ESPRIT, METHODE ET CADRE DE CE COURS Nous souhaitons proposer un discours objectif qui va au-delà, voire contre nos opinions Face aux objets que nous étudions, nous devons être neutres, dans la mesure du possible.
Nous pouvons avoir des opinions par ailleurs, mais durant l’analyse, nous devons être neutres Les sciences sociales doivent donner les moyens de se faire une opinion. Le danger est de tomber dans le sens commun (préjugés, stéréotypes : des opinions préfabriquées)
La distanciation par rapport au sens commun est au fondement même de l’anthropologie. Les objets de l’anthropologie sont des sujets, avec des opinions et des croyances Il ne s’agit pas de s’identifier a ces croyances, mais de comprendre pourquoi, dégager des logiques sociales : des règles de fonctionnement, des conduites, non apparentes
Un effort intellectuel d’abstraction est nécessaire. Il consiste a trouver et apprendre un langage scientifique et une méthode de travail, dans un souci de clarté dans l’argumentation. Il est extrêmement difficile de prendre de la distance par rapport aux objets
L’ethnocentrisme, le fait de rester centré sur son propre groupe pour analyser est l’un des biais les plus importants L’ethnocentrisme est spontané, et il est présent dans toutes les cultures. La guerre, le sacrifice, l’art, les religions, etc. sont des phénomènes qu’on ne peut pas isoler, contrairement a ce que l’on fait dans les sciences exactes, comme la chimie
Il n’y a pas d’expérimentation possible dans les sciences sociales. On ne peut qu’observer ce qui se passe et d’essayer de comprendre Quand on fait du terrain, on vit avec les gens pour essayer de comprendre comment ca se passe.
De plus, on n’a pas de langage formel pour parler des choses en sciences sociales. On utilise un langage ordinaire, qui est ambigu. Nous n’avons pas de formule mathématique, de signes univoques et universels.
De plus, le savoir émerge dans un certain contexte socioculturel et historique. C’est une autre difficulté du travail anthropologique. Et les sociétés changent, évoluent. On ne peut donc pas formuler des lois générales. Disons du moins que nos lois durent moins longtemps que la loi de la gravitation !
L’observateur fait partie de l’observation. Le chercheur est un homme ou une femme, il a une culture, il projette, etc. Comment faire pour ne pas réduire l’autre à soi (on ne le voit qu’a travers son propre regard) ou le voir comme totalement différent et lui refuser son humanité ? Deux écueils a éviter
L’anthropologie est née à un moment donné dans une culture donnée. Avec sa prétention d’être une science objective, elle s’est développée dans un contexte colonial Elle a été développée pour permettre à l’Europe et aux USA d’étendre leurs territoires.
Chaque science est née dans un contexte particulier, pour répondre a un besoin de ce contexte la sociologie pour répondre a l’avènement de la société capitaliste et la disparition de la société traditionnelle, la psychiatrie pour normaliser les fous, etc.
Exemple d’héritage de l’époque coloniale : le fait de séparer les sociétés traditionnelles et les sociétés modernes. Cela n’a plus cours en anthropologie, mais c’est encore très présent dans le sens commun.
Science née en occident dans le but de comprendre d’autres cultures, l’anthropologie a souvent proposé des explications réductrices. Mais elle a aussi cherché a aller a l’encontre de cet ethnocentrisme.
L’anthropologie a l’avantage d’être la science sociale la moins provinciale, car elle prend pour objet d’autres civilisations, c’est la seule Cela est un avantage car elle le fait sur la base d’une comparaison avec d’autres civilisations. La dimension comparative est fondamentale. Par définition, l’anthropologie est comparative
Anthropologie culturelle et sociale = ethnographie Mais le terme anthropologie marque l’idée qu’il ne s’agit pas seulement des sociétés traditionnelles et exotiques aujourd’hui la plupart des études de terrain se font en Occident et dans la modernité
L’ethnologie fait partie de l’anthropologie. C’est le stade de la description L’anthropologie est le stade de la comparaison a partir des différentes descriptions, dans le but de généraliser. Nous voulons montrer la diversité, mais également qu’elle relève de l’universel.
Il est faux de penser qu’une culture est complètement fermée sur elle-même. Elle est toujours un mélange.
Le trait principal de l’anthropologie est l’observation sur place, l’empirisme C’est une expérience personnelle. Contrairement a la sociologie, qui se fait souvent par enquête.
Qu’est-ce qu’être un Marocain un Vaudois ? C’est l’anthropologue qui doit le démontrer. Caractéristiques rituelles, économiques, linguistiques qui dessinent une culture, une frontière entre deux cultures
L’observateur fait partie de son observation Cette difficulté concerne toutes les sciences sociales : Comment peut-on étudier des femmes et des hommes qui nous ressemblent, auxquels on peut s’identifier, sur lesquels projeter des observations ?
Il y a deux écueils a éviter lorsque l’on étudie nos semblables les humains : L’empathie : s’identifier complètement et être incapable de prendre de la distance, d’identifier les différences A l’inverse, prendre trop de distance et ne plus voir les points communs. C’est la porte ouverte a la xénophobie, au racisme
On constate une très grande diversité des formes culturelles derrière l’unité du genre humain, a travers la capacité de produire de la culture, des formes diverses de culture. Les sociétés et cultures ont varié jusqu’a l’infini : formes d’organisation sociale, politique, économique, l’art, les traits culturels, les formes symboliques, etc.
