CEVIPOL Mathieu.Vieira@ulb.ac.be Mathieu VIEIRA Doctorant Université libre de Bruxelles et Sciences Po Grenoble CEVIPOL Mathieu.Vieira@ulb.ac.be.

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CEVIPOL Mathieu.Vieira@ulb.ac.be Mathieu VIEIRA Doctorant Université libre de Bruxelles et Sciences Po Grenoble CEVIPOL Mathieu.Vieira@ulb.ac.be

LES SYSTEMES PARTISANS 1. La classification des systèmes partisans 1.1 Définitions et interprétations 1.2 Quatre courants d’analyse 1.3 L’impératif typologique 2. Continuité et changement des systèmes partisans 2.1 L’approche génétique : un nouveau système de clivages ? 2.2 L’approche institutionnelle : un nouveau type de systèmes partisans ?

LA CLASSIFICATION DES SYSTEMES PARTISANS 1 LA CLASSIFICATION DES SYSTEMES PARTISANS 1.1 Définitions et interprétations La définition la plus citée : Giovanni SARTORI, Parties and Party Systems : a Framework for Analysis, 1976, p. 43-44 « Le concept de système perd toute signification – du moins dans le but d’une étude scientifique – à moins que (i) le système présente des propriétés qui ne se retrouvent pas dans la prise en considération de manière dissociée de ses différents éléments constitutifs et que (ii) le système résulte de, et consiste en, les interactions structurées de ses éléments constitutifs, impliquant de la sorte que ces interactions fournissent les frontières ou du moins indiquent la fermeture du système. Les partis font ainsi « système » seulement quand ils représentent des parties ; et un système partisan est précisément le système des interactions résultant de la compétition inter-partisane ».

1.1 Définitions et interprétations Alan WARE, Political Parties and Party Systems, 1996, p.7 « il est courant lorsque l’on pense aux systèmes partisans dans les démocraties libérales, de réfléchir en termes de compétition » (…) « (…) aussi importante que la compétition est la coopération – formelle, informelle, et implicite – qui fait partie de n’importe quel système partisan ».

1.1 Définitions et interprétations Les trois propriétés d’un système partisan : (1) Un système partisan désigne l’ensemble des relations et des interactions qu’entretiennent les partis politiques entre eux (2) Ces relations peuvent être conflictuelles ou de coopération (3) Les partis politiques optent pour l’une ou l’autre de ces stratégies dans le but de conquérir le pouvoir

1.1 Définitions et interprétations Alexandre Dézé et Nicolas SAUGER, « Système partisan », in HAUDEGAND, N. et LEFEBURE, P. (eds.), Dictionnaire des questions politiques, Paris, Editions de l’Atelier, 2000, p. 231 « Ensemble structuré des interactions résultant de la compétition et de la coopération pour la conquête du pouvoir entre partis d’un système politique donné » NB : Une erreur à éviter Il est courant d’amalgamer système partisan et système politique. Il n’est pas rare de voir les régimes caractérisés par le système de partis correspondant. Or, le système partisan n’est qu’un élément du système politique au même titre que le système électoral ou le système législatif

1.2 Quatre courants d’analyse 1- La formation des systèmes partisans : la théorie des clivages de Lipset et Rokkan (1960-1970) 2- La politique comparée et la classification des systèmes partisans (1950-1970) 3- L’évolution des systèmes partisans : la théorie des réalignements électoraux (1970) 4- Le changement des systèmes partisans (1990-2000)

1.2 Quatre courants d’analyse La genèse des systèmes partisans : la théorie des clivages de Seymour. M LIPSET et Stein ROKKAN A partir de trois phases cruciales (Critical Junctures) : la Réforme la Révolution nationale la Révolution industrielle Ils décrivent le développement de quatre clivages : Centre/Périphérie Etat/Eglise Rural/Urbain Possédants/Travailleurs

