Migration inter-provinciale des diplômés du post-secondaire de la cohorte de 1990 Par la langue maternelle, le niveau du diplôme et la province de résidence.

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Transcription de la présentation:

Migration inter-provinciale des diplômés du post-secondaire de la cohorte de 1990 Par la langue maternelle, le niveau du diplôme et la province de résidence durant les études Nicolas Béland Chercheur Office Québécois de la langue française Présentation au Congrès Annuel de l’ACFAS 2005 Mots clés: migration interprovinciale, jeunes, cohortes, quasi-longitudinal, diplômés, secondaire, collégial, universitaire, baccalauréat, maîtrise, doctorat, langue maternelle, Québec, Nouveau-Brunswick, Ontario, provinces, 1990 2000

de cette analyse descriptive Pertinence de cette analyse descriptive Les micro-données de l’Enquête nationale sur les diplômés du postsecondaire sur les cohortes de 1990, 1995 et 2000 permettent de cerner le lien entre le niveau du diplôme, la langue maternelle, la province de résidence durant les études et l’émigration interprovinciale durant les deux années suivant la graduation. Cette enquête d’envergure est réalisée par Statistique Canada. Nicolas Béland Présentation au Congrès de l’ACFAS 2005

Un seul marché intégré de Vancouver à Halifax ? Une étude récente (1) montre que les travailleurs de trois métiers de la construction des sept provinces relativement défavorisées réagissent plus vite aux écarts entre les taux de chômage provinciaux que ceux des autres provinces De cette réaction uniforme sur sept marchés provinciaux réglementés différemment, cette étude conclut qu’il existe un marché intégré au Canada, de l’Atlantique au Pacifique (1): COE, Patrick et J.C. Herbert Emery: «  The Disintegrating Canadian Labour Market? The Extent of the Market, Then and Now ». Dans: Canadian Journal of Economics, p.879-897.

Limites de cette étude Cette étude très intéressante. Elle a toutefois, comme bien des études novatrices, des limites. Le rôle de la langue n’est pas pris en compte. Dans l’Est du Canada notamment, cette variable importe. Elle vise uniquement des travailleurs peu qualifiés Il n’y a pas de contrôle des étapes du cycle de la vie Elle ne tient pas compte de la variation du risque de migrer en fonction de ces trois caractéristiques

La micro-démographie offre un portrait robuste mais incomplet des causes de la migration Elle démontre qu’il y a un lien entre la migration et la langue, les étapes du cycle de la vie, la scolarité, l’écart entre les salaires et le chômage dans les provinces d’origine et de destination, et ce, depuis 1900 au moins À cause des limites des données censitaires, bien des interactions entre ces termes restent à explorer

Un exemple de limite Les études recensées contrôlent pour l’effet de l’âge d’un individu sur le risque de migration Les bouleversements des dernières décennies sur le marché du travail font en sorte que des jeunes du même âge peuvent en être rendu à des étapes différentes de la vie. À ces étapes sont associés des risques différents de migrer Or, la proportion d’anglo-québécois qui ont un parcours atypique est moindre. L’usage de l’âge comme base de comparaison provoque un biais

Une hypothèse sur le lien entre langue et migration des nouveaux diplômés Si le marché canadien est intégré, les taux de migration des anglophones des provinces relativement défavorisées, Québec inclus, devraient être égaux. Si la langue, en toutes ses dimensions, influence la migration, la fréquence de la migration des diplômés de langue française du Québec, seule province majoritairement francophone, devrait être proches de la fréquence des taux de migration de leurs homologues du Nouveau-Brunswick, seule province où le poids de la minorité francophone est substantielle.

Les Enquêtes Nationales sur les Diplômés du post-secondaire de 1990, 1995 et 2002 Ces enquêtes saisissent la migration d’une cohorte de diplômés durant les cinq ans suivant leur graduation. Chaque cohorte regroupe des individus qui en sont tous à la même étape de vie, l’après-graduation Ces données contrôlent l’effet du cycle de la vie Elles ne permettent pas de le décrire

Des données particulières Cet ensemble permet de saisir et de décrire la mobilité au sein des cohorte de diplômés par la langue maternelle, en fonction de 4 niveaux de diplôme, par la province d’études Les diplômés qui ont migré hors du Canada sont exclus du dénominateur. Le taux de migration est donc l’inverse du taux de séjour

La population visée : les diplômés du post-secondaire. Pourquoi ? (1) L’émigration, pour plusieurs, implique la perte définitive de travailleurs qualifiés. Elle est souvent attribuée à la spécificité linguistique, culturelle, voire fiscale du Québec. Il importe de la mesurer, de la comprendre, pour éclairer le débat public

La population visée : les diplômés du post-secondaire. Pourquoi ? (2) Le contexte auquel font face les gens hautement scolarisés diffère de celui dans lequel évolue les travailleurs les moins qualifiés. Une étude englobant ces deux groupes foulerait du pied bien des réalités dont elle doit tenir compte. Nous étudions donc les diplômés.

