Les diapositives qui suivent mettent en lumière un rapport éducatif issu d’une Session satellite du Congrès annuel 2010 de la Société européenne de cardiologie qui s’est tenu à Stockholm, Suède, du 28 août au 1er septembre 2010. La présentation effectuée initialement par Mikael Dellborg, M.D., Ph.D., Jean-Luc Vachiéry, M.D. et Michael Gatzoulis, M.D., Ph.D., a été commentée par Gordon Moe, M.D., FACC, FRCPC dans Cardiologie – Actualités scientifiques. L’hypertension artérielle pulmonaire associée à une cardiopathie congénitale (HTAP-CC) est une pathologie de plus en plus fréquente et complexe qui a donné lieu à de multiples algorithmes de traitement en raison, en partie, du nombre important de processus sous-jacents de cette affection. L’HTAP-CC résulte généralement d’un shunt systémique-à-pulmonaire sévère, et entraîne souvent une insuffisance ventriculaire droite et une mort précoce. Les nouvelles directives1 actualisées et condensées de la Société européenne de cardiologie/la Société européenne des maladies respiratoires (SEC/SEMR) incluent une classification élargie de l’HTAP-CC en ce qui concerne son tableau clinique et anatomico-pathophysiologique, afin de définir plus précisément à quelle classe appartient chaque patient. Le présent numéro de Cardiologie – Actualités scientifiques vise à placer les connaissances et les lignes directrices actuelles sur l’HTAP-CC dans la perspective de la pratique clinique. Une discussion sur l’évolution de la physiologie d’Eisenmenger (PE) et sur la classification clinique des patients atteints d’HTAP-CC est suivie d’un examen des données existantes à l’appui des interventions thérapeutiques chez ces patients. 1. Galie N, Hoeper MM, Humbert M, et coll. Guidelines for the diagnosis and treatment of pulmonary hypertension: The Task Force for the Diagnosis and Treatment of Pulmonary Hypertension of the European Society of Cardiology (ESC) and the European Respiratory Society (ERS), endorsed by the International Society of Heart and Lung Transplantation (ISHLT). Eur Heart J. 2009;30:2493-2537.
Parmi toutes les sous-populations atteintes d’HTAP, les patients atteints d’HTAP-CC représentent un groupe particulièrement complexe en raison de la diversité de la maladie sous-jacente. Les toutes dernières lignes directrices de la SEC/SEMR divisent l’HTAP-CC en 4 groupes cliniques1, selon l’anomalie sous-jacente et/ou la direction du shunt. Le premier groupe, le syndrome d’Eisenmenger, représente la forme la plus avancée d’HTAP-CC. Ce groupe est décrit ci-dessous de façon plus détaillée. Le deuxième groupe, l’HTAP associée à un shunt gauche-droite (systèmique-à-pulmonaire) inclut les patients atteints d’anomalies modérées à sévères et présentant une résistance vasculaire pulmonaire légère à modérée. Le troisième groupe comprend les patients atteints d’HTAP qui présentent des légères (généralement une anomalie du septum ventriculaire et du septum auriculaire de < 1 cm et < 2 cm, respectivement). Pour ces patients, l’anomalie peut ne pas nécessairement être la cause sous-jacente de l’HTAP2. Le quatrième groupe comprend les patients atteints d’HTAP qui se développe après une chirurgie cardiaque correctrice, malgré la normalization de l’anomalie sous-jacente. Parmi les 4 groupes cliniques, les patients les plus sévèrement atteints sont ceux qui ont développé une PE3. Les patients présentant une PE ont une qualité de vie particulièrement médiocre et la plupart présentent une tolérance à l’effort réduite et une dyspnée à l’effort4. Bien que la mortalité soit généralement moins élevée dans les cas de PE que dans l’HTAP idiopathique2, une intervention thérapeutique est nécessaire pour améliorer le pronostic et surtout pour améliorer la qualité de vie de cette population. Galie N, Hoeper MM, Humbert M, et coll. Guidelines for the diagnosis and treatment of pulmonary hypertension: The Task Force for the Diagnosis and Treatment of Pulmonary Hypertension of the European Society of Cardiology (ESC) and the European Respiratory Society (ERS), endorsed by the International Society of Heart and Lung Transplantation (ISHLT). Eur Heart J. 2009;30:2493-2537. 2. Gatzoulis MA, Alonso-Gonzalez R, Beghetti M. Pulmonary arterial hypertension in paediatric and adult patients with congenital heart disease. Eur Respir Rev. 2009;18:154-161. 3. Diller GP, Gatzoulis MA. Pulmonary vascular disease in adults with congenital heart disease. Circulation. 2007;115:1039-1050. 4. Galiè N, Manes A, Palazzini M, et coll. Management of pulmonary arterial hypertension associated with congenital systemic-to-pulmonary shunts and Eisenmenger’s syndrome. Drugs. 2008;68:1049-1066.
