L’EXPERTISE JUDICIAIRE CIVILE Anne-Marie Brocard-Laffy
QUEL JUGE VA VOUS DESIGNER ? Les juridictions françaises Les juridictions de l’ordre judiciaire Les juridictions de l’ordre administratif
juridictions de l’ordre judiciaires 1er ressort Tribunal de grande instance –Tribunal d’ instance Tribunal de Commerce - Conseil des Prud’hommes 2ème ressort Cour d’appel Jugent les affaires en fait et en droit La cour de cassation Juge le droit pas le fait
LES JURIDICTIONS CIVILES Jugent les litiges opposant les particuliers donc les intérêts privés Vous serez désignés par : Le juge des référés (art.145 CPC) Les juges du fond Le juge du contrôle La cour d’appel
LES JURIDICTIONS PENALES Objet : Sanction des atteintes à l’ordre public et protection des libertés individuelles Vous serez désignés par: Le procureur ( ministère public ) Le juge d’instruction Le tribunal correctionnel La cour d’appel
LES JURIDICTIONS de L’ORDRE ADMINISTRATIF tribunal administratif cour administrative d’appel conseil d’état L’administration se juge elle-même Compétence : litiges opposant les particuliers et les administrations de l’état Vous serez désignés par: Le tribunal administratif ( juge des référés et juge du fond) La cour administrative d’appel
L’EXPERTISE JUDICIAIRE CIVILE Qu’est ce que le juge attend de l’expert ? L’éclairer sur les problèmes techniques posés par l’affaire en donnant son avis sur les points pour l’examen desquels il a été commis(art 232-238 cpc) Il ne doit jamais porter d’appréciation d’ordre juridiques ( art 238 cpc) La technique : l’expert Le droit : le juge
QUELLES REGLES DOIT SUIVRE L’EXPERT JUDICIAIRE ? L’expert judiciaire est l’auxiliaire du juge Il est tenu aux mêmes obligations formulées par: Les règles du procès équitable définies par l’art 6-1 de la CEDH : « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi ……. » Les règles énoncées par le code de procédure civile ( CPC)
Le fil rouge de l’expertise LA CONTRADICTION Art 16 CPC : « le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui même le principe du contradictoire » L’arrêt Montavanelli / France (CEDH 18-3-1997)
LE DEROULEMENT DES OPERATIONS EXPERTALES L’acceptation de sa mission par l’expert au vu de : sa compétence son indépendance (relations personnelles avec une partie-situation de conflit d’intérêt) sa disponibilité
QUAND L ‘EXPERT COMMENCE -t –IL SA MISSION ? Quand la provision fixée par le juge est consignée à la régie Sauf décision contraire du juge (exceptionnel) Caducité à défaut de consignation dans le délai imparti
LES CONVOCATIONS Art 160 cpc Les parties - par LRAR pour la 1re réunion - par lettre simple ensuite sauf pour les parties défaillantes Les avocats : par lettre simple L’expert peut aussi : - Fixer une date à l’issue d’une réunion - Convoquer par voie électronique après consentement des destinataires (art 748-2 CPC)
LA TENUE des REUNIONS D’EXPERTISE Une réunion minimum Spécificité de la première réunion: L’expert se présente Lecture de la mission Elle ne peut porter que sur des points techniques Quid si problèmes d’interprétation? Présentation de sa méthode par l’expert
Pour toutes les réunions Nécessité pour l’expert de convoquer toutes les parties et leurs avocats à chaque réunion Appel et/ ou feuille de présence Communication des pièces Discussion expert / parties Fixation réunion suivante et programme Compte rendu Quid des dires des parties ?
