Syndrome Douloureux Vésical / Cystite interstitielle Dr Jean Jacques LABAT Centre fédératif de pelvi périnéologie
Douleur vésicale = Cystalgie Cystites Infectieuses Bactérienne (non spécifique, BK) Virale (CMV) Parasitaire (Bilharziose, leishmaniose, toxoplasmose) Chimiques après chimiothérapie (Endoxan) Après rayons Autres causes de douleurs vésicales à éliminer Tumeur vésicale Calculs vésicaux et urétéraux Pathologie uréthrale (malformative, infectieuse, tumorale, calcul) Pathologie de voisinage (infectieuse, inflammatoire, tumorale) Pathologies rares (cystite à éosinophiles, malacoplakie,incrustante)
Et quand tout cela est éliminé… Classiquement: « Cystalgie à urines claires » = sans infection prouvée « Cystite interstitielle »: quand l’examen endoscopique de la vessie (= cystoscopie) montre des anomalies Il a fallu définir la maladie Nombreuses classifications , régulièrement modifiées Association de douleurs et de mictions fréquentes (pollakiurie)
Historique 1907 : NITZE 1er cas décrit ? 1915 : HUNNER : petite vessie fibreuse - ulcère de Hunner 1978 : MESSING et STAMEY : Douleurs vésicales, absence d’infection, pétéchies post-distension 1987-1988 :critères NIH (National Insitutes of Health)
Critères du NIH 1987 Au moins un des symptômes suivants : Douleurs vésicales Impériosités mictionnelles (des besoins pressants) Au moins un des 2 critères suivants sur la cystoscopie : pétéchies ( = petits saignements) diffuses (> 10 par quadrant) dans au moins 3 quadrants Ulcère de Hunner Et : nombre de mictions de jour ≥ 8 nombre de mictions de nuit ≥ 2 Capacité vésicale <350 ml (patient conscient) Mais trop restrictif…et équivoque : « cystite »
Définition du syndrome de vessie douloureuse / Cystite interstitielle (ICS 2002 modifiée ESSIC 2005) ESSIC = European Society for the Study of IC/PBS PBS ou le syndrome de la vessie douloureuse douleur sus-pubienne liée au remplissage vésical et soulagée par la miction accompagnée par d’autres symptômes comme la pollakiurie nocturne ou diurne (plus de 8 le jour et plus de 1 la nuit) ou l’urgenturie (miction impérieuse) en l’absence d’infection urinaire prouvée ou d’autre pathologie évidente.
Définition du syndrome douloureux vésical / Cystite interstitielle (ESSIC 2008) Syndrome douloureux de la vessie ≠ syndrome de vessie douloureuse Pression ou inconfort perçu en relation avec la vessie Accompagnée par ou moins un symptôme: Envie persistante et forte d'uriner Pollakiurie Avec ou sans anomalie endoscopique Evoluant depuis plus de 6 mois
Commentaires Ne plus utiliser le terme « Cystite », trop en lien à une connotation infectieuse Préférer un terme plus général « Syndrome » La notion de douleur n’est plus obligatoire (inconfort) La notion d’influence par le remplissage vésical n’est plus obligatoire La notion d’urgence a disparu (besoin persistant) C’est le patient qui définit que sa douleur est en rapport avec la vessie Cette définition est très hétérogène et englobe beaucoup de troubles pas forcément d’origine urinaire, la douleur s’exprime au niveau de la vessie
Physiopathologie Etiologies infectieuses Modification de la perméabilité urothéliale Augmentation de l'activité des mastocytes Anomalies auto-immunes Hypothèse neurogène
Théories infectieuses Infections aigues exclues Etat immuno-allergique créé par infection qui a disparu Renforcement d’un état douloureux chronique local : interférence infection – substance P Bactéries ou microorganismes non identifiés à ce jour. Pas d’infection en cours
Altération de la perméabilité de la paroi vésicale Vessie a une couche hydrophile imperméable Altération de la couche GAG (glycosamini glycane) qui en est un facteur important Conséquences Facilite le passage des composants de l’urine, source de douleur Facilite colonisation bactérienne Pourrait entraîner une activation mastocytaire (cellules de l’inflammation) Favorise développement réaction auto-immune Questions non résolues : Cause ou conséquence? Spécificité des lésions observées? Conséquences thérapeutiques?
