Carcinogenèse colorectale: quelles nouveautés ? Bruno Buecher Cours intensif FFCD-BGDO – Lille, Novembre 2007
Les grandes “voies” de la carcinogenèse colorectale Etude des altérations génétiques somatiques “Anomalies quantitatives et qualitatives de l’ADN” Cytogénétique constitutionnelle Cytométrie en flux Génétique moléculaire ▪ Allélotypage ▪ Hybridation génomique comparative ▪ Painting chromosomique ▪ Recherche de mutation ▪ Etude de la méthylation
Les données de la cytogénétique conventionnelle Etude du caryotype des cancers colorectaux Tumeurs hyperploïdes – Altérations cytogénétiques nombreuses et complexes Tumeurs (para)-diploïdes – Pas ou peu d’altérations cytogénétiques Remvikos Y et al. Int J Cancer 1988; 42: 539-543
Les données de la cytométrie en flux (CMF) Détermination de l’index d’ADN de 138 cancers colorectaux Tumeurs hyperploïdes paradiploïdes Delattre O et al. Lancet 1989; 12: 353-355
Les données de la cytogénétique et de la CMF Etude du caryotype et du contenu en ADN (CMF) de 35 CCR humains plusieurs prélèvements issus d’une même tumeur, dans 32 cas analyse de « quelques » métastases hépatiques Fréquente hétérogénéité intra-tumorale Populations para-diploïdes exclusives: n=10 (29%) Une ou plusieurs populations hyperploïdes : n=19 (54%) Populations para- et hyperploïdes: n=6 (17%) Remvikos Y et al. Int J Cancer 1988; 42: 539-543
Les données de la cytogénétique et de la CMF index ADN pop. A / Index ADN pop.B = 2 La population hyperploïde dérive de la population para-diploïde par un mécanisme d’endoreduplication ou d’endomitose Remvikos Y et al. Int J Cancer 1988; 42: 539-543
La population hyperploïde est généralement largement majoritaire au niveau de la tumeur primitive au niveau des métastases hépatiques L’endo-reduplication est associée à un avantage sélectif Remvikos Y et al. Int J Cancer 1988; 42: 539-543
L’« allélotypage » Allélotype : étude extensive comparative (tumeur et tissu normal) de marqueurs polymorphes répartis sur les bras longs et courts des autosomes non acrocentriques (RFLP / VNTR / microsatellites) ► Pouvoir de « résolution » supérieur à celui du caryotype pour la recherche de perte de matériel chromosomique
Notion de pertes d’hétérozygotie (Loss of heterozygosity = LOH) L’« allélotypage » Notion de pertes d’hétérozygotie (Loss of heterozygosity = LOH) N T Amplification de 3 loci « informatifs » à partir de la muqueuse colique normale
Les données de l’« allélotypage » Allélotypage systématique de 56 cancers colorectaux Fréquence des pertes alléliques 5q 8p 17p 18q Fearon ER, Vogelstein B. Cell 1990; 61: 759-767
Les données de l’« allélotypage » et de la CMF Etude de 138 cancers colorectaux Contenu en ADN Pertes alléliques: 5q; 17p et 18q Mutations K-ras LOH 17p 71/113 63% LOH 18 66/107 62% LOH 5q 38/98 39% Delattre O et al. Lancet 1989; 12: 353-355
Les données de l’« allélotypage » et de la CMF Association des anomalies génétiques entre elles Association significative entre LOH 17p et LOH 18 L’hyperploïdie est significativement associée aux LOH 17p/18 L’hyperploïdie serait secondaire à une endomitose dans des cellules ayant perdu du matériel chromosomique Delattre O et al. Lancet 1989; 12: 353-355