Nos écarts-types des taux de séjour sont minimes Lecture des tableaux Les taux figurant dans nos tableaux pour 1990 sont des estimations tirées d’un vaste échantillon de 23,854 ind. (4819 au Québec) Nous avons donc commander une série de mesures de l’erreur d’échantillonnage, c.à.d. de la fourchette de variation du «vrai» taux Nos écarts-types des taux de séjour sont minimes

Deux définitions Uniquement les diplômés d’une maison d’enseignement canadienne font partie de l’échantillon. Les allophones interrogés pour cette enquête ne font pas exception. Dans les tableaux de cette présentation, la migration est définie par une différence entre la province de résidence deux ans après la graduation et la province d’études

Interprétation des tableaux Les chiffres soulignés en caractère italique ne sont pas statistiquement différents, à un niveau de confiance de 5 %, du taux de séjour au Québec en 1992 des diplômés anglophones du Québec de 1990. Une copie des calculs effectués pour la réalisation des tests t est disponible sur demande, auprès de l’auteur.

Taux de séjour en 1992 des diplômés de la cohorte de 1990 dans la province de résidence durant les études, par la langue maternelle, diplômés du Québec Taux (%) Québec % sur N (pond.) Écarts-type (CV) Total (tous) 95 100 % 1 (0) Français 98 80 % 0 (0) Anglais 71 10 % 5 (3) Français et Anglais 90 1 % 10 (6) Autre 94 6 % 3 (1) Inconnu 86 3 % 6 (4)

Source: Statistique Canada; E.N.D., compilations spéciales. Taux de séjour en 1992 des diplômés de 1990 dans la province de résidence durant les études, par la langue maternelle, dans les provinces moins favorisées Taux (%) T-N N-E I.P.E N-B QC Man Sask Total (tous) 85 68 62 72 95 83 73 Français ** 76 84 98 Anglais 64 67 71 74 Autre 90 Inconnu 94 69 Source: Statistique Canada; E.N.D., compilations spéciales.

Source: Statistique Canada; E.N.D., compilations spéciales Taux de séjour en 1992 des diplômés de 1990 dans la province de résidence durant les études, par la langue maternelle, Québec, Ontario, Alberta et C.B. Taux (%) QC ONT ALB C-B Total (tous) 95 94 88 93 Français 98 87 ** Anglais 71 Autre 90 96 Inconnu Source: Statistique Canada; E.N.D., compilations spéciales

Source: Statistique Canada; E.N.D., compilations spéciales. Taux de séjour en 1992 dans la province de résidence durant les études des diplômés collégiaux de 1990, par la langue maternelle, dans les provinces moins favorisées Taux (%) T-N N-E I.P.E N-B QC Man Sask Total (tous) 90 80 61 88 99 92 85 Français ** 93 Anglais 79 63 86 96 91 84 Autre 98 Inconnu 97 Source: Statistique Canada; E.N.D., compilations spéciales.

Source: Statistique Canada; E.N.D., compilations spéciales Taux de séjour en 1992 dans la province de résidence durant les études des diplômés collégiaux de 1990, par la langue maternelle, Québec, Ontario, Alberta et C.B. Taux (%) QC ONT ALB C-B Total (tous) 99 97 90 Français 84 ** Anglais 96 91 Autre 98 87 95 Inconnu 100 Source: Statistique Canada; E.N.D., compilations spéciales

Taux de séjour en 1992 dans la province de résidence durant les études des bacheliers de 1990, par la langue maternelle, dans les provinces moins favorisées Taux (%) T-N N-E I.P.E N-B QC Man Sask Total (tous) 85 66 64 68 92 81 71 Français ** 97 83 Anglais 65 62 72 Autre 95 Inconnu Baccalauréats seulement, certificats, mineurs et majeurs exclus Source: Statistique Canada; E.N.D., compilations spéciales

Taux de séjour en 1992 dans la province de résidence durant les études des bacheliers de 1990, par la langue maternelle, Québec, Ontario, Alberta et C.B. Taux (%) QC ONT ALB C-B Total (tous) 92 94 87 Français 97 71 ** Anglais 66 96 91 Autre 95 89 Inconnu 81 93 Baccalauréats seulement, certificats, mineurs et majeurs exclus Source: Statistique Canada; E.N.D., compilations spéciales

