Epidémiologie et prévention des pneumopathies nosocomiales Docteur Joseph HAJJAR Service d’hygiène et d’épidémiologie Centre hospitalier de Valence
Ampleur du problème ENP 2006 Incidence Seconde IN après IU (2 833 PNEU/ 19 296 IN = 14,7%) tous secteurs confondus Prévalence de 0,79% (sur 358 467 patients) Première en réa (43,2 % des IN) Incidence 5 à 10 / 1 000 hospitalisations* 7 à 14 / 1 000 j de VA** Fourchette large en raison des définitions utilisées *Am J Resp Crit Care Med 1996;153:1711-25 ** Chest 2002;122:115-21
Problèmes de définition Diverses situations Par rapport au début de la PNEU Pneumopathie précoce en / avec une maladie ou un traumatisme + troubles de la conscience Infection acquise sous VA Par rapport aux méthodes diagnostiques Idéalement association d’une sémiologie radiologique et de prélèvements bactériologiques
Problèmes de définition Diverses situations Par à des états cliniques particuliers Impossibilité d’avoir une radio Non fiabilité des prélèvements chez le sujet non intubé Présence d’une pathologie pulmonaire structurelle rendant difficile l’interprétation radiologique Par rapport à des épisodes multiples au cours d’un même séjour
Problèmes de définition Pas de définition simple Définition retenue par le réseau REA-RAISIN Nouvelles définitions des IAS http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/nosoco/definition/rapport_complet.pdf
Conséquences Mortalité variable mais dépendante de Type d’hospitalisation (réanimation) Comorbidité (maladie sous jacente) Mortalité attribuable / épisode jusqu’à 30%* Durée supplémentaire de séjour de 7 à 10j** 10 000 à 40 000 € / patient ventilé*** *Am J Resp Crit Care Med 2002;165:867-903 ** Am J Resp Crit Care Med 1999;159:1249_56 *** Crit Care Med 2003;31:1312-7
Pathogénie* Présence de microorganismes au niveau du parenchyme pulmonaire (stérile) Le plus souvent par micro-inhalation des sécrétions oropharyngées ou gastriques contaminées Un facteur majeur, la présence d’un sonde endotrachéale *Am J Resp Crit Care Med 2005;171:388-416
Facteurs de risque Altération des défenses et majoration de l’inhalation Sonde endotrachéale Sonde gastrique Sonde de nutrition entérale Décubitus dorsal Altération de état neurologique sédation
Facteurs de risque Inoculum important de microorganismes Colonisation bactérienne pH gastrique alcalin Sinusite Dénutrition Contamination du matériel de VA
Facteurs de risque Croissance prédominante de germes virulents Antibiothérapie prolongée CVC Comorbidité Hospitalisations répétées Hospitalisations prolongées Défaut d’hygiène (mauvaise hygiène des mains)
Facteurs de risque Durée d’exposition au risque (durée de l’intubation, de la ventilation, durée de séjour) Variation non linéaire dans le temps Pic autour de 5 jours Plateau jusqu’à 15 jours Puis diminution (rare chez les ventilés chroniques)
Agents pathogènes Classiquement en fonction du délai de survenue de la PNEU* « précoce » (<5j) Germes communautaires (pneumocoque, H. influenzae, E. coli, bacille gram – et du S. aureus sensibles) « tardive » (>5j) Germes plus résistants (pyocyanique, acinetobacter, bacille gram – et du S. aureus résistants) *Am J Resp Crit Care Med 1996;153:1711-25
Agents pathogènes En pratique Des facteurs d’acquisition de germes résistants Administration antérieure d’ATB à large spectre Hospitalisation antérieure Caractère polymicrobien des PAVM Difficulté du choix thérapeutique ATB Am J Resp Crit Care Med 1999;160:608-613 Am J Resp Crit Care Med 1998;157:531-9
Agents pathogènes En pratique Coma, TC, diabète, I Rénal S. aureus Hospitalisation prolongée, traitement ATB antérieur, corticoïdes, maladie pulmonaire structurelle (BPCO, etc.) Pyocyanique Immunodéprimé, cas groupés / ECS Légionelle Chest 1999;115:178-83 Arch Intern Med 2000;160:1926-36
Microorganismes PNEU REA-RAISIN (n= 2 314)
