Les Seuils physiologiques et pathologiques des taux cellulaires dans le lait de brebis
Objectifs Cet article propose d’étudier la relation entre les infections subcliniques intramammaires et le taux cellulaire individuel du lait (iSCC) dans les troupeaux de brebis laitières.
Matériels et méthodes Echantillonnage 215 brebis laitières venant de 4 troupeaux du sud de la France ont été échantillonnées mensuellement pendant la lactation. 2 mesures ont été faites sur chaque mamelles : Le taux cellulaire déterminé par la méthode fluoro-opto-électronique Des échantillons de lait ont été prélevés de façon aseptique et stockés à -20°C jusqu’à ce que les examens bactériologiques soient effectués en accord avec les recommandations de la Fédération Internationale du Lait.
Principes d’analyse des mesures Echantillonnage Principes d’analyse des mesures 3 statuts ont été utilisés pour définir l’état infectieux de la mamelle pendant la lactation, en accord avec les résultats bactériologiques. 2 catégories (A et B) comprenant chacune 3 états infectieux ont été posées.
Définition des statuts d’infection des mamelles Saines Douteuses Infectées Catégorie A 2 mamelles saines Au moins 1 douteuse Au moins 1 infectée Mamelles Saines Infection unilatérale Infection bilatérale Catégorie B Aucune infectée 1 infectée 2 infectées
Puis plusieurs seuils ont été testés. Les statuts infectieux ont été comparés aux valeurs génétiques des logarythmes des iSCC. Puis plusieurs seuils ont été testés. 2 seuils de SCC ont ainsi été posés, T1 et T2 pour définir les 3 états infectieux : Si tous les SCC < T1 alors mamelle saine Si au moins 2 SCC > T2 alors mamelle infectée Dans les autres cas : mamelle douteuse La sensibilité et la spécificité ont été calculées pour les différents seuils de iSCC. Enfin, la relation entre la prévalence des infections intramammaires subcliniques et la valeur géométrique annuelle de la grandeur des SCC a été étudiée.
Résultats de l’étude Résultats proprement dits 59% de culture négatives sur 3758 échantillons aseptiques de lait Plus de 90% des bactéries dans les mamelles étaient des microcoques, principalement des staphylocoques coagulase – et un peu de Staphylococcus aureus. Les log SCC instantanés des cultures négatives des mamelles étaient significativement différentes de celles infectées. Des différences significatives sont aussi trouvées dans les espèces bactériennes. Au niveau d’une même brebis, les variations instantanées de iSCC sont observées en accord avec le statut infectieux des mamelles, permettant de distinguer les brebis saines de celles infectées unilatéralement ou bilatéralement. Les différences significatives des valeurs des log iSCC sont aussi rapportés pour les espèces bactériennes
Résultats proprement dits Descriptions des résultats pour le niveau de lactation La figure représente la forte relation linéaire entre le nombre de bactéries isolées et les valeurs de log SCC pour chaque mamelle lors de la lactation. Pour le niveau de lactation, les valeurs géométriques de iSCC sont en rapport avec le statut d’infection : 0.16 x 10^6 cellules/ml pour les brebis saines 0.645-0.853 x 10^6 cellules/ml respectivement pour 1 ou 2 mamelles infectées.
Résultats proprement dits Descriptions des résultats pour le niveau de lactation Propositon de seuils Au niveau de la lactation, les seuils de 0.250 et 0.500 x 10^6 cellules/ml (valeurs géométriques des log iSCC) peuvent permettre de distinguer les brebis saines et infectées (définis par le statut 3 et la catégorie A) avec une sensibilité de 73% et une spécificité de 82%. D’un point de vue dynamique, une mamelle devrait être considérée : saine si chaque iSCC est en dessous de 0.500 x 10^6 cellules/ml, Infectée si au moins 2 iSCC sont supérieurs à 1-1.2 x 10^6 cellules/ml Douteuse dans les autres cas. La sensibilité et la spécificité sont respectivement de 82 et 75% Les résultats peuvent être améliorés, si le premier iSCC (obtenu durant la péride d’allaitement) n’ést pas pris dans les comptes.
Au niveau du troupeau, ces catégories permettent l’estimation de la prévalence des infections intramammaires subcliniques. La forte relation linéaire entre la valeur géométrique annuelle de la grandeur du SCC et la prévalence estimée des brebis infectées (au moins 2 iSCC>1.2 x 10^6 cellules/ml) est montrée dans la figure :
Dès lors, une grandeur annuelle de SCC de 0 Dès lors, une grandeur annuelle de SCC de 0.650 x 10^6 cellules/ml correspond à une prévalence de 15% et une variation de 0.100 x 10^6 cellules/ml de la grandeur annuelle du SCC reflète une variation de prévalence de 2-3%.
Discussion La forte relation linéaire entre le nombre d’échantillons « culture positive » pendant la lactation et la valeur du log SCC confirme les résultats prévus dans les races Latxa et Assaf. Dans ces conditions, un simple résultat bactériologique semble insuffisant pour déterminer le statut infectieux de la mamelle et une approche dynamique des infections (et du SCC) apparait nécessaire, comme proposé chez les bovins.
