Ecologie biophysique des arbres et du bois M1 - UE Biophysique des tissus végétaux 2018 Ecologie biophysique des arbres et du bois Meriem Fournier
Les fonctions du bois dans l’organisme arbre « Squelette » Fonctions biophysiques Soutien de la structure « Muscle » Système vasculaire Contrôle de la posture Tropismes Transport de la sève brute Défenses contre les xylophages Réserves d’amidon Nutrition Système immunitaire
La question (interdisciplinaire) du jour entre physique et écologie En quoi les propriétés biophysiques du bois caractérisent-elle les préférences écologiques des arbres ? (les arbres qui poussent dans des climats secs ont-ils des bois moins conducteurs, plus efficients mécaniquement ?) Ou Les préférences écologiques conduisent-elles à des relations (+ ou -) entre propriétés structurales et biophysiques? (les arbres qui sont des bons compétiteurs ont-ils à la fois du bois conducteur et mécaniquement rigide et résistant )
On dispose d’une batterie de propriétés biophysiques Sécurité hydraulique : Est ce que la tige est capable de supporter une forte tension d’eau sans grosse embolie ? Performance hydraulique : Est ce que la tige est capable de transporter une grosse quantité d’eau ? Sécurité mécanique ou résistance : la tige est-elle loin de la situation limite où i) elle casse sous l’effet du vent ou ii) elle n’est plus autoportante car elle plie très fortement (« flambement ou flambage/buckling ») sous son propre poids? Performance mécanique ou rigidité : est ce que la tige sera fortement courbée par les efforts « normaux » supportés ? Performance du mouvement : Est ce que la tige sera capable de maintenir/restaurer sa posture et son orientation perturbée par les efforts normaux ? W G x M+ dM M W G W G
Le travail a été fait pour toutes ces propriétés d’établir des formules de changement d’échelle tissu, tronc, arbre entier Maintien de la rigidité sous le poids propre Réponse gravitropique de la base Facteur de risque de flambage (verse): Résistance au vent (vitesse du vent critique de volis) Vmax² = sC (pD3/16) / (rair Cd G SV fP fs fE H ) Suffisance hydraulique : Résistance à la cavitation : = y50 / ymin Propriétés tissu Charge/environnement arbre entier Paramètres de forme Dimensions du tronc
Le travail a été fait pour toutes ces propriétés d’établir des formules de changement d’échelle tissu, tronc, arbre entier Conductivité spécifique Surface d’aubier conducteur Suffisance hydraulique : Surface foliaire à alimenter Propriétés matérielles Charge/environnement arbre entier Paramètres de forme Dimensions du tronc
Les propriétés fonctionnelles de l’organisme (tronc + houppier) en fonction des propriétés du bois, du chargement, des dimensions du tronc Facteur de risque de non-autoportance : Module d’élasticité Masse totale Volume de tronc Elancement : Hauteur Diamètre Forme g Propriétés matérielles Charge/environnement arbre entier 9 Paramètres de forme Dimensions du tronc
On ne demande pas aux écologues d’établir les formules On leur demande de les utiliser à bon escient pour leurs questions de biologistes Et d’être rigoureux pour éviter de dire des erreurs Par exemple : Le bois de haute qualité mécanique fait il forcément des arbres qui se tiennent mieux ? 10
Par exemple : Le bois de haute qualité mécanique fait il forcément des arbres qui se tiennent mieux ? Avec le même coût de construction c’est-à-dire une quantité de biomasse constante sur une section de tige, Un charme avec du bois d’infradensité 0,6 qu’un peuplier d’infradensité0,3 est-il plus ou moins sécurisé 11 11
1. Plus un bois est dense, plus il est rigide et résistant (E et sC augmentent linéairement avec l’infradensité du bois)
2. En supposant tout le reste indépendant, les propriétés fonctionnelles varient de la façon suivante en fonction de D, E, sC Résistance au vent (vitesse du vent critique de volis) Vmax² = sC (pD3/16) / (rair Cd G SV fP fs fE H ) Facteur de risque de flambage (verse):
Biomasse constante signifie que Infradensité x p D² reste constante 3. Avec une biomasse (quantité de carbone) donnée sur la section de tronc, je peux construire un tronc de gros diamètre fait de bois peu dense, ou un tronc de petit diamètre constitué de bois plus dense Biomasse constante signifie que Infradensité x p D² reste constante Pour faire des troncs de taille différente mais de même biomasse, le diamètre et la densité du bois s’ajustent : D² ≈ 1/infradensité D D=2 Infradensité = ? D=0,5 Infradensité = ? D=1 Infradensité = 0,3
