Stress Post Traumatique
Définition Le Trouble de stress post-traumatique (TSPT) est un trouble anxieux, qui touche 7 à 14 % de la population générale selon les études (El-Hage, 2003).
La confrontation à la souffrance, à la violence, à la peur ou encore au deuil est considérée comme une situation inévitable au cours d’une vie. Cependant, la marque laissée par de tels évènements peut parfois apparaître insurmontable et c’est ainsi que nous parlerons de Trouble de Stress Post-Traumatique (TSPT), lorsque l’expérience traumatique n’est pas reléguée à un évènement passé mais continue de hanter l’individu au présent.
Trouble de stress post-traumatique (TSPT) L’apparition des symptômes fait suite au vécu d’un évènement exceptionnel au cours duquel la vie ou l’intégrité physique d’un individu ou de celle d’autrui a été menacée.
En effet, comme le souligne van der Kolk (2014), pour qu’un vrai changement puisse s’opérer, le corps doit apprendre que le danger est terminé et vivre dans la réalité de l’instant.
Le TSPT est une pathologie qui s’accompagne d’une grande détresse psychologique accompagnée de « flashbacks » de tout ou une partie de l’évènement, de troubles du sommeil, de pensées intrusives involontaires, d’un évitement expérientiel, etc., comme cela a été le cas par exemple pour certains survivants et familles endeuillées suite à l’attaque terroriste du 14 juillet 2016 à Nice ayant causé la mort de plus de 86 personnes et fait 458 blessés.
Avec l’émergence de la psychothérapie EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing), également intitulée « Désensibilisation et Retraitement par les Mouvements Oculaires » qui est une thérapie brève aujourd’hui considérée par l’Organisation Mondiale de la Santé (2012), la Haute Autorité de la Santé (2007) et l’INSERM (2015) comme la thérapie de choix dans le traitement du TSPT, l’efficacité du retraitement de l’information dysfonctionnelle dans la guérison de la pathologie est aujourd’hui corroboré par une vaste littérature scientifique.
Le terme traumatisme signifie en Grec « blessure » (i. e Le terme traumatisme signifie en Grec « blessure » (i.e. perforer, détruire, blesser, ruiner). Il apparaît dans la langue française dès 1900, suite à son glissement sémantique du domaine de la physiologie et de la chirurgie (trauma) vers la psychologie. Les causes les plus diverses telles que des accidents routiers, des catastrophes naturelles, des viols, exodes, etc., sont susceptible d’occasionner toutes sortes de pathologies psychiques et/ou physiques.
Le traumatisme est défini par la CIM 10 (Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes - proposée par l’Organisation Mondiale de la Santé), comme constituant une réponse différée ou prolongée à une situation ou à un événement stressant (de courte ou de longue durée), exceptionnellement menaçant ou catastrophique et qui provoquerait des symptômes évidents de détresse chez la plupart des individus. La période séparant la survenue du traumatisme et celle du trouble peut varier de quelques semaines à quelques mois.
En effet, il convient ainsi de différencier l’état de stress post-traumatique (ESPT) du trouble de stress post-traumatique (TSPT). La prévalence du TSPT est variable selon les populations et contextes de vie. L’étude ESEMeD réalisée auprès de la population européenne en 2004 recense un taux de 3,9% de personnes ayant développées un TSPT au cours de leur vie entière. Selon cette même étude, les troubles les plus souvent associés au TSPT sont la dépression (20,7%) et la dysthymie (18,4%) qui est un trouble de l’humeur chronique impliquant un spectre dépressif (DSM-5).
Le diagnostic de TSPT est premièrement apparu dans la troisième édition du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-III) dans l’objectif de répondre à une nomenclature explicitant les troubles comportementaux et somatopsychiques des soldats durant la guerre du Vietnam (Courtois, 2008).
Le critère A du DSM-5 qualifie de traumatique un évènement qui constitue une menace pour la vie de l’individu, comprenant une exposition directe ou indirecte. Il convient toutefois de nuancer cette définition par les travaux de El-Hage et Gaillard, 2003 indiquant que la perception subjective du danger supplante la réalité objective des faits. En effet, un divorce peut être perçu comme traumatique pour un individu et libérateur pour un autre individu ; ce n’est donc pas l’événement en lui-même qui est traumatique mais bien le vécu subjectif de celui-ci.