1.2 Quatre courants d’analyse Ces clivages sont de deux ordres : ceux qui ont une dimension territoriale, résultant de l’unification du territoire d’un Etat-nation, et ceux qui ont une dimension fonctionnelle, découlant de conflits idéologiques et matériels Le clivage Centre/Périphérie = opposant l’élite modernisatrice dirigeante aux populations périphériques (véritable clivage culturel entre la culture dominante et celle des provinces) Le clivage Etat/Eglise = opposant l’Etat standardisateur à l’Eglise, notamment sur la question de l’enseignement

1.2 Quatre courants d’analyse Le clivage Rural/Urbain = résultant du conflit d’intérêts entre les propriétaires terriens et les industriels Le clivage Possédants/Travailleurs = produit du conflit entre les ouvriers et les patrons - Dans un ouvrage postérieur, Rokkan identifie un cinquième clivage Socialistes/Communistes issue de la « Révolution internationale », liée à la Révolution bolchevique de 1917

1.2 Quatre courants d’analyse La théorie des réalignements électoraux BURNHAM (1970) ; SUNDQUIST (1973) ; MARTIN (2000) Réalignement électoral= Changement brutal et durable des rapports de forces électoraux et de la structure des électorats. Cette théorie décrit la vie politique comme la succession de phases de réalignements et de périodes de politique ordinaire. La déstabilisation du système électoral affecte également quatre autres dimensions de la vie politique : - le système partisan, - le fonctionnement du système politique, - les politiques publiques - et les rapports entre les élites politiques et les citoyens.

1.3 L’impératif typologique Les pionniers (fin XIXe) James BRYCE : paternité du terme « système partisan » Lawrence LOWELL : distinction bipartisme/multipartisme Bipartisme : Système fondé sur la compétition entre deux partis à vocation majoritaire Multipartisme : Système organisé autour du pluralisme partisan et caractérisé par la rareté de gouvernement majoritaire

1.3 L’impératif typologique Les typologies classiques 1- Maurice DUVERGER : l’influence du système électoral Variable clé : nombre des partis Première loi: Scrutin majoritaire à un tour tend à favoriser un système bipartisan composé de partis indépendants à structure « rigide » (c’est-à-dire reposant sur une forte discipline) Deuxième loi: Scrutin majoritaire à deux tours tend à engendrer un système multipartisan composé de partis dépendants (favorise également l’apparition de partis dominants dans chacun des deux grandes coalitions en présence) Troisième loi: Scrutin proportionnel tend à favoriser un système multipartisan formé de partis à structure « rigide » et indépendants les uns des autres (favorise un système de partis fragmenté et fortement polarisé)

1.3 L’impératif typologique Pourquoi le bipartisme – reflet naturel de la logique dualiste du conflit – peut basculer en multipartisme? Duverger apporte deux explications : 1- La superposition des dualismes au sein de l’opinion publique qui aboutit au phénomène de scission. =Chaque camp apparaît divisé et plusieurs tendances coexistent. 2- Le fractionnement intérieur des opinions provoqué par la tentation centriste des partis gouvernementaux (« mouvement centrisme-sinistrisme ». =Afin de toucher l’électorat le plus large possible, les grands partis gouvernementaux optent pour une stratégie centriste qui encourage dès lors la scission de leur aile gauche.

1.3 L’impératif typologique 2- Gabriel A. ALMOND et James S.COLEMAN : la distinction entre systèmes compétitifs et systèmes non-compétitifs Variables clé : nombre des partis et degré d’ouverture de la compétition pour le gouvernement -Donne une dimension plus universelle à leur typologie en incluant les pays en voie de développement - Contribution majeure à l’approche comparative des systèmes partisans en introduisant la distinction systèmes compétitifs/systèmes non-compétitifs

1.3 L’impératif typologique 3- Jean BLONDEL: L’importance relative des partis en termes de suffrages Variable clé : importance des partis en termes de suffrages Selon Blondel, une étude approfondie des systèmes partisans passe nécessairement par l’observation de cinq critères : le nombre des partis leur importance relative leurs fondements idéologiques la sociologie de leur électorat, les caractéristiques de leur organisation et de leur direction. Néanmoins, Blondel nous indique qu’il est difficile de différencier les systèmes partisans occidentaux sur la base des deux dernières variables, et c’est pourquoi sa typologie ne retient que les trois premières variables.

