Cette série de diapositives est fondée sur la revue d’une présentation à un symposium satellite organisé au 56e congrès scientifique annuel de l’American College of Cardiology, du 24 au 27 mars 2007 à Nouvelle-Orléans, Louisianne. Présentée initialement par James Young, M.D. la revue est commentée par Jonathan Howlett, M.D., dans un numéro de Cardiologie – Actualités scientifiques. Il est bien connu que l’insuffisance cardiaque, une affection chronique caractérisée par une dysfonction myocardique et une rétention hydrosodée et associée à un taux élevé de morbidité et de mortalité, coexiste fréquem-ment avec des affections comorbides multiples. Nombre d’entre elles, telles que l’insuffisance rénale chronique (IRC), la cardiopathie ischémique et le diabète, sont connues pour être associées de façon indépendante à un moins bon pronostic. Cependant, on parle moins de la présence d’anémie. Cette série de diapositives présente de nouvelles données sur la prise en charge de l’anémie dans l’insuffisance cardiaque et examine les implications cliniques.
Les données de plusieurs études cliniques révèlent de façon constante que chez les patients anémiques atteints d’IC, les symptômes sont plus avancés et la qualité de vie est moins bonne que chez ceux ne souffrant pas d’anémie. De plus, l’anémie est un prédicteur indépendant de l’hospitalisation et de la mortalité. Par exemple, comme le démontre cette diapositive, dans l’étude RENAISSANCE, les patients dont le taux d’hémoglobine (Hb) était < 120 g/L lors de leur admission dans l’étude avaient un taux de mortalité à 1 an de 28 %, alors que ceux dont le taux d’Hb lors de leur admission était > 149 g/L avaient un taux de mortalité à 1 an de 16 %, ce qui représente une augmentation de 75 % selon le test de log-rank (p < 0,018). Dans l’étude PRAISE (Prospective Randomized Amlodipine Survival Evaluation), les patients ont été stratifiés par quintiles d’hématocrite. Dans le groupe dont les taux étaient < 37,6 %, une baisse de 1 % du taux d’hématocrite était associée à une augmentation de 11 % de la mortalité à 1 an après correction en fonction d’autres facteurs. Dans l’étude COPERNICUS (Carvedilol Prospective Randomized Cumulative Survival), on a noté un taux de mortalité et d’hospitalisation presque deux fois plus élevé chez les patients dont le taux initial d’Hb était < 110 g/L que chez ceux dont le taux d’Hb était normal (47 % vs 25 %).
Les recommandations récemment publiées de la Conférence consensuelle de la Société canadienne de cardiologie (SCC) sur l’IC, mises à jour en 2007, incluent une section intitulée « L’insuffisance cardiaque et les maladies intercurrentes ». Cette section incluent des recommandations concernant la prise en charge de l’anémie dans le contexte de l’IC, indiquées dans cette diapositive. En général, l’investigation chez les patients anémiques inclut une anamnèse précise et un examen physique, avec une attention particulière à l’apport alimentaire de fer, de vitamine B12 et de folate, l’interrogation du patient sur la perte de sang au niveau gastro-intestinal, sur la présence de maladies inflammatoires et malignes (p. ex. arthropathies séropositives), l’usage de médicaments immunosuppresseurs et d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), ainsi qu’une analyse de sang de routine (formule sanguine complète, ferritine sérique et saturation de la transferrine). D’autres tests spéciaux, incluant l’endoscopie, peuvent également être nécessaires, selon les indications cliniques.
Les données antérieures provenant d’études sur l’erythropoïétine (EPO) chez des patients atteints d’IC étaient de petite envergure, non randomisées et non contrôlées. Cependant, trois études multicentriques de phase II, randomisées et contrôlées avec placebo portaient sur la darbépoétine alfa chez des patients atteints d’IC légère à modérée e t souffrant de dysfonction systolique et d’anémie. Dans la première étude, qui incluait 41 patients, on a observé une tendance à une amélioration de la tolérance à l’effort et de la qualité de vie à 6 mois. Dans la deuxième étude, STAMINA-HF (Study of Anemia in Heart Failure), on a noté une tendance similaire à une amélioration du temps d’effort, ainsi qu’un taux d’hospitalisation réduit à 12 mois chez 319 patients. La troisième étude a examiné deux régimes posologiques vs un placebo chez 165 patients et a montré des tendances à une amélioration de la tolérance à l’effort et de la qualité de vie. Aucune de ces études ont été conçues pour évaluer la mortalité, mais dans l’ensemble, elles fournissent des données concluantes sur la réduction du paramètre composé incluant les décès ou les hospitalisations pour IC (probabilité 0,67 ; IC à 95 %, 0,44-1,03, p = 0,06) et les décès uniquement (probabilité 0,76 ; IC à 95 %, 0,39-1,48). Ces résultats devraient être confirmés par des études randomisées.