Dans une perspective plus rigoureuse et détaillée au regard des critères diagnostiques, le traumatisme et peut être associé à une exposition à la mort effective ou une menace de mort, à une blessure grave ou à des violences sexuelles d’une (ou plusieurs) des façons suivantes : En étant directement exposé à un ou à plusieurs événements traumatiques. En étant témoin direct d’un ou de plusieurs événements traumatiques survenus à d’autres personnes. En apprenant qu’un ou plusieurs événements traumatiques sont arrivés à un membre de la famille proche ou à un ami proche. Dans les cas de mort effective ou de menace de mort d’un membre de la famille ou d’un ami, le ou les événements doivent avoir été violents ou accidentels. En étant exposé de manière répétée ou extrême aux caractéristiques aversives du ou des événements traumatiques (p. ex. intervenants de première ligne rassemblant des restes humains, policiers exposés à plusieurs reprises à des faits explicites d’abus sexuels d’enfants). Toutefois, ce critère ne s’applique pas à des expositions par l’intermédiaire de médias électroniques, télévision, films ou images, sauf quand elles surviennent dans le contexte d’une activité professionnelle.
Au cours du trauma, l’hyperactivation des régions limbiques et du système nerveux autonome de type sympathique (SNS) revêt d’une fonction adaptative dans le mesure où la survie de l’individu est directement impliquée. Toutefois, l’aspect pathologique se pose lorsque la personne continue de vivre comme si le trauma étant continuellement présent. En effet, le corps ne cesse de réitérer au présent le vécu traumatique antérieur. Nous étudierons ultérieurement l’implication de l’amygdale dans ce mécanisme neurophysiologique qui est à la base du TSPT. En effet, lorsque plusieurs régions cérébrales associées au système limbique submergent l’individu par l’angoisse d’une menace permanente, l’homéostasie du corps se retrouve ainsi déréglée (Crenshaw, 2006). La répétition, disque rayé du trauma, submerge ainsi l’individu de son trop plein d’affects.
des difficultés d’endormissement et un sommeil interrompu constituent des manifestations communes de l’état de stress post-traumatique (ESPT). Selon la CIM 10, la reviviscence survient dans un contexte durable d'anesthésie psychique et d'émoussement émotionnel, de détachement par rapport aux autres, d'insensibilité à l'environnement, d'anhédonie et d'évitement des activités ou des situations pouvant réveiller le souvenir du traumatisme.
L’incapacité à faire abstraction des souvenirs traumatiques récurrents par les diverses tentatives dysfonctionnelles de mise à distance et d’évitement va ainsi produire un état associé à une altération de l’humeur pouvant mener à des accès de colère et une forte irritabilité, ainsi que des troubles de la concentration qui amplifient le sentiment de détresse et peuvent entrainer une hypervigilance vis-à-vis de l’environnement. L’hypervigilance est corrélée à une hyperactivation neurovégétative marquée face à tout stimulus internes ou externes pouvant évoquer ou ressembler à un aspect du ou des événements traumatiques, entraînant par exemple des réactions de sursaut exagérées.
Lanius, Bluhm, et Frewen (2011) déclarent qu’il existe deux types de dérégulation émotionnelle chez les patients ayant vécu un traumatisme. La première est liée à l’absence d’inhibition du système limbiques par les régions préfrontales, ce qui induit des reviviscences traumatiques ainsi associées à un émoussement affectif pouvant donner lieu à des accès de colère.
L’absence d’inhibition des régions limbiques comprenant l’amygdale, déclenche ainsi le deuxième type de dérégulation émotionnelle qui est caractérisée par des mécanismes dissociatifs provoquant un sentiment subjectif de distance vis-à-vis de l’aspect émotionnel (Salmonara, 2013), comme si l’individu devenait spectateur de l’expérience remémorée.
Cela se manifestant par des états plus ou moins longs de dépersonnalisation (sentiment de ne plus être connecté à son corps), déréalisation (sentiment de perdre le contrôle avec la réalité), d’analgésie (perte de l’habilité à ressentir la douleur en l’absence de perte de conscience associée) ou d’amnésie (incapacité à évoquer l’ensemble ou une partie des souvenirs liés à l’évènement traumatique). Par ailleurs, l’individu peut développer une attitude d’évitement via des efforts délibérés pour fuir les pensées et souvenirs (évitement cognitif), les sentiments (évitement émotionnel) les lieux et conversations (évitement comportemental) associées à l’événement.
La CIM 10 établit la distinction entre le Traumatisme Complexe (TC) et le TSPT. Le TC fait référence à un type de traumatisme qui s’est produit de façon répétée et cumulative (Courtois, 2008) au cours d’une phase critique du développement de l’individu (King & Liberzon, 2012) et dont les symptômes touchent à tous les domaines de la vie (Jérôme Guay, 2017).