Taux de séjour en 1992 dans la province de résidence durant les études des diplômés de la maîtrise de 1990, par la langue maternelle, dans les provinces moins favorisées Taux (%) T-N N-E I.P.E N-B QC Man Sask Total (tous) 86 55 ** 71 92 80 69 Français 98 Anglais 91 68 65 79 Autre 85 81 Inconnu Maîtrise seulement, certificats de niveau supérieur au baccalauréat exclus Source: Statistique Canada; E.N.D., compilations spéciales

Taux de séjour en 1992 dans la province de résidence durant les études des diplômés de la maîtrise de 1990, par la langue maternelle, Québec, Ontario, Alberta et C.B. Taux (%) QC ONT ALB C-B Total (tous) 92 89 85 86 Français 98 65 ** Anglais 91 Autre 93 81 Inconnu Maîtrise seulement, certificats de niveau supérieur au baccalauréat exclus Source: Statistique Canada; E.N.D, compilations spéciales

Taux de séjour en 1992 dans la province de résidence durant les études des diplômés du doctorat de 1990, par la langue maternelle, dans les provinces moins favorisées Taux (%) T-N N-E I.P.E N-B QC Man Sask Total (tous) ** 87 Français 93 Anglais 74 Autre 73 Inconnu Ph.D. seulement, certificats de niveau supérieur au baccalauréat exclus Source: Statistique Canada; E.N.D., compilations spéciales

Taux de séjour en 1992 dans la province de résidence durant les études des diplômés du doctorat de 1990, par la langue maternelle, Québec, Ontario, Alberta et C.B. Taux (%) QC ONT ALB C-B Total (tous) 87 74 69 63 Français 93 ** Anglais 75 67 Autre 73 79 Inconnu Ph. D.seulement, certificats de niveau supérieur au baccalauréat exclus Source: Statistique Canada; E.N.D, compilations spéciales

Comparaison des taux de séjours dans la province d’études le jour du deuxième anniversaire de la graduation Cohortes de diplômés québécois du doctorat de 1990, 1995 et 2000 Taux (%) Français Anglais Autres Diplômés de 1990 en 1992 93 74 73 Diplômés de 1995 en 1997 98 86 89 Diplômés de 2000 en 2002 97 57 Note : Statistique Canada envoie un questionnaire à chaque diplômé du doctorat. Taux de réponse: 70 % en 1992, 75% en 1997, non-disponible pour 2000. Source: Statistique Canada; E.N.D., compilations spéciales

Taux de séjour dans la province d’études des diplômés de langue maternelle anglaise au 2ème anniversaire de leur graduation (en %) Québec, Nouvelle-Écosse, Nouveau-Brunswick, Manitoba, Saskatchewan Cohortes de diplômés de 1990 et 1995

Taux de séjour dans la province d’études des diplômés de langue maternelle anglaise au 2ème anniversaire de leur graduation (en %) Ontario Alberta Colombie-Britannique Cohortes de diplômés de 1990 et 1995

Taux de séjour dans la province d’études des diplômés de langue maternelle Autre au 2ème anniversaire de leur graduation (en %) Québec, Ontario, Alberta, Colombie-Britannique Cohortes de diplômés de 1990 et 1995

Discussion (1) Les résultats suggèrent que, durant la période étudiée, de 1990 à 2002, les frontières du marché du travail des individus varient selon la langue maternelle, le niveau du dernier diplôme obtenu et la province de résidence durant les études. Les taux de non-migration (taux de séjour) des bacheliers de langue maternelle anglaise de cinq des sept provinces à l’époque économiquement moins à l’aise, le Québec faisant partie de ce groupe, sont égaux, les deux exceptions de l’époque, d’intérêts pour une analyse plus poussée, étant Terre-Neuve et le Manitoba. Il en va de même à la maîtrise. Les taux de séjour des bacheliers et des diplômés de la maîtrise de langue maternelle anglaise des trois provinces économiquement plus à l’aise à l’époque sont nettement plus hauts que ceux de cinq des autres provinces. Par ailleurs, les trois taux de séjour des diplômés des provinces à l’aise sont statistiquement égaux. Il y a un écart entre le taux de séjour selon la langue maternelle à ces niveaux. 66 et 65 % des bacheliers et des maîtres anglophones de 1990 restent au Québec entre 1990 et 1992, contre 97 et 98 % de leurs homologues francophones respectifs. Au Nouveau-Brunswick, des écarts similaires moindres, mais clairs, s’observent. 81% des bacheliers de langue française de 1990 y sont encore en 1992. Contre 65 % des anglophones.

