Regard psycho-dynamique sur la souffrance de fin de vie Jérôme ALRIC Psychologue, Docteur en psychopathologie Département de soins palliatifs CHRU de Montpellier
Regard psycho-dynamique sur la souffrance de fin de vie J. Alric Total Pain : Douleur globale (C. Saunders) Souffrance physique, psychologique, sociale, spirituelle L’accompagnement palliatif s’inscrit dans cette dynamique : avoir un effet – même indirecte - sur la souffrance globale !
Regard psycho-dynamique sur la souffrance de fin de vie J. Alric La morphine calme les douleurs et… ouvre d’autres questions Quand le « J’ai mal » est calmé, le « je suis mal » s’exprime.
Regard psycho-dynamique sur la souffrance de fin de vie J. Alric Avant les soins palliatifs modernes, l’émotionnel était neutralisé, le sujet ne pouvait pas émerger ! Aujourd’hui, Grande place au SUJET, dimension de la plainte : complexe et chronophage
Regard psycho-dynamique sur la souffrance de fin de vie J. Alric L’approche palliative pose des questions… D’un côté, le sujet veut une « mort sans y être » D’un autre, les SP invitent à un « face à face avec la mort » … Et peut créer une souffrance spécifique
Regard psycho-dynamique sur la souffrance de fin de vie J. Alric Souffrance psychologique : comment la définir ? Souffrance psychopathologique Souffrance psychologico-existentielle E. Zarifian : « La force de guérir », Odile Jacob, 2001 « Le gout de vivre », Odile Jacob, 2007 1- douleur : évaluation , observation , traitements médicamenteux et non médicamenteux souffrance : pertes , angoisse , anxiété … présence , massages , écoute , relation d ’aide …. 2- toilette … fauteuil , promenade …. …repas … 3- …
Regard psycho-dynamique sur la souffrance de fin de vie J. Alric Souffrance en lien avec les altérations corporelles Souffrance en lien avec la parole communiquée au malade
Regard psycho-dynamique sur la souffrance de fin de vie J. Alric Souffrance en lien avec les altérations corporelles - Atteintes à l’image du corps, - Perte de la maîtrise de soi, - « L’Inquiétante étrangeté et autres essais », S. Freud, Gallimard
Regard psycho-dynamique sur la souffrance de fin de vie J. Alric Souffrance en lien avec la parole communiquée au malade « Les paroles peuvent faire un bien indicible ou créer de terribles blessures » (S. Freud, « Médecine et psychanalyse », 1915.) Le parcours d’un malade est jalonné d’annonces péjoratives Ces annonces rapprochent toujours un peu plus le sujet de la mort, elles révèlent que nous sommes des humains-mortels Les mots entrainent une déstructuration, mais peuvent-ils précipiter la mort ?
Regard psycho-dynamique sur la souffrance de fin de vie J. Alric Traumatisme psychique : Evénement de la vie du sujet qui se définit par son intensité, l’incapacité où se trouve le sujet d’y répondre adéquatement, le bouleversement et les effets pathogènes durables qu’il provoque dans l’organisation psychique » J. Laplanche et J. B. Pontalis, Dictionnaire de psychanalyse, 1990. Lorsque le sujet est mis face à sa condition mortelle, il ne peut plus mentaliser, ne peut plus se représenter, cela ouvre une béance d’angoisse, c’est la sidération traumatique
Regard psycho-dynamique sur la souffrance de fin de vie J. Alric Un traumatisme bien spécifique : La parole médicale est guidée par l’anticipation de la mort La relation Médecin/Patient est profondément asymétrique
Regard psycho-dynamique sur la souffrance de fin de vie J. Alric La parole médicale est guidée par l’anticipation de la mort La parole anticipe la mort, cherche à résoudre les énigmes // Méthode scientifique Prédit le destin, Prophète des temps modernes ! Enferme le sujet dans le « Statut de Mourant » (R. W. Higgins., L’invention du Mourant. Violence de la mort pacifiée », Revue Esprit, 2003.) Anticipation et transparence = les médecins disent plus qu’avant, à des malades qui deviennent des partenaires de soin à qui il faut tout dire = l’approche autonomiste Haine du paternalisme alors que le sujet demande une forme de protection
Regard psycho-dynamique sur la souffrance de fin de vie J. Alric 2. Psychiquement parlant, la relation Médecin/Patient reste asymétrique * La position régressive + l’absolue nécessité du médecin crée une asymétrie relationnelle * Médecin = Place de sauveur = Obstination déraisonnable ! * Dans chaque malade, il existe une part autonome et une part fragile (L’enfant encore vivant dans l’adulte, l’Inconscient). A qui s’adresse-t-on lorsqu’on parle ? * Tenir compte de cette fragilité est une position éthique
Regard psycho-dynamique sur la souffrance de fin de vie J. Alric Le destin du traumatique Les mécanismes de défenses Déformations de la réalité objective pour éviter la souffrance Solutions trouvées par un sujet pour éviter un effondrement psychique plus grand Permettent de vivre avec une temporalité ouverte
Regard psycho-dynamique sur la souffrance de fin de vie J. Alric Deux façons d’accompagner : 1. Le modèle d’ E. Kübler-Ross. (« Sa mort » est représentable !) 2. Modèle de l’Eloge de la tranquillité (« Sa mort » est un impossible à se représenter en totalité !)
