Anémie aigue chez un nourrisson R. Abilkassem Professeur de pédiatrie

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Transcription de la présentation:

Anémie aigue chez un nourrisson R. Abilkassem Professeur de pédiatrie Anémie aigue chez un nourrisson R. Abilkassem Professeur de pédiatrie. Service de pédiatrie, Hôpital militaire Mohamed V Rabat, Maroc Université Mohamed V, Rabat.

Quels sont les examens complémentaires à demander ?? Ali âgé de 19 mois, 2ième d’une fratrie de 2, Parents consanguins de premier degré, bien portants. Il n’a pas d’antécédents notables. Il est né au terme d’une grossesse normale. La période néonatale ainsi que les premiers mois de vie sont sans particularité. Son développement psychomoteur et staturo-pondéral est normal. Il est hospitalisé un vendredi soir pour prise en charge d’une pâleur cutanéo-muqueuse d’apparition brutale associée à une coloration foncée des urines, une dyspnée et une asthénie. A l’admission, le nourrisson est apyrétique, très pale, subicterique, sa conscience est normale, tachycarde avec une fréquence cardiaque à 140 c/min, une tension artérielle à 105/50 mmHg, un temps de recoloration cutané de 3seconde et un souffle systolique. Ali pèse 11 Kg (M), mesure 84cm (M) L’abdomen est souple, Il n’ya pas de syndrome tumoral (Il n’y a pas d’hépatosplénomégalie, ni d’adénopathies périphériques) ni de syndrome hémorragique. Quels sont les examens complémentaires à demander ??

QUEL EST VOTRE DIAGNOSTIC ? Les premiers examens complémentaires réalisés en urgence montraient les résultats suivants : Une hémoglobine à 4,5 g/dl, VGM : 85fl, CCMH : 33 g/100 ml avec des réticulocytes à 160000/mm3. Les globules blancs, les plaquettes et le frottis sanguins sont normaux. Une bilirubine totale à 37 mg/l à prédominance non conjugué 30 mg/l, BC 7 g/l. Une haptoglobine indosable. Une urée à 0,20 g/l, Une Créatinine à 4 mg/l, Une CRP à 9 mg/l, Un ionogramme sanguin normal, un test de coombs direct  négatif, une électrophorèse de l'hémoglobine a été demandée avant la transfusion de culots globulaires le soir même de son hospitalisation. QUEL EST VOTRE DIAGNOSTIC ?

Quelle est votre CAT à ce stade ? Démarche diagnostic : Quels diagnostics peut-on évoquer devant ce nourrisson qui présente un syndrome anémique franc d’apparition aigue ? Le caractère aigue de l’anémie est affirmé, puisque les symptômes remontent d’une manière nette à quelques heures et une symptomatologie faite de fatigue de dyspnée ce qui est en faveur d’une constitution rapide ne laissant pas à l’organisme le temps de mettre en place des mécanismes compensateurs. Quelle est votre CAT à ce stade ?

Devant toute anémie aigue normochrome normocytaire, il faut quantifier les réticulocytes. Dans notre cas il est de 160000/mm3 confirmant le caractère régénérative de l’anémie. Quelles sont les étiologies à discuter devant une anémie régénérative ?

Quel est le diagnostic le plus probable chez notre patient ? 1) La régénération d’une anémie centrale, quelle que soit sa cause, qui s’accompagne d’une hyper-réticulocytose limitée dans le temps .C’est le cas de l’arrêt d’un toxique pour l’érythropoïèse ou de l’introduction d’un traitement corrigeant une carence vitaminique, par exemple. Mais en l’absence de contexte clinique en faveur chez notre patient, il faut s’orienter vers autres étiologies. 2) une anémie post-hémorragique en particulier digestif. En cas d’hémorragie extériorisée, le diagnostic est facile. Dans le cas d’une hémorragie non extériorisée, il faut rechercher un contexte évocateur (prise d’anti-inflammatoires, traitement anticoagulant), recherche de sang dans les selles. Dans ce cas L’hyper réticulocytose sanguine débute 4 à 7 jours après l’hémorragie. Ce diagnostic n’est pas envisageable dans notre cas. 3) une anémie hémolytique le patient se présente avec une pâleur,un ictère cutanéo-muqueux, une bilirubine non conjuguée augmentée et une haptoglobine effondrée. Quel est le diagnostic le plus probable chez notre patient ?

