Impact psychique de l’exercice du quotidien dans la communauté soignante Dr GIGNOUX-FROMENT Frédérique Service de psychiatrie– HIA LAVERAN 9 mars 2017 Jeudi du bataillon - BMPM
Plan Introduction Problématique Clinique Etudes récentes Cas cliniques Conclusion
Introduction Les soignants sont confrontés à l’urgence, l’imprévisibilité, aux catastrophes Caractère traumatique des interventions Conséquences physiques, psychiques et relationnelles
Problématique La difficile reconnaissance des troubles par les soignants et leur entourage Accent mis sur la prise en charge des symptômes physiques
Problématique Stéréotypes relatifs aux soignants « l'existence, voire la persistance de stéréotypes populaires qui présentent les intervenants comme des personnes fortes et pleines de ressources, à l'opposé des victimes perçues comme des individus démunis, ayant besoin d'aide, est relatée dans certains travaux » Stabilité psychique, résistance aux pressions
Clinique 1) Circonstances favorisant la survenue du trauma: Confrontation à la mort Sentiment d’impuissance La perte La destruction L’exaltation La culpabilité du survivant Le voyeurisme
Clinique 3) 4 réactions émotionnelles immédiates et à long terme chez les soignants selon Nivet P., J.M. Alby et L. Crocq: Le choc émotionnel initial: Sidération brève, comportements de réassurance, personnel peu expérimenté Le choc émotionnel prolongé: Sidération émotionnelle qui dure, compensé par le recours aux automatismes appris, altération de la lucidité, ralentissement de l'idéation, lenteur, maladresse des gestes, automatisme, manque d'efficacité en raison de la non flexibilité devant un imprévu
Clinique: réactions émotionnelles La réaction émotionnelle différée: après la cessation des activités d'urgence, réponse à l'épuisement physique ou moral, prostration dépressive, crise d'agitation motrice ou d'agressivité verbale ou gestuelle, situation éphémère et sans séquelles, libère l'anxiété retenue, peut affecter l’ambiance, l'ordonnance des secours et le moral des victimes états de stress aigu, états de stress post traumatique Nivet, P., J.M. Alby et L. Crocq (1989). Les réactions émotionnelles chez les décideurs, les sauveteurs et les soignants, Soins psychiatrie, 106/107 : 18-22
Clinique 5) Les difficultés interpersonnelles - La surcharge émotionnelle peut entrainer une incapacité à répondre aux besoins affectifs des conjoints/des enfants ou une difficulté à partager leurs expériences avec leur famille et leurs amis entrainant un sentiment d'isolement - Les principales répercussions Irritabilité envers ses proches, incapacité à partager ses émotions ou son expérience, diminution du temps consacré à la famille, détérioration de la vie familiale ou émergence de problèmes familiaux, difficultés à partager l'expérience du désastre avec les amis, diminution ou perte d'intérêt pour les activités sociales, retrait et isolement, retranchement dans le travail, détachement émotionnel, abus ou usages inappropriés de substances nocives ou de drogues, débordements de paroles ou, inversement, mutisme, repli sur soi.
Clinique 6) Les effets sur la santé et les performances au travail: Stress professionnel « résultante de transactions inadéquates entre la personne et le contexte de travail» Facteurs liés à l’émergence du stress professionnel L’organisation du travail (ambiguïté ou conflit des rôles professionnels) Les conditions de travail (repas, sommeil, météo…) L’imprévisibilité des situations Maslach décrit le burn-out selon trois dimensions fondamentales: «l’épuisement émotionnel », « la déshumanisation de la relation au patient » et une diminution de « l’accomplissement de soi au travail »
Clinique: santé et performances au travail Facteurs organisationnels contraignants - Faible soutien des confrères de travail, - Supervision autoritaire - Manque de compétences des gestionnaires - Faible support de l'organisation - Sentiment de culpabilité - Attentes trop élevées face à sa propre performance - Manque de collaboration au sein de l'équipe de travail - Interférences travail/vie familiale - Manque ou peu de reconnaissance - Faible participation aux processus décisionnels
Clinique: santé et performances au travail Facteurs organisationnels facilitant - Etablissement de relations étroites avec les confrères de travail - Conditions de travail adéquates - Congés - Rémunération adéquate - Sentiment de valorisation retiré du travail et de l'aide apportée à la communauté ou aux individus - Possession d'habiletés nécessaires à l'intervention - Sentiment de performance
Clinique 7) Effets positifs 8) Durée des effets - sentiment de progrès, d'augmentation d’énergie et d’endurance - réévaluation positive de la vie - Moindre importance accordée aux biens matériels 8) Durée des effets - Apparition des symptômes dans les jours, les mois voire les années qui suivent l'intervention - Rétablissement graduel
Principales études Projet d’étude au sein de notre service - Enquête préliminaire: forte prévalence de personnels ayant déclaré avoir présenté des troubles psycho-traumatiques - chez les militaires non soignants, prévalence de 4 à 15% d’états de stress post traumatiques dans la population de militaires de l’armée de terre exposés à des événements potentiellement traumatisants - Auto questionnaire: données socio démographique, vécu d’une mission particulièrement éprouvante, questionnaires de recherche de l’existence d’un ESPT (l’échelle PCLS), un questionnaire d’évaluation de l’anxiété et de la dépression (HAD) et enfin une recherche du burn out avec l’échelle MBI (Maslash burn out inventory).
Cas clinique Mr G., auxiliaire sanitaire en Côte d’Ivoire, au cours du bombardement de Bouaké le 6 novembre 2004 Regard de psychiatre sur la thoracotomie de sauvetage (F.Paul)
Conclusion La communauté soignante particulièrement exposée aux événements potentiellement traumatisants Symptômes variés, immédiats ou différés, conséquences incertaines (ESA, ESPT, burn out…) Parfois positifs Nécessaire prise de conscience par les soignants, les administrateurs et la médecine du personnel