Infarctus sylvien malin et hémicrâniectomie décompressive Katayoun VAHEDI Pôle de Neurologie, Hôpital Privé d’Antony
Infarctus sylvien malin Infarctus hémisphérique oedémateux et compressif (ACM ± ACA) Mortalité précoce élevée (50 à 80%) Cause de décès : engagement temporal (95%) (< 1 semaine) Occlusion ACI ou M1 Fréquence : 2 - 3 % des infarctus cérébraux
Œdème ischémique 1ère cause de mortalité précoce (< 7j) après infarctus hémisphérique œdème cytotoxique : dès la première heure œdème vasogènique : max. J2-J5 risque : - engagement temporal (infarctus sylvien "malin"); - compression du tronc cérébral et engagement amygdalien (infarctus œdémateux et compressif du cervelet) Rieke et al. Neuro Critical Care 1995
- Homme 33 ans, sans antécédents Lors d’un jogging : hémiplégie gauche partiellement régressive J2 : dégradation brutale de l'état neurologique : baisse de la vigilance, hémiplégie complète Transfert en réanimation - Puis dégradation progressive et rapide vers un coma profond et décès par engagement temporal à J5
Facteurs cliniques prédictifs de l’évolution vers un œdème ischémique malin? Sévérité du déficit neurologique initial (NIHSS ≥ 16 si hémisphère non-dominant ou ≥ 20 si hémisphère dominant) Troubles précoces de la vigilance Signes d’engagement temporal : mydriase uni ou bilatérale, postures en décérébration, disparition des réflexes du tronc cérébral (signes retardés++)
Facteurs radiologiques prédictifs de l’évolution vers un œdème ischémique malin? Signes précoces d'ischémie (effacement des sillons, du noyau lenticulaire, atténuation du ruban cortical) : > 50% ACM (TDM < 6 h) totalité ACM (TDM < 48 h) Hyperdensité spontanée de l’A. sylvienne Infarctus sylvien étendu à un autre territoire artériel (ACA) Effet de masse (TDM < 48 h) ventricules latéraux citernes péri-mésencéphaliques déplacement horizontal de la glande pinéale ≥ 4 mm Volume de l’infarctus (DWI) > 145 cm3 (IRM < 14 heures)
Un infarctus hémisphérique malin doit être suspecté précocement Signes cliniques : Sévérité du déficit neurologique + troubles de la vigilance précoces Ne pas attendre les signes d’engagement temporal ++ ni l’effet de masse sur le scanner Volume de l’infarctus mesuré sur l’IRM > 145 cm3 Prise en charge dans une UNV / réanimation neurochirurgicale / neurochirurgie DWI
Traitement des infarctus sylviens malins Traitement spécifique de l’HIC Antiœdémateux - Mannitol - Glycérol - Corticoïdes Hypothermie Traitement chirurgical Mesures générales Efficacité clinique non prouvée Mannitol : - Dose unique : effet transitoire - Doses répétées : aggrave l’œdème ischémique
Hypothermie 32-33°C - diminue significativement la PIC après un infarctus oedèmateux - taux élevé de complications (pneumopathie : 40 %) efficacité transitoire : ascension de la PIC après réchauffement pas d’essai randomisé
Mesures générales - tête surélevée de 30°; restriction hydrique modérée : <1000ml Sérum phy 0,9%/ 24 h - lutte contre hyperthermie, hyperglycémie - maintenir PAS < 220 et PAD < 120 mmHg - assurer une oxygénation adéquate ± ventilation assistée si : - baisse importante de la vigilance - hypoventilation d’origine centrale - hypoxie par pneumopathie d’inhalation - état de mal épileptique
Traitement chirurgical : hémicrâniectomie décompressive + durotomie sans exérèse de tissu cérébral Université Université
J2 J3 J5 - jeune homme de 15 ans, sans antécédents - brutalement faiblesse du membre supérieur gauche régressive en 20 minutes, puis le lendemain au réveil : hémiplégie G complète - dégradation neurologique au cours des 24 heures suivant, - à J3 : mydriase G puis bilatérale - hémicrâniectomie décompressive à la 60èmeh - en post-op = bien éveillé, pupilles réactives - à 1 an 1/2 : totalement autonome J2 J3 J5
Infarctus sylviens malins traités par hémicrâniectomie décompressive : études rétrospectives et prospectives
DECIMAL: Schéma de l’étude Patients Prise en charge médicale standard seule 13 centres investigateurs multidisciplinaires Français (UNV, Neurochirurgie, Neuroradiologie, Réanimation) Infarctus sylvien malin < 24 heures ; 18- 55 ans Prise en charge médicale standard + craniectomie décompressive Critère principal de jugement : Absence de handicap résiduel sévère à 6 mois (Rankin < 4) Analyse statistique séquentielle : par intervalles fixes de 4 inclusions, maximum 60 patients
Score de RANKIN modifié
Analyse poolée prospective de 3 essais randomisés européens Objectifs et méthodologie comparables DECIMAL (France) Début en 2001 Chirurgie précoce <30h Critères d’inclusion : IRM Score du déficit NIH>15 18-55 ans Nb de patients prévus 60 (30/30) Interrompu après 38 patients : baisse des inclusions, différence significative sur la mortalité et perspective de l’analyse poolée DESTINY (Allemagne) Début en 2004 Chirurgie précoce <36h Critères d’inclusion : CT Score du déficit NIH≥18/20 18-60 ans Nb de patients prévus 68 (34/34) Interrompu transitoirement après 32 patients : différence significative sur la mortalité HAMLET (Pays Bas) Début en 2002 Chirurgie <99h Critères d’inclusion : CT Score du déficit NIH≥16/21 18-60 ans Nb de patients prévus 112 patients Randomisations en cours 57 patients inclus