Le trouble dépressif Si seulement 8 à 18% des personnes ayant été exposées à un évènement traumatique développent un TSPT, 7 à 19% développent un trouble dépressif caractérisé (Morris et al., 2012). En effet, selon le DSM-5, les symptômes intrusifs et d’évitement caractéristiques du TSPT ne sont pas présents dans l’épisode dépressif caractérisé. Par ailleurs, certains symptômes d’altération négative des cognitions ou de l’humeur (croyances dysfonctionnelles, émotions négatives, anhédonie, détachement, incapacité à éprouver des émotions positives) ou d’altération de l’éveil et de la réactivité (irritabilité, comportements autodestructeurs, troubles du sommeil) constituent des biais de comorbidités entre l’épisode dépressif caractérisé et le TSPT vis-à-vis desquels il convient d’être vigilant lors de la pose du diagnostic. Par ailleurs, les particularités symptomatiques de l’épisode dépressif caractérisé que l’on retrouve dans le TSPT sont la culpabilité, la honte et des plaintes somatiques fréquentes. De plus, les individus atteints de TSPT ont 80 % plus de risques que ceux sans TSPT de développer des comorbidités avec le trouble dépressif, des troubles anxieux, des troubles dissociatifs, des troubles sexuels, des troubles addictifs, des conduites à risque, des problèmes relationnels, des troubles à symptomatologie somatique, des troubles paniques, etc. (Kessler et al. 2005 - cité dans le DSM-5 ; Courtois, 2008).
Les troubles de l’usage de la substance Les troubles de l’usage de la substance tels que l’alcoolisme ou l’usage de drogues sont souvent des tentatives non fructueuses d’automédication de l’anxiété associée au TSPT (Collins et al., 2018), visant à contrecarrer les symptômes d'intrusion ou d'hyperactivation neurovégétative. Cependant, ces personnes présentent en général des symptômes de TSPT plus sévères que ceux touchés par un TSPT seul (Jacobsen et al., 2001). La comorbidité entre les deux pathologies est bidirectionnelle dans la mesure où ce ne sont pas seulement les patients souffrant de TSPT qui développent des dépendances, mais également, et dans les mêmes proportions, des patients dépendants qui développent un TSPT, soit 30 à 59% selon Jacobsen et al. (2001). Au niveau des facteurs environnementaux,
Autres troubles Le TSPT présente également des comorbidités avec l’anxiété de séparation et se différencie par l’intrusion et l’évitement de souvenirs associés à l’évènement alors que l’anxiété de séparation ne concerne que le bien-être des personnes aimées et la séparation avec celles-ci (DSM-5). Il convient également de souligner les différences quant à la nature des pensées intrusives qui ne sont pas uniquement rencontrées dans le TSPT. En effet, les pensées intrusives dans le cas du trouble obsessionnel compulsif répondent aux critères d’une obsession et ne sont pas liées à un évènement traumatique.
1.4 Physiologie cérébrale et implications neurobiologiques Si les cognitions dysfonctionnelles occupent une part importante de la symptomatologie du TSPT, nous nous devons d'effectuer le parallèle avec les structures cérébrales qui sous-tendent ces réseaux mnésiques afin de démontrer qu'un simple remaniement cognitif aura certes des effets bénéfiques mais plus limités dans la prise en soin des patients. C'est ainsi que nous allons présenter les principaux substrats neuroanatomiques sous l'égide de leurs dysfonctionnements induits par un ou plusieurs événements vécus comme traumatiques :
L’amygdale. Cette structure joue un rôle majeur dans la gestion des émotions et plus particulièrement dans les réactions de peur et d'anxiété face à la perception subjective du danger. Normalement inhibée par le cortex préfrontal ventromédian et l'hippocampe chez les sujets dit « normaux », cela n'est pas le cas pour les patients souffrant de TSPT. En effet, nous remarquons une hyperactivation de cette structure lorsque lors de l'évocation de souvenirs associés à une mémoire traumatique (Shin et al. 2006 ; Driessen et al., 2004 ; King et Liberzon, 2012 ; Lanius et al., 2011). Il en résulte une hypermnésie des souvenirs à forte valence émotionnelle négative (Dégeilh, Viard et al. 2013). En effet, LaBar et al. (2006) soutiennent que l’amygdale demeure la structure clé de la mémoire émotionnelle, en particulier au niveau des processus d’encodage. Protopescu et al. (2005) ont par ailleurs établit une corrélation positive entre l'activation amygdalienne et la sévérité des symptômes du TSPT (hypervigilance, reviviscences, …).