Les données de l’« allélotypage » et de la CMF Fréquence des anomalies génétiques en fonction de la localisation tumorale L’hyperploïdie et les LOH 17p, 18 et 5q sont significativement plus fréquentes dans les tumeurs coliques distales Delattre O et al. Lancet 1989; 12: 353-355
Cinétique d’apparition des anomalies génétiques dans la séquence adénome / cancer Accumulation progressive d’anomalies génétiques au cours de la carcinogenèse Mutation K-ras = événement précoce LOH 17p = événement tardif Fearon ER, Vogelstein B. Cell 1990; 61: 759-767
Identification de gènes suppresseurs de tumeurs Pertes chromosomiques récurrentes gènes suppresseurs de tumeurs ? q p q Gène APC Gène DCC ? Gène SMAD4 ? Gène SMAD 2 ? Gène TP53
Instabilité génétique à l’échelle chromosomique La voie « LOH » Mutation K ras Mutation APC LOH 5q Gène « Gatekeeper » LOH tardives ENDOMITOSE LOH 18q Mutation TP53 LOH 17p Fearon ER and Vogelstein. Cell 1990; 61: 759-767 LOH = Loss of heterozygosity = Perte d’hétérozygotie = Perte de matériel chromosomique Instabilité génétique à l’échelle chromosomique
perte de la fidélité de la réplication de l’ADN Identification d’une nouvelle voie de carcinogenèse à partir des données d’« allélotypage » Dans 5 cas (/56), identification de nouveaux allèles au niveau tumoral N T perte de la fidélité de la réplication de l’ADN intéressant préférentiellement les régions « répétitives » (sondes VNTR) dans des tumeurs sans LOH Fearon ER, Vogelstein B. Cell 1990; 61: 759-767
L’instabilité génétique à l’échelle des nucléotides un mécanisme alternatif de carcinogenèse Confirmation de l’existence de tumeurs présentant des nouveaux allèles au niveau de nombreux loci, notamment séquences répétitives Faillite du complexe multiprotéique normalement impliqué dans la détection et la réparation des erreurs de réplication de l’ADN (système MMR, MisMatch Repair) Phénotype « mutateur »: Taux de mutations: x 100 Instabilité microsatellitaire (IM = MSI) PCR fluorescente et électrophorèse capillaire PCR radioactive et autoradiographie
Le système Mismatch Repair MMR PMS2 MLH1 MSH2 MSH6 Addition de résidus dans le bras néo-formé ou résidus du bras copiés non appariés Anomalies normalement identifiées et corrigées par le S MMR Ensemble de gènes codant pour des protéines impliquées dans la reconnaissance et la réparation des mésappariements de l’ADN
L’instabilité génétique à l’échelle des nucléotides Quel est le mécanisme en cause ? Immunohistochimie Ac anti-MLH1 Muqueuse colique normale Cancers CCR MSI Amplification / PCR méthyS du promoteur du gène MLH1 U = unméthylated allele; M = methylated allele Muqueuse colique Nle Cancer colique MSI+ Défaut d’expression de la protéine hMLH1 par hyperméthylation du promoteur Herman JG et al. Proc Natl Acad Sci 1998; 95: 6870-6875
L’instabilité génétique à l’échelle des nucléotides Quelles sont les mutations somatiques récurrentes ? Gènes dont la séquence codante comporte des motifs répétitifs +++ ● Récepteur de type II du TGF-b (séquence répétée de 10 adénines) ● IGFII-R (séquence répétée de 08 guanines: GGGGGGGG) ● BAX (séquence répétée de 08 guanines: GGGGGGGG) ● b-caténine ● B-Raf (mutation ponctuelle V600E) ● Tcf4 ● Axine ● Caspase 5 ● E2F4 ● PTEN ...
