Les facteurs de l'écart des salaires entre hommes et femmes ont-ils changé depuis 1990 ? Séminaire Genre, lundi 4 décembre MSE Dominique Meurs (Ermes-Paris2) Sophie Ponthieux (Insee - Division conditions de vie des ménages)
Une remarquable stabilité de l’écart des salaires entre les hommes et les femmes Resserrement en panne depuis les années 1990. Phénomène commun à la plupart des pays européens, et aux EU. Cela succède à une période de convergence, parfois contrariée par l’accroissement des inégalités (swimming upstream, Blau & Kahn, 1997) Source : Insee, enquêtes emploi 1990-2002. Champ : salariés, hors apprentis et stagiaires, travaillant au moins 10 heures par semaine.
Une remarquable stabilité des distributions 1990 hommes femmes 2002 la distribution des salaires des femmes est décalée sur la gauche par rapport à celle des salaires des hommes, reflétant des salaires inférieurs ; elle apparaît plus « aplatie », ce qui est dû à la plus grande dispersion des salaires des femmes. La courbe des salaires des femmes est au dessus de celle des salaires des hommes pour les salaires les plus bas, indiquant que la fréquence des bas salaires est plus élevée parmi les femmes que parmi les hommes, et à l’inverse pour les plus hauts salaires, c’est la courbe des salaires des hommes qui est au dessus. est-ce que la stabilité des moyennes masque des variations dans les distributions? A priori non
Les dispersions salariales: stables Hommes Femmes du côté des hommes, la stabilité est remarquable. Il n’en va pas tout à fait de même pour les femmes : la dispersion des salaires a connu une phase de croissance continue jusqu’en 1998, et régressé ensuite - sans toutefois retomber à son niveau de début de période, ce mouvement résultant essentiellement de la dégradation relative des salaires du bas de la distribution.
Déciles hommes/déciles femmes L’effet de cette inégalité croissante des salaires entre les femmes se retrouve dans l’évolution des ratios hommes/femmes des déciles de salaires: le premier décile des salaires des hommes est de 70% supérieur à celui des femmes en 2002, 10 points de plus qu’en 1990. Par contre à la médiane l’écart est plus faible et stable, et dans le haut de la distribution, à D9, l’évolution du ratio serait plutôt orienté à la baisse.
Pas de progression notable de la position des salaires des femmes Percentile moyen des femmes dans la distribution des salaires des hommes Salaires mensuels Salaires horaires Ces variations n’ont toutefois pas modifié les positions respectives des femmes et des hommes dans la distribution de l’ensemble des salaires, comme on peut le constater en observant l’évolution - si l’on peut dire - des percentiles moyens Au final, exception faite du décrochage des bas salaires des femmes, les écarts de salaires et des hiérarchies salariales apparaissent surtout stables ; cette stabilité est sans doute en partie à rapprocher du contexte de très faible progression des rémunérations salariales sur la période, particulièrement de 1993 à 1999 (cf. Desplatz et al., 2004).
Comment expliquer cette stabilité? Inertie totale des déterminants des salaires ? Des changements de la structure des salaires qui «neutraliseraient » le rapprochement des caractéristiques productives des femmes et des hommes ? cf “Swimming upstream”, Blau & Kahn, 1997 Des changements des caractéristiques productives qui se compenseraient ? écart des salaires serait le même, mais d’une composition différente
“Usual suspects” Education (+) Temps partiel (-) Mais “écoulement” des générations (…) Ralentissement des recrutements dans le public (-) Temps partiel (-) Développement des emplois non qualifiés (-) Mais SMIC (+) Effet de l’APE (1994) (+?) Effet des 35 heures (2000) (+?)
Décalage croissant des niveaux d’éducation Hommes Femmes Effets inégaux de la sélection dans l’emploi salarié Mais attention sur l’éducation : effet des filièresl es filles ont des taux de réussite scolaire plus élevés que les garçons, mais les choix d’orientation demeurent fortement sexués, faisant encore préférer aux premières les filières menant aux secteurs de la santé ou du social et aux seconds les filières scientifiques et techniques. parmi les étudiants des écoles d’ingénieurs, la part des jeunes femmes est passé de 20 % à 24 % de 1990 à 2000 ; et, parmi les étudiants inscrits dans les écoles paramédicales et sociales, la part des jeunes hommes est passée, entre ces mêmes années, de 17 % à 19 % (Lixi et Theulière, 2004). L’effet spécifique de la spécialité de formation sur le salaire est toutefois assez peu étudié, car les données ne permettent que rarement de disposer d’une information suffisamment détaillée ; cependant, les travaux qui la prennent en compte concluent à son impact significatif sur les écarts de salaire (Brown et Corcoran, 1997 ; Machin et Puhani, 2003).