Théorie auto immune Il existe des associations fréquentes à d’autres maladies auto immune (lupus, syndrome de Goujerot, thyroïdite, polyarthrite..) Il existe un état d’auto-immunité dont le profil est proche de la sclérodermie deux scenarii possibles : CI est due à une pathologie auto-immune dirigée contre la vessie Les manifestations observées sont secondaires aux dégâts locaux (inflammation, perméabilité) Pure coincidence :peu probable compte tenu des concentrations observées proche de vraies maladies autoimmunes Pathologie directe : why not car despatho organes spécifiques existent (diabete, thyroidite)mais pas d’autoac spécifiques retrouvés.
Théories neurogènes Deux hypothèses Cystite interstitielle = « douleur » vésicale d’origine neurologique, éventuellement douleur » projetée » dans le cadre de dysfonctionnement thoraco lombaire Cystite interstitielle = algodystrophie vésicale, réaction du système sympathique à une agression externe
Cystite interstitielle et douleurs dysfonctionnelles Associations fréquentes avec Fibromyalgie, douleurs myofasciales Syndrome de l’intestin irritable (= colopathie fonctionnelle) Vulvodynie provoquée, dysménorrhées Migraines Dysfonction temporo mandibulaire Syndrome de fatigue chronique…. Expression locale d’une hypersensibilisation centrale?
Prévalence (nombre de cas) 18,6 /100 000 femmes Oravisto (Finlande) 30/100 000 Held (USA) 67/100 000 Curhan (USA) En Europe de 1/12 500 à 1/1500 9 femmes pour un homme (?) 90 à 95 % « race » blanche (origine juive) USA > Europe 450 000 USA (20 000 hémophiles) Sous estimation (1/5)
Délai avant diagnostic Age lors du diagnostic 43 ans (25 % inférieure à 30 ans) 46,9 ans (si ulcère de Hunner) 53 ans (hommes) Délai avant diagnostic 3 à 5 ans (30 ans) 5 médecins (2 à 10) : généraliste, interniste, psychiatre, neurologue, gynécologue, urologue...
Evaluation de la pollakiurie et de la douleur
Calendrier Mictionnel Evaluation Volume (capacité vésicale fonctionnelle) Pollakiurie diurne et nocturne Attention à la polyurie Intensité de la douleur et le rythme avec la miction Heure Volume Douleur avant miction Douleur 15’ après la miction
Fréquence des symptômes Formes minimes Formes sévères Impériosités 84 % 92 % Pollakiurie 82 % 95 % (S) Douleur pelvienne 71 % 72 % Pesanteur pelvienne 57 % 63 % Spasmes vésicaux 57 % 67 % Douleurs lors des rapports 57 % 41 % (S) Sensation de brûlures 59 % 65 % Réveil nocturne par la douleur 39 % 61 % (S) Sensation de mal vider 45 % 43 % Douleurs après les rapports 39 % 32 % Sang dans les urines 20 % 35 % (S) Intervalle entre 2 mictions (jour) (h) 1,2 1,3 Intervalle entre 2 mictions (nuit) (h) 2,6 2,2 (S)
Type de la douleur Pression 88 % Douleur 86 % Brûlures 70 % Pesanteur 67 % Spasmes 62 % Piqûre 61 % Ballonnement 52 % Coup de couteau 52 %
Intensité de la douleur Formes minimes Formes sévères Absence 6 % 3 % Minime 8 % 8 % Modérée 36 % 27 % Sévère 26 % 40 % Insupportable 24 % 22 %
Actions diminuant la douleur Formes minimes Formes sévères Miction 63 % 82 % (S) Traitement 51 % 45 % Bains chauds 41 % 42 % Serviettes chaudes 25 % 37 % Activités diverses 23 % 27 % Position couchée étendue 29 % 28 % Position couchée recroquevillée 31 % 30 % Position assise 18 % 24 % Position debout 6 % 3 %
Actions augmentant la douleur Formes minimes Formes sévères Stress 54 % 67 % Rapports sexuels 50 % 46 % Vêtements serrés 52 % 43 % Exercice 40 % 46 % Traitement 10 % 19 %
Aliments augmentant la douleur Boissons acides 54 % Café 51 % Epices 46 % Alcool 44 % Boissons gazeuses 40 % Thé 38 % Chocolat 29 %