Dans l’HTAP-CC, l’intervention appropriée est la correction chirurgicale d’une anomalie sous-jacente qui doit être réalisée dès que possible. Les patients qui présentent un shunt gauche-droite, un flux sanguin pulmonaire élevé et une faible RVP sont très probablement encore opérables1. Une intervention chirurgicale réalisée à temps avant l’apparition d’une RVP peut permettre l’inversion de l’HTAP après la correction de l’anomalie. Cependant, lorsque la RVP augmente au-dessus du niveau critique, on atteint un « point de non retour ». À ce stade, il faut éviter l’intervention chirurgicale en raison du risque d’insuffisance cardiaque aiguë après l’opération. Chez ces patients, il existe un risque post-chirurgical accru d’inversion du shunt entraînant une PE. Par conséquent, chez les patients qui développent une PE, la chirurgie est contre-indiquée. 1. Gatzoulis MA, Alonso-Gonzalez R, Beghetti M. Pulmonary arterial hypertension in paediatric and adult patients with congenital heart disease. Eur Respir Rev. 2009;18:154-161.
Chez les patients atteints d’HTAP-CC inopérable, une intervention thérapeutique au moyen d’un traitement ciblé de l’HTAP est la modalité de traitement préférée. Les avantages cliniques des thérapies spécifiques de l’HTAP chez les patients atteints d’HTAP-CC ont été démontrée pour les analogues de la prostacycline, les inhibiteurs de la phosphodiestérase-5 et les antagonistes du récepteur de l’endothéline1. Des études ouvertes initiales avec des analogues de la prostacycline chez des patients atteints d’HTAP-CC ont démontré une amélioration de la capacité fonctionnelle, de la saturation du sang en oxygène et des valeurs hémodynamiques2,3. Les effets bénéfiques du sildénafil et du tadalafil – des inhibiteurs de la phosphodiestérase-5 – ont été démontrée dans des études ouvertes qui incluaient un nombre relativement limité de patients4-6. Parmi cette classe de médicaments, l’antagoniste des deux types de récepteur de l’endothéline, le bosentan, a été le plus étudié et c’est pour ce médicament qu’il existe les données les plus probantes1. C’est l’unique traitement de l’HTAP qui a été etudié dans une étude avec répartition aléatoire, à double insu et contrôlée avec placebo menée auprès de patients atteints de PE (Bosentan Randomized Trial of Endothelin Antagonist Therapy-5 [BREATHE-5])7. Plusieurs études prospectives ouvertes sur le bosentan menées chez des patients atteints d’HTAP-CC ont démontré une amélioration significative de la capacité d’effort, de la classe de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et des valeurs hémodynamiques8-10. Sur la base de ces résultats, les lignes directrices de la SEC/SEMR recommandent le bosentan comme traitement de première ligne chez les patients présentant une PE en classe fonctionnelle III de l’OMS. 1. Gatzoulis MA, Alonso-Gonzalez R, Beghetti M. Pulmonary arterial hypertension in paediatric and adult patients with congenital heart disease. Eur Respir Rev. 2009;18:154-161. 2. Fernandes SM, Newburger JW, Lang P, et coll. Usefulness of epoprostenol therapy in the severely ill adolescent/adult with Eisenmenger physiology. Am J Cardiol. 2003;91:632-635. 3. Rosenzweig EB, Kerstein D, Barst RJ. Long-term prostacyclin for pulmonary hypertension with associated congenital heart defects. Circulation. 1999;99:1858-1865. 4. Chau EM, Fan KY, Chow WH. Effects of chronic sildenafil in patients with Eisenmenger syndrome versus idiopathic pulmonary arterial hypertension. Int J Cardiol. 2007;120:301-305. 5. Mukhopadhyay S, Sharma M, Ramakrishnan S, et coll. Phosphodiesterase-5 inhibitor in Eisenmenger syndrome: a preliminary observational study. Circulation. 2006;114:1807-1810. Tay EL, Papaphylactou M, Diller GP, et coll. Quality of life and functional capacity can be improved in patients with Eisenmenger syndrome with oral sildenafil therapy. Int J Cardiol. 2010 19 mars. [version éléctronique avant impression] 7. Galiè N, Beghetti M, Gatzoulis MA, et coll; BREATHE-5 Investigators. Bosentan therapy in patients with Eisenmenger syndrome: a multicenter, double-blind, randomized, placebo-controlled study. Circulation. 2006;114:48-54. 8. Apostolopoulou SC, Manginas A, Cokkinos DV, Rammos S. Effect of the oral endothelin antagonist bosentan on the clinical, exercise, and haemodynamic status of patients with pulmonary arterial hypertension related to congenital heart disease. Heart. 2005;91:1447-1452. 9. D’Alto M, Vizza CD, Romeo E, et coll. Long term effects of bosentan treatment in adult patients with pulmonary arterial hypertension related to congenital heart disease (Eisenmenger physiology): safety, tolerability, clinical, and haemodynamic effect. Heart. 2007;93:621-625. 10. Schulze-Neick I, Gilbert N, Ewert R, et coll. Adult patients with congenital heart disease and pulmonary arterial hypertension: first open prospective multicenter study of bosentan therapy. Am Heart J. 2005;150:716.