Le locus ceruleus. Ce noyau sous-cortical situé dans le tronc cérébral dispose de multiples interconnexions avec l’amygdale. Conjointement à celle-ci (King et Liberzon, 2012), le LC est hyperactivé dans le TSPT (Krystal et al. 2018) et demeure également impliqué dans l'activation du système nerveux autonome sympathique (Naegeli et al., 2018) qui sous-tends les comportements de réactivité accrue et d'hypervilance face à l'environnement, faisant partie de symptômes diagnostiques du TSPT (DSM-5).
Les régions corticales. Le cortex préfrontal dorsolatéral (CPFdl) présente un rôle fondamental dans l’apprentissage et l’extinction de la peur et plus particulièrement dans la régulation émotionnelle consciente diminuant ainsi les signaux internes associés à la peur (Lyoo et al., 2011). Les recherches de Etkin et Wager (2007) ont mis en évidence, par l'utilisation de l’imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle (IRMf), une hypoactivation du cortex préfrontal ventromédian (CPFvm) et du cortex cingulaire antérieur (CCA), qui sont des structures impliquées dans le sentiment d’identité, la représentation de soi et dans la régulation des émotions dans le sens où elles inhibent le système limbique, soit l'amygdale. En conséquence, le CPFvm et le CCA présentent un volume réduit chez les patients ayant un TSPT, l’atrophie du CCA étant une conséquence du stress chronique lié à l’événement traumatique (Kasai, 2008). A ce titre, Shin, Rauch et Pitman (2006, cités par Dégeilh et al., 2013), par le biais de la neuroimagerie, montrent que les patients souffrant de TSPT présentent également une diminution de l’activation du CPFvm et du CCA durant une tâche impliquant des stimuli négatifs.
En outre, les recherches de Levin et Van der Kolk (1999) ont mis en évidence que seulement après une session d'EMDR auprès de patients souffrant de TSPT, le CCA et le lobe frontal gauche sont passés d'une hypoactivation a une hyperactivation. En conséquence, cela suggère un effet probant de la thérapie EMDR sur l’inhibition amygdalienne au profit des régions corticales.
Selon Dan Siegel (2007, cité par Shapiro et White, 2016), le cortex préfrontal (CPF) présente plusieurs fonctions essentielles dont : La régulation du corps assurant l’équilibre entre le système nerveux autonome sympathique (SNS) et le système nerveux parasympathique (SNP). Le SNS étant hyperactivé lors du TSPT. Une inhibition de la peur par la projection de fibres gabaergiques (le GABA étant un neurotransmetteur inhibiteur) en direction de l’amygdale. Le contrôle des impulsions et la flexibilité des réactions. Les capacités à exprimer de l’empathie.
L'hippocampe. L’hippocampe est une structures clé de la mémoire épisodique (Isingrini et Taconnat, 2008) et joue un rôle dans le rappel et l'encodage des aspects contextuels (date, lieu, états émotionnels,…) d’un souvenir (Pitman et al. 2012), y compris dans le conditionnement de la peur (Shin et al., 2006). L’extinction d’un conditionnement de peur dans le TSPT est ainsi dépendante de cette structure (Yoo, 2017). Plusieurs chercheurs ont relevé une corrélation positive entre TSPT et troubles mnésiques, ainsi que des hippocampes plus petits que la normale chez ces patients (Logue et al., 2018 ; Saar-Ashkenazy et al., 2016). Cette structure étant atrophiée, l'effet inhibiteur sur l'amygdale est ainsi perturbé. En effet, Sassi Andrate Vieira et al. (2017) et Arehard-Treichel (2014) suggèrent que le stress psychologique induit par le TSPT est en mesure d’endommager les neurones hippocampiques par la libération excessive de cortisol qui est une hormone de stress. Ainsi, nous comprenons mieux pourquoi les patients atteints de TSPT, comparablement aux patients dépressifs, présentent une altération des capacités mnésiques et plus précisément au niveau de la mémoire épisodique. Des niveaux élevés de cortisol dans l’organisme impactent ainsi les mécanismes de stockage et de récupération d’un souvenir à haute charge émotionnelle. Il y a des possibilités que l’altération hippocampique, corroborée à l’hyperexcitabilité amygdalienne, puisse engendrer une dissociation cognitive où les fragments expérientiels sont désassemblés en tant qu’éléments perceptifs, sensations corporelles et/ou émotions, engendrant ainsi des pensées intrusives, des cauchemard et des flashbacks récurrents caractérisés par la production d’images intrusives et vivides (Siegel, 2006 ; Kummer et Harsany, 2008).
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