1.3 L’impératif typologique Il distingue quatre types de systèmes partisans : les systèmes bipartisans (deux partis se partageant 90 % des voix) les systèmes à deux partis et demi (tiers partis mais les deux partis dominants se partagent 75 à 80% des voix) les systèmes multipartisans purs - les systèmes multipartisans à parti dominant (l’un des partis remporte plus de 40 % des voix) Il affine donc les deux catégories des systèmes bipartisans et des systèmes multipartisans : en proposant une distinction entre bipartisme « parfait » et bipartisme « imparfait » et une distinction entre multipartisme « pur » et multipartisme à « parti dominant »

1.3 L’impératif typologique L’approche systémique de Sartori 4- La typologie de Giovanni SARTORI : la relation entre les partis et le degré de polarisation idéologique Variables clé : fragmentation partisane et polarisation idéologique Premier critère : Fragmentation partisane Premier indicateur : nombre des partis Deuxième indicateur: Importance relative des partis en terme de capacité d’influence sur le jeu parlementaire =Il utilise le concept de « relevant party » = petits partis sont considérés comme « pertinents » lorsqu’ils disposent d’un « potentiel de coalition » (coalition potential) et/ou d’un « potentiel de chantage » (blackmail potential)

1.3 L’impératif typologique Deuxième critère : le degré de polarisation idéologique (distance idéologique entre deux pôles) Dans les systèmes compétitifs, la compétition inter-partisane peut prendre la forme d’une opposition entre deux pôles (systèmes bipolaires), ou de plusieurs (systèmes multipolaires) La mesure de la distance qui sépare les pôles lui permet de caractériser plus finement la catégorie du multipartisme

1.3 L’impératif typologique Il identifie quatre types principaux de systèmes partisans (modèle simplifié) : - Bipartisme (two-partism) = faible fragmentation partisane, faible polarisation idéologique, compétition politique centripète - Multipartisme « modéré » (moderate multipartism) = fragmentation partisane moyenne, polarisation idéologique moyenne, compétition politique centripète - Multipartisme « polarisé » (polarized multipartism) = Forte fragmentation partisane, forte polarisation idéologique, compétition politique centrifuge et partis extrémistes - Multipartisme « segmenté » (segmented multipartism) = forte fragmentation partisane, deux sous-cultures au sein de la société

1.3 L’impératif typologique Principaux critères Typologie Duverger (1951) Nombre des partis Bipartisme Multipartisme Almond et Coleman (1960) Caractère compétitif ou monopoliste - Blondel (1968) Importance relative des partis en termes de suffrages Système bipartisan Système à deux partis et demi Système multipartisan pur Système multipartisan à parti dominant Sartori (1976) Fragmentation partisane Polarisation idéologique Multipartisme modéré Multipartisme polarisé Multipartisme segmenté

2. CONTINUITE ET CHANGEMENT DES SYSTEMES PARTISANS 2. CONTINUITE ET CHANGEMENT DES SYSTEMES PARTISANS Introduction : Les limites de l’approche classique pour comprendre le changement des systèmes partisans Si l’étude des systèmes partisans a connu son heure de gloire avec la politique comparée entre les années 1950-1970, celle-ci connaît un véritable déclin les années suivantes Apparition d’un nouvel agenda de recherche au début des années 1990 La réappropriation de l’objet « système partisan » par les politistes, s’explique comme souvent, par l’incapacité des outils théoriques et méthodologiques antérieurs à expliquer l’apparition de phénomènes nouveaux. Une critique se construit dès lors autour de l’idée que le concept de système partisan tel qu’il a été forgé par l’approche comparative ne permet pas d’intérioriser le changement = dimension statique et descriptive du concept

Introduction : Les limites de l’approche classique pour comprendre le changement des systèmes partisans L’introduction de cette problématique à l’agenda de recherche sur les systèmes partisans est à replacer dans le contexte d’un débat plus général qui voit s’opposer les tenants de l’hypothèse du « gel des principales alternatives partisanes » à ceux qui soutiennent l’idée du « dégel », c’est-à-dire la transformation des systèmes partisans Cette nouvelle approche se démarque des indicateurs empiriques classiques (état de fractionnement et polarisation) Une autre dimension d’analyse est privilégiée : la structuration de la compétition pour la conquête du pouvoir

