Quelques questions autour de l’écriture des langues créoles...

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Transcription de la présentation:

Quelques questions autour de l’écriture des langues créoles... Marie-Christine Hazaël-Massieux Professeur à l’Université de Provence

Plan Variation et système de représentation graphique L’écriture implique les développements de textes écrits : du domaine le plus quotidien à la grande littérature L’écriture implique l’apprentissage : où, quand, comment ?

Introduction : Un modèle pour comprendre l’accès à l’écriture...

Quelques exemples pour expliciter les différences entre les créoles des DOM : Quelques exemples de textes traduits dans les différents créoles des DOM (R = Réunion, Gu = Guadeloupe, M = Martinique, Gy = Guyane). Il reste à manger pour tous ceux qui arrivent en retard R. Nana manzé pou tout bann lémoun i ariv tar Gu. Ni manjé pou tout sé moun-lasa ki ka rivé ta M. Ni manjé pou tout sé moun-tala ki ka rivé ta Gy. Gen manjé pou tout sa moun-yan ki ka rivé-a ta Sa queue Gu. Ké-ay M. Latché-i Gy. So latcho R. So ké

Quelques exemples encore pour le reste du monde créole : Mon frère arrive (est en train de venir) : Fwè-an-mwen ka vini (guadeloupéen) Fwè-m ap vini (haïtien) Mo frè pé vini (mauricien)

Is. 60, 1-4 mauricien Diboute, Jérusalem ! Alim to lalimier : Oui, to lalimier pe vini, lagloir Bondie pe briye lor toi. Gete : marenoir kouver later, brouyar lor bann pep ; Bondie pe briye lor toi, so lagloir lor toi. Bann nasion pou marse dan direksion to lalimier, Bann leroi pou al akot to klarte. Ouver to lizie, get kat kote : Zot tou finn koste, zot pe arive ; To bann garson sorti loin ; to bann tifi akonpagne. haïtien Leve kanpe ! Ou pral klere tankou solèy. Pouvwa Seyè a pral klere sou ou.    Lòt nasyon yo nan fènwa, yon nwaj kouvri lòt pèp yo. Men limyè Seyè a pral leve sou nou! Pouvwa li pral parèt sou nou! Nasyon yo pral kouri vin nan limyè nou an. Tout wa yo pral kouri vin nan klète jou k'ap leve pou nou an. Voye je nou toupatou bò kote nou, gade sa k'ap rive! Tout moun pa nou yo ap sanble, y'ap tounen lakay yo. Pitit gason nou yo ap soti byen lwen. Moun ap pote pitit fi nou yo tankou timoun chita sou ren yo. BJ Debout, Jérusalem ! Resplendis : elle est venue, ta lumière, et la gloire du Seigneur s'est levée sur toi. Regarde : l'obscurité recouvre la terre, les ténèbres couvrent les peuples ; mais sur toi se lève le Seigneur, et sa gloire brille sur toi. Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore. Lève les yeux, regarde autour de toi : tous, ils se rassemblent, ils arrivent ; tes fils reviennent de loin, et tes filles sont portées sur les bras.

I - Variation et système de représentation graphique Une représentation plus ou moins phonétique : on parle de « notation phonologique » sans toujours savoir de quoi il s’agit ! Comment choisir la variété de référence ? [k] ou [tch] ? Du point de vue grammatical : réalisation de la 2e personne : « ou », ou « vou », ou « -w » (ou « -r » !) ? Ailleurs : to/ton La question du « –la » (nombreuses données morpho-phonologiques)

La forme longue ? La forme centrale, conservatrice ? Phénomènes de lisibilité et d’interprétation ? Ex : Kenbé rèd / tchenbé rèd La forme la plus proche du français (ou de la langue première d’écriture) ? La forme la plus éloignée ? Ex. Du déterminant défini dans la Caraïbe : Liv-la / zozyo-a / fanm-lan / pon-an /... Tè-ya / Fimen-yan... Ex. lapin / lapen ; ex. haïtien/seychellois : « penny » ; le cas de « montanny »

La vraie question : qui veut-on faire communiquer avec qui ? Communication orale / communication écrite. Quelle degré d’abstraction pour la communication souhaitée ? D’un système idéogrammatique à un système alphabétique. Au-delà de la représentation phonétique, l’unité morphologique. L’importance de la ponctuation : comparer lisibilité de deux textes.