Prévention* Mesures générales Éviter la contamination des patients par des microorganismes résistants (transmission croisée) Hygiène rigoureuse des mains + + + PHA + + + Réduction de l’émergence des BMR Cathéters si indispensable Asepsie rigoureuse pour la pose et la manipulation Retrait dès que possible Contrôle des ATB (rotation ??) * Nosocomial pneumonia: State of the science. Am J Infect Control 2006;34:84-93
Aspiration trachéale Risques potentiels de l’aspiration trachéale Hypoxémie Troubles du rythme cardiaque (hypoxémie et/ou réflexe vagal) Augmentation de la pression intracrânienne Dégâts muqueux Infection nosocomiale Risque infectieux pour le personnel
Aspiration trachéale Modalités A la demande Trachéale plus que bronchique Éventuellement après mise sous 100 % Retrait de la sonde en rotation Durée maxi : 10-15 secondes Éviter la curarisation
Aspiration trachéale Aspects pratiques Friction PHA ou lavage avant Gants non stériles ou sonde avec gaine Technique « sans toucher" 1 sonde par aspiration Liquide de rinçage stérile Si instillation, soluté stérile Friction PHA ou lavage après
Prévention Mesures spécifiques Ventilation non invasive BPCO et œdème pulmonaire cardiogénique Pas en cas de traumatisme faciale ou de troubles neurologiques Position semi-assise Aspiration sous-glottique (si VA > 3 jours)
Prévention Mesures spécifiques (plus ou moins discutées) Soins de bouche, preuves de l’intérêt Réduction des pneumopathies chez le sujet âgé (antiseptique, brossage après le repas) Réduction des pneumopathies en chirurgie cardiaque et en réa chirurgicale (bain de bouche par chlorhexidine à 0,12%)
Prévention Mesures spécifiques (plus ou moins discutées) Prophylaxie de l’ulcère de stress 7 méta-analyses (plus de 20 essais randomisés) avec le sucralfate et 2 essais récents (dont 1 comparant omeprazole, famotidine, sucralfate, placebo ne montre pas de différence entre les 4 groupes ni pour le saignement ni pour la PNEU) A réserver à certains patients (état de choc, détresse respiratoire majeure, coagulopathie)
Prévention Mesures spécifiques (plus ou moins discutées) Décontamination digestive sélective (le plus souvent associée à une ATB par voie générale) ? ? ? 10 méta-analyses (40 essais randomisés) en faveur d’une réduction des PNEU et de la mortalité Revue récente (32 essais) conclut à une relation inversement proportionnelle entre bénéfice et qualité méthodologique de l’étude Pas de consensus sur émergence ou non de BMR En 2007 revue de 51 essais randomisés (1987-2005) incluant 8 065 patients graves en faveur d’une réduction des bactériémies et de la mortalité (nécessité de traiter 22 patients pour prévenir 1 décès)* * J H I 2007;65:187-203
Prévention Autres mesures à discuter Prévention des sinusites ? Administration de probiotiques (microorganismes vivants colonisant le tube digestif et créant un environnement défavorable à l’implantation d’agents pathogènes) ? Acidification du contenu gastrique ? Peptides antimicrobiens (petites protéines à visée antibactérienne) ? Antibiotiques par aérosol ou intra-trachéale ? * J H I 2007;65:187-203
Prévention Mesures inutiles Changements de circuits des respirateurs Pour chaque nouveau patient Si macroscopiquement souillés
SRLF – SFAR - 5ème CC commune 20 novembre 2008 – Paris Prévention des infections nosocomiales en réanimation - transmission croisée et nouveau-né exclus Quelle épidémiologie et quelles définitions des infections nosocomiales ? Stratégie organisationnelle et politique de prévention des infections nosocomiales Impact de l’antibiothérapie dans la prévention des infections nosocomiales Préventions spécifiques : poumon - cathéter - urine - ISO – autres Stratégie globale
Conclusion La plus fréquente et la plus grave des IN en réanimation Des difficultés diagnostiques et thérapeutiques Quelques mesures efficaces, d’autres encore à évaluer Plutôt difficilement évitable