IMPOSITION DES VALEURS MOBILIERES ET APPROFONDISSEMENT DU MARCHE FINANCIER DANS LA ZONE UEMOA Présentation : Dr Raymond MBADIFFO KOUAMO Cabinet OKAPI
INTRODUCTION Dans l’optique de la mise en place des mesures qui peuvent contribuer à l’épanouissement de marché financier régional, le Conseil des Ministres de l’UEMOA a promulgué en mars 2010 une directive relative à la fiscalité des Valeurs Mobilières. Le marché financier étant composé de plusieurs compartiments qui a chacun sa spécificité, son épanouissement dépend de celui de chaque compartiment. Cette directive peut elle contribuer efficacement à l’épanouissement du marché hypothécaire dont les opérations semblent plus complexes que dans les autres compartiments?
SOMMAIRE PREMIERE PARTIE : L’EXISTANT REGIME FISCAL DES REVENUS DES ACTIONS ET DES PARTS D’INTERETS REGIME FISCAL DES REVENUS DES OBLIGATIONS REGIME FISCAL APPLICABLE AUX REVENUS DISTRIBUES PAR LES ORGANISMES DE GESTION COLLECTIVE AUTRES AVANTAGES FISCAUX RELATIFS REVENUS DES VALEURS MOBILIERES ET DES OPERATIONS DES INTERMEDIAIRES FINANCIERS
DEUXIEME PARTIE : LES IMPOSITIONS POUVANT CONSTITUEES DES EVENTUELS OBSTACLES LE REGIME FISCAL DU TRANSFERT DES CREANCES DANS LES ETATS MEMBRES DE L’UEMOA II LE REGIME FISCAL DU TRANSFERT DES hypothèques DANS LES ETATS MEMBRES DE L’UEMOA
PREMIERE PARTIE : L’EXISTANT I- LE REGIME FISCAL DES REVENUS DES ACTIONS ET DES PARTS D’INTERETS A- DEFINITION Les revenus des actions sont les sommes mises à disposition des associés actionnaires par les sociétés de capitaux qui sont: - Les Sociétés Anonymes; - Les Sociétés en Commandites par Actions. (l’acte uniforme OHADA relatif au Droit des Sociétés Commerciales n’a pas pris en compte cette forme de société.) Ces sommes sont en général prélevées sur les bénéfices nets de l’exercice clos ou sur les bénéfices mis en report à nouveau ou en réserves.
Les parts d’intérêts sont les sommes mises à disposition des associés par : - Les sociétés de personnes : les Sociétés en Nom Collectif et les Sociétés en Commandite Simple; - Les sociétés mixtes : les Sociétés à Responsabilité Limitée Dans les Sociétés à Responsabilité Limitée, ces sommes sont en général prélevées sur les bénéfices nets de l’exercice clos ou sur les bénéfices mis en report à nouveau ou en réserves. Dans les sociétés de personnes, ces sommes sont en général prélevées sur les bénéfices nets de l’exercice clos.
B- IMPOSITION DES REVENUS DES ACTIONS ET DES PARTS D’INTERETS DANS LES SOCIETES NON COTEES EN BOURSE Selon les dispositions de l’article 3 de la Directive N° 02/2010/CM/UEMOA du 30 mars 2010 portant harmonisation de la fiscalité applicable aux valeurs mobilières des les Etats membres de l’UEMOA, le taux d’imposition applicable aux dividendes distribués par les sociétés non cotées sur une bourse des valeurs agrées par le CREPMF, doit être compris entre 10 % et 15 %, . Avant cette directive, le taux d’imposition dans certains pays comme : le bénin, la Côte d’Ivoire, etc. s’élevait à 18 %.
C- IMPOSITION DES REVENUS DES ACTIONS ET DES PARTS D’INTERETS DANS LES SOCIETES COTEES EN BOURSE Selon les dispositions de l’article 3 de la Directive N° 02/2010/CM/UEMOA du 30 mars 2010 portant harmonisation de la fiscalité applicable aux valeurs mobilières des les Etats membres de l’UEMOA, le taux d’imposition applicable aux dividendes distribués par les sociétés cotées sur une bourse des valeurs agrées par le CREPMF, doit être compris entre 2 % et 7 %, .