Apre rasin nan, an montan ou jwenn fèy yo ki prèske fas pou fas sou zo kò pye mayi a. Kò pye mayi a chaje ak ne menm jan ak pye kann. Si pye mayi a gen tan donnen ou wè zepi yo. Apre rasin-nan, an montan, ou jwenn fèy-yo, ki prèske fas pou fas, sou zo-kò-pye-mayi-a. Kò-pye-mayi- a chaje ak ne, menm jan ak pye- kann. Si pye-mayi-a gen tan donnen, ou wè zepi-yo. Lè ou gade pi wo ou wè flèch la ki nan tèt nèt. Gen moun ki rele flèch la bale. Lè ou gade byen nan flèch la ou wè li genyen yon poud jòn ladan li. Yo di flèch la se flè mal. Flè femèl la menm se ti zepi ki komanse pouse bab la. Pou zepi a bay mayi fòk ti poud jòn nan vin tonbe nan bab zepi a. Lè sa a, poud la kwaze ak bab la, pou yo kapab bay mayi. Si se pa sa ki fèt, zepi a rete tou vid ; li par fè grenn. Lè ou gade pi wo, ou wè flèch-la, ki nan tèt nèt. Gen moun ki rele flèch-la « bale ». Lè ou gade byen nan flèch-la, ou wè li genyen yon poud jòn ladan-li. Yo di flèch-la, se flè-mal. Flè-femèl-la-menm, se ti zepi ki komanse pouse bab-la. Pou zepi-a bay mayi, fòk ti-poud-jòn-nan vin tonbe nan bab- zepi-a. Lè sa-a, poud-la kwaze ak bab-la, pou yo kapab bay mayi. Si se pa sa ki fèt, zepi-a rete tou vid ; li par fè grenn.

Après la racine en montant, vous atteignez les feuilles qui se font face sur la tige du pied de maïs. Cette tige comprend des nœuds, comme sur un pied de canne. Si le pied de maïs est à maturité, on voit les épis. Quand vous regardez plus haut, vous voyez la flèche qui est tout à fait au sommet. Il y a des gens qui appellent la flèche « balai ». Quand vous regardez bien sur la flèche, vous voyez qu’il y a dedans une poudre jaune. On dit que cette flèche, c’est la fleur mâle. La fleur femelle, c’est le petit épi sur lequel commence à pousser une barbe. Pour que l’épi donne du maïs, il faut que la poudre jaune vienne tomber dans la barbe de l’épi. A ce moment là, la poudre féconde la barbe et ils donnent alors le maïs. Si cela ne se produit pas, l’épi reste vide ; il ne fait pas de grains.

II - L’écriture implique les développements de textes écrits : du domaine le plus quotidien à la grande littérature Constitution de corpus de tous ordres : sans livres, pas de lecteurs, mais sans lecteurs... Pas d’écrivains ! Exemple des écrivains de la créolité qui écrivent maintenant en français.

Rôle de la traduction Nous venons d’évoquer la Bible. Textes classiques : Molière, Corneille, Shakespeare... Maupassant, Baudelaire... Cf. Dev Virahsawmy par exemple à Maurice, et beaucoup d’autres. Partout Le petit prince de Saint-Exupéry. Difficultés diverses : la poésie, le roman, le théâtre... Domaines de la vie quotidiennes, mais aussi des techniques professionnelles, pratiques (utilisation d’un appareil...). Difficulté pour la langue universitaire... Pas seulement problèmes terminologiques... Style, contrastes des discours...

III – L’écriture implique l’apprentissage : où, quand, comment ? Réactions à l’apprentissage d’un créole écrit. L’affaire du CAPES et ses suites... Les demandes en France métropolitaine pour les créoles des DOM. L’enseignement de l’haïtien aux USA et au Canada.

La question des formateurs : comment les former La question des formateurs : comment les former ? Il ne suffit pas de parler une langue pour l’enseigner. Absence de méthodes, de manuels pour les créoles des DOM. Un Assimil toutefois. Succès ??? Des méthodes nombreuses pour l’haïtien. Cf. par exemple Ann palé kréyòl... Présentation : http://www.indiana.edu/~creole/haitiancreole.html Place et qualité des dictionnaires ? Cf. mon cours : http://creoles.free.fr/Cours/dico.htm Un très bon dictionnaire bilingue : Haitian Creole-English Bilingual Dictionary : 781 p. 30 000 entrées, 35000 expressions, etc. (Indiana University, Creole Institute)

Qui veut apprendre un créole ? Place dans les universités ; place dans les établissements scolaires ; en France, dans les DOM, aux USA ??? Les créoles, des langues en péril ? Questions autour des situations de diglossie : est-ce qu’elles sont favorables au développement d’une langue ? La langue « basse » ? Statut d’une langue ? Attitudes des locuteurs ?

Conclusion Nombreuses questions autour du développement d’une langue. Toutes ne relèvent pas de son écriture – même si l’accès à l’écrit est très important dans l’histoire d’une langue... La question de la variation et de la standardisation : jusqu’où aller ? Quand les créoles deviennent de vraies langues : l’haïtien, le mauricien... Et ailleurs : le sranan, le papiamento...

Quelques références bibliographiques Pour l’actualité de la question de l’écriture : De nombreux documents significatifs sur le web Cf. mon diaporama en ligne : « Les créoles sur Internet, nouveaux scripteurs, nouveaux usages » : http://creoles.free.fr/Cours/diaporamas/creolesinternet.pps Deux ouvrages pour les questions de fond : Axel Gauvin, 2004 : Axel Gauvin : L'Ecriture du créole réunionnais. Les indispensables compromis (Essai), Editions UDIR, 2004, 146 p (cf. mon compte rendu dans Creolica) M.C. Hazaël-Massieux, 1993 : Ecrire en créole, L’Harmattan, [et très nombreux articles] cf. bibliographie MCHM