Introduction : Les limites de l’approche classique pour comprendre le changement des systèmes partisans Les nouveaux phénomènes qui interrogent l’approche classique : - la montée des comportements contestataires - de la volatilité électorale - l’apparition de nouveaux partis écologistes et d’extrême droite Trois processus marquent la rupture et le passage à une nouvelle configuration de systèmes partisan : 1- Processus d’alignement à l’œuvre en Europe de l’est et en Amérique Latine (processus que les démocraties occidentales ont connu au XIXe et au XXe) 2- Processus de désalignement à l’œuvre dans les démocraties occidentales (perte de l’impact de la pratique religieuse et double désalignement électoral des sexes et des ouvriers) 3- Processus de réalignement à l’œuvre dans les démocraties occidentales (apparition de nouvelles coalitions gouvernementales)

Introduction : Les limites de l’approche classique pour comprendre le changement des systèmes partisans Ces différents phénomènes trouvent leur origine dans les trois processus qui ont affecté les structures sociales et culturelles des sociétés contemporaines : le processus de globalisation le processus d’européanisation le passage à une société post-industrielle Ces tendances structurelles marquent l’entrée dans une phase de rupture des systèmes partisans par rapport à la phase de stabilité qui prévalait jusqu’au début des années 1980

2.1 L’approche génétique : un nouveau système de clivages ? Hypothèse du « gel des principales alternatives partisanes » (freezing of the major party alternatives) = consacre la stabilité des systèmes de partis à partir de l’accession des masses au suffrage universel dans les années 1920 La globalisation et l’européanisation contribuent à un processus de « dénationalisation » (Kriesi et al., 2008) ébranlant les structures soci-économiques, culturelles et politiques des sociétés contemporaines. Ce double bouleversement n’est pas sans conséquence sur les systèmes de clivages et de partis nationaux. « c’est dans la structure de la société globale qu’il faut rechercher les causes qui engendrèrent et qui engendrent encore le développement des partis politiques » (Seiler, 2003 : 45).

2.1 L’approche génétique: un nouveau système de clivages ? - La question est donc de savoir si le relâchement des démarcations (« boundaries ») culturelles, économiques et politiques - forgées dans le cadre de l’Etat-nation – provoque une restructuration des structures partisanes et de clivages. Nous préférons le terme de démarcation (“boundary”) à celui de frontière. Nous empruntons ainsi la distinction établie par Stefano Bartolini (Bartolini, 2005), qui reprend à son compte la notion de « boundary » utilisée par Stein Rokkan. - Alors que les « frontières » (« borders ») renvoient aux limites physiques des Etats, « les lignes de démarcations identifient les relations sociales significatives qui définissent des groupes d’appartenance » (Bartolini, 2005 : 15).

2.1 L’approche génétique: un nouveau système de clivages ? La « Révolution post-industrielle » ou pour reprendre le terme d’Inglehart, la « Révolution silencieuse », ne peut être considérée comme une nouvelle révolution rokkanienne Il ne faut pour autant pas mettre entre parenthèse les travaux d’Inglehart sur la mutation culturelle, et l’opposition « post-matérialistes/matérialistes » Véritable révolution= « Révolution globale » (Martin SHAW) ou « Révolution mondialiste » (André-Paul FROGNIER) Cette Révolution globale se superpose aux deux autres Révolutions « classiques » et favorise l’apparition de deux nouveaux clivages : Clivage « Marché/Nature » (Daniel-Louis SEILER, 2003) Clivage « Ethnocentrisme/Cosmopolitisme » (André-Paul FROGNIER, 2007) Clivage « Integration/Demarcation » (Hanspeter KRIESI et al., 2008)

