TESTS GENETIQUES ET ASSURANCES : aspects éthiques, juridiques et sociaux. Christian BYK, magistrat, Secrétaire général, Association internationale droit,

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Transcription de la présentation:

TESTS GENETIQUES ET ASSURANCES : aspects éthiques, juridiques et sociaux. Christian BYK, magistrat, Secrétaire général, Association internationale droit, éthique et science, Ancien conseiller pour la bioéthique du Secrétaire général du Conseil de l’Europe.

INTRODUCTION  Poser la question des tests génétiques au regard des assurances, c’est évoquer le mariage de l’eau et du feu Si la rencontre entre les deux techniques parait si sulfureuse, c’est que la première a la vertu de prévoir l’avenir quand la seconde vit de l’incertitude La crainte est d’autant plus grande que les risques soumis à ce « mariage » concernent la maladie, l’invalidité, la dépendance et le décès.

INTRODUCTION Pour savoir: Jusqu’à quel point des fondements éthiques et juridiques de notre organisation sociale peuvent se trouver affectés par cette synergie diabolique. Il convient de nous interroger sur: Ce que nous attendons de l’assurance par rapport aux risques évoqués.

L’ASSURANCE et les RISQUES en SANTE ou le MARIAGE de l’EAU et du FEU ? La sociologie des risques concernées Philosophie de l’assurance et mécanisme de transfert des risques : évolution ou déstabilisation ?

La spécificité des risques liés à la santé La maladie, l’invalidité, la dépendance et le décès constituent le cœur de la protection sociale fondée sur les principes d’égalité d’accès aux soins, de qualité et de solidarité. Les risques liés à la santé subissent le poids des évolutions (vieillissement de la population , transformation des pratiques ) le rôle de la médecine ne se limite plus à traiter un patient: elle permet aujourd’hui de déplacer les frontières de la vie. Peut-on alors considérer que cette évolution n’affecte pas la raison d’être de la couverture des risques santé ?

La pesée des risques au regard de leur individualisation Protéger l’assuré (le travailleur) contre les risques maladie, invalidité, dépendance et décès, cela visait initialement à garantir que lui et sa famille ne souffriraient pas d’un manque de ressources du fait de son éviction du marché du travail. Dans ce contexte, le travailleur était au centre de la protection. Les transformations du marché du travail ont conduit à s’interroger sur une individualisation du droit à la protection sociale. Si le modèle français a choisi d’étendre, au nom du principe d’égalité, les droits dérivés aux nouvelles formes de cohabitation, l’individualisation des droits en matière de protection sociale semblait plutôt être un objectif européen.

La pesée des risques au regard de leur individualisation Mais cet objectif s’est heurté à la complexité et à la diversité des systèmes nationaux existant. Une autre forme d’individualisation est apparue et vise à faire reposer la maîtrise du risque santé sur une meilleure connaissance et gestion des risques individuels Le développement de l’usage des tests génétiques permettrait alors un suivi personnalisé pouvant s’avérer bénéfique pour la santé de l’individu et la gestion du système . Ces nouvelles pratiques, qui isoleraient les individus les plus coûteux , seraient-elles susceptibles d’ affecter le principe de solidarité ?

PHILOSOPHIE de l’ASSURANCE et MECANISMES de TRANSFERT des RISQUES Assurances sociales versus assurance privée : Qui des assurances sociales ou de l’assurance privée va subir le plus fortement cette emprise de l’individualisation?

Assurances sociales versus assurance privée : les limites de la solidarité En théorie, la réponse ne sera pas la même suivant que les risques sont soumis à un régime de couverture obligatoire ou non. Alors que le premier est exclusivement construit sur la solidarité , le second suppose une sélection des risques. En réalité, deux raisons mettent en lumière une possible déstabilisation des régimes de protection sociale.

Assurances sociales versus assurance privée : les limites de la solidarité La première tient au coût des tests génétiques. Ainsi, en France, face au constat de précarité de leur financement , la loi du 9 août 2004, relative à la politique de santé publique, a fait des maladies rares, à 80% d’origine génétique, une priorité. Mais cet objectif restera inévitablement ciblé. La seconde raison tient à l’autonomie laissée aux assurés dans les stratégies de santé et postule que la totalité du coût de la dépendance ne saurait reposer uniquement sur la solidarité nationale

Assurances sociales versus assurance privée : les limites de la solidarité Les personnes concernées seraient incitées à connaître leurs risques et à prendre des dispositions pour les garantir. Quelles seraient alors la part de l’épargne personnelle et celle de l’assurance privée  ? Cette participation personnelle prend en compte la relation entre vieillissement et dépendance et celle entre espérance de vie et catégories socioprofessionnelles .

