CONTRÔLE DES PROCEDURES DE RESILIATION
Autorité compétente pour la résiliation unilatérale d'un marché Les marchés publics, parce qu'ils sont des contrats administratifs par détermination de la loi, entraînent au bénéfice du pouvoir adjudicateur, un certain nombre de prérogatives dont, notamment, la possibilité de prononcer la résiliation unilatérale du marché en cours d'exécution. Le maître d'ouvrage public peut ainsi résilier unilatéralement un marché. En vertu de la règle du parallélisme des formes, la décision de résiliation d'un marché est prise en principe dans les mêmes conditions que la décision de conclure ledit marché. Ainsi, dans l'hypothèse où la décision de conclure le marché a été prise par l'exécutif local dans le cadre de la délégation que lui a consentie l'assemblée délibérante, il appartiendra au même exécutif local et à lui seul de décider de la résiliation du marché, sous réserve toutefois que la délégation consentie porte sur l'exécution du marché.
Le pouvoir de résiliation unilatérale dont disposent ainsi les personnes publiques n'est pour autant pas sans limite et doit répondre aux conditions strictes fixées par la jurisprudence : la résiliation doit notamment être motivée et peut faire, selon les cas, l'objet d'une indemnisation. Le Conseil d'État a précisé dans l'arrêt Demouchy du 6 février 1925 que « la résiliation n'a pu intervenir (...) qu'en vertu du pouvoir appartenant à l'administration de rompre le contrat sous réserve d'indemniser l'entrepreneur des pertes résultant pour lui de la résiliation, et de lui accorder, le cas échéant, les dédommagements auxquels il peut légitimement prétendre. La résiliation unilatérale d'un marché public en cours d'exécution peut, notamment, résulter de l'abandon du projet par la personne publique, cet abandon pouvant constituer un motif d'intérêt général. Le Conseil d'État en a ainsi jugé dans son arrêt du 8 décembre 1978 n° publié au recueil Lebon.
Sauf si le CCAP déroge à l'obligation de mise en demeure préalable à toute décision de résiliation du marché par le mâitre d'ouvrage, la décision de résiliation doit obligatoirement être précédée d'une mise en demeure en bonne et due forme. La résiliation prononcée aux frais et risques du titulaire impose une mise en demeure préalable (CAA Lyon, 22 avril 2010, SM3A, n°08LY01996).CAA Lyon, 22 avril 2010, SM3A, n°08LY01996 Cette mise en demeure est notifiée au titulaire par tout moyen permettant de donner date certaine à sa réception (remise en mains propres, recommandé avec accusé de réception). Cette mise en demeure doit comporter les mentions suivantes : les motifs de la mise en demeure ; l’indication d’un délai raisonnable, permettant au titulaire de remédier à la situation (CE, 9 novembre 1988, commune de Freistroff, n°69450) ;CE, 9 novembre 1988, commune de Freistroff, n°69450
la sanction encourue en cas de manquement avéré, est la résiliation du marché, simple ou aux frais et risques. S’il n’est pas donné suite à la mise en demeure, la personne publique peut résilier unilatéralement le marché. Cette décision doit être motivée. Elle doit mentionner expressément le type de résiliation et sa date d’effet.
Elle doit être accompagnée d’un décompte de liquidation, qui récapitule les débits et crédits du titulaire du marché après inventaire contradictoire des prestations réalisées. Ce décompte financier ne pourra être totalement établi au moment de la décision de la résiliation prononcée aux frais et risques. En effet, dans cette hypothèse, le règlement financier du marché initial ne pourra être fait qu’après exécution complète du marché de substitution.
La décision de résiliation doit être signée par l’autorité qui a compétence pour passer et signer les marchés à la date à laquelle la résiliation a lieu. Elle est ensuite notifiée au titulaire, par tout moyen permettant de donner date certaine à sa réception.