LES CONSEILS DES PARTIES L’avocat Monopole de représentation des parties en justice Il doit toujours être convoqué par l’expert et représente son client en son absence L’assistant technique (art 161 CPC) assiste la partie mais ne la représente pas il peut participer à l’expertise à ses côtés et l’expert doit prendre en compte ses observations écrites qui doivent être signées ou contresignées par la partie ou son avocat et les joindre à son rapport Intérêt: permet une discussion technique approfondie
LA COMMUNICATION DES PIECES Art 10 du code civil Art 132 à137 CPC Art 243 et 275 CPC Obligation des parties de se communiquer les pièces qu’elles remettent à l’expert Obligation pour l’expert de le contrôler modalités pour assurer le respect du secret médical et du secret des affaires Quid en cas de difficultés ? Recours au juge du contrôle - Injonction - Astreinte - Autorisation de déposer le rapport en l’état (art 275 al 2 CPC)
LES INVESTIGATIONS EFFECTUEES PAR L’EXPERT Deux obligations: 1) effectuer lui-même sa mission ( art 233 ) donc interdiction de la sous –traiter mais possibilité de se faire assister d’un collaborateur sous son contrôle (art 278-1) 2) respecter la contradiction donc en présence des parties et de leurs avocats régulièrement convoqués
Exemples d’investigations - Visite des lieux - Examen des désordres –dégradations - Analyse comptabilité - Examen livre du personnel Quid en cas de difficultés ? Recours au juge du contrôle qui peut prendre des mesures Exemple : autorisation de se faire assister par un huissier ,un officier de police judiciaire et un serrurier pour entrer dans les lieux
CAS PARTICULIERS Investigations techniques purement matérielles Expertises acoustiques Examen clinique du malade Limites dues au secret des affaires
L’AUDITION des SACHANTS Art 242 CPC Les règles à respecter: Mentionner état civil et relations éventuelles avec une partie Soumettre à la discussion des parties les éléments obtenus par l’expert et les joindre au rapport
LE RECOURS à un SAPITEUR RAPPEL: l’expert doit remplir sa mission personnellement ( art 233 CPC ) mais possibilité de recueillir l’avis d’un autre technicien dans une spécialité distincte de la sienne (art 278 CPC) Modalités : Initiative de l’expert qui en informe le juge du contrôle, mais n’a pas à requérir son autorisation mais attention c’est l’expert qui rémunère son sapiteur (précautions à prendre) L’avis du sapiteur doit être communiqué aux parties dés sa remise à l’expert pour permettre sa discussion et joint au rapport
LES INTERVENTIONS de NOUVELLES PARTIES Nécessité de créer un nouveau lien juridique Problèmes posés par les interventions tardives Observations préalables de l’expert ( art 245- 3ème al CPC ) L’expert doit rendre compte à la nouvelle partie au cours d’une réunion contradictoire avec les parties initiales de ses opérations, lui remettre ses pièces et veiller à ce que les parties lui communiquent leurs pièces Mais il n’a pas à recommencer ses investigations
LA CONCILIATION L’art 240 CPC interdit à l’expert de concilier Si les parties se concilient au cours des opérations d’expertise , celles-ci s’arrêtent et l’expert en fait rapport au juge (art 281 CPC) Il ne dépose pas de rapport et adresse au juge son état des frais et honoraires attention : l’expert a intérêt à donner un délai aux parties pour éviter que le retard ne lui soit imputé à faute
LES SANCTIONS( 1) La récusation (Art 234 et 341 CPC) Les causes Les 8 causes prévues par l’art 341 CPC: -7causes objectives : les relations existant entre l’expert ou son conjoint avec une partie -1cause subjective : l’amitié ou l’inimitié notoire Le manque d’impartialité
LES SANCTIONS ( 2 ) Le remplacement de l’expert qui manque à ses devoirs (art 235 al 2 CPC ) Quels sont ces devoirs ? Remplir sa mission personnellement (art 233 CPC) Accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité (art 237 CPC) Donner son avis sur les points pour l’examen desquels il a été commis , ne pas répondre à d’autres questions que celles posées par les juges sauf accord écrit des parties et ne pas porter d’appréciation d’ordre juridique (art 238 CPC) Respecter les délais qui lui sont impartis (art 239 CPC)
LES SANCTIONS ( 3) 1) Procédure devant le juge du contrôle (ou le juge de la mise en l’état) pour obtenir le remplacement de l’expert par un autre en cours d’expertise, par voie de requête (à bref délai s’agissant de la récusation ) 2) Procédure devant le juge du fond saisi par assignation, dans le cadre de laquelle sera sollicitée la nullité du rapport d’expertise