Discussion (2) Au collégial, le portrait diffère de celui observé parmi les bacheliers et maîtres. La très vaste majorité des diplômés québécois du collégial, toutes langues maternelles confondues, se trouve un emploi au Québec durant la période 1990 à 1992. En Ontario et en Colombie-Britannique, les deux autres provinces où il y a des grandes métropoles à l’époque, il y a une quasi égalité entre les taux de séjour des anglophones et allophones. Et ces derniers taux sont égaux à ceux observés au Québec, de 1990 à 1992, pour les francophones, anglophones et allophones. Dans les autres provinces, l’émigration, entre 1990 et 1992, des diplômés du collégial est relativement élevée. Sa prévalence ressemble, exception toujours faite de Terre-Neuve et du Manitoba, à celle observée parmi les bacheliers et maîtres à cette époque. Par ailleurs, la migration des francophones diplômés du collégial est moins forte au Nouveau-Brunswick, seule province hors-Québec où le fait francophone forme une partie substantielle de la population, que celle des anglophones. En Ontario, c’est le contraire. Il y a bien des francophones en Ontario, mais leur poids est plus restreint qu’au Québec et au Nouveau-Brunswick.

Discussion (3) En 1990, à quelques rares exceptions près, il y avait des programmes de doctorat uniquement au Québec, en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique. Les taux de migration des Ph.D. anglo-québécois et anglo-ontariens sont absolument égaux. Près d’un quart , en 1992, résidaient dans une autre province que celle de leurs études. Par contre, les Ph.D. francophones du Québec migrent relativement peu entre 1990 et 1992. La langue est alors, parmi les Ph.D., reliée à la migration.

Discussion (5) Tous niveaux de diplômés confondus, au Québec, la fréquence de l’émigration des allophones et des francophones est égale entre 1990 et 1992. Désagrégé par le niveau du diplôme, le portrait devient plus nuancé. Au niveau du collégial et du baccalauréat, il n’y a pas, à toute fin pratique, d’écarts entre les taux de séjour des francophones et des allophones entre 1990 et 1992. À la maîtrise, un écart se creuse, mais un bon 20 % sépare encore les taux de séjour après les études des anglophones et des allophones. Au Ph.D., l’écart entre francophones et allophones est le même qu’entre anglophones et francophones entre 1990 et 1992. Mais entre 2002 et 2002, période de croissance économique rapide. il en va autrement. Les Ph.D allophones migrent moins que les anglophones. Et plus que les francophones. Ces derniers écarts sont clairs et robustes.

Discussion (4) La conjoncture peut forcer plusieurs individus à agrandir l’espace de leur marché. Nos chiffres suggèrent toutefois qu’au Canada, le comportement migratoire des diplômés de 1990 et 1995 des sept provinces relativement défavorisées, Québec inclus, est le seul à être clairement liée, durant la crise du début des années 1990, à la conjoncture. Au début de la crise, la migration est forte parmi ce groupe. Elle baisse ensuite, à la fin de la crise, à la mi-1996. Un mouvement aussi net n’est pas observé parmi les francophones et les anglophones de ces provinces. Ce constat est valable pour cette période.

Discussion (6) Dans le reste du Canada, la migration des allophones est similaire à celle des anglophones, peu importe le niveau. La population allophone vit surtout dans les provinces les plus dynamiques. Or, relativement peu de diplômés de ces provinces émigrent après leurs études. On peut donc avancer que les flux migratoires inter-provinciaux des diplômés au Canada sont majoritairement formés, durant la période étudiée, 1990 à 2002, par ceux de langue maternelle anglaise, et non par des allophones. Précisons que les diplômés manitobains de langue tierce sont principalement des amérindiens et des métis.

Conclusion Le contrôle de l’effet du cycle de vie a permis de montrer que le taux d’émigration des diplômés de langue maternelle anglaise de 1990 et 1995 est fortement relié à la conjoncture durant la première moitié des années 1990. Chez les allophones, et surtout chez les francophones, ce lien est faible. Les résultats suggèrent que le degré d’intégration des marchés du travail provinciaux au Canada est lié à la langue. L’exemple suivant est représentatif. Relativement peu de nouveaux détenteurs de langue maternelle française d’une maîtrise (2 %) de la cohorte de 1990 émigrèrent du Québec, seule province majoritairement francophone, entre 1990 et 1992. Chez leurs homologues du Nouveau-Brunswick, province où les francophones forment une minorité substantielle, la seule à l’extérieur du Québec, le pourcentage correspondant est de 8 %. Le seul taux d’émigration proche de ce dernier est celui des nouveaux détenteurs d’une maîtrise de l’Ontario, le centre économique du Canada. Or, une bonne partie du Nouveau-Brunswick francophone se situe en périphérie de la périphérie de l’économie canadienne.

Addenda Il serait malvenu de terminer ce texte sans ajouter un addenda restreignant nos résultats et pouvant guider les recherches futures. Bien d’autres variables, comme le sexe, par exemple, jouent aussi un rôle dans l’explication de la migration. Une analyse descriptive comme la nôtre tient compte d’un nombre limité de variables. Un vaste chantier est ouvert aux maîtres de l’analyse logistique ici.