3. A biomasse de section constante, le carré du diamètre D² est inversement proportionnel à l’infradensité du bois. 1. E et sC sont proportionnels à l’infradensité du bois 2. En supposant tout le reste indépendant, les propriétés fonctionnelles varient de la façon suivante en fonction de D, E, sC Sécurité au vent : Vmax² ≈ sC D3 Sécurité de l’auto-portance : Donc à biomasse constante : Sécurité au vent (Charme) = ? x Sécurité au vent (peuplier) Sécurité de l’autoportance (Charme) = ? x Sécurité (peuplier) Infradensité charme = 0,6 et peuplier = 0,3
Pourtant le charme a un bois deux fois plus rigide et résistant A biomasse de section constante, le carré du diamètre D² est inversement proportionnel à l’infradensité du bois. E et sC sont proportionnels à l’infra-densité du bois En supposant tout le reste indépendant, les propriétés fonctionnelles varient de la façon suivante en fonction de D, E, sC Sécurité au vent : Vmax² ≈ sC D3 Sécurité de l’auto-portance : Donc à biomasse de section constante, en supposant tout le reste pareil (même forme, même rapport M/V, etc etc …) : Sécurité au vent (charme) = 0,7 Sécurité au vent (peuplier) Sécurité de l’autoportance (charme) = 1 Sécurité (peuplier) Pourtant le charme a un bois deux fois plus rigide et résistant * 0,7 = racine carrée de (densité faible 0,3/densité forte 0,6)
Un bois de plus forte densité a des propriétés mécaniques plus élevées, mais cela ne signifie pas une performance ou une sécurité mécaniques plus élevées. D’un point de vue des performances et de la sécurité mécanique, un bois plus dense serait donc un caractère assez neutre Ca a permis un échange entre auteurs dans de grandes revues d’écologie.
Pour l’hydraulique, Barb Lachenbruch
Interpréter les corrélations entre densité du bois et écologie des espèces ?
Dans les forêts tropicales, la densité du bois est corrélée avec des caractéristiques démographiques de croissance ou de mortalité faible densité du bois = croissance rapide et turn over rapide Contrairement à ce que certains ont dit, on sait pas forcément pourquoi … Chave et al. 2009
La densité du bois chez beaucoup d’ espèces tempérées répond à la sylviculture. Elle est corrélée avec la vitesse de croissance . Conifères : Effet positif de la largeur de cerne Bergqvuist AFS 1998
Angiospermes : résultats moins généraux Espèces à zone initiale poreuse : Généralement, la densité augmente avec la largeur de cerne Relation largeur de cerne densité Dans la forêt de Tronçais (Polge et Keller 1973)
Exemple sur le pin radiata New Zealand (Waghorn et al) Une observation empirique : la largeur de cerne diminue et donc la densité du bois et le module d’élasticité du bois augmentent quand la densité de plantation augmente Ces variations sont elles une adaptation mécanique au milieu: Idée : quand la densité de plantation augmente, l’élancement des arbres augmente et donc le risque de non autoportance augmente. Est-ce que l’augmentation du module d’élasticité compense ? Risqué Avec du bois plus rigide? Même bois
Est-ce que la rigidité plus grande compense ? Risque de non autoportance Rf 2013 Elancement H/D La réponse est NON Inverse 1/Rf
Rq: Une performance ou une sécurité doivent s’envisager par rapport à l’environnement de l’arbre = une « contrainte » environnementale qui induit une réponse adaptative, ou un risque de dysfonctionnement
Une performance ou une sécurité doivent s’envisager par rapport à un chargement Une rigidité de tronc très faible peut représenter une performance très adaptée si l’arbre a en même temps un petit houppier et un centre de gravité très bas Une résistance de tronc très faible est parfaitement suffisante s’il n’y a pas beaucoup de vent ou si la prise au vent (dimension du houppier) est faible. Une conductance hydraulique faible peut parfaitement être suffisante s’il n’y a pas beaucoup de feuilles à alimenter Une résistance à la cavitation faible peut parfaitement suffire s’il n’y a jamais de sécheresse édaphique marquée.