2.1 L’approche génétique: un nouveau système de clivages ? - Le clivage Marché/Nature =Se manifeste par une prise de conscience écologique globale (pollution de l’environnement, épuisement des ressources naturelles…) = Apparition de partis écologistes à partir des années 1970 Le clivage Ethnocentrisme/ Cosmopolitisme = Ce clivage est alors fortement lié à l’attitude vis-à-vis de l’immigration - Le clivage Integration/ Demarcation = L’objectif du travail de Kriesi et al. Est d’analyser l’impact de la globalisation sur les systèmes partisans d’Europe Occidentale

2.1 L’approche génétique: un nouveau système de clivages ? La globalisation à travers un processus de « dénationalisation » a provoqué l’apparition d’une division entre « gagnants » et « perdants » de la mondialisation. Trois mécanismes contribuent à la formation de cette division: 1- la compétition économique poussant qui conduit à la dérégulation et au recul de la protection sociale = creuse l’écart entre « secteur exposé » et « secteur protégé » 2- la compétition culturelle (qui accompagne la compétition économique) = dans les pays d’immigration, la diversité culturelle peut être perçue comme une menace pour l’identité culturelle 3- la compétition politique entre les Etats et les acteurs supranationaux = réduit les répertoires d’action des Etats

2.1 L’approche génétique: un nouveau système de clivages ? Perdants= ceux dont les conditions d’existence sont traditionnellement protégées par les démarcations nationales et ceux qui sont attachés à la culture et à l’indépendance nationale = classes populaires et « sociocultural professionals » = développement d’une nouvelle classe moyenne en même temps que les « nouveaux mouvements sociaux » dans les années 1960-1970. Gagnants = « managers » = chefs d’entreprise, travailleurs qualifiés des secteurs ouverts à la compétition internationale et les citoyens « cosmopolites »

2.1 L’approche génétique: un nouveau système de clivages ? Cette division se traduit par le développement des enjeux culturels comme l’hostilité à l’immigration de masse et à l’intégration européenne. Autrement dit, le débat politique est moins focalisé sur l’enjeu traditionnel de l’économie. Deux conséquences sur les systèmes partisans ouest européens: apparition de nouveaux partis repositionnement d’anciens

2.2 L’approche institutionnelle: un nouveau type de systèmes partisans ? - Cette nouvelle approche se démarque des indicateurs empiriques classiques (état de fractionnement et polarisation) Une autre dimension d’analyse est privilégiée : la structuration de la compétition pour la conquête du pouvoir Une telle posture revient à appréhender les systèmes partisans à travers le contrôle du gouvernement, contrôle des positions de pouvoir

2.2 L’approche institutionnelle: un nouveau type de systèmes partisans ? Selon Mair, « le changement d’un système partisan survient quand un système partisan se transforme d’une classe ou d’un type de parti système en un autre type » (Peter MAIR, Party System Change : Approaches and Interpretations, 1997, p. 49) Distinction fondamentale entre changement de parti et changement de système partisan = Le changement se limite strictement à un changement de système = L’apparition ou la disparition d’un parti, qu’il soit significatif ou non, au sens de Sartori, ne constitue pas un changement de système

2.2 L’approche institutionnelle : un nouveau type de systèmes partisans ? Mair nous indique que le changement peut être apprécié à l’aide de trois variables : le modèle d’alternance = identifie les changements structurels de la compétition = passage d’un modèle d’alternance générale à une alternance partielle par ex le degré d’innovation = s’appuie sur le degré suivant lequel les alternatives de gouvernement dans le systèmes sont stables ou inédites l’accès de nouveaux partis au gouvernement = se réfère à l’identité du gouvernant et au degré d’ouverture du gouvernement = soit un accès ouvert à un grand nombre de partis différents soit un accès limité à un nombre plus restreint de partis établis

2.2 L’approche institutionnelle : un nouveau type de systèmes partisans ? En combinant ces trois variables, il établit une distinction entre les structures de compétition « fermées » et « ouvertes » Cette distinction repose donc sur le degré de systémisme du système partisan, sur le degré d’ouverture ou de fermeture du système Deux facteurs semblent orienter la direction du changement des systèmes partisans à l’avenir : la disparition des partis anti-système la transformation des organisations partisanes

