Impact des retenues collinaires sur les cours d’eau

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Transcription de la présentation:

Impact des retenues collinaires sur les cours d’eau I- Différents types de retenues II- Impact sur le fonctionnement des cours d’eau III- Conséquences observées sur les écosystèmes de rivière J-P. FAURE, Fédération du Rhône pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique Présentation du 13/12/2006 – actualisée 9/11/2011

I- Différents types de retenues Environ 2000 dans le seul département du Rhône (recensement DDT) En travers des cours d’eau : endiguement direct

Sur une source / ou alimentée via un forage

En dérivation des cours d’eau (plus rare : techniquement complexe, notamment dans les vallées encaissées)

Modes d’alimentation : exemple du bassin de l’Yzeron, sur 104 retenues recensées (données : [1])

Différents usages… [1]

…et différentes dimensions : exemple [2]

L’exutoire : principaux modes de restitution des eaux Schémas de principe La surverse => Eau de surface vue en coupe au niveau de la digue Fond de l’étang Le moine => Eau de fond vue en coupe au niveau de la digue Fond de l’étang

II- Impact sur le fonctionnement des cours d’eau Impact hydrologique : pertes directes Plan d’eau = grande surface de contact eau/air, peu protégée du vent. => évaporation forte en été : 0.55 litre/s/ha en eau [3] voire plus En général, impact modéré sur le débit en aval des grands bassins versants mais Conséquence : plus le cours d’eau possède un débit naturel faible en étiage, plus il est affecté par cette perte ; or beaucoup de petits ruisseaux ne conservent naturellement que quelques litres, voir décilitres secondes en période critique => Assèchements de ruisseaux / diminution importante des faibles débits => Perte d’habitat pour la faune aquatique

Quantification du déficit engendré par les plans d’eau : exemples [10]

Impact hydrologique : Modification du régime naturel des eaux Lors des épisodes pluvieux estivaux qui peuvent « gonfler » les ruisseaux en phase critique, une partie non négligeable des écoulements est captée, le bénéfice diminue d’autant pour le cours d’eau. Retenues fréquemment construites sur des terrains humides à l’origine : = zones humides = excellent régulateurs naturels de débits (rôle « d’éponge ») => perte de cette fonctionnalité Pompages, évaporation, infiltration : à l’automne, les retenues sont plus ou moins vides. Conséquence : les premières pluies d’automne sont stockées pour remplir le volume manquant => prolongation de la période d’étiage

Impact sur la physico-chimie de l’eau En fonctionnement normal du plan d’eau Un plan d’eau est un milieu stagnant dont les caractéristiques contrastent fortement avec celles de la rivière. En ralentissant les écoulements, la retenue stocke des éléments entrants (sédiments, matière végétale en décomposition, composés organiques issus du bassin versant, …) => phénomène d’eutrophisation, enrichissement du milieu Conséquence : le plan d’eau peut stocker les matières en suspension (MES) de l’affluent s’il en véhicule des taux importants. Taux divisés par 2, voir plus Il va aussi en relarguer : export de sédiments fins minéraux ou organiques, matières oxydables => colmatage et asphyxie du milieu Exemple [4]

Amont Aval Aval

Conséquence de l’accumulation de matière organique : Stimulation des processus microbiens de décomposition En profondeur : => les bactéries et microorganismes consomment l’oxygène du milieu parfois jusqu’à épuisement total => désoxygénation des fonds sur plusieurs mètres possibles Ex. : lac des Sapins (Cublize) : 7m sans O2 en sept. 2004 [5] => Influence du mode de restitution En surface : Développements d’algues suite à l’enrichissement organique du plan d’eau => production d’oxygène le jour, consommation la nuit = Fortes variations des taux. O2 Fond de l’étang Impact sur la faune

Conséquences de la désoxygénation : Production de nitrites et d’ammoniac NO2- et NH4, très toxiques pour la faune ; acidification => Transférés dans le cours d’eau en aval Respiration des nitrates : NO3- => NO2- => N2 NH4+/NH3 + relargage de phosphore, eutrophisation du cours d’eau en aval O2 Fond de l’étang

