Estelle M. Morin Psychologue et professeur titulaire HEC Montréal Concilier performance organisationnelle et bien-être psychologique des employés Estelle M. Morin Psychologue et professeur titulaire HEC Montréal
Plan de la présentation Cocktail Molotov: culture de performance, besoin d’accomplissement et dépassement personnel au travail Mythes et méconnaissance concernant la performance organisationnelle Conceptions et mesures de la performance organisationnelle Comment assurer la performance d’une organisation en préservant la santé des personnes et le bon développement de la société?
Cocktail Molotov Caractéristiques des personnes motivées au travail: internalité, fort besoin d’accomplissement et centralité du travail Depuis 1980: culture d’excellence, de performance ou d’amélioration continue dans les organisations Depuis 1990: succession de rationalisation des processus et restructuration des effectifs demandant aux personnes de s’adapter constamment Le bogue de l’an 2000: examen, révision ou implantation massive des nouvelles technologies Le bogue de l’an 2006: vieillissement de la population et départ massif à la retraite
Mythes, méconnaissance et méprise concernant la gestion de la performance Gérer la performance, c’est faire le diagnostic de l’organisation. La performance, c’est atteindre l’équilibre budgétaire. C’est une question d’argent. Gérer la performance, c’est exercer des contrôles sur le personnel. Gérer la performance, c’est le job des comptables. Gérer la performance, on fait ça dans le temps des rapports annuels. Gérer la performance, ça prend du temps; j’ai pas le temps. Gérer la performance, c’est faire l’évaluation de rendement du personnel. Je fais ça, une fois par année. Le personnel haït ça, moi aussi.
Le travail et la santé Véritable stimulant pour l’identité, la réalisation de soi et la valeur personnelle Moyen de défense contre l’angoisse de la mort et du vide : transcender la mort en faisant la preuve de son existence et en laissant sa marque
efficacitas Deux éléments ex : «hors de» făcěre : «faire», signifiant l'accomplissement de quelque chose qui est voulu, désiré
Performance vs. Efficacité (mot anglais ; de l'ancien français parformer, accomplir) 1. Résultat obtenu par un athlète (un cheval de course, etc.) dans une épreuve; chiffre qui mesure ce résultat. 2. Réussite remarquable, exploit. Faire si vite un tel travail, c'est une performance. 3. Résultat obtenu dans l'exécution d'une tâche. – Psychol. Test de performance : épreuve non verbale destinée à mesurer certaines aptitudes intellectuelles. Syn. : action (c) Larousse Qualité d'une chose, d'une personne efficace. (latin efficax) 1. Qui produit l'effet attendu. Traitement efficace. – Philos. Cause efficace : cause véritable et unique d'un phénomène. 2. Se dit de qqn dont l'action aboutit à des résultats utiles. (c) Larousse.
« Être efficace » La conscience que l'homme a de lui-même, comme vivant dans un monde étranger et tout-puissant, et le sentiment d'impuissance qui en résulte pourrait facilement le submerger. S'il s'éprouvait comme entièrement passif, comme pour un pur objet, il perdrait le sens de sa propre volonté, de son identité. Pour compenser cela, il doit acquérir le sentiment d'être capable de faire quelque chose, de remuer quelqu'un, de marquer son empreinte, ou, pour utiliser le mot anglais le plus juste d'être effective (efficace). On se sert aujourd'hui de ce mot à propos d'un orateur ou d'un vendeur «efficace» pour désigner celui qui réussit à obtenir des résultats. Mais c'est une altération de sens originel de to effect (effectuer) ) du latin ex făcěre, faire. (...) C'est, en dernière analyse, la preuve qu'on est. Le principe peut être exprimé ainsi : je suis, parce que j'effectue (Fromm, 1975, p. 249-250)
Le travail et l’efficacité Accomplissement de soi et compétence personnelle (White) Cohérence de soi (Antonovsky) Sentiment de maîtrise et de pouvoir personnel (Adler, Bandura)
Qu’est ce que l’efficacité organisationnelle? Jugement que porte un individu ou un groupe sur l’organisation, et plus précisément sur les activités, les produits, les résultats ou les effets qu’il attend d’elle (Morin, 1989)
Une constatation Ce jugement, même s’il est porté sur des résultats organisationnels, reflète des prises de position à l’égard de l’organisation, des valeurs et des intérêts politiques impliqués dans les activités de l’organisation.
Quelles sont les dimensions de la performance d’une organisation? « Quand on parle de performance, on parle de performance financière, bien sûr… »
Dimension économique Début 1900 Développement de la pensée administrative et de la gestion rationnelle des entreprises Résultats chiffrés de l’entreprise à la fin de l’exercice financier Efficience, économie et efficacité
Dimension sociale Après la 2e guerre mondiale Années «riches», éducation des populations et amélioration de la qualité de vie en Occident Atteinte des objectifs de l’entreprise Arbitrage des intérêts économiques et sociaux
Dimension systémique Fin des années 1970 Prise de conscience de la finitude des ressources naturelles, de la multitude des enjeux et des valeurs, et de la complexité des échanges transnationaux Pérennité de l’entreprise Caractéristiques des entreprises performantes
Dimension écologique Début des années 1980 Crise économique, catastrophes naturelles et industrielles, règne de la pensée néo-libérale Légitimité de l’organisation Responsabilité sociale et environnementale des entreprises
Dimension politique En filigrane depuis les années 1960 Prise de conscience des intérêts multiples et des enjeux; développement du lobbying Satisfaction des multiples groupes d’intérêts Enjeux et jeux de pouvoir
E.O. : Trois tendances Attention portée à trois acteurs économiques : l’actionnaire, le salarié et le consommateur Primauté de la logique financière Dépersonnalisation des partenaires sociaux
Proposition d’un modèle empirique Oui, oui, pas théorique!
