O. LAFKIH , A. FADIL, FZ.BENSARDI, K.ELHATTABI. L’hématome spontané du muscle grand droit de l’abdomen : à propos de deux cas O. LAFKIH , A. FADIL, FZ.BENSARDI, K.ELHATTABI. Service des urgences chirurgicales viscérales, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc
INTRODUCTION OBJECTIFS L’hématome du muscle grand droit de l’abdomen est une entité clinique rare, potentiellement mortelle. Nous rapportons deux observations cliniques d’hématome du muscle grand droit de l’abdomen chez deux patients avec des contextes cliniques différents, pour lesquels le traitement conservateur a été préconisé avec succès. OBJECTIFS -L’hématome du muscle grand droit de l’abdomen est une entité clinique rare, mais potentiellement grave, liée classiquement à l’usage des thérapeutiques anticoagulantes ou décrite au cours des traumatismes abdominaux fermés -L’hématome du grand droit de l’abdomen est une cause rare de douleur abdominale, qui doit toutefois être évoqué chez les patients présentant des facteurs de risque liée à cette pathologie. -La tomodensitométrie est actuellement l’imagerie de préférence permettant à la fois le diagnostic positif et l’évaluation précise de l’extension locale de l’hématome
OBSERVATIONS OBSERVATION 1 OBSERVATION 2 . Mr. B.M, âgé de 73ans, se présente aux urgences pour douleurs abdominales évoluant depuis 4 jours, à localisation péri-ombilicale. Le patient rapporte être traité pour infection respiratoire basse quinze jours avant sa consultation, pour laquelle il a été mis sous Thiophenicol 3g/jour. Par ailleurs, aucune notion de traumatisme abdominal n’a été retrouvée à l’interrogatoire. L’examen clinique du patient retrouve un patient conscient (GSC : 15/15), sa tension artérielle est à 13/7, son pouls à 100 battements/min et sa température à 37,5°C. L’inspection de l’abdomen retrouve une ecchymose ombilicale et des organes génitaux externes (figure 1) ; la palpation abdominale retrouve une masse latéro-ombilicale gauche, de 3 X 3cm, douloureuse, non mobilisable, dure, sans adénopathies générales, ni fièvre, ni signes inflammatoires en regard. Le reste de l’examen clinique est sans particularité. L’échographie abdominale note l’aspect d’une collection de 2,7 X 3 cm, échogène hétérogène, non vascularisée au doppler couleur, siégeant au niveau du muscle grand droit gauche de l’abdomen. Le bilan biologique réalisé retrouve une anémie normochrome normocytaire, avec une hémoglobine à 8,7g/dl, un taux de plaquettes bas à 62 000/mm3 et les globules blancs sont à 7150/mm3. Le bilan d’hémostase est normal, avec un TP à 86%. Le diagnostic retenu est celui d’un hématome du grand droit de l’abdomen, manifestation hémorragique de la thrombopénie induite par le Thiophenicol. Une tomodensitométrie (TDM) abdominale faite pour évaluer son extension montre un hématome du grand droit de l’abdomen unilatéral gauche, d’allure localisée. Par ailleurs, la TDM a permis le diagnostic fortuit d’un anévrysme de l’aorte abdominal. (Fig1) L’arrêt du Thiophenicol et le traitement conservateur pour l’hématome ont permis la normalisation du taux des plaquettes et la régression de l’hématome, et le patient fut adressé au chirurgien cardio-vasculaire pour le complément de prise en charge. . OBSERVATION 2 Mr. K.A, 54ans, suivi pour valvulopathie rhumatismale, pour laquelle il est mis sous Acénocoumarol (Sintrom 1/2cp par jour), qui consulte aux urgences pour douleur abdominale évoluant depuis 15jours, latéro-ombilicale droite, sans signe digestif associé, ni hémorragie digestive extériorisée et sans fièvre. L’examen général retrouve un patient conscient, avec une tension artérielle de 12/7, un pouls à 88 battements par min, et une température à 36,7°C. L’examen abdominal retrouve une sensibilité abdominale latéro-ombilicale et de la fosse iliaque droite, avec palpation d’une masse pariétale dure, douloureuse, non mobilisable, de 4 X 5 cm avec une petite ecchymose en regard. Le bilan biologique retrouve un bilan d’hémostase perturbé, avec un TP bas à 15% et l’INR à 4,9. L’échographie conclut a un hématome du grand droit de l’abdomen droit de 7 X 3cm. La tomodensitométrie abdominale retrouve au niveau du muscle grand droit de l’abdomen droit une collection spontanément hyperdense, hétérodense, non rehaussée après injection de produit de contraste, mesurant 75 X 39 X 72mm, classé type I. (fig2) La suspension du traitement anticoagulant et le traitement conservateur de l’hématome ont permis la régression sans incident de l’hématome.
RESULTATS L’hématome de la gaine du grand droit de l’abdomen est une cause rare de douleur abdominale, posant le plus souvent un problème de diagnostic étiologique. Cette entité clinique peut se présenter de façon spontanée ou être secondaire à un traumatisme, une coagulopathie, une toux, un effort physique ou une grossesse.(1) Il est généralement retrouvé au niveau des quadrants inférieurs de l’abdomen (80%), au dessous de la ligne arquée de Douglas, où l’aponévrose postérieur du muscle grand droit n’est représentée que par le fascia transversalis, séparant le muscle du péritoine pariétal antérieur.(2) Le diagnostic clinique de l’hématome du grand droit nécessite dans un premier temps de distinguer la douleur abdominale pariétale des douleurs abdominales viscérales. Le signe de Carnett est un élément sémiologique fiable pour en faire le diagnostic, le signe est dit positif quand la flexion de la tête sur le tronc, associée à une pression digitale de la zone douloureuse accentue la douleur.(3)(4) L’imagerie de choix, pour établir le diagnostic étiologique de l’hématome du muscle grand droit d’une part et pour en apprécier l’extension est le scanner abdominal ; une classification en trois types est actuellement admise, le type I correspond à un saignement intramusculaire, sans conséquence hémodynamique. Le saignement est retrouvé entre le muscle et le fascia transversalis dans le type II, et le type III correspond à l’hématome expansif retrouvé au niveau de l’espace prévesical ou même en intrapéritonéal, il est généralement associé à un état de choc hypovolémique. (1) Le traitement dépend de l’extension de cet hématome et de l’état hémodynamique des patients, les types I et II sont traités de manière conservatrice, et le type trois, nécessite un geste chirurgical pour obtenir rapidement une hémostase correcte. (2) La ligature de l’artère épigastrique inférieure à son origine, décrite par Mantelas et all, parait être une technique rapide et efficace pour une stabilisation rapide de l’état hémodynamique des patients.(2)
CONCLUSION L’hématome du muscle grand droit de l’abdomen est une entité clinique rare, mais potentiellement grave, liée classiquement à l’usage des thérapeutiques anticoagulantes ou décrite au cours des traumatismes abdominaux fermés La tomodensitométrie est actuellement l’imagerie de préférence permettant à la fois le diagnostic positif et l’évaluation précise de l’extension locale de l’hématome.