Quelles sont ses différentes origines ?? une anémie hémolytique Quelles sont ses différentes origines ??

Devant une anémie hémolytique aigue chez l’enfant on évoquera : Une origine extra corpusculaire : 1) Une origine infectieuse : mais le contexte clinique n’est pas en faveur, il n’ypas de fièvre, la protéine C réactive est négative et il n’y a pas de de notion séjour dans un payé impaludé. 2) Une hémolyse médicamenteuse immun allergique est peu probable devant l’absence de notion de prise de médicaments suspects les jours avant l’installation de la maladie. 3) Une microangiopathie thrombotique  notamment un syndrome hémolytique et urémique (SHU) doit être évoqué mais l’absence de contexte clinique, d’hypertension artérielle, le taux normal des plaquettes, la normalité de la fonction rénale et de l’ionogramme sanguin permettent d’éliminer l’hypothèse du SHU. 4) Une cause toxique (morsure de serpents, intoxication au plomb)est éliminée sur les données de l'interrogatoireet l’examen clinique. 5) Anémie hémolytique auto- immune est écarté devant la négativité du test de coombs direct.

Alors que présente Ali exactement ?? Une origine intra corpusculaire : l’étiologie la plus fréquente des anémies hémolytiques chez l’enfant Dans ce cadre l’hémolyse exagérée est due à une anomalie des hématies, on parle alors d’anémie hémolytique corpusculaire. Cette anomalie peut porter sur : - La membrane érythrocytaire : Sphérocytose héréditaire ou maladie de Minkowski Chauffard pourrait être évoquée, mais l’absence de splénomégalie, de microsphérocytose, d’antécédents familiaux similaires ou de splénectomie, est en défaveur de ce diagnostic - L’hémoglobine : Une hémoglobinopathie est peu probable. – on peut d’emblée éliminer une thalassémie majeure (β°) devant l’absence de microcytose. – on pourrait éventuellement évoquer une drépanocytose SSou composite SC. Maisl’absence d’antécédents familiaux en faveur de ces maladies récessives et la normalité de l’électrophorèse de l’hémoglobine déclinent ces diagnostics. - L’équipement enzymatique intracellulaire notamment un déficit en glucose 6 phosphodeshydrogénase (G6PD) ou un déficit en pyruvate kinasedevraient être évoquée. En fait l’interrogatoire minutieux des parents permet de retrouver une ingestion de purée de fèves chez sa tante 48 heures auparavant. Le diagnostic de déficit en G6PD est fortement suspecté. 3 mois plus tard, le dosage dela G6PDintra érythrocytaire confirme un déficit franc : 45mU pour 109 GR (normale : 250-350). L’hémogramme trouve une hémoglobine à 11,9 g/dl et un VGM à 78fl ; les réticulocytes sont normaux. L’étude génétique n’a pas été faite. Alors que présente Ali exactement ??

Comment s’explique ce déficit ?? Ali a donc un déficit en G6PD révélé par un épisode d’hémolyse aigu suite à l’ingestion de fève. Une liste des produits particulièrement dangereux est remise aux parents afin d’en éviter l’emploi. Comment s’explique ce déficit ??

Mise au point sur le déficit en G6PD Le déficit en glucose-6-phosphate-déshydrogénase (G6PD) est l’anomalie génétique la plus fréquente au monde dont la transmission est liée à l’X (1,2). Elle atteint préférentiellement les garçons originaires d’Afrique sub-saharienne, le pourtour de la méditerranée, le Proche- Orient, le sud-est asiatique, les États-Unis d’Amérique, l’Amérique latine et les Antilles (3). Il est responsable d’un spectre large de maladie comprenant l'ictère néonatale, l’hémolyse aiguë et l'hémolyse chronique. Les personnes atteintes de cette maladie peuvent également être asymptomatique (4). L’Organisation mondiale de la santé (OMS) (5) a établi une classification phénotypique qui se fonde sur le niveau d’activité érythrocytaire de l’enzyme et l’importance des manifestations cliniques (tableau1).Les formes de classe I sont très rares. Les patients atteints de ce déficit souffrent d’anémie hémolytique chronique et sont très exposés à des poussées hémolytiques aiguës et aux transfusions. Le plus souvent, en dehors de ces formes de classe I, le patient déficitaire ne présente aucun symptôme particulier

