome; La mendicité et le vagabondage qui sont passés des faits de déviance à des situations difficiles dans lesquelles se trouvent les enfants et qui nécessitent des mesures spéciales de protection de la part de l’Etat;

L’institution des procédures extrajudiciaires en l’occurrence, la médiation pénale, afin d’éviter à l’enfant le traumatisme et le stigmatisme d’une procédure judiciaire (Art. 240-247) La plénitude de compétence du juge des Enfants : le juge des enfants va intervenir désormais à la fois en matière civile, pénale et sociale. L’obligation de déclaration de naissance dans un délai de 21 jours; (ce délai est de 10 jours dans le code des Personnes et de la Famille) Art.34

LES DEFIS DE MISE EN ŒUVRE DU CODE AU NIVEAU DE LA JUSTICE Au regard des problèmes qui minent actuellement la protection de l’enfant, les principaux défis à relever pour une mise en œuvre efficace de ce code sont de divers ordres:

SUR LE PLAN INSTITUTIONNEL Les défis à relever ici sont notamment d’ordre réglementaire. Il s’agira pour le ministère de la justice de faire prendre les décrets ou arrêtés de mise en application de ce code à savoir: Le décret fixant l’organisation et fonctionnement du comité de médiation pénale (art.240)

Arrêté fixant les modalités du travail d’intérêt général de l’enfant (art.286); Décret portant modalité de fonctionnement de l’Autorité Centrale pour l’adoption internationale (art. 110);

L’arrêté interministériel relatif à l’assistance aux familles démunies; Décret portant organisation et fonctionnement des établissements de garde et de rééducation des enfants en conflit avec la loi;

L’arrêté portant création d’un corps des assistants sociaux de la justice; Décret de nomination des juges des mineurs dans toutes les juridictions du territoire national ( Concerne les juridictions qui ne sont pas encore pourvues de juge de mineurs) L’arrêté portant protection d’un enfant accompagnant un parent emprisonné;

Décret interministériel instituant une police spéciale de protection de l’enfant; Outre les défis institutionnels, nous avons identifier des défis d’ordre pratique et logistique.

LES DEFIS D’ORDRE PRATIQUES ET LOGISTIQUES Le code de l’enfant béninois va engendrer d’énormes défis dans la pratique : La déjudiciarisation de certaines infractions commises par les enfants par l’installation effective du comité de médiation pénale;

Assurer la gratuité des jugements supplétifs aux enfants non enregistrés ; Renforcer le système de collecte des données dans le domaine de protection de l’enfant et l’inscrire au Budget de l’Etat pour son appropriation et sa pérennisation;

La formation: *des assistants sociaux et leur affectation dans tous les tribunaux pour enfants; *la spécialisation des juges pour enfants; *La spécialisation des magistrats de parquet sur les questions des mineurs;

L’installation effective des unités spécialisées de la police de protection de l’enfant et la formation des éléments qui y œuvreront ; L’installation effective du comité de médiation pénale;

La création d’une véritable instance autonome de coordination des interventions menées en matière de protection de l’enfance; L’augmentation des ressources allouées aux directions concernées par la protection de l’enfance;

La poursuite de la mise en œuvre du document cadre de Politique et Stratégies Nationales de développement du secteur de la justice; Le renforcement du partenariat par l’élaboration de nombreux projet et programmes en faveur des enfants et la recherche de partenaires pour leur financement;

CONCLUSION Bien que la perfection ne soit pas de ce monde, la loi n°2015-08 portant code de l’enfant béninois a le mérite d’avoir levé l’équivoque sur certaines matières et surtout unifié et adapté aux normes internationales les règles qui touchent aux droits de l’enfant. Sa mise en œuvre reste un défi majeur.