Assurances sociales versus assurance privée : les limites de la solidarité Le risque d’établissement d’un profil individuel de santé est moins dans l’exclusion de l’accès aux soins que dans une obligation de soins au nom d’une plus grande efficience du système de santé. Il peut aussi être dans une meilleure distinction entre les vrais risques, graves, décelés par la génétique, et d’ autres ,aux origines douteuses, dont le traitement serait motivé par le désir ou le comportement du patient -consommateur . Dans cette logique, on doit se demander si tous les risques valent la peine d’être assurés et de quelle manière ?

Individualisation versus mutualisation: changer les techniques de gestion pour mieux assurer ? La couverture des risques santé par des régimes complémentaires aux assurances sociales L’assurance privée repose, par essence, sur une connaissance et une sélection des risques. Les tests génétiques ne bouleversent donc pas, a priori, l’économie du contrat d’assurances. Ils apportent, cependant, une nouvelle méthode de connaissance des risques.

Individualisation versus mutualisation: changer les techniques de gestion pour mieux assurer ? Jusqu’aux années 1980, les assureurs se référaient essentiellement à des éléments objectifs généraux (tables de mortalité, enquête de cohortes…). Dans la réalité, pour la quasi-totalité des risques, leur sélection était limitée pour des raisons de facilité et de coût et se faisait par une mutualisation. L’apparition de deux phénomènes, l’un économique et l’autre social, va changer la donne de cette approche classique.

Individualisation versus mutualisation: changer les techniques de gestion pour mieux assurer ? L’évènement économique réside dans l’extension au domaine des assurances du modèle libéral . Les assureurs vont faire prévaloir la nécessité de classer les risques par familles , les risques plus coûteux donnant lieu à des surprimes. Dès lors que l’accroissement des dépenses de santé est lié à des comportements volontairement à risque, n’est-il pas plus juste de faire payer à l’assuré le prix de son risque personnel  ? L’assurabilité des risques serait même accrue par ce système dans la mesure où il réintègre ,par la création de produits d’assurances ciblés les comportements à risque exclus de la garantie dans le cadre de la technique de mutualisation.

Individualisation versus mutualisation: changer les techniques de gestion pour mieux assurer ? L’aspect sociopolitique : le débat public sur le danger d’exclusion sociale ,apparu avec le sida, a mis en avant la nécessité de solutions concrètes pour permettre une couverture équitable des risques. Conclusion : L’évolution de la perception sociale du risque et de sa prise en charge change-t-elle, cependant, radicalement avec l’accroissement de l’individualisation des risques lié à l’emploi des tests génétiques ?

Existe-t-il un droit à l’assurance ? LES TESTS GENETIQUES : FACTEUR d’EXCLUSION ou de MEILLEURE ASSURABILITE ? L’information sur le risque : est-il loyal d’utiliser des tests génétiques à des fins d’assurances en santé ? Existe-t-il un droit à l’assurance ?

LES TESTS GENETIQUES : FACTEUR d’EXCLUSION ou de MEILLEURE ASSURABILITE ? Dans quelle mesure les tests génétiques, qui apportent une information sur les risques mais aussi les prédispositions, contribuent-ils à fournir une information loyale ? Faut-il délaisser le rôle central de l’information dans la relation assureur assuré pour faire prévaloir, au nom d’une égalité absolue, un droit à l’assurance ?

EST-IL LOYAL d’UTILISER des TESTS GENETIQUES à des FINS d’ASSURANCES en SANTE ? . La loyauté implique que l’assuré fournisse des informations sans rien omettre ou retrancher qui puisse fausser l’opinion que l’assureur pourra se faire du risque. L’outil particulier que constituent les tests génétiques ne risque-t-il pas de porter atteinte à des valeurs sociales prééminentes – la protection de la vie privée, la prohibition de la discrimination-  ? Réglementé par des dispositions d’ordre public protectrices de l’assuré, le contrat d’assurances ne justifie-t-il pas alors un encadrement encore plus rigoureux dans un domaine aussi sensible que la santé ?

La discrimination liée aux tests génétiques est-elle une réalité? Au regard du mécanisme de catégorisation des risques, les tests génétiques se distinguent en permettant d’affiner l’analyse du risque jusqu’à l’individualisation. L’ exclusion de certains risques, que le droit ne considère pas comme une discrimination, parce que la certitude de l’occurrence d’un risque met à néant la logique assurantielle, doit-elle alors être compensée par des mesures protectrices de l’assuré et lesquelles ?