Prise en charge médicale standard seule ( n = 42) DECIMAL (n = 38/38 patients) DESTINY (n = 32/32 patients) Prise en charge médicale standard + craniectomie décompressive (n = 51) HAMLET (n = 23/56 patients) 33 patients exclus pour délai > 48h ou inclusion après Nov. 2005 DECIMAL – DESTINY - HAMLET (n = 93 patients) Critère principal de jugement : Absence de handicap résiduel sévère à 12 mois (Rankin > 4) Critères secondaires de jugement : mortalité et Rankin > 3
Résultats: caractéristiques de base Surgery Conservative Age 46 ± 9 44 ± 9 Male sex 51% 45% History of TIA or stroke 10% 5% Ischaemic heart disease 10% 12% Atrial fibrillation 14% 10% Hypertension 38% 31% Diabetes 10% 17% Current smoker 45% 33% Aphasia 55% 60% NIH (median, IQR) 22 (19-25) 22 (21-27) Hours to randomisation 21.5 (17-29) 20.5 (14-28)
Réduction du risque absolu % (95%IC) Résultats : critères d’évaluation Critère principal et critères secondaire d’évaluation Groupe opéré % Groupe médical % Réduction du risque absolu % (95%IC) NNT mRS≤4 à 1 an 75 24 51 (34-69) 2 mRS ≤3 à 1 an 43 21 23 (5-41) 4 Survie à 1 an 78 29 50 (33-67)
Analyse poolée DECIMAL-DESTINY-HAMLET (n = 93 patients) 2 3 4 5 Décès 71% 22%
pooled analysis 2 3 4 5 Décès 5% 4%
pooled analysis 2 3 4 5 Décès 22% 43%
pooled analysis 2 3 4 5 Décès 2.5% 31%
Rankin 4 « Handicap modérément sévère » : Marche impossible sans assistance Restriction notable de l’autonomie sans nécessité d’une aide permanente « Acceptable » ? - point de vue du patient - point de vue de l’entourage - point de vue du médecin
Principaux résultat des essais thérapeutiques randomisés de l’hémicrâniectomie dans les infarctus sylviens malins
DECIMAL : Groupe chirurgie corrélation entre meilleur devenir (Rankin) et l’âge jeune à 6 mois R = 0.64 (p=0.0018)
DECIMAL : Corrélation Rankin / volume DWI DWI = 281 cm3 (210 cm3) R = 0.52 (P = 0.03) DWI = 154 cm3
DECIMAL : Corrélation Rankin / volume DWI (210 cm3) R = 0.52 (P = 0.03) R = 0.38 (P = 0.09)
Conclusions des essais randomisés (1) l’hémicraniectomie décompressive dans les 48 heures d’un infarctus sylvien malin < 60 ans : réduit très significativement la mortalité (RRA de 50%) réduit significativement le nombre de patients morts ou avec handicap neurologique modérément sévère à sévère (Rankin > 3) (RRA de 22%) meilleur devenir plus le sujet est jeune Moindre bénéfice si chirurgie > 48 heures Pas de données sur les sujets plus âgés (> 60 ans) Patients avec handicap pré-existant ou pathologie sévère associée non-inclus
Conclusions des essais randomisés (2) Résultats très significatifs en faveur de la chirurgie mais à appliquer au cas par cas : Tenir compte des souhaits du patient (?); de son entourage; de l’environnement familial et social (mais quels critères en urgence?) Récupération totale impossible compte tenu de la taille de l’infarctus Rééducation de longue durée, soutien du patient et de la famille (une deuxième vie qui commence….) Mieux évaluer les facteurs pronostiques et le devenir à long terme
Hémiplégie sévère + NIHSS > 15 + troubles de la vigilance - Age < 55 (60) ans - Pas de co-morbidités sévères ni de handicap préexistant - DWI < 24 h Discussion patient - famille - neurologue - neurochirurgien – réanimateur - neuroradiologue DWI < 145 cm3 DWI > 145 cm3 TT médical standard en UNV - Hémicrâniectomie décompressive - TT médical standard en réanimation puis en UNV - Rééducation ++ Suivi clinique +++ Crânioplastie entre 3 et 4 mois ++
Infarctus œdémateux et compressif du cervelet : urgence thérapeutique Présentation clinique variable Histoire naturelle : l’HIC peut être prolongée jusqu’au 8-10è jour Mécanismes de la détérioration : Hydrocéphalie obstructive (V4++) Compression du tronc cérébral Engagement des amygdales cérébelleuses
Quelle prise en charge? UNV / réanimation neurochirurgicale / neurochirurgie Traitement chirurgical : Dérivation ventriculaire externe et Craniectomie sous-occipitale bilatérale Pas d’essais randomisés / Séries observationnelles rétrospectives Réduction de la mortalité (de 38 à 100% selon les séries) Résultat fonctionnel peut être excellent Facteurs de mauvais pronostic : Age > 60 ans Co-morbidités associées Coexistence d’une ischémie du tronc cérébral Importance des signes de compression du tronc cérébral au moment de la chirurgie
Conclusion : Œdème ischémique cérébral 1ère cause de détérioration neurologique après AIC Peu ou pas d’efficacité des antiœdémeateux Seul le traitement neurochirurgical en urgence peut améliorer le pronostic grave Ne pas attendre les signes francs d’aggravation Décision collégiale (Neurologue vasculaire, réanimateur, neuroradiologue, neurochirurgien) de chirurgie décompressive préventive le plus tôt possible +++