Pas de recul de la ségrégation dans les emplois, les fonctions et les secteurs… CSP : grandes catégories, mais en distinguant employés qualifiés et non qualifiés Fonction : type de fonction Secteurd’activité (*) Indice de Duncan
Part des inactives parmi les femmes de moins de 45 ans retournement de l’évolution de la proportion d’inactives parmi les mères de 2 enfants dont 1 de moins de trois ans Les études sur l’APE montrent aussi que les femmes qui se sont le plus arrêtées sont celles dont les caractéristiques d’emploi étaient initialement les moins favorables (Marc, 2004). . La réforme de l’APE a donc pu jouer, même faiblement, dans un sens favorable aux salaires des femmes. Ex: Allemagne de l’Est pendant la transition (Hunt, 2002) : la moitié du resserrement de l’écart salarial s’expliquait par le retrait du marché du travail des travailleurs les moins qualifiés, majoritairement des femmes
Différence dans les temps travaillés Nb moyen d’heures de travail hebdo Part du temps partiel (% emplois salariés)
La traduction des différences en écarts des salaires Equations de gains à la Mincer = +u Décomposition Oaxaca ou Blinder (1973) Décomposition Oaxaca-Ransom (1994)
Prise en compte du biais de sélection Trois sources possibles de biais dans les équations de gains (cf. Neumark, Korenman, 1994) Biais d’hétérogénéité Biais d’endogénéité Biais de sélection Ici, correction pour le biais de sélection dans l’emploi, car on suspecte qu’il a pu varier sur la période en raison des chocs institutionnels (APE, mais aussi allègements des charges). Procédure en deux étapes (Heckman, 1979) Biais d’hétérogénéité : il existe une variable non mesurée qui influe sur le salaire et est corrélée avec une caractéristique observée qui figure dans l’eq de gains (ex: être + productive sur le marché du travail qu’à la maison, ce qui augmente le salaire mais a aussi un impact ultérieur sur le nombre d’enfants alors que celui-ci est inclus dans l’eq de gains). Sol : fixed effect. On contrôle ainsi pour cette caractéristique inobservée supposée constante. Biais d’endogénéité : choix simultané du nombre d’enfants et du salaire, d’où corrélation entre le résidu et la variable Y nombre d’enfants. Sol : trouver une variable instrumentale qui est corrélée avec Y (nombre d’enfant) mais qui n’entre pas dans l’équation de gain. +
Variables utilisées
Composition de l’écart des salaires moyens selon la spécification de l’équation de gains
Décomposition avec correction du biais de sélection
Part « expliquée » dans le total
Parts de l’écart par composantes expliquées Capital humain en faveur des femmes Durées du travail : explique presque la moitié de l’écart total à elle seule : deux dimensions : nombre d’heures et temps partiel ou non
Décomposition Juhn Murphy Pierce (1991, 1993) Variation de l’écart salarial entre deux périodes est décomposée en trois éléments : effet quantité dans la variation des caractéristiques observables, effet prix dans la variation des caractéristiques observables, la variation des caractéristiques non observables, + Jusqu’à présent, on fait une série de coupes. On veut voir ce que cela donne en variation. Pb : il faut tenir compte de la variation de la dispersion des rémunérations (même si elle est apparemment faible) entre les deux dates Delta: difference entre hommes et femmes 1 et 2 : indicatrices de périodes +
Décomposition de la variation de l’écart 1990-2002
Décomposition de la variation de l’écart par sous-périodes De 1990 à 1994, l’accroissement de l’écart salarial entre les hommes et les femmes (+1,5 points) est uniquement dû à des effets structurels – ici les catégories d’emplois et le temps partiel essentiellement – qui ont creusé les différences des caractéristiques entre les hommes et les femmes ; la variation d effets prix annule celle de la sélectivité, et la variation des résidus est quasi-inexistante. A partir de 1994, le mouvement s’inverse : les différences des caractéristiques entre les hommes et les femmes s’atténuent et contribuent à resserrer l’écart salarial (-2,5 points). La variation des différences de résidu joue également dans un sens favorable, mais à un degré moindre, au resserrement de l‘écart (-0,07 points) ; elle est neutralisée par celle de l’effet « prix » des caractéristiques observables (+0,06 points). Une analyse, non reportée ici, montre que le resserrement de l’écart salarial en raison d’une atténuation des différences des caractéristiques des salariés s’est produit essentiellement depuis 2000 et est largement dû à l’introduction des « 35 heures ». Lorsqu’on met bout à bout les deux sous-périodes, les effets quantités s’annulent donc
Conclusions Constat majeur : faible variation des niveaux, de l’écart comme de ses composantes peu de variation des dispersions des rémunérations et de la position des femmes dans la distribution Comment resserrer les écarts de rémunération? Facteurs dominants : Temps de travail, Ségrégation des emplois.