Soigner les hémopathies malignes chez le sujet âgé: perception des choix thérapeutiques par les soignants Alice POLOMENI Psychologue clinicienne Département d’Hématologie clinique et thérapie cellulaire Hôpital Saint Antoine AP-HP
Les hémopathies chez le sujet âgé « La fréquence et la gravité des hémopathies malignes chez le patient âgé (> 75 ans) sont des problèmes de santé publique ». « Chez ces patients - et quelle que soit l’hémopathie maligne - la survie est réduite par rapport à celle des patients plus jeunes ». Troussard et al. 2007
Survie relative en % à 5 ans - France 1989-1997 Notons que la survie moyenne pour une LAM ou MDS est, à partir de 75 ans, de 9 à 12 mois. Troussard et al. 2007
Facteurs liés au pronostic : - propriétés intrinsèques des cellules tumorales du patient âgé comorbidités « fragilité » choix thérapeutiques ? résultats discordants quant au bénéfice des traitements intensifs manque de consensus sur les critères médicaux des choix thérapeutiques… De nombreuses études ont mis en évidence une diminution, avec l’âge, des procédures diagnostiques et des traitements oncologiques considérés comme invasifs, se traduisant par une baisse de la survie liée au cancer chez la personne âgée.
« La pratique courante des soins aux patients âgés atteints de cancer se base plus sur des stéréotypes que sur des évidences » Surbone et al. 2007
Représentations socio-culturelles - aspects démographiques : le vieillissement de la population assimilé à un « cancer social » [Loriaux, 2006] valeurs sociales: le vieillissement = dégradation physique, dégénérescence des aptitudes, handicap…=> ségrégation âgiste « catégorisation » : réduction de l’autre à une identité stéréotypique [Marchal, 2009]
Le point de vue des soignants Enquête qualitative sur les indications de greffe de cellules souches hématopoïétiques N=20 IDE (hospitalisation et hôpital de jour) Questionnement sur les choix thérapeutiques pour les sujets âgés : rapport bénéfice/risque ? «spécificités» des sujets âgés ?
Interrogations des infirmiers ? le sens des traitements intensifs ? la survie vs. la qualité de vie ? le « coût » du traitement intensif = souffrance ? le « choix » du patient !?!
Le sens des traitements intensifs ? « Ils ont fait leur vie » - appréciation du temps qui reste à vivre projection des valeurs personnelles « catégorisation » * les demandes de traitement intensif en vue de survie sont trois fois plus fréquentes que les demandes de soins de support… [Hannum Rose et al, 2004]
Survie vs. Qualité de vie ? … sans que cela se traduise par le résultat attendu!! Vécu des soignants: * La balance toxicité/efficacité => « coût/bénéfice » => Coût = souffrance = contraintes traitement; effets secondaires; morbidités induites… => Bénéfice = Survie ? Qualité de vie???
Fragilité ? « Fragilité » = risques plus importants des séquelles liées aux effets secondaires, complications et/ou morbidités induites par le traitement « Fragilité » = qualité de vie post-traitement = fatigue, atteintes fonctionnelles => répercussions sur l’autonomie et sur les relations socio-familiales ? Tous les patients âgés sont « fragiles »? …En effet, 75% des patients interrogés 2 ans après le diagnostic de cancer estiment avoir des séquelles gênantes des traitements.[Le Corroler-Sorriano, 2006]
Le choix du patient ? Intégration des informations ? difficulté pour le patient et son entourage de se figurer la souffrance liée à l’intensité des effets secondaires et aux répercussions des traitements intensifs = à posteriori, questionnements du choix thérapeutique… L’information comme processus, intégré aux soins, adapté au patient et permettant qu’il s’adapte aux aléas du traitement.
L’influence de la famille ? Le choix du patient ? L’influence de la famille ? les perceptions qu’ont les proches des alternatives thérapeutiques influencent le choix du patient. « Les choix des patients révèlent des jeux d’influences variés » [Cassell EJ. 2005] => l’influence de l’avis médical [Parker et al. 2001.]
le « vieux » n’existe pas! Des interrogations « soignantes » mise à distance du raisonnement médicobiologique questionnement du mythe de l’information « neutre » et de la décision « autonome » mise en mots des représentations du sujet âgé prise de conscience des risques de « catégorisation » et des attitudes de « âgisme interactif »: le « vieux » n’existe pas!
Des interrogations « soignantes » - exemples et contre-exemples => se départager des expériences préalables… retour à la clinique: - évaluation de la « fragilité » prise en compte des représentations qu’a le patient de la maladie, des traitements, la survie, de la qualité de vie…et de sa qualité de « patient âgé »! revalorisation des relations intersubjectives
« C’est notre regard qui enferme souvent les autres dans les plus étroites appartenances et c’est notre regard aussi qui peut les libérer » Admin Maalouf, 1988.