Pérennité de l’organisation Légitimité de l’organisation Efficience des processus Valeur du personnel Légitimité de l’organisation
Mesurer la performance de l’entreprise
Dimensions et critères de performance
Pérennité de l’organisation Dans la gestion d’une organisation, on fait le postulat que ses activités sont permanentes; nous tenons d’ailleurs compte de ce principe dans la préparation des états financiers. Ainsi, les indicateurs de cette dimension servent à estimer dans quelle mesure l’organisation possède les ressources nécessaires pour que les gestionnaires puissent lui assurer sa permanence.
Mesurer la qualité Qualité des produits Qualité des services Ex. Sécurité publique: Taux de criminalité par 1 000 habitants Ex. Transport, réseau routier: Requêtes par 1 000 habitants Ex. Administration Indice de taxation
Mesurer la compétitivité de l’entreprise Niveau de revenus par secteur Niveau d’exportation Niveaux de taxation directe et indirecte
Mesurer la satisfaction des partenaires d’affaires Secteur privé : Satisfaction des actionnaires Satisfaction des créanciers Satisfaction de la clientèle Satisfaction des fournisseurs Secteur public : Satisfaction des citoyens Satisfaction du gouvernement Satisfaction des créanciers Satisfaction des fournisseurs
Mesurer la satisfaction des actionnaires Bénéfice par action Rendement des capitaux propres
Mesurer la satisfaction des créanciers Ratio du fonds de roulement Ratio d’endettement
Mesurer la satisfaction de la clientèle Niveau des ventes Degré de fidélité de la clientèle Fréquence du non respect du délai de livraison convenu avec le client Ex. Sécurité publique : délai de réponse moyen; Transport: plaintes par Km de voies; ou plus généralement, plaintes par 1000 habitants
Mesurer la satisfaction des fournisseurs Satisfaction des conventions qui les lient avec l’organisation
Mesurer la satisfaction des citoyens Niveau de la tarification Plaintes par 1 000 habitants Sondages d’opinions
Efficience économique Rapport entre les entrées (investissements) et les sorties (résultats) Création de la valeur ajoutée permettant l’autofinancement
Mesurer l’économie des ressources Rotation des stocks Rotation des comptes-clients Taux de rebuts Pourcentage de réduction du gaspillage
Mesurer la rentabilité financière Rendement du capital investi Marge de bénéfice net Autofinancement Effet sur l’avoir net du gouvernement
Mesurer la productivité Rotation de l’actif total Rotation de l’actif immobilisé Rapport entre niveau d’activités et coût de production; ex. coût net d’une activité par 100$ d’évaluation (foncière uniformisée) Coût net d’une activité par habitant Rapport entre niveau d’activités et temps de production
Valeur du personnel Une organisation, c’est avant tout l’organisation des activités et des relations entre des personnes qui apportent des contributions à la performance de l’organisation.
Mesurer l’engagement des employés Taux de rotation des employés Taux d’absentéisme Types d’initiative déployée Taux de participation à des situations d’urgence Ponctualité Questionnaire d’engagement organisationnel (Meyer et Allen, Porter, etc .) Questionnaire d’implication au travail ou à l’emploi
Mesurer le climat de travail Taux de participation aux activités sociales Comportements antisociaux Nombre de jours perdus à cause d’un arrêt de travail Qualité des relations de travail Likert Organizational Profile (Likert) QCT (Roy)
Mesurer le rendement du personnel Revenus par employé Bénéfice net avant impôt par employé Bénéfice net avant impôt par 100$ de masse salariale La quantité (produits, activités, services) sur une période donnée La valeur économique des résultats La qualité (nombre de reprises, nombre de pertes ou de retours) Coûts de production des extrants
Mesurer les compétences du personnel Pourcentage de personnes à qui l ’on a attribué des responsabilités nouvelles ou élargies Compétences acquises, mobilisées dans le travail Mobilité interne des employés Pourcentage de personnes ayant le statut de personne ressource Degré d ’utilisation du mentorat Nombre d ’appels à des groupes internes de travail Nombre de mandats hors-cadre
Mesurer la santé et la sécurité du personnel Taux de consultation médicale et psychologique Nombre et durée des arrêts de travail pour troubles physiques ou psychologiques Taux d’accidents et leur gravité Coûts des PAE Coûts des assurances-salaires Coût de remplacement des personnes absentes
Légitimité de l’organisation La légitimité, c’est le droit d’exercer ses activités et de continuer d’exploiter des ressources et donc, d’assurer son avenir. Ce droit dépend de la qualité des interactions avec les groupes d’intérêts externes comme les associations communautaires, les groupes d ’actions politiques, les gouvernements, etc.