Inactivation du gène MLH1 La voie « MSI » Inactivation du gène MLH1 (hyperméthylation de son promoteur) Mutation tardives Mutation BAX Mutation b-caténine Mutation TGFbRII Mutation Axine Mutation caspases
Les 2 voies de la carcinogenèse colorectale - Synthèse La voie « LOH » (80% des cas) Tumeurs hyperploïdes Pertes d’hétérozygoties: 17p ++; 18q ++; 5q Perte fonction APC, précoce, causale Tumeurs diploïdes ou paradiploïdes Mutations p53 Ø (peu) pertes d’hétérozygoties Mutations K-ras Ø de mutation APC ni p53 Localisation colique distale Localisation colique proximale Pronostic plus péjoratif Pronostic plus favorable Perte de la fidélité de la réplication de l’ADN hyperméthylation du promoteur hMLH1 ++ La voie « MSI » (15% des cas)
Les voies de signalisation impliquées dans la carcinogenèse colorectale
La voie de signalisation Wnt/b-caténine/APC c-myc Cycline D1 p21 Carcinogenèse « LOH » Inactivation bi-allélique APC Carcinogenèse « MSI » • Mutation activatrice de la b-caténine ou de Tcf • Mutation inactivatrice de l’axine
La voie de signalisation du TGF-b IGF-R Carcinogenèse « MSI » • Mutation TGFb-RII • Mutation IGF-R Carcinogenèse « LOH » • Mutations inactivatrices SMAD2 et SMAD4
La voie de signalisation Ras FdC P GRB2 SOS RAS-GDP RAS-GTP Raf MAPKK = MEK1/2 MAPK = ERK1/2 Facteurs de transcription Carcinogenèse « LOH » • Mutations activatrices de K-RAs Carcinogenèse « MSI » • Mutations activatrices B-Raf Activation constitutive de cette voie de signalisation
La protéine p53 = gardien du génome Carcinogenèse « LOH » • Inactivation biallélique de TP53 (LOH 17p et mutation) Carcinogenèse « MSI » • Mutations inactivatrices de B-Raf p53 Bax Gadd45 14-3-3-s p21 Apoptose Instabilité génomique cycline D +cdk 4/6 Arrêt en G1 Réparation de l’ADN cdc25 cycline B +cdk1 Arrêt en G2
A part, les formes héréditaires des cancers colorectaux La polypose adénomateuse familiale (hors « polypose associée à MYH ») ▪ Carcinogenèse de type « LOH » ▪ Mutation germinale délétère du gène APC Le syndrome HNPCC ▪ Carcinogenèse de type « MSI » ▪ Mutation germinale délétère d’un gène du système MMR: (MLH1, MSH2, MSH6)
Conclusion (1) • voie « LOH », majoritaire (80% des cas) 2 grandes voies de carcinogenèse colorectale « sporadique » • voie « LOH », majoritaire (80% des cas) • voie « MSI », minoritaire (15% des cas) Altération de 4 grandes voies de signalisation intracellulaires • voie de signalisation WNT-b caténine- APC • voie de signalisation du TGFb • voie de signalisation de Ras • voie de « signalisation » de P53
Conclusion (2) Données récemment disponibles: complexité supérieure ▪ Voie(s) de carcinogenèse « non LOH; non MSI » ▪ Hétérogénéité de chacune des 2 voies connues de carcinogenèse colorectale. Démembrement en cours Intérêt de la connaissance des mécanismes de la cancérogenèse et de la caractérisation des altérations génétiques somatiques ▪ Valeur pronostique (phénotype MSI; LOH) ▪ Valeur prédictive de la réponse à la radiothérapie, à la chimiothérapie cytotoxique, aux thérapeutiques ciblées
A propos de l’instabilité des microsatellites (IM) Elle est spécifique des CCR survenant dans le contexte HNPCC Elle est dûe à une hyperméthylation du promoteur du gène MSH2 Elle doit être recherchée systématiquement chez tous les malades opérés d’un cancer colique ou rectal. Elle peut être recherchée uniquement à partir de tissus frais ou congelés Elle peut être recherchée à partir de tissus fixés et inclus en paraffine Elle peut être mise en évidence au niveau sanguin 1 2 3 4 ► 5 6
Quelles sont les propositions exactes ? L’IM serait associée à un meilleur pronostic et à une plus grande chimiosensibilité des tumeurs La LOH 18q serait associée à un pronostic plus péjoratif Les mutations de K-Ras seraient associées à une résistance au traitement par cétuximab L’inactivation d’un gène suppresseur de tumeur nécessite une invalidation bi-allélique 1 ► 2 3 4