Dans l’étude BREATHE-5, 54 patients âgés > 12 ans atteints du syndrome d’Eisenmenger en classe fonctionnelle III de l’OMS ont été répartis au hasard pour recevoir le bosentan (n=37) ou un placebo (n=17) pendant 16 semaines. Comparativement au placebo, le bosentan a réduit significativement l’indice de RVP (paramètre d’efficacité primaire) de 472,0 dyne-sec/cm5 (p = 0,0383) et a amélioré la capacité d’effort (test de marche de 6 minutes) de 53,1 m (p = 0,008, sans aggravation de l’oxygènation systémique (paramètre d’efficacité primaire) ; i.e. il n’a pas causé une aggravation du shunt. 1. Galiè N, Beghetti M, Gatzoulis MA, et coll; BREATHE-5 Investigators. Bosentan therapy in patients with Eisenmenger syndrome: a multicenter, double-blind, randomized, placebo-controlled study. Circulation. 2006;114:48-54.
Les chercheurs de l’étude BREATHE-5 ont mené une étude de prolongation ouverte, dans laquelle 37 patients ont reçu le bosentan pendant une période additionnelle de 24 semaines. Les sujets ont été analysés selon le groupe dans lequel ils ont été assignés dans l’étude initiale : ex-bosentan et ex-placebo. Les chercheurs ont noté une amélioration continue du test de marche de 6 minutes chez les patients traités par le bosentan (6,7 m ; amélioration totale dans 2 études : 61,3 m ; intervalle de confiance [IC] à 95 % 44,7-78,0) et une amélioration notable chez les patients ex-placebo chez qui l’on avait initié le bosentan (33,2 m). Les deux groupes ont présenté une amélioration de la classe fonctionnelle de l’OMS. Les résultats de l’étude BREATHE-5 et de l’étude de prolongation démontrent que le tableau clinique de la PE est loin d’être stable et que le bosentan peut avoir un effet bénéfique chez les patients présentant une PE. Sur la base de ces résultats, le bosentan est actuellement l’unique traitement approuvé en Europe pour l’HTAP associée à un shunt systèmique-à-pulmonaire congénital et à des symptômes de la classe fonctionnelle III de l’OMS. 1. Gatzoulis MA, Beghetti M, Galiè N, et coll; BREATHE-5 Investigators. Longer-term bosentan therapy improves functional capacity in Eisenmenger syndrome: results of the BREATHE-5 open- label extension study. Int J Cardiol. 2008;127:27-32.
Récemment, une analyse rétrospective chez des patients présentant une PE a été menée par Dimopoulos et coll. afin d’évaluer l’effet potentiel d’un traitement avancé sur la survie de cette population. Les chercheurs ont recueilli des données sur tous les patients présentant un syndrome d’Eisenmenger dans leur centre au cours des 10 dernières années (n = 229). Les taux de survie ont été comparés entre les patients qui avaient reçu un traitement avancé (TA) – i.e prostanoïdes, antagonistes des récepteurs de l’endothéline et inhibiteurs de la phosphodiestérase-5 – et ceux qui n’avaient jamais été traités initialement par ces médicaments. Les différences initiales ont été ajustées en fonction de l’utilisation de scores de propensité. La plupart des sujets présentait une anatomie complexe, et 53,7 % étaient en classes III-IV de la New York Heart Association (NYHA) lors de l’évaluation initiale. Parmi les 68 patients qui ont reçu un TA, 73,5 % ont reçu le bosentan, 25 % le sildénafil et 1,5 % (1 patient) l’époprosténol. Les patients chez qui l’on a instauré le TA étaient généralement plus âgés (p = 0,001) et présentaient souvent une altération fonctionnelle plus prononcée (p < 0,0001) que ceux n’ayant jamais reçu de TA. Après un suivi moyen de 4,0 ans, 52 patients sont morts : 2 (2,9 %) dans le groupe de TA et 50 (31,1 %) dans le groupe n’ayant pas reçu de TA. Les patients sous TA présentaient un risque significativement moins élevé de mortalité durant la période de cette étude, sans ajustement et après ajustement en fonction des différences cliniques initiales par le score de propensité (statistique c = 0,80 ; hazard ratio 0,16 ; IC à 95 % 0,04-0,71 ; p = 0,015) et appariement du score de propensité (hazard ratio 0,10 ; IC à 95 % 0,01-0,78 ; p = 0,028). Ces données soulignent donc le rôle important du traitement avancé dans l’amélioration de l’issue des patients atteints d’HTAP-CC. 1. Dimopoulos K, Inuzuka R, Goletto S, et coll. Improved survival among patients with Eisenmenger syndrome receiving advanced therapy for pulmonary arterial hypertension. Circulation. 2010;121:20-25.