Impact sur la température de l’eau Retenue = surface de contact air/eau importante Ensoleillement maximum (plus de rôle de la ripisylve pour ombrager) Vitesse de transit faible, stagnation => réchauffement estival des cours d’eau affectés Exemples [3]

En raison de leur inertie thermique, certains petits plans d’eau peuvent avoir la même capacité de réchauffement que des grands mais surtout, deux très petits plans d’eau (< 0,3 ha) peuvent avoir plus d’impact qu’un très grand (20 ha). Il est donc préférable à capacité de stockage égale de conserver un grand plan d’eau que plusieurs petits.

Notions de linéaire affecté – effets en aval

Impact sur la température de l’eau En hiver : refroidissement du cours d’eau Études plus rares : -1 à -2°C signalé entre décembre et mai sur une étude amont/aval plan d’eau (0.5 / 1ha) [3] Inertie thermique de l’eau / refroidissement par la surface des retenues Semble mineur mais : Occasionne des retards dans le développement des œufs = stade critique, sensibilité aux mycoses/colmatages, … Chez la truite par exemple : + 43 jours de développement en aval des plans d’eau dans le cas étudié, soit + 30% de durée totale de la phase critique…

Impact à ne pas négliger : les vidanges relargage des matériaux accumulés dans la retenue : MES, substances toxiques => mortalité de faune variations physico-chimiques brutales, choc thermique colmatage des fonds : homogénéisation du lit de la rivière, diminution de la diversité d’habitat Nécessaires, Occurrence faible, mais traumatisme majeur pour le milieu récepteur

Impact sur le débit solide des cours d’eau Les rivières transportent naturellement des particules solides : équilibre entre zones d’érosion/zones de dépôt Entrée de plan d’eau : ralentissement des écoulement => perte de l’énergie de la rivière, dépôt des matériaux véhiculés => rupture de l’équilibre naturel => En aval : érosions de berges, enfoncement du lit pour récupérer et saturer les capacités de transport solide de la rivière Dégradation de la qualité physique des cours d’eau

III- Conséquences sur les écosystèmes de rivière Sur la flore : Ennoiement de micro-tourbières, de landes humides, de prairies humides acides, de pelouses silicicoles… Toutes ces formations végétales sont rares et fortement menacées Remplacement par des espèces banales

Sur les invertébrés aquatiques [3] : Indice Biologique Global Normalisé : note sur 20 de la qualité des cours d’eau selon la polluosensibilité et la diversité des invertébrés Meilleure est la qualité du cours d’eau en amont, plus fort est l’impact du plan d’eau Fonctionnement de type « lagunage », épuration des rejets pour des cours d’eau très altérés Impact sur les invertébrés aquatiques

Cas des écrevisses autochtones Espèces très sensibles à la qualité du milieu (eau fraîche, bien oxygénée, habitat de qualité : ex. écrevisse à pattes blanches) forte régression du domaine vital de l’espèce au 20ème siècle : s’étendait initialement jusqu’à la zone à barbeaux (Huet), réfugiée actuellement en têtes de bassin encore préservées, avec de petites populations isolées => très impactée par la création de retenues collinaires Exemples typiques dans le département du Rhône

Parc Naturel Régional du Pilat, cours d’eau : le Bassenon (2005) [6] Densité très élevée, 3 à 4 ind./m² observés 15 spécimens observés/ 800m, dont 3 morts 500m

Bassin versant de l’Azergues Cours d’eau : ruisseau de Nizy [7] Secteur colonisé par l’écrevisse à pattes blanches Retenues = sources de propagation d’espèces invasives Secteur colonisé par l’écrevisse américaine Même cas, très fréquent, avec l’écrevisse Signal + propagation amont… 500m

Bassin versant de l’Yzeron : Cours d’eau : le Ribes [8] Propagation de l’écrevisse de Louisiane à partir de deux retenues espèces susceptibles de provoquer des déséquilibres biologiques Compétitrices, porteuses saines de la « peste des écrevisses »