Mesurer le respect de la réglementation Pénalités versées pour infraction
Mesurer la responsabilité sociale Taux net d’emplois créés Retombées économiques sur la communauté Degré de développement des avantages sociaux à la famille Montant des dons de charité Nombre de membres de minorité visible dans les postes de direction Investissements dans les programmes sociaux Etc.
Mesurer la responsabilité environnementale Disposition et recyclage des déchets Protection des ressources naturelles Emploi durable des ressources naturelles Emploi intelligent de l’énergie Marketing des produits et services sécuritaires Compensation des dommages causés Investissements dans les programmes environnementaux
Mesurer l’E.O. : Est-ce que chaque indicateur est important pour le succès de l’entreprise? L’information pour le mesurer est-elle disponible?
Pérennité de l’organisation Légitimité de l’organisation Efficience des processus Valeur du personnel Légitimité de l’organisation
Gérer la performance d’une organisation C’est une activité essentielle pour la saine gestion des activités, l’atteinte des objectifs et l’accomplissement de la raison d’être d’une organisation. C’est le moyen par excellence pour repérer les écarts et savoir comment s’améliorer. C’est ce qui permet de garder le cap et d’accomplir la mission de l’organisation.
Gérer la performance de l’organisation, C’est — bien sûr! — gérer la performance financière de l’organisation. C’est aussi — et surtout — gérer les différentes facettes de la performance de l’organisation, dont : les dimensions humaines, techniques, et sociétales.
« C’est bien dit, c’est bien beau en théorie, sauf qu’en pratique… »
«Pensez-vous qu’on a le temps de faire tout ça?» Gérer un organisation implique la gestion de la performance; c’est le quotidien de celles et ceux qui gèrent. Cela nécessite de prendre du temps pour gagner du temps. Gérer la performance, c’est un exercice périodique, qui se fait plusieurs fois au cours d’une année.
« C’est pas ma job! » Ce n’est pas un exercice de contrôle effectué par une personne (un gestionnaire en poste d’autorité ou un contrôleur de gestion). C’est un exercice de régulation, effectué par chaque personne engagée dans un processus, de concert avec les autres membres du personnel.
Gérer la performance sérieusement, C’est développer les compétences des gens et leur donner le pouvoir d’agir avec autorité dans leur domaine de compétences afin d’atteindre les objectifs visés et d’accomplir la raison-d’être de l’organisation En d’autres termes, c’est augmenter la marge d’autonomie des personnes en rôle et reconnaître leur sens des responsabilités. C’est aussi donner les moyens et le soutien pour gérer la performance.
Conditions pour gérer la performance La confiance, la transparence et le respect La disponibilité des informations La pertinence des informations La maîtrise du système d’informations La compétence pour interpréter les informations Le pouvoir d’agir avec autorité, pour corriger les écarts et améliorer la performance Responsabilité collective (organisationnelle)
Pour l’équipe de gestion, Cela implique qu’elle inspire et fasse confiance aux équipes en leur donnant le contrôle de leurs activités. Cela implique aussi qu’elle clarifie les objectifs et les normes de performance, sous tous ces aspects. Cela implique qu’elle facilite l’accès au feed-back nécessaire à la correction des écarts et à l’amélioration des processus. Cela implique qu’elle favorise la participation à des activités de formation, de perfectionnement ou d’accompagnement. Cela implique enfin qu’elle fasse preuve de tolérance et d’ouverture d’esprit.
Une responsabilité partagée C’est une responsabilité individuelle partagée collectivement. Chacun doit faire sa part, Dans sa sphère de compétences Et dans le cadre de ses fonctions À la réussite de l’ensemble.
Développer l’efficacité personnelle Se connaître, et se reconnaître : affirmer ses intérêts, découvrir ses talents, exercer ses compétences Écouter sa voix, trouver sa « vocation », se respecter Discipliner son attention : rester centré sur les valeurs importantes et les moments importants dans la journée Choisir des rôles professionnels qui conviennent à l’image qu’on a de soi, et s’autoriser à les jouer d’une manière personnelle et responsable, sans façade ni prétention
Développer l’efficacité personnelle Se fixer des objectifs professionnels et se donner des moyens pour les atteindre Avoir le courage de refuser des projets intéressants, mais qui détournerait l’attention de ce qui importe dans sa vie Apprendre à apprécier les plaisirs simples Accepter que « chaque jour suffit sa peine » ou que « demain, le soleil se lèvera de nouveau » Nourrir des rêves ambitieux, mais savoir dominer ses ambitions
Être efficace dans son travail Améliorer ses façons de faire son travail (clarifier ses objectifs, obtenir du feedback, se perfectionner, être curieux) Améliorer les pratiques de gestion au sein de son Service (participer et obtenir la collaboration, respecter et faire respecter les valeurs, prendre les devants, faire sa part) Améliorer les pratiques de gestion au sein de son organisation (donner son opinion, s’impliquer, demeurer optimiste)