Localisation de la douleur Hypogastre 80 % Urètre 74 % Postérieure basse 66 % Vagin 52 % Périnée (homme) 47 % Autre 28 % Rectum 25 %
Fréquence mictionnelle diurne < 10 : 32 % 11 - 14 : 28 % ≥ 15 : 41 %
Fréquence mictionnelle nocturne 0 - 1 : 38 % 2 - 3 : 41 % ≥ 4 : 21 %
Impériosités Rare : 20 % Parfois : 32 % Toujours: 48 % Le stress augmente les impériosités
Ulcère / Non Ulcère 214 patientes (36 Ulcères / 178 Pas d’ulcère) Groupes comparable Niveau d’éducation Statut marital Nombre de zones douloureuses Douleur rachidienne ou abdominale Scores douleur: O’leary Sant, EVA, MPQ-SF, BPI Pas de différence L’expression clinique n’est pas corrélée aux anomalies visibles en endoscopie (Killinger et al Int Urogynecol J 2012)
Schéma douleur
Phénotype 193 patientes Corrélation Extension douleur Qualité de vie Mental Physique (Tripp et al Eur Urol 2012)
Aspects psychologiques et CI Activités habituelles impossibles 68 % Asthénie 64 % Dépression 56 % Difficultés de concentration 50 % Insomnie / Somnolence diurne 50 % Variations pondérales 36 % Sensations d inutilité, arrêt de travail 31 % Anxiété, phobie 27 % Aide psychiatrique 17 %
Dans 83% des cas, le stress aggrave les symptômes Questionnaire AFCI Dans 83% des cas, le stress aggrave les symptômes
Examens complémentaires pour confirmer le diagnostic
Examens Para-Cliniques ECBU Pas d’infection Hématurie microscopique classique Cytologie urinaire Recherche de Cancer In Situ (dysplasie de haut grade) Radiologie: pas de recommandation Diagnostic différentiel
Examens Para-Cliniques Evaluation Urodynamique (mesure des pressions intra vésivales) Débitmétrie + mesure du résidu post-mictionnel Bilan Urodynamique discuté car douloureux Recherche Volume d’apparition des douleurs Capacité vésicale Défaut de compliance Possible Hyper-activité associée
Cystoscopie Au bloc sous AG indispensable Cystoscopie Lésion de Hünner Glomérulations Hydrodistension courte ++ 80 cm d'H20 Remplissage jusqu’à équilibre des pressions 3-5 minutes Capacité vésicale (≠ capacité fonctionnelle) Biopsie de vessie +
Classification endoscopique Grade 0 Muqueuse normale Grade 1 Pétéchies dans moins de 2 quadrants Grade 2 Saignement sous-muqueux important (ecchymose) Grade 3 Saignement diffus global de la muqueuse Grade 4 Déchirure de la muqueuse avec ou sans saignement/œdème
Histologie Pas d’image spécifique Eliminer un carcinome in situ ++ Infiltration musculaire de mastocytes < 20 mastocytes/mm2 Pas d'infiltration 20 – 28 mastocytes/mm2 Zone grise > 28 mastocytes/mm2 Infiltration
En pratique AVEC anomalies à la cystoscopie Véritable maladie de la paroi Ancienne « Cystite Interstitielle » Evolution vers un défaut de compliance SANS anomalie à la cystoscopie « Hypersensibilité vésicale » Expression de la douleur Douleur pelvienne globale
Prise en charge Thérapeutique
Régime alimentaire Aggravation des douleurs Diminution des douleurs Acidification des urines Boisson acides, citron Café Epices, l’alcool chocolat, yaourt, lait fermenté, banane, Diminution des douleurs Alcalinisation des urines Bicarbonates Eau de Vichy Mais variable d’un patient à l’autre ++
Traitement par Voie Orale
Voie Orale Anti-histaminiques Anti-dépresseur Autres Hydroxyzine (Atarax*) 25 - 75 mg par jour Non significatif Cimétidine (Tagamet*) 200 mg x 2 fois par jour Significatif Anti-dépresseur Amitriptyline (Laroxyl*) 25 - 100mg par jour Significatif Autres Cyclosporine, Lyrica, Neurontin, Corticoides