2.2 L’approche institutionnelle : un nouveau type de systèmes partisans ? 1- La disparition des partis anti-système = la « victoire de la démocratie » consacrée par l’effondrement du bloc soviétique, a pour conséquence la disparition de l’alternative communiste = Aucun parti – et ceci se vérifie également pour les partis d’extrême droite – n’envisage aujourd’hui de remettre en cause les principes démocratiques 2- La transformation des organisations partisanes = Mair fait directement allusion ici à la transformation du modèle d’organisation des partis = émergence du « parti-cartel » (KATZ, R.S. et MAIR, P. 1995)

2.2 L’approche institutionnelle : un nouveau type de systèmes partisans ? Parti-cartel =Ce nouveau modèle de parti se caractérise par un phénomène de collusion entre les principaux partis qui deviennent des courtiers (« brokers ») entre l’Etat et la société civile. De plus en plus dépendantes des ressources publiques et dans un contexte de crise des partis politiques, les formations dominantes sont ainsi tentées de s’entendre pour se partager les ressources et en bloquer l’accès aux plus petites. Devenues des agences semi-publiques de plus en plus professionnalisées et centralisées, les partis s’éloignent de leur base partisane et électorale.

Conclusion : Quelques pistes de recherche 1- L’européanisation des partis et des systèmes partisans (LADRECH, MAIR, POGUNTKE) 2- Impact de l’intégration européenne sur les structures partisanes et de clivages (BARTOLINI, HARMSEN) 3- Les systèmes partisans dans une perspective multi-niveaux (DESCHOUWER, VAN BIEZEN)

BIBLIOGRAPHIE Synthèses DEZE, A. et SAUGER, N., « Système partisan », in HAUDEGAND, N. et LEFEBURE, P. (eds.), Dictionnaire des questions politiques, Paris, Editions de l’Atelier, 2000. ECKSTEIN, H., « Political parties: party systems », in International Encyclopaedia of the Social Sciences, Tome 11, pp. 436-453. MAIR, P., “Party systems and structures of competition”, in LEDUC, L., NIEMI, R. et NORRIS, P. (eds.), Comparing democracies, London, Sage, 1996, pp. 83-106 SEILER, D.L., Les partis politiques, Paris, Armand Colin, 2000. WARE, A., Political Parties and Party Systems, Oxford, Oxford University Press, 1996. WOLINETZ, S., « Party Systems and Party System Types », in KATZ, R.S. et CROTTY, W. (eds.), Handbook on Political Parties, London, Sage, 2006, pp. 51-73.

BIBLIOGRAPHIE La structuration des systèmes partisans LIPSET, S. et ROKKAN, S. (eds.), Party Systems and Voter Alignments, New York, The Free Press, 1967. ROKKAN, S., Citizens, Elections, Parties: Approaches to the Comparative Study of Political Development, Oslo, Universitetsforlaget, 1970. SEILER, D.L., Les partis politiques en Occident, sociologie politique du phénomène partisan, Paris, Ellipse, 2003.

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Un nouveau système de clivages BIBLIOGRAPHIE Le changement des systèmes partis Un nouveau système de clivages BARTOLINI, S., Restructuring Europe. Center Formation, System Building and Political Structuring between the Nation State and the EU, Oxford, OUP, 2005. FROGNIER, A.P., « Partis et clivages en Belgique : l’héritage de S.M. Lipset et S. Rokkan », in DELWIT, P. et DE WAELE, J.M (eds.), Les partis politiques en Belgique, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, Deuxième édition, 1997, pp. 249-257. FROGNIER, A.P., « Application du modèle de Lipset et Rokkan à la Belgique », Revue Internationale de Politique Comparée, 14 (2), pp. 281-303, 2007. INGLEHART, R., The Silent Revolution: Changing Values and Political Styles among Western Publics, Princeton, Princeton University Press, 1977. KRIESI, H., GRANDE, E., LACHAT, R., DOLEZAL, M., BORNSCHIER, S. et FREY, T., West European Politics in the Age of Globalization, New York, Cambridge University Press, 2008. SEILER, D.L., Les partis politiques en Occident, sociologie politique du phénomène partisan, Paris, Ellipse, 2003.

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