L’anthropologue est pris dans un paradoxe : Unité du genre humain, traits communs et universaux Prédisposition des différents groupes a se différencier les uns par rapport aux autres. La problématique de l’anthropologie est Comment articuler ces deux choses ?
Chaque culture, chaque société se considère comme LE modèle de la culture. Elle perçoit les autres cultures, mais pense que la sienne est la plus proche de l’idéal, que la sienne est la culture par excellence. C’est l’ethnocentrisme : être centre sur soi, sur sa propre société, sa propre culture.
C’est une difficulté car cet ethnocentrisme touche aussi l’observateur, qui provient d’ailleurs le plus souvent d’une société dominante, conquérante (Europe ou USA). L’ethnocentrisme était particulièrement fort au début de l’anthropologie, mais ce problème reste constant dans les sciences sociales
On va analyser les autres à partir de notre système culturel.
L’observation-participation : L’expérience de terrain L’anthropologue, sur le terrain, doit avoir une méthode pour essayer d’éviter de tomber dans un biais ethnocentrique. L’observation permet éventuellement de se décentrer.
Observation-participation : la présence sur place nous permet de rendre familier ce qui est étrange. Tant qu’on ne s’est pas impliqué, les choses sont étranges.
Le décentrement : Une prise de distance par rapport à la société d’origine Le décentrement ou la distanciation est une autre méthode, qui accompagne l’observation participation : Se décentrer, s’éloigner de son propre univers culturel d’origine, ne pas considérer sa culture d’origine comme la meilleure
C’est un double mouvement : Se distancier de sa propre culture permet de réduire l’ethnocentrisme et d’observer la culture de travail telle qu’elle est. Mais il ne s’agit pas de s’identifier complètement a l’autre, il faut pouvoir, après l’avoir saisi, interroger la culture de travail pour la comparer a d’autres cultures
Le premier mouvement est donc de rendre familier ce qui est étrange (la culture de l’autre) et le deuxième mouvement est rendre étrange ce qui familier (ma culture pour moi, sa culture pour l’autre).
Exemple : C’est étrange que dans notre société le mariage entre cousin ait été interdit alors que dans d’autres sociétés, il est encouragé et fréquent.
Le discours scientifique a pour fondement la comparaison. Il n’y a pas de connaissance scientifique sans comparaison. Au contraire d’une idéologie, qui se considère comme La vérité. L’idéologie n’est pas comparative et si elle se compare, c’est uniquement pour condamner, disqualifier, déclasser l’autre.
Encore aujourd’hui, le Vatican refuse la comparaison : il y a des choses qu’on ne discute pas, des vérités absolues. La comparaison permet d’observer les différences et de dégager des éléments communs, de passer de la diversité des expériences a l’universel
Le décentrement implique la comparaison. Comprendre les cultures, c’est essayer par la comparaison de les rapporter a d’autres culture pour voir en quoi elle sont différentes et en quoi elles sont semblables.
Le projet de l’anthropologie est d’articuler l’unité et la diversité, le local et l’universel, passer d’un niveau restreint a un niveau plus général, a une connaissance la plus générale possible.
Pour réaliser ce programme de travail, l’anthropologie développe différentes méthodes. Elle doit également prendre conscience des Difficultés qui sont de 3 ordres :
1. L’ethnologue observe des objets animés, des semblables à lui-même, et il risque de les trouver trop proches ou trop différents de lui. 2. L’humain n’existe pas. L’ethnologue à faire avec des humanités différentes, des humains qui se réalisent différemment dans des formes culturelles très variées 3. L‘ethnologue comme chacun a tendance à l’ethnocentrisme, a se considérer comme le meilleur modèle. Il doit donc prendre de la distance.
Les méthodes : L’observation participante pour réduire l’ethnocentrisme, rendre ce qui est étrange familier Le décentrement, la distanciation, c’est prendre de la distance par rapport a la culture qu’on étudie puis par rapport a la notre. C’est rendre ce qui est familier étrange
La comparaison, pour construire des invariants a partir de l’observation de la diversité La méthode sert le projet d’une part et répond aux difficultés d’autre part. L’empirisme posture de décentrement et de comparaison, fait de l’anthropologie un discours scientifique. Les exigences méthodologiques sont fondamentales
Comment construire ces invariants, ces universaux, a partir de quel langage ? Le langage anthropologique va tenter de produire une argumentation en tenant compte des éléments méthodologiques. Bien qu’on ne dispose pas d’un langage abstrait, formel en sciences sociales, il ne s’agit pas de produire un langage du sens commun.
Il s’agit de produire des notions à travers l’observation, la distanciation, la comparaison, le raisonnement. Exemple : la parente. Il y a des définitions anthropologiques de la parente et des définitions du sens commun. Nous avons tous une représentation spontanée de la parente.
La définition anthropologique doit être générale, transculturelle, capable d’expliquer le système de parenté partout où il se trouve