D- IMPOSITION DES PLUS VALUES SUR CESSION DES ACTIONS Il y a plus value sur cession des actions lorsque le prix de cession est supérieur au prix d’achat. Selon les dispositions de l’article 3 de la Directive N° 02/2010/CM/UEMOA du 30 mars 2010 portant harmonisation de la fiscalité applicable aux valeurs mobilières des les Etats membres de l’UEMOA, le taux d’imposition applicable à la plus value sur cession des actions, doit être compris entre 0 % et 7 %, .
II- LE REGIME FISCAL DES REVENUS DES OBLIGATIONS A- DEFINITION Une obligation est un titre de créance sur l'État, sur des entreprises privées ou encore sur un organisme public ou semi-public qui ont contracté un emprunt auprès du public, en fixant à l'avance la durée du prêt et ses modalités de rémunération. Une obligation représente ainsi une reconnaissance de dette de son émetteur. Comme pour la plupart des prêts, l'emprunteur vous versera des intérêts, appelés "coupons" et le prêt sera remboursé à l'échéance. L'emprunt est divisé en obligations de la même manière que le capital des sociétés est divisé en actions.
Sur le marché obligataire classique, on distingue deux catégories d’obligations: - les obligations "à taux fixe" : le montant du coupon est fixé une fois pour toute lors du lancement de l'emprunt, - les obligations "à taux variable" : le montant du coupon varie selon l'évolution des taux de référence (taux du marché monétaire ou taux du marché obligataire). Sur le marché hypothécaire, on retrouve aussi des obligations qui sont différentes des obligations classiques. Ce sont des obligations sécurisées.
Les obligations sécurisées sont des obligations couvertes par des crédits hypothécaires. Ces obligations sécurisées sont semblables aux obligations classiques, à taux fixe, avec une amélioration importante : le recours à un pool d'actifs qui « sécurise » ou « couvre » l'obligation si son émetteur devient insolvable. Les sommes provenant du remboursement des prêts ou de la réalisation des hypothèques sont d’abord affectées au paiement des obligations sécurisées.
B- IMPOSITION DES REVENUS DES OBLIGATIONS Selon les dispositions des articles 6 et 7 de la Directive N° 02/2010/CM/UEMOA du 30 mars 2010 portant harmonisation de la fiscalité applicable aux valeurs mobilières des les Etats membres de l’UEMOA, le taux d’imposition des revenus des obligations varie entre 0 % et 6 %.
C- IMPOSITION DES PLUS VALUES DE CESSION DES OBLIGATIONS Il y a plus value sur cession des obligations lorsque le prix de cession est supérieur au prix d’achat. Selon les dispositions de l’article 8 de la Directive N° 02/2010/CM/UEMOA du 30 mars 2010 portant harmonisation de la fiscalité applicable aux valeurs mobilières des les Etats membres de l’UEMOA, le taux d’imposition des plus values de cession des obligations varie entre 0 % et 5 %.
A- IMPOSITION DES DIVIDENDES II- LE REGIME FISCAL DES REVENUS DISTRIBUES PAR LES ORGANISMES DE GESTION COLLECTIVE A- IMPOSITION DES DIVIDENDES Les OPCVM et les autres organismes de placement collectif, agréés par le CREPMF, sont des Sociétés Anonymes. Donc les revenus qu’ils distribuent à leurs associés actionnaires sont des dividendes qui, au régime de droit commun, sont soumis à l’Impôt sur les Revenus des Valeurs Mobilières. Selon les dispositions de l’article 9 de la Directive N° 02/2010/CM/UEMOA du 30 mars 2010 portant harmonisation de la fiscalité applicable aux valeurs mobilières des les Etats membres de l’UEMOA, les dividendes distribués par les OPCVM et les autres organismes de placement collectif, agréés par le CREPMF, sont exonérés de l’Impôt sur les Revenus des Valeurs Mobilières.
B- IMPOSITION DES PLUS VALUES SUR CESSION DES VALEURS MOBILIERES Les détenteurs des actions des OPCVM et autres organismes de placement collectif, peuvent céder leurs titres et dégager des plus values sur cession des Valeurs Mobilières. Selon le régime de droit commun, ces plus values sont soumis à l’Impôt sur les Revenus des Valeurs Mobilières Selon les dispositions de l’article 10 de la Directive N° 02/2010/CM/UEMOA du 30 mars 2010 portant harmonisation de la fiscalité applicable aux valeurs mobilières des les Etats membres de l’UEMOA, les plus values sur cession des Valeurs Mobilières réalisées par les détenteurs des actions des OPCVM et des autres organismes de placement collectif, agréés par le CREPMF, sont exonérés de l’Impôt sur les Revenus des Valeurs Mobilières.
