Le traitement de la syphilis avant l’introduction de la pénicilline M Le traitement de la syphilis avant l’introduction de la pénicilline M. Karamanou, K. Gritzalis, K. Laios, G. Tsoucalas, G. Androutsos Service d'Histoire de la Médecine, Faculté de Médecine, Université d'Athènes, Grèce E-mail contact address: mariannakaramanou@yahoo.com La syphilis a fait son apparition en Europe à la fin du 15e siècle et a rapidement pris des proportions épidémiques. Les médecins et les chroniqueurs de l'époque, incapables de l'expliquer, l’ont attribué aux astres ou à la punition divine du pêché de luxure. D'ailleurs, le traitement de la maladie revêt une dimension de châtiment. Le premier médicament prescrit était la plante gaïac, importée en Europe par Saint Domingue en 1508 et à laquelle des vertus magiques, thérapeutiques et revigorantes ont été attribuées. Un peu plus tard, le mercure, malgré sa toxicité, a été utilisé comme remède pendant plus de 450 ans. On la trouvait sous forme de: onguents, emplâtres, frictions, lavages, suppositoires, fumigations, injections sous cutanées ou intramusculaires. Cependant, l'importance des effets secondaires et les incertitudes concernant son efficacité, suscitèrent une vive opposition. Fernel, Hütten, Lopez de Villalobos et Grünbeck furent à cette époque les antimercurialistes les plus convaincus. Tous soulignaient la toxicité du mercure et la fréquence des récidives comme autant d'arguments contre son utilisation. La thérapeutique de la syphilis par le mercure a créé deux tendances opposées, mercurialistes et antimercurialistes dont les arguments n'évolueront pratiquement plus. Les mercurialistes deviendront cependant très largement majoritaires. Ainsi dans la période suivante qui s'étend jusqu'au début du XXe siècle, le mercure envahit progressivement le champ de la thérapeutique antisyphilitique en ne rencontrant que quelques oppositions sporadiques et de courte durée. L'apparition des arsénobenzènes (Ehrlich, 1910), puis du bismuth (Levaditi, 1921) furent des événements qui d'abord bouleversèrent la thérapeutique de la syphilis. Puis progressivement, après une phase d'enthousiasme, les syphiligraphes ignorant l’évolution naturelle de la maladie, revinrent à des méthodes classiques, le mercure restant le garant de l'efficacité. En 1943, date essentielle de l'histoire du traitement de la syphilis, John Mahoney (1889-1957) et ses collaborateurs utilisèrent pour la première fois la pénicilline dans cette indication. Si le mercure ne disparut pas immédiatement des habitudes thérapeutiques, les années 1945-1950 furent celles d'une rapide transition au cours de laquelle, grâce aux publications de plus en plus nombreuses, les médecins apprirent à prescrire la pénicilline. Le bois de gaïac Préparation de la décoction de gaïac, gravure de Jean Stradan vers 1570, Paris Boîte de fumigations mercurielles