LES DIRES et LE DOCUMENT de SYNTHESE ART 276 CPC « l’expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu’elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent Toutefois, lorsque l’expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n’est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l’expiration de ce délais, à moins qu’il n’existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge Lorsqu’elles sont écrites, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu’elles présentées antérieurement .à défaut, elles sont réputées abandonnées par les parties L’expert doit faire mention, dans son avis ,de la suite qu’il aura donnée aux observations ou réclamations présentées »
LA CONVENTION du 8.6.2009 prévoit que lorsque l’expert a abouti sa réflexion, il établit et adresse aux parties un document de synthèse contenant ses conclusions sur les différents points de sa mission
MISE en APPLICATION de ces PRINCIPES au cours des opérations expertales, les avocats adressent des dires à l’expert L’expert doit les prendre en compte sans pour autant y répondre systématiquement par écrit à l’issu de ses opérations ,l’expert établit son document de synthèse et fixe aux parties une date pour la remise de leurs derniers dires( dits dires récapitulatifs) l’expert devra y répondre dans son rapport et les joindre à son rapport
LE RAPPORT d’EXPERTISE 1) Introduction - la mission - le litige 2) Les opérations d’expertise - Historique des opérations - document de synthèse et dires des parties 3) La discussion - étude factuelle et technique répondant aux observations des parties 4) Conclusion - réponse aux questions de sa mission
LES ANNEXES du RAPPORT La décision désignant l’expert et le cas échéant les décisions postérieures Les justificatifs des convocations et le cas échéant les feuilles de présence Les différents avis reçus par l’expert et qui ont du être communiqués par lui et avoir fait l’objet de discussion au cours des opérations expertales (sachants-sapiteurs….. les pièces sur lesquelles se fonde l’expert pour étayer sa démonstration et les bordereaux de communication de pièces remis par les avocats avec les dites pièces Eventuellement la transaction signée entre les parties en particulier si elle est partielle L’accord éventuel des parties pour limiter ou étendre la mission de l’expert Les dires des parties et leurs dires récapitulatifs Les notes de l’expert et le document de synthèse L’état des frais et honoraires de l’expert
LE DEPOT DU RAPPORT L’expert doit Déposer son rapport avec les annexes au greffe de la juridiction qui l’a désigné en adresser copie à chaque partie par L.R.A.R. Attention: la prescription de 5 ans concernant les actions en responsabilité initiées à l’encontre des experts (loi du 17.6.2008) court du jour où celui qui se considère victime a connaissance du fait dommageable
LA REMUNERATION des EXPERTS JUDICIAIRES (1) Art 248 CPC :interdiction faite à l’expert de recevoir une rémunération d’une partie même à titre de remboursement L’expert n’est payé qu’après le dépôt de son rapport en attendant sa rémunération est consignée à la régie MODALITES La décision désignant l’expert fixe la consignation initiale avec indication de la partie devant consigner et le délai sous peine de caducité L’art 280-al 2 CPC prévoit que des provisions complémentaires peuvent être sollicitées par l’expert ;celui-ci en fait la demande au juge avec un état détaillé de ses frais et honoraires à prévoir
LA REMUNERATION ( 2) Important : la convention du 4.5.2006 qui propose que l’expert indique rapidement (dans le délai de 5 à 6 semaines) le montant prévisible de ses frais et honoraires Pourquoi ? Le justiciable doit savoir le coût de l’expertise et son intérêt éventuel L’art 280.al2 CPC prévoit la possibilité d’un rapport en l’état en cas d’absence de consignation L’art 280 al 1 CPC prévoit la possibilité d’acompte
LA REMUNERATION ( 3) Avec son rapport l’expert dépose sa demande de taxe avec un état de ses frais et honoraires et le communique aux parties qui ont un délai de 15 jours à compter de sa réception pour formuler leurs observations le juge fixe sa rémunération en fonction de ses diligences ,du respect des délais impartis et de la qualité du travail fourni(art 284 CPC) il autorise l’expert à se faire remettre les sommes consignées à due concurrence si la consignation est insuffisante le juge délivre à l’expert un titre exécutoire si le juge envisage de fixer la rémunération de l’expert à un montant inférieur à la demande il invite au préalable l’expert à formuler ses observations
Conclusion Il ne vous reste plus qu’à être de bons experts judiciaires Bon courage la justice a besoin de vous