Impact sur la faune piscicole

Étude Conseil Supérieur de la Pêche

Espèces (abréviation des noms) Apports d’espèces de plan d’eau inadaptées au cours d’eau : exemple sur le ruisseau de Fondagny (Bassin versant du Mornantet, 69) : 9000 ind./ha, 120kg/ha. Cas extrême, populations de poissons uniquement issues de l’étang 1500m en amont, absence d’espèce autochtone ; équivalent des quantités naturellement présentes [9]. Espèces (abréviation des noms)

Principaux impacts : Perte d’habitat (zone noyée par la retenue, débits affaiblis, colmatage, érosion du lit) Réchauffement des eaux incompatible avec les exigences biologiques des espèces Dégradation de la qualité physico-chimique : taux d’oxygène, substances toxiques Reproduction compromise : colmatage des sites de frai, asphyxie des œufs (exemple de la truite qui se reproduit en tête de bassin sur les graviers) Barrière aux flux biologiques : plus d’échanges entre l’amont et l’aval ex : dérive naturelle des invertébrés stoppée, appauvrissement en aval ex : migrations des poissons stoppée vers l’amont (reproduction, refuge, …) Synergie de ces différentes perturbations : les organismes supportent moins le réchauffement de l’eau lorsque sa qualité est altérée, lorsqu’il y a moins d’oxygène ; et vis-versa.

En résumé : Les ruisseaux de tête de bassin sont des écosystèmes riches et fragiles, hébergeant des espèces rares. L’impact des plans d’eau sur les rivières est majeur sur les plans physiques, chimiques et biologiques. Les plans d’eau en travers des cours d’eau sont les plus impactants ; mises en dérivation en général plus complexe, donc plus rare, difficiles à entretenir, ne réduisant que partiellement les impacts. Les impacts des retenues s’intensifient dans le contexte actuel de changement climatique : réchauffement, évaporation accrus.

Références [1] BRL ingénierie, 2005 : Étude de faisabilité pour une meilleure gestion des étiages du bassin de l’Yzeron. Rapport d’étude au SAGYRC, 64p [2] BURGEAP, 2005 : Étude des débits et des prélèvements et mise en place d’un observatoire. Bassin versant du Rhins, Rhodon et Trambouzan. Rapport d’étude aux Communautés de Communes, 50p. [3] ECOSPHERE-HYDROSPHERE, 2001 : Impacts des plans d’eau. Rapport d’étude à la DIREN Champagne-Ardenne, 126p. [4] DAUDEY T., 2005 : Incidence des étangs sur un cours d’eau apical. Exemple du bassin versant du Combois. Rapport de Master I SST, université de Franche-Comté, 56p [5] GREBE, 2006 : Suivi de la qualité du Lac des Sapins. Campagne de mesure 2004/2005 pour le compte du Syndicat Mixte pour l’Aménagement du Lac des Sapins. [6] CROUZET P., 2005 : Protection des ravins rhodaniens du P.N.R. du Pilat : diagnostic et propositions d’actions par l’étude d’une espèce bioindicatrice : l’écrevisse à pieds blancs. Rapport de Master II, université Lyon II – FRPPMA, 56p [7] FRPPMA, 2001 : Contrat de Rivière Azergues - Étude Piscicole et Astacicole, rapport final. 79p [8] FAURE J-P., 2006 : Caractérisation d’une population d’écrevisses de Louisiane (Procambarus clarkii) dans le département du Rhône (69) Bassin versant de l’Yzeron, Ruisseau de Ribes et Combe aux Vers (Cornatel). Rapport d’étude, 10p. [9] FAURE J-P., 2006 : Suivi piscicole et astacicole du Garon et de ses affluents, bilan 1997-2006. Rapport d’étude au SMAVG, 125p. [10] DURELET, 2007 : Exemples d'actions pour limiter l'impact des étangs sur les ruisseaux. Acte des journées techniques nationales "Gestion des ruisseaux de têtes de bassin et des zones humides associées". 5p.