J’adore la langue de l’architecture, découverte à 24 ans en français, alors que j’habitais à Lille, puis en espagnol, à 39 ans. Dans les deux cas, j’ai revécu, conscient, le plaisir infantile de nommer le monde qui nous entoure et de le construire par le langage. Depuis tout gosse, j’adore les dictionnaires, sur papier (j’ai encore un vieux Larousse familial de 1923 dans mes cartons, en France), mais aussi au format numérique. Je viens de retrouver à Bogota la version 3.0 du Moliner. La 2.0 avait cessé de fonctionner et me manquait. Connaitre les normes de l’élite et leurs motivations, ou leur absurdité pour mieux les subvertir et dénoncer. La conception de la langue des Précieuses a laissé dans la langue française une trace que je ne soupçonnais pas avant de lire ces Remarques. Prévert, un autre amour. Le foisonnement de son œuvre, ses jeux, sa joie, son irrévérence (voir les Remarques de Vaugelas). Ce livre, décourvert par hasard chez un ami, a changé mon regard sur bien des choses, sur Borges bien évidemment (le peu que j’en connais), mais surtout sur les enjeux culturels et politiques de la traduction. Ma 1ère rencontre avec l’ancien français, le début d’une histroire d’amour avec les auteurs morts et bien morts ; exotique m’a d’abord été le passé, puis j’ai découvert, depuis la France, la littérature hispano-américaine. Les livres rares, qui rééclairent l’histoire littéraire et qui permettent de problématiser une séquence: Erasme a écrit un Banquet qui cherche à montrer la compatibilité du christiannisme et de l’épicurisme idéal pour étudier l’Humanisme. Un cadeau de ma première 1L à Bogota, à qui la traduction avait au moins laissé une trace. Le livre de mon acienne prof d’histoire de l’art, à qui je dois tant ! Laclos, une histoire d’amour renouvelée à chaque lecture. Celle de cette année est centrée sur son féminisme. Les dictionnaires, encore et toujours: le style même de celui-ci est une définition du Bogotanais !