Regard psycho-dynamique sur la souffrance de fin de vie J. Alric 1. Le modèle de Kübler-Ross, Les étapes du Mourir (Les derniers instants de la vie, 1969.) Succession chronologique de phases (Déni, Révolte, Marchandage, Dépression, Acceptation) Objectif de l’accompagnement = Permettre au sujet d’accéder au stade de l’acceptation (Résignation et/ou Sérénité)
Regard psycho-dynamique sur la souffrance de fin de vie J. Alric Cette approche pose questions : Y-a-t-il plus de grandeur à consentir à la mort ou à y résister ? A l’accepter ou à se cabrer ? (BH Lévy, Préface de « Parler la mort », L. Burdin, 1997.) Le sujet de Kübler-Ross n’est il pas un sujet raisonnable, qui possède une entière maitrise de lui-même et aussi… religieux ? L’approche KR ne fait-elle pas le lit d’une MORALE DU BIEN MOURIR ? Risque d’une mort psychique avant l’heure ?
Regard psycho-dynamique sur la souffrance de fin de vie J. Alric 2. Modèle de l’Eloge de la tranquillité On peut se représenter la mort de l’Autre… mais pas la sienne ! « Il y a une impossibilité de se représenter sa propre mort pour la vie psychique », « Sa propre mort est impossible à se représenter en totalité » « Dans son inconscient, chacun est persuadé de sa propre immortalité » S. Freud, « Considérations actuelles sur la guerre et la mort », 1915.
Regard psycho-dynamique sur la souffrance de fin de vie J. Alric Sur quelles options philosophiques ce modèle est-il bati ? Epicure (« Tant que nous vivons, la mort n’est pas et quand nous mourons, nous ne sommes plus »), Spinoza (« L’homme libre ne pense à aucune chose moins qu’à la mort et sa sagesse est une méditation non de la mort mais de la vie »… « Nous sentons et nous savons par expérience que nous somme éternels »). Pascal (« Les hommes se bornent à ne pas penser au tragique de leur existence »), Jankélévitch (« La mort et moi nous sommes exclusifs l’un de l’autre et nous nous chassons réciproquement »), JL Nancy « La mort, par essence énigmatique, ne peut pas être acceptée, si accepter c’est reconnaître, incorporer et s’approprier »
Regard psycho-dynamique sur la souffrance de fin de vie J. Alric L’Eternel présent est mortifère La vie est toujours dans le devenir = l’Espoir est dans l’à-venir Le sujet conflictuel, en contradiction avec lui-même… est un mode d’être possible face à la mort Dans ce modèle, le patient oscille entre Raison (Contexte d’acceptation) et Irrationnel (Contexte de déni)… jusqu’au bout !
Regard psycho-dynamique sur la souffrance de fin de vie J. Alric Ce modèle correspond mieux aux patients (« personnes jeunes ») qui ne peuvent pas accéder à une acceptation sereine. Certaines sujets ne peuvent pas incorporer, ni s’approprier l’idée de leur mort : Il ne faut pas les brusquer !
Regard psycho-dynamique sur la souffrance de fin de vie J. Alric Dans le modèle de l’Eloge de la tranquillité… Le sujet est Ambivalent Contradictoire Clivé Un des chemins possibles de l’espoir
Regard psycho-dynamique sur la souffrance de fin de vie J. Alric En pratique, ce modèle de « l’Eloge de la tranquillité » redonne au sujet 3 libertés. Libertés : De rencontrer un professionnel palliatif, De dire ce qu’il veut, De ne pas faire le deuil de lui-même.
Regard psycho-dynamique sur la souffrance de fin de vie J. Alric La médecine a pris la voie de l’autonomie Cette voie a des effets sur l’accompagnement palliatif Le modèle de Kübler-Ross est dans le prolongement naturel de cela et lorsqu’il est appliqué à tout sujet, cela inflige une pression A nous de repérer que nous imposons alors quelque chose qui « vient de nous » Le modèle de l’Eloge de la tranquillité évite ce traumatisme Il fait contrepoids à l’hyperactivité médicale Il oblige à s’adapter entièrement au sujet Il invite à un effacement de soi = cela renvoie à la dimension de l’Amour Quelles limites ?