Un novateur méconnu (1873-1907) ALFRED JARRY Un novateur méconnu (1873-1907)

De quelques éléments biographiques Vie brève et tumultueuse. Né à Laval en 1873. Dès 1885, il compose des œuvres en vers et en prose. 1888: installation de la famille à Rennes. Etudes secondaires au lycée de Rennes. Professeur de physique, Hébert, surnommé le père Heb. Aux yeux des élèves, « tout le grotesque qui est au monde ». Personnage d’une geste satirique créée par les lycéens (Les Polonais) dont Jarry tirera une comédie. Il inspirera à Jarry Ubu plus tard.

(suite) Elève de Bergson et de Léon Fargue au lycée Henri IV à Paris. Trois échecs successifs au concours d’entrée de l’Ecole normale et deux échecs successifs pour la licence ès lettres. Il rencontre Alfred Vallette (directeur du Mercure de France) et sa femme Rachilde. Il présente chez eux pour la première fois en 1894 Ubu Roi. Collaboration au Mercure de France. Il fréquente les mardis littéraires de Stéphane Mallarmé où il fait la connaissance d’un grand homme de théâtre, Lugné-Poe. Collaborateur de ce dernier qui lui confie le programme du Théâtre de l’Œuvre.

(suite) 10 décembre 1896: première du Roi Ubu au Théâtre de l’Œuvre. Scandale, polémique comparable à la bataille d’Hernani. D’autres œuvres: L’Amour absolu (roman), Le Surmâle (roman moderne), Gestes et opinions du docteur Faustroll (roman, publication posthume). Aussi: Ubu enchaîné (1900), Ubu sur la butte (1906). 1905: Traduction du roman d’Emmanuel Roïdis La Papesse Jeanne.

(suite) Il s’identifie à Faustroll (son personnage) et vit en suivant son plaisir avec ses trois attributs: la bicyclette, l’absinthe et le revolver. Epuisement de sa santé, beaucoup de dettes. 1er novembre 1907: Jarry meurt d’une méningite tuberculeuse.

Jarry à vélo

Les 3 Ubu Ubu Roi (1896) Ubu enchaîné (1900) Ubu sur la Butte (1906) 1960: le T.N.P. donne une version globale d’Ubu.

Résumé d’Ubu Ancien roi d’Aragon, Ubu renverse le Roi de Pologne, son bienfaiteur. Il fera massacrer tous ceux qui constituent un obstacle entre lui et le trône. Pièce: farce. Mais elle est aussi inspirée par Macbeth (Shakespeare). Elle nous fait aussi penser à la folie de Caligula (que Camus peindra plus tard dans sa fameuse pièce).

(suite) Rôle de l’absurde dans la pièce: instrument d’introspection individuelle et de contestation sociale. Annonce du théâtre de l’absurde. Par son cycle d’Ubu, Jarry nous rappelle Œdipe.

Eléments novateurs dans la pièce Le langage vulgaire, l’insulte (« merdre »). Registre paradoxal pour un roi. Les invraisemblances. La liberté avec le temps et l’espace (situation de l’action en Pologne, « c’est-à-dire nulle part »). Un sujet tragique est traité comme une farce. Mais rappel aussi de Macbeth. Le personnage principal est cruel, lâche, symbole de l’anti-héros.

Le véritable portrait d’Ubu par Jarry

Le personnage d’Ubu Symbole de la cruauté, de la dictature aussi. Despote haï, il représente les instincts les plus bas. Rien de sympathique: il tue aveuglément tous ses adversaires. Maître de l’absurde, il incarne l’arbitraire du pouvoir. Personnage de farce: ses traits et gestes sont démesurément grandis. Il nous permet de goûter à la puissance de subversion et à l’insolence de l’enfance des jeunes collégiens rennais.

Les idées de Jarry sur le théâtre Voir son article « De l’inutilité du théâtre au théâtre ». Opposition au théâtre naturaliste. Il désire supprimer tout élément concret qui puisse permettre aux spectateurs de se raccrocher à la réalité. Il veut faciliter l’irruption de l’irrationnel.

(suite) Il propose: - la suppression du décor. un masque pour les comédiens (le personnage a un caractère éternel-voir ici l’influence du théâtre grec antique). importance de la lumière. chaque comédien doit adopter la voix de son rôle.

(suite) Le masque et la voix transforment le comédien à une marionnette (genre de spectacle qui a beaucoup influencé Jarry et sur lequel il a écrit). Eloignement donc aussi bien du réalisme et du naturalisme que du symbolisme. Contre Antoine (il n’approuvait pas ses idées) et contre le symbole au théâtre.

(suite) Il ne veut pas fonder une nouvelle école dramatique. Il veut secouer le spectateur. Il veut frapper la foule « pour qu’on connaisse à ses grognements d’ours où elle est et où elle en est ».

Sa postérité Précurseur des dadaïstes et des surréalistes (ils ont vu dans Ubu roi l’expression de l’inconscient). Il annonce le théâtre de l’absurde. Tout en restant loin des écoles, il ouvre la voie à de nombreux dramaturges et mouvements. 1926: en son honneur, Antonin Artaud et Roger Vitrac créent le théâtre Alfred-Jarry. Il entre dans la lignée des créateurs qui sont de génies véritables (Rimbaud), parfois des ratés et dont le trait commun est de considérer la littérature comme « un acte de négation libératrice, trop facilement qualifié, d’ailleurs, de ‘prométhéen’ » (citation de Bordas, XXe siècle, p. 77). Voir dans cette optique les outrances, les grossièretés, la médiocrité littéraire, le sens profond d’Ubu.

Voir un article relatif à la pièce http://www.kathimerini.gr/735037/opinion/epikairothta/arxeio-monimes-sthles/o-vasilias-ympy-anamesa-mas