IV- AUTRES AVANTAGES FISCAUX RELATIFS REVENUS DES VALEURS MOBILIERES ET DES OPERATIONS DES INTERMEDIAIRES FINANCIERS A- MESURES PRISES POUR EVITER LA DOUBLE IMPOSITION DES REVENUS DES VALEURS MOBILIERES La situation de double imposition peut se présenter lorsque le domicile fiscal de l’associé (pays où l’associé s’acquitte de ses obligations fiscales) est différent du pays qui abrite de siège de la société. En effet, selon le régime fiscal de droit commun en vigueur dans les pays de la zone UEMOA, l’impôt sur les dividendes, (reçus par les associés) est retenu à la source par la société qui a distribuée, et, reversé dans le pays qui abrite son siège. Donc, d’une part, l’associé paye un impôt sur les dividendes reçus dans la pays qui abrite le siège de la société dont il détient les actions.
D’autre part, l’associé a l’obligation de payer dans domicile fiscal, l’impôt sur tous les revenus qu’il a perçu. Donc il payera dans son domicile fiscal un impôt sur les dividendes reçus. Pour éviter la double imposition, les dispositions de l’article 11 de la Directive N° 02/2010/CM/UEMOA du 30 mars 2010 portant harmonisation de la fiscalité applicable aux valeurs mobilières des les Etats membres de l’UEMOA, exonère les dividendes qui ont supportés l’impôt sur les Revenus des Valeurs Mobilières dans un Etat membre de l’UEMOA, de tous autres impôts et taxes équivalents dans les autres Etats membres de l’UEMOA.
B- TAXES INDIRECTES PERCUES SUR LES OPERATIONS DES INTERMEDIAIRES FINANCIERS Selon législation fiscale en vigueur dans les pays de la zone UEMOA, les prestations de services effectuées par les intermédiaires financiers sont imposables à la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) et divers Taxes indirectes. 1- Imposition à la TVA Selon les dispositions de l’article 12 de la Directive N° 02/2010/CM/UEMOA du 30 mars 2010 portant harmonisation de la fiscalité applicable aux valeurs mobilières des les Etats membres de l’UEMOA, les prestations de services directement liées aux opérations du marché financier effectuées par les intermédiaires financiers, agréés par le CREPMF, sont assimilées à des exportations. Ces opérations sont par conséquent imposables à la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) au taux de 0 %.
2- Imposition à divers Taxes Indirects Selon les dispositions de l’article 12 de la Directive N° 02/2010/CM/UEMOA du 30 mars 2010 portant harmonisation de la fiscalité applicable aux valeurs mobilières des les Etats membres de l’UEMOA, les prestations de services directement liées aux opérations du marché financier effectuées par les intermédiaires financiers, agréés par le CREPMF, sont exonérées des Taxes Indirects (autres que la TVA) sur les opérations financières, perçues dans les Etats membres de UEMOA.
DEUXIEME PARTIE : LES IMPOSITIONS POUVANT CONSTITUEES DES EVENTUELS OBSTACLES La cession des créances constitue l’un des fondements des opérations de titrisation. Or, à ces créances sont attachés des garanties qui sont des hypothèques. La cession des créances entrainent automatiquement la transmission des hypothèques. Selon législation fiscale en vigueur dans les pays membres de UEMOA, la cession des créances et la transmission des hypothèques entrainent des obligations fiscales.
I- LE REGIME FISCAL DU TRANSFERT DES CREANCES DANS LES ETATS MEMBRES DE L’UEMOA Dans les Etats membres de l’UEMOA, le transfert des créances génèrent des droits d’enregistrement L’analyse des dispositions fiscales relatives à la cession des créances nous permet de constater qu’il existe une disparité des taux dans les pays membres de l’UEMOA. Le tableau ci après nous donne quelques exemples
Nature de l’imposition Pays Nature de l’imposition Taux d’imposition BENIN Droit d’enregistrement Taux proportionnel de 0,25 % BURKINA FASO Taux proportionnel de 1 % MALI Taux proportionnel de 2 % NIGER
II- LE REGIME FISCAL DE LA TRANSMISSION DES HYPOTHEQUES DANS LES ETATS MEMBRES DE L’UEMOA Une hypothèque est un droit accordé à un créancier sur un bien immobilier en garantie d'une dette, sans que le propriétaire du bien qui constitue la garantie en soit dépossédé. Un bien hypothéqué est un bien qu'un créancier peut faire saisir si le débiteur ne remplit pas l'obligation principale (par exemple les échéances ne sont pas payées), afin de le mettre en vente, et d'être remboursé par préférence sur le prix de vente.