La maladie est souvent révélée après exposition à une substance exogène oxydante. Celle-ci peut être d’origine médicamenteuse, alimentaire (fèves notamment, d’où le terme de favisme) ou infectieuse qui déclenchent une hémolyse aigue. L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (ansm) (6) publie en 2014 un document de l’ensemble des substances pharmacologiques susceptibles d’interagir avec la déficience en G6PD (tableau 2). Sur le plan clinique, Après la prise d’un agent déclenchant, survient une crise brutale d'hémolyse avec fièvre, céphalées, douleurs abdominales et lombaires, hémoglubinurie (urines de couleur rouge sombre, coca cola ou porto). Puis l'ictère devient évident avec une splénomégalie modérée.

Comment peut-on poser le diagnostic du Déficit en G6PD ???

La suspicion du diagnostic se fait devant la présence : d’hémoglobinurie, d’anémie normochrome normocytaire, régénérative avec présence de corps de Heinz sur le frottis sanguin. La confirmation se fait : par le dosage de la G6PD intra-érythrocytaires. Qui doit être établi à distance d’une crise hémolytique et en principe seulement trois mois au minimum après la dernière transfusion à moins que le clinicien ait pensé à faire un prélèvement avant de transfuser (3,4).

Comment peut on prendre en charge ALI ?

La prise en charge thérapeutique : Dépend des facteurs ayant provoqué l’hémolyse. L'arrêt du facteur déclenchant est impératif. Le recours aux transfusions de culots globulaires est fréquent lors de la déglobulisation sévère et en dehors des crises L’enfant va bien et le traitement est surtout préventif en interdisant les aliments notamment les fèves quel que soit leur mode de préparation et de consommation ; ou les médicaments susceptibles de déclencher une crise hémolytique, la liste doit être remise aux parents. Dans notre contexte Marocain, les anémies hémolytiques par déficit en G6PD sont assez fréquentes. La plupart des patients sont vus dans un état d’hémolyse aigue qui nécessite une transfusion sanguine d’urgence, ce qui retarde le diagnostic de certitude, prive d’une part les patients d’un traitement préventif et d’autre part les exposent aux hémolyses aigues et aux transfusions répétées (7).

Tableau II. Médicaments incriminés dans les accidents liés à un déficiten G6PD.(D’aprèsansm, 2014).

CONSCLUSION Le déficit en G6PD se manifeste par des crises itératives d’anémie aigue déclenchées par certains aliments, infections ou médicaments dont plusieurs couramment prescrits en médecine générale. Le traitement est essentiellement préventif, d’où le rôle essentiel du médecin généraliste dans la prévention de ces crises.  

Références 1-Beutler E. G6PD deficiency. Blood Références 1-Beutler E. G6PD deficiency. Blood. 1994 Dec 1;84(11):3613-36. 2- Childs B, Zinkham W, Browne E A, Kimbro E L, Torbert J V. A. geneticstudy of adefect in glutathionemetabolism of the erythrocytes. Bull. Johns Hopkins Hosp. 1958 Jan; 102(1):21-37. 3-Cappellini MD, Fiorelli G.Glucose-6-phosphate dehydrogenasedeficiency. Lancet. 2008 Jan 5; 371(9606):64-74. 4- Frank JE. Diagnosis and management of G6PD deficiency. Am Fam Physician. 2005 Oct 1; 72(7):1277-82. 5- WHO working group. Glucose-6-phosphate dehydrogenasedeficiency, Bull World Health Organ 1989;67(6) :601-11. 6- Agence française de sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Médicaments et déficit en Glucose-6-phosphate déshydrogénase (G6PD).Paris :ansm ; 2014. 7- Benyachou B. L’anémie par déficit en G6PD chez l’enfant. Thèse de médecine, N°4, Fès ,2008. Tableau I. Classification OMS des variants enzymatiques de la G6PD en cinqclasses, dont trois déficitaires.