Genre et justice pénale au Dahomey (1894-1945) 8 décembre 2014
Les affaires impliquant les femmes et l’ordre familial devant la justice à partir des années 1920 Des femmes peu poursuivies devant la justice pénale 6% des prévenus Mais des variations selon la nature des infractions Source : Données de notre échantillon constitué à partir des dossiers de la série M des ANB. Sur les 3 620 prévenus de notre échantillon, le sexe n’est pas connu dans 25 cas.
Évolution de la répartition des prévenus pour atteintes aux personnes
II. Les femmes plaignantes: une évolution des recours en justice (années 20-30)? Evolution des violences déférées en justice
Magistrats professionnels Les femmes et l’ordre familial en justice à partir des années 1920 Demandes de divorce relativement bien accueillies par les tribunaux jusque vers le milieu des années 1910: Un système judiciaire qui n’est pas encore figé Une confiance limitée des administrateurs à l’égard des chefs locaux-assesseurs des tribunaux indigènes Dahoméens Dahoméens « Européens » « Européens » Tribunaux indigènes Tribunaux français Président Administrateur Assesseurs 2 notables locaux Magistrats professionnels
L’ordre colonial et la « stabilité familiale »: Les femmes et l’ordre familial en justice L’ordre colonial et la « stabilité familiale »: le tournant des années 1910 Cloisonnement entre Africains et Européens Recomposition des pouvoirs entre autorités coloniales et locales: révision de la politique indigène autour de la « tradition » et des « hiérarchies indigènes » (chefs locaux et de famille) en 1917 modèle « coutumier » liant ordre colonial/stabilité familiale: sanction des désordres familiaux
La pénalisation des affaires familiales: années 1920-1930 Les femmes et l’ordre familial en justice La pénalisation des affaires familiales: années 1920-1930 Le remodelage du délit d’adultère: une alliance ambivalente pour l’administration: la femme est l’auteur du délit, l’amant n’est que complice/condamnation des 2 à la prison (et non plus à une compensation pécuniaire) pour les chefs: le responsable reste l’amant, il est condamné à une peine de prison + longue que la femme bien qu’il ne soit que complice Un autre délit en justice : l’escroquerie au mariage Les femmes + lourdement sanctionnés pour ce délit Les transgressions féminines jugées inacceptables
Mais des usages différenciés par les justiciables Les femmes et l’ordre familial en justice Mais des usages différenciés par les justiciables Prescription/appropriation du délit d’adultère par les chefs de famille: une forte croissance des recours pour adultère: 1920-1930 les voix des femmes ? l’obsession des tribunaux autour de l’autorité masculine: la qualification de crime (viol) en adultère Echec de la pénalisation des manœuvres abortives une forte croissance des recours pour adultère: 1920-1930 les voix des femmes ? l’obsession des tribunaux autour de l’autorité masculine: la qualification de crime (viol) en adultère
Qui est à l’origine des recours en justice? II. Quels usages de la justice par les femmes? Qui est à l’origine des recours en justice? Des recours majoritairement introduits à la suite de plainte de particuliers (62%)/ administration (38%) Croissance des recours des justiciables dans les années 1920
II. Quels usages de la justice par les femmes? Plaintes essentiellement masculines mais des recours différenciés… Aux termes de l’étude, comment peut on qualifier la justice coloniale; est-elle cette institution multiforme à laquelle faisait référence Florence Bernault, quel a été son degré d’appropriation par la population? La justice, pouvoir régalien, constitue avant tout un enjeu de pouvoir important pour le colonisateur après la conquête du Dahomey Les autorités laissent au départ les juridictions existantes fonctionner mais elles ne tardent pas à prendre le contrôle des tribunaux autochtones puis à substituer entre 1901 et 1903 un nouveau système judiciaire en AOF, marqué par un dualisme entre les juridictions indigènes propres aux Africains et qui appliquent les coutumes et les juridictions françaises destinées aux Européens et suivant les principes de droit français. Les juridictions indigènes qui couvrent alors le territoire s’intègrent et recoupent largement la hiérarchie administrative coloniale: les juridictions de village, et plus encore les tribunaux de province et de cercle suivent le découpage administratif, comme le montre la carte à côté. 2. Le pouvoir colonial utilise dans les faits la justice comme un outil de domination et sa gestion répond aux mêmes principes que les autres actions administratives. Les juridictions indigènes certes associent les élites locales, à la fois par manque de moyens humains et par volonté de donner une légitimité au droit coutumier, mais ces tribunaux restent sous contrôle colonial. Les juges indigènes ne sont choisis qu’essentiellement en fonction de leur niveau d’obéissance et le contrôlene cesse de se renforcer pendant l’entre deux guerres, notamment avec la perte de pouvoir des juridictions de village et avec la présidence des tribunaux de subdivisionqui passe à l’administration coloniale 3. Plus encore, la coexistence de la justice indigène avec le code de l’indigénat donne à la justice un contour incertain et arbitraire. Les frontières entre justice indigène et code de l’indigénat sont perméables et certaines infractions peuvent selon les périodes ou les intérêts du pouvoir être jugées devant les tribunaux indigènes ou faire l’objet des sanctions disciplinaires du code de l’indigénat. Une croissance des plaintes des femmes en matière d’atteintes aux biens (vols) et aux personnes dans les années 1930
II. Quels usages de la justice par les femmes ? Une évolution différenciée des recours en matière d’infractions aux personnes Un faible recours des femmes pour viols et agressions sexuelles: Des plaintes peu prises en compte dès la puberté Un recours en justice qui semble + fréquent parmi les catégories sociales + marginalisées Une croissance des recours pour coups et blessures dans le contexte conjugal et familial, mais aussi plus général
Une évolution des usages sociaux et genrés de la justice au Dahomey Pour conclure Croissance des affaires pénales impliquant l’ordre familial et obsession impériale autour de l’« autorité masculine » Une évolution indissociable des alliances entre l’administration et les chefs locaux et de famille: une alliance performante: reconfiguration du délit et croissance des recours pour adultère un échec de l’alliance en matière de manœuvres abortives: les limites prescriptives coloniales en matière d’ordre familial Une évolution des usages sociaux et genrés de la justice au Dahomey Emploi et transformation de la plainte écrite en justice et le rôle de l’agent d’affaires