La discrimination liée aux tests génétiques est-elle une réalité? Une première mesure consiste à n’autoriser la transmission d’informations d’ordre génétique que si celles-ci ont une incidence réelle et mesurable sur la gestion du risque. Une seconde mesure vise à lui interdire de solliciter la réalisation de tests génétiques sans pour autant l’empêcher de demander à l’assuré les informations en sa possession mais établies à d’autres fins. Peut-on aller au-delà et laisser à l’assuré le soin de ne pas livrer des informations qu’il connaît, voire mentir sur celles-ci parce qu’il s’agit de données d’ordre génétique?

le droit de se taire, de mentir, peut-il être reconnu ? « Les données génétiques humaines ne devraient pas être communiqués ni rendus accessibles à des tiers, en particulier des employeurs, des compagnies d'assurance ». ( Déclaration internationale sur la protection des données génétiques, 2003). Ce texte n’ayant pas valeur juridique contraignante et étant démenti par de nombreux droits internes, il convient de poser la question d’une manière moins absolue. C’est ce que fait la Convention d’ Oviedo, dont l’art.12 interdit de réaliser des tests génétiques à des fins autres que médicales mais non l’éventuelle communication du résultat à des tiers.

le droit de se taire, de mentir, peut-il être reconnu ? L’exercice du droit de ne pas savoir (art 10.2 de la Convention) s’opposerait-il alors à ce que l’assureur reproche à l’assuré de ne pas lui avoir communiqué une information utile à l’évaluation du risque ? La réponse doit être affirmative dans la mesure où la personne n’ayant pas connaissance de l’information utile à l’assureur, il n’y a pas d’asymétrie dans l’information.

EXISTE-T-IL un DROIT à l’ASSURANCE? Quelle est la place de l’assurance santé entre logique d’intégration sociale et logique d’efficience du système pour le plus grand nombre ?

l’assurance « santé » et le « contrat social » En contribuant à une meilleure information sur le risque, les tests génétiques ne sapent-ils pas l’idée même d’assurances ? Pourquoi les individus qualifiés de « bons risques génétiques » accepteraient-ils qu’eux-mêmes et leur descendance soient condamnés à payer pour « les mauvais risques » ? La solidarité, qui est la clé de voûte du système de protection sociale de l’Etat providence, ne risque-t-elle pas d’y succomber ?

l’assurance « santé » et le « contrat social » L’assurance privée pourrait-elle compenser ce déficit ? Certains économistes suggèrent l’idée d’une assurance collective semblable à celle qui couvre les catastrophes naturelles. Elle n’aurait pas besoin de faire appel à la solidarité sauf à démontrer qu’il existerait une forte dépendance entre risques génétiques et caractéristiques socio-économiques. Dans ce schéma, le droit à l’assurance rejoindrait l’obligation de s’assurer.

l’assurance « santé » et le « contrat social » Une autre démarche viserait à renforcer la dimension de solidarité du « contrat social ». l’art.3 de la Convention d’Oviedo sur l’accès équitable aux soins et l’art.14 de la Déclaration universelle sur la bioéthique, relatif à la solidarité sociale et à la santé, justifient d’imposer l’idée que les risques génétiques en santé soient uniquement couverts dans le cadre d’un système de protection sociale et non dans le cadre de l’assurance privée. C’est un choix qui relève d’un postulat éthique et politique. Il ne saurait cependant être sans limite.

les « nouvelles » limites du droit à l’assurance en matière de santé Limites économiques : en quoi les tests génétiques peuvent-ils être utiles ? La réalisation de tests génétiques peut s’avérer financièrement disproportionnée. Sans tests génétiques, il y aura ignorance symétrique et l’assurance sera uniforme alors qu’avec les tests génétiques, la prime des mauvais risques peut être prohibitive, voire être égale au coût du traitement si le test révèle que la maladie est certaine.

les « nouvelles » limites du droit à l’assurance en matière de santé Limites fondées sur la responsabilisation du citoyen consommateur  Le dépistage des maladies génétiques peut être envisagé lorsque existe un traitement préventif. La démarche doit restée prudente car Il y a un risque de glisser du dépistage à la stigmatisation. Peut-on attendre plus d’effet d’un changement des comportements individuels (modes alimentaires, habitudes addictives ou comportementales)  ? Oui si l’on se donne les moyens de sensibiliser les individus mais aussi de sanctionner (par l’interdiction de la publicité ou des taxes santé) les produits et ceux qui les commercialisent sans souci préventif de la santé du consommateur.

CONCLUSION GENERALE Comment l’assurance dans le domaine des risques liés à la santé peut-elle restée un enjeu collectif dans un système qui favorise une plus grande prise en compte des situations individuelles ? Les tests génétiques doivent-ils faire l’objet d’une appréhension particulière dans le domaine de l’assurance « santé » et à quelles fins ? Convient-il de maintenir le principe de solidarité sociale  ou faut-il ouvrir les risques liés à la santé à un régime d’autonomie contrôlée ? Comment conjuguer efficacité du système et équité ?

CONCLUSION GENERALE « Les tests génétiques sont une bonne chose si le ciment social est suffisamment solide, mais ils sont à déplorer si la société est de plus en plus réticente à la solidarité ». « j’ai la conviction que l’avenir de l’Europe repose sur la volonté de poursuivre dans la voie de la solidarité » Pierre Pestiau, Pour ou contre les tests génétiques ? Un point de vue d’économiste.