Une résiliation justifiée sur le fond peut être irrégulière Dans la première affaire, le département des Bouches-du-Rhône a conclu avec une société un marché de travaux de gros oeuvre pour la construction d'un collège. Suite à la résiliation du marché aux torts de la société, cette dernière saisit le tribunal administratif pour le versement du solde du marché. Le tribunal rejette sa demande et fait partiellement droit aux conclusions du département en mettant à la charge de la société l'indemnisation des surcoûts imputables à la résiliation du marché et aux opérations d'achèvement de la construction du collège. La cour d'appel est saisie tant par le département que par la société contre la décision du tribunal. Elle rejette les deux requêtes. Elle estime en effet que la condamnation de la société est fondée dans la mesure où même si la décision de résilier le marché était intervenue selon une procédure irrégulière, elle était justifiée au fond.
Cependant, les juges du Conseil d'Etat annulent l'arrêt de la cour d'appel. La Haute Cour affirme que l'irrégularité d'une décision de résilier un marché fait obstacle à ce que "le surcoût issu de cette résiliation soit mis à la charge du titulaire, alors même que la résiliation serait justifiée au fond". Ainsi, le surcoût qui résulte de la résiliation du contrat ne peut pas être mis à la charge de la société. Elle précise ensuite la raison de l'irrégularité.
Conformément à l'article 3 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée (loi MOP), le pouvoir de résiliation ne peut être délégué. En l'espèce, la décision de résiliation prise par le maître d'ouvrage délégué n'était pas régulière car celui-ci n'était pas compétent pour résilier le marché.
Résiliation : à quel moment l'ancien titulaire peut-il obtenir le paiement du solde ? La seconde affaire concerne un marché conclu entre les Hospices civils de Beaune et une société de travaux. Suite à la résiliation dudit marché, la société demande à la cour d'appel l'indemnisation du préjudice causé par la décision de résiliation et le règlement de ses dettes contractuelles. La cour rejette l'appel et estime que la résiliation irrégulière ou infondée "n'était pas de nature à faire obstacle à ce que le décompte général du marché résilié ne soit notifié à l'entrepreneur qu'après règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux".
Les juges de la Haute Cour rappellent donc que le titulaire d'un marché résilié régulièrement à ses frais et risques ne peut obtenir le décompte général de ce marché pour le règlement des sommes dues au titre des travaux exécuté, qu'après le règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux. Cependant, le titulaire peut saisir le juge afin de faire constater l'irrégularité ou le caractère infondé de la résiliation. Si la résiliation se révèle irrégulière, le cocontractant de l'administration peut demander le règlement des sommes qui lui sont dues avant le règlement définitif du nouveau marché.
Les modalités de reprise du chantier dans le marché de substitution Un arrêt du Conseil d'Etat du 3 décembre 2012 porte quant à lui sur les conditions de reprise d'un chantier dans un marché de substitution, après la résiliation du précédent marché. Dans les faits, le syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères (Setom) de l'Eure a résilié un marché de travaux aux frais et risques de l'entrepreneur. Il a alors lancé une nouvelle procédure de passation d'un nouveau marché destiné à terminer les travaux du chantier commencé. L'ancien entrepreneur, s'estimant propriétaire des matériaux d'isolation laissés sur le chantier, intente une action en justice.
Le tribunal administratif de Rouen annule l'ensemble de la procédure de passation du marché de substitution "au motif que le pouvoir adjudicateur avait indiqué, dans les documents de la consultation, mettre à disposition des candidats des matériaux entreposés sur le chantier, qui demeuraient la propriété de la société". Le Conseil d'Etat rappelle alors les règles du cahier des clauses administratives générales (CCAG) en matière de travaux.
. Conformément à l'article 46.4, en cas de litige au cours de l'exécution d'un marché, "le maître d'ouvrage dispose du droit de racheter, en totalité ou en partie : (…) les matériaux approvisionnés, dans la limite où il en a besoin pour le chantier". Le Setom est donc légitime à prétendre au rachat des matériaux d'isolation présents sur le chantier Il peut inscrire dans les documents de la consultation leur mise à disposition pour le futur marché de substitution, quand bien même leur rachat n'est pas encore acté. En effet, ce droit pour le pouvoir adjudicateur est automatique dès lors que les matériaux s'avèrent nécessaires à l'exécution du marché.
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