Compensations des effets dimensionnels et trajectoires de croissance
Les propriétés fonctionnelles contiennent toujours un effet de la taille de l’organe, et un axe ligneux multiplie sa hauteur par 100-1000 durant sa vie. Décomposition des formules et analyse dimensionnelle Caractérisation du chargement (« taux » hors dimensions) Effet dimensionnel Propriétés matérielles (ne dépendent pas de la géométrie par construction) Paramètres de forme (adimensionnels) Si les propriétés, proportions et taux de chargement sont constants Il reste un effet dimensionnel On peut voir cet effet dimensionnel comme un effet de la croissance et du développement de l’arbre
Effet d’échelle sur la plupart des propriétés Trajectoires des propriétés fonctionnelles au cours du développement de l’arbre ? Suffisance hydraulique : Facteur de risque : Effet d’échelle sur la plupart des propriétés … … … Pour maintenir un niveau de performance ou de risque acceptable, les arbres doivent modifier leurs paramètres au cours de la croissance Les trajectoires de croissance compensent-elles les effets d’échelle ? Y-a-t-il changement de stratégie pendant la croissance ? Quels paramètres s’ajustent ? Comment analyser ces effets ?
La forêt tropicale humide = lumière très limitante et fortement structurée spatialement g Relative intensity of solar radiation 1% 10% 100% height From Richard 1996
Coexistence des espèces et tolérance à la lumière Tolérante au stade juvénile Peu de ressource et faible croissance Privilégier la survie (sécurité) Pionnière intolérante dans les trouées Ressource importante mais éphémère Privilégier la croissance rapide (performance)
Coexistence des espèces et tolérance à la lumière Hémitolérantes Intolérantes Je sais attendre et aussi profiter de la lumière dès qu’il y en a Tolérantes Wait and see I will survive! Tolérantes de sous-bois Small is beautiful
Ajustements morphologiques de l’arbre en couvert dense Jaouen et al. 2007, Sterk and Bongers 1998 Risque de non autoportance Non autoportant Risque maximal : on observe des individus non autoportants Du fait d’un très fort élancement H3/D² Les parieurs « gamblers » = héliophiles à vie longue en forêt tropicale Juste à la limite Doit réagir pour maintenir le port 1 Les pionnières à vie courte Les arbres dominés Très loin de la limite. La verse n’est plus une contrainte importante, se redresser est aussi une nécessité moindre Les tolérantes, les arbres dominants La croissance radiale et la rigidité du bois ne semblent pas limitantes Taille et âge Canopée Décrochement = l’arbre atteint sa hauteur max (course à la lumière) et peut investir dans la croissance en épaisseur, compensation de l’effet hauteur par H/D qui diminue très vite.
Messages finaux Choisir des « traits » de l’arbre ou du bois … pour définir des stratégies écologiques et des services écosystémiques reste une question ouverte en général et en biophysique en particulier. La physique fournit un cadre pour définir les traits hydrauliques et biomécaniques avec les changements d’échelle parois -> tissu cellulaire -> organe -> organisme … Corrélation n’est pas causalité. La sélection naturelle s’exerce sur l’organisme dans son environnement. Ne pas surinterpréter des corrélations observées sur les propriétés du bois sans réflexion. Les arbres sont des organismes qui changent beaucoup de dimensions au cours de leur croissance. Tous les traits fonctionnels au niveau de l’organisme ont une composante dimensionnelle (varient avec la dimension à qualité et forme égales). Quels ajustements morphologiques ou de qualité de tissus permettent de compenser (ou pas) ces variations de fonctionnalité au cours du développement ?