Dans ces études sur le traitement de l’anémie dans l’IC, il n’y a eu aucune augmentation des événements indésirables ou de signes d’effets nocifs dans l’analyse regroupée de tous les patients de phase II atteints d’IC. Ces données préliminaires contrastent avec les observations faites chez des patients atteints d’IRC et de cancer, ce qui peut être dû au fait que les populations cibles et les caractéristiques initiales sont différentes.
Étant donné les données prometteuses provenant d’études de phase II sur l’administration de la darbépoétine alfa, l’étude RED-HF a débuté en juin 2006 et recrute activement des patients dans > 60 pays dans le monde, incluant le Canada (avec > 30 centres). Dans l’étude RED-HF, 3 400 patients atteints d’IC, de dysfonction systolique du VG et ayant des taux plasmatiques d’Hb se situant entre 90 et 120 g/L (dans le contexte de réserves de fer adéquates), seront assignés au hasard selon un rapport 1:1 à un traitement standard ou à la darbépoétine alfa pour obtenir un taux cible d’Hb > 130 g/L (mais n’excédant pas 145 g/L). Toutes les autres thérapies pour l’IC sont autorisées. L’étude a une puissance de 90 % pour détecter une réduction de 15 % du paramètre primaire incluant la mort ou l’hospita-lisation pour IC et sera axée sur les événements, jusqu’à ce que 900 événements soient atteints. On s’attend à ce que le suivi dure ≥ 3 ans. L’étude RED-HF diffère des autres études sur les stimulants érythrocytaires (SEC) de plusieurs façons, comme le montre cette diapositive. Elle est randomisée, à double insu et contrôlée avec placebo et les cibles sont une population atteinte d’IC bien définie. La caractéristique dominante de cette population n’est pas l’IRC, comme le montre le taux de filtration glomérulaire (TFG) beaucoup plus élevé initialement. Elle aura la puissance pour démontrer un impact significatif sur la morbidité et la mortalité. Les traitements concomitants, en particulier les antithrombotiques et les anticoagulants, seront bien caractérisés. On s’attendrait à ce que l’étude RED-HF fournisse une réponse définitive à la question de l’utilisation des SEC pour le traitement de l’anémie dans l’IC.
Des données cumulatives suggèrent que l’anémie est une importante affection comorbide chez les patients atteints d’IC qui est associée de façon indépendante à des événements indésirables. Le diagnostic initial de l’anémie et son évaluation doivent tenir compte de la nature multifactorielle de l’anémie associée à l’IC, et l’on devrait reconnaître qu’un nombre important de ces patients souffrent d’IRC. Le traitement doit être adapté à la cause sous-jacente et inclut fréquemment la supplémentation en substrats, tels que le fer par voie orale ou intraveineuse. L’utilisation actuelle des SEC chez les patients anémiques atteints d’IC doit être limitée aux patients atteints d’anémie sévère et présentant des symptômes importants, selon les recommandations récemment publiées de la Conférence consensuelle sur l’insuffisance cardiaque de la SCC. Récemment, des données suggérant que les SEC ont des effets toxiques ont suscité des préoccupations concernant l’utilisation de ces médicaments en dérogation des directives. Cependant, ces données ne portaient pas sur des populations atteintes d’IC. Bien qu’il existe des données prometteuses qui suggèrent que l’administration de SEC aux patients atteints d’IC légèrement à modérément anémiques peut améliorer la morbidité et la mortalité, il est important d’attendre les résultats d’études randomisées importantes dans ce domaine, telles que l’étude RED-HF.