L’hypothèque est une garantie très utilisée - particulièrement dans les Etats de la zone OHADA L ’affectation d’un bien immobilier à la garantie se fait par la constitution de l’hypothèque. A l’extinction de la créance garantie, l’hypothèque doit être radiée. Selon législation fiscale en vigueur dans les pays de la zone UEMOA, la constitution et la radiation de l’hypothèque entrainent des obligations fiscales.
A- Droits fiscaux générés par la constitution de l’hypothèque Un bien immobilier peut être utilisé comme garantie pour plusieurs créances et chez des créanciers différents. L’hypothèque est une sûreté qui confère à son titulaire un droit de suite et un droit de préférence Pour que les organismes de titrisation bénéficient du droit de suite et du droit de préférence afin de mieux assurer la couverture des risques, conformément aux dispositions aux articles 14 et 15 du Règlement N° 02/2010/CM/UEMOA du 30 mars 2010 relatif au Fonds Communs de Titrisation de Créance et aux opérations de titrisation dans l’UEMOA, le transfert des créances doit s’accompagner des actes de constitution des hypothèques.
L’analyse des dispositions fiscales relatives à la constitution de l’hypothèque nous permet de constater qu’il existe une disparité des droits fiscaux dans les pays membres de l’UEMOA, Le tableau comparatif ci-après met en évidence les droits dans les différents pays:
Droits d’enregistrement Frais de publicité foncière BENIN 0,25 % 0,3 % BURKINA FASO FCFA 4 000 1,05 % COTE D’IVOIRE Montant minimum FCFA 15 150 Montant Maximum FCFA 21 650 1,2 % GUINEE CONAKRY 1 % Pas de frais MALI FCFA 3 000 0,9 % NIGER 1,5 % FCFA 1 000 SENEGAL FCFA 4 000 0,8 % à 2 % TOGO 0,6 %
Nous constatons que, dans les pays membres de UEMOA, les droits fiscaux relatifs à la constitution de l’hypothèque représentent au moins 1 % du montant de la créance. Or lorsqu’on sait qu’en général ces créances se chiffrent en terme de millions et milliards, les droits fiscaux de 1 % qui ne sont pas récupérables peuvent décourager certains opérateurs économiques.
B- Droits fiscaux générés par la radiation de l’hypothèque Lorsque la créance garantie n’existe plus, l’hypothèque doit être radiée. L’analyse des dispositions fiscales relatives à la radiation de l’hypothèque nous permet de constater qu’il existe une disparité des droits fiscaux dans les pays membres de l’UEMOA, Le tableau comparatif ci-après met en évidence les droits dans les différents pays:
Droits de radiation BENIN 1 % à 0,75 % BURKINA FASO FCFA 11 800 COTE D’IVOIRE Radiation exonérée GUINEE CONAKRY 1 % et un droit fixe de FCFA 20 000 MALI 0,9 % et un droit fixe de FCFA 3 000 NIGER 1,5 % et un droit fixe de FCFA 1 000 SENEGAL TOGO
Nous constatons que, dans certains pays membres de UEMOA, la radiation de l’hypothèque est exonérée d’impôts. Dans d’autres pays, les droits fiscaux relatifs à la radiation de l’hypothèque représentent en moyenne 1 % du montant de la créance. Or lorsqu’on sait qu’en général ces créances se chiffrent en terme de millions et milliards, les droits fiscaux de 1 % qui ne sont pas récupérables peuvent décourager certains opérateurs économiques.
CONCLUSION La Directive N° 02/2010/CM/UEMOA du 30 mars 2010 portant harmonisation de la fiscalité applicable aux valeurs mobilières des les Etats membres de l’UEMOA, n’a pas pris en compte les spécificités des opérations de titrisation sur le marché hypothécaire. Donc il est nécessaire de mettre ne place une fiscalité qui peut contribuer à l’épanouissement du marché hypothécaire régional.
Dr Raymond MBADIFFO KOUAMO E-mail: mbadraymond@yahoo.fr Expert Fiscal E-mail: mbadraymond@yahoo.fr Téléphone: +229 96 78 54 85 +237 77 52 20 66