Cependant, aucune des définitions du statut infectieux de la mamelle ne peut refléter parfaitement les dynamiques des infections observées (1 échantillon mensuel pendant la lactation). La troisième définition peut représenter un compromis acceptable décrivant la diversité observée sous conditions de paturage. Mamelles Saines Douteuses Infectées Statut 1 Toutes - / Au moins une + Statut 2 < ou = à 2 + non consécutivement 2 + consécutivement Au moins 3 + Mamelles Saines Infection brève Infection persistante Statut 3 Toutes - Une + Au moins 2+
Plusieurs mamelles sont « culture + » seulement durant la période d’allaitement (principalement durant la 1ère semaine du post-partum) et jamais plus tard. Donc, une application stricte de la 1ère définition peut mener à considérer ces mamelles infectées! De plus, l’interprétation des résultats bactériologiques des échantillons collectés à la fin de la lactation (tarissement) est difficile.
2 seuils ont été proposés pour distinguer l’infection par des agents pathogènes « mineurs » ou « majeurs ». On a aussi proposé de prendre en accord avec le stade de lactation, les iSCC des brebis non infectées augmentant après le 5ème mois. Une approche dynamique de iSCC pour la lactation peut être appuyé par la relation observée, pour une mamelle, entre le nombre d’isolats bactériens et la valeur du log SCC pendant la lactation. Mais il faut aussi prendre en compte la durée variable des infections et les fluctuations bactériennes et cellulaires du lait.
Même quand un seuil ponctuel est proposé, il est recommandé d’évaluer une série de iSCC, au lieu d’une seule valeur chez les bovins. Cependant, dans les ovins laitiers, quelques études ont proposé une approche dynamique du nombre de lactation (brebis Latxa) La forte relation linéaire observée entre la valeur géométrique annuelle de la grandeur du SCC et la prévalence estimée des infections intramammaires peut être considérée comme une validation indirecte des catégories et seuils choisis.
D’un point de vue pratique, l’iSCC est utilisé dans la zone du Roquefort, pour un contrôle des mammites subcliniques. Les brebis douteuses sont groupées avec les brebis saines (quand les fermiers décident d’éliminer les femelles infectées) ou avec les brebis infectées (pour exécuter un traitement sélectif de tarissement).
Conclusion de l’article Le iSCC représente un objet utilitaire pour la détection des mammites subcliniques chez les brebis laitières. Il est recommandé d’évaluer une série de iSCC, pris à travers les différents stades de lactation et d’utiliser 2 seuils permettant de distinguer 3 classes de brebis : saines, douteuses (ou infectées brièvement) et infectées (ou infectées chroniques).
Critiques en tant que futur vétérinaire Etant donné qu’il n’y a pas de modèle génétique dans cet article, on pourrait en imaginer un… La 1ère étape dans la mise en place d’une analyse génétique est le choix du caractère phénotypique étudié. Ici, 3 sont possibles : l’iSCC, le SCC annuel et le taux d’infection subclinique des mamelles.
La variation du caractère mesuré (performance) est expliqué par : la génétique : effet génétique additif qui se transmet à la descendance et effet génétique non additif l’environnement : Effets non identifiés (état sanitaire) Effets non identifiables (erreurs de mesure) Effets identifiés non enregistrés Effets identifiés et enregistrés et une série d’effets inconnus.
Choix des facteurs d’environnement mesurés: Il faut donc rechercher les facteurs qui influencent le caractère et estimer la variabilité apportée par chaque facteur. Choix des facteurs d’environnement mesurés: Nombre de lactation Stade de lactation Nombre d’agneaux Race Exploitations Période de l’année (saison, mois)
On utilise ensuite, comme modèle d’évaluation génétique, la méthode BLUP qui permet l’estimation des effets environnementaux et génétiques simultanément. Un modèle animal multi-caractère (plusieurs facteurs mesurés simultanément car corrélés) et avec données répétées serait le plus adapté à notre exemple.
âi = (wa.âa+wd.âd+wp.Pp)/(wa+wd+wp) La valeur recherchée est â ou Index qui représente la valeur génétique additive ou breeding value. Pour un animal i : âi = (wa.âa+wd.âd+wp.Pp)/(wa+wd+wp) Avec : a = ascendants d = descendants p = performance w = pondération de chacune des informations Ici, on ne connait ni les ascendants, ni les descendants donc â est basée uniquement sur les performances : âi = Pp = moyenne des performances propres de l’animal i corrigées pour les effets du milieu.
Un modèle animal n’est pas facile à résoudre (matrice de n équations si n animaux) mais il est insensible à la sélection et permet une prédiction simultanée des index de tous les animaux.
Bibliographie Berthelot X., Lagriffoul G., Concordet D., Barillet F., Bergonier D. Physiological and pathological thresholds of somatic cell counts in ewe milk. Small Ruminant Research, 2006, 62, 27-31 Detilleux J., Génétique Quantitative : Sélection des animaux domestiques (1er doctorat), 2004-2005 http://www.ulg.ac.be/fmv/quant/definition.doc