Pentosan-polysulfate (Elmiron*) Glycosaminoglycane (GAG) éliminé dans les urines Dosage de 100mg x 3 par jour Autorisation Temporaire d’Utilisation (ATU) Essai de l’ICCTG (Sant et al 2003) 121 patients Elmiron vs placebo Non significatif
Traitements Médicaux Revue des études prospectives, contrôlées, randomisées, plus de 10 patients (Dimitrakov et al 2007) 21 études - 1470 patients Ttt par voie orale et endo-vésical Pentosane-polysulfate (Elmiron*) Bénéfice modeste avec RR d’amélioration 1,78 Seul à avoir l’autorisation de la FDA Autres traitements Pas d’évidence statistique
Traitement Intra-vésical
Hydrodistension vésicale Mécanisme ? Nécrose ischémique des fibres nerveuses Durée De 30 minutes à 3 heures Volume Pression intra-vésicale de 80cm d’H2O Efficacité Etudes très hétérogènes 50 à 70% d’amélioration à 3-6 mois
Instillation de DMSO (Diméthyle-Sulfoxyde) Action anti-inflammatoire et sur les fibres C 4 à 8 instillations de DMSO concentré à 50% Toutes les 1-2 semaines Amélioration des symptômes dans 50-70% 2 études prospectives (Sant 1987, Perez-Marrero 1988) Amélioration durant le traitement (90%) Récidive à l’arrêt des instillations (40-60%) Intérêt du traitement d’entretien ?
Autres Instillations Héparine BCG (effet immunologique TH1) Héparine effet semblable au GAG, anti-inflammatoire Amélioration dans 50-60 % en entretien BCG (effet immunologique TH1) Non recommandé en pratique Acide Hyaluronique (Cystistat*) Efficacité insuffisante pour l’HAS (non remboursé) Chondroïtine sulfate Lidocaine alcalinisée (PSD597) Etude randomisée vs placebo (significatif) Résiniferatoxine- Capsaïcine Augmentation des douleurs, Dose-dépendance
Instillations endo-vésicales Revue de la Cochrane Database (Dawson et al 2007) 9 études randomisées ou quasi-randomisées 616 patients avec CI/PBS Efficacité limitée des instillations Resiniferatoxine et DMSO Peu d’effet Problème d’évaluation entre les études Besoin d’études prospectives randomisées
Traitement Chirurgical
Injection de Toxine Botulique A Revue systématique des études (Tirumuru et al 2010 ) Total de 260 patients 3 études randomisées 7 études prospectives non randomisées Botox 100-300UI, 20-30 ponctions trigone Amélioration des symptômes (8 études) Douleur, Pollakiurie, Volume et QdV Amélioration globale dans 70% des cas à 3 mois Dysurie 7% (19/260) auto-sondage
Neuromodulation Sacrée Pas une indication reconnue pour la douleur Quelques études (15 à 80 cas) Taux d’implantation ≈ 60-70% Suivi de ≈ 12 mois Résultats Amélioration (Significative) Pollakiurie, Urgenturie, Volume mictionnel Amélioration des douleurs pelviennes dans ≈ 60% Diminution de la consommation de narcotiques
Cystectomie (enlever la vessie) En cas d’échec des traitements conservateurs Et l’agrandir ou la remplacer avec de l’intestin Ou ablation totale et dériver directement les urines à la peau avec poche (Bricker) Résultats sont disparates 0% à 100% d’efficacité (75%) Fonction de la capacité vésicale (Lotenfoe et al 1995) 20% si > 400cc 88% si < 400cc
Conclusions Thérapeutiques
Anomalies Cystoscopiques Hydrodistension courte Hydrodistension longue (si réponse courte) Traitement par voie Orale Laroxyl*, Elmiron* Instillation de DMSO, héparine ? Traitement de recours Botox (attention au risque de devoir s’autosonder!) Neuromodulation Cystectomie
Cystoscopie Normale Hydrodistension courte Traitement Orale ou Vésical Souvent Echec donc pas d’hydrodistension longue Traitement Orale ou Vésical Laroxyl*, Lyrica* Souvent Echec Prise en charge algologique globale +++ Traitement de recours Botox Neuromodulation Eviter la Cystectomie