Théories du développement

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Transcription de la présentation:

Théories du développement (Seconde version) Guy Bajoit (guy.bajoit@uclouvain.be)

Plan de l'exposé Introduction. - Un monde d'inégalités scandaleuses - La question et les réponses des sociologues. Chapitre 1. 1950-1975 : les deux premières théories du développement. - Le contexte de la guerre froide. - (1) La théorie de la modernisation - (2) La théorie la révolution (ou de la dépendance) Chapitre 2. 1075-2010 : Les deux théories actuelles. - Le contexte de crise des années 1975-85 - (3) La théorie de la compétition - (4) La théorie de la démocratie Chapitre 3. Une cinquième théorie ou une utopie ? - Critique de l’ethnocentrisme des théories du développement - (5) La « théorie » de l’identité culturelle. Chapitre 4. Vers une nouvelle approche. - Critique des cinq théories ci-dessus. - Les problèmes vitaux de la vie collective - (6) La théorie du développement éthique et durable. - Les conditions du développement et de la coopération.

Des inégalités scandaleuses Introduction Des inégalités scandaleuses Les inégalités de développement entre les nations du monde sont immenses. Si l'on compare les PIB/hab. (corrigés par le pouvoir d'achat) : la moyenne mondiale se situe à 10.686 $ entre 2010 et 2012. Quelques cas : Luxembourg : 86.899 ; Norvège : 56.692 ; USA : 47.199 ; Belgique : 37.600 ; Russie : 19.891 ; Brésil : 11.210 ; Amérique latine : 10.799 ; Chine : 7.599 ; Bolivie : 4.849 ; Inde : 3.425 ; Monde arabe : 8.032 ; Afrique noire : 2.162 ; Bénin : 1.508 (selon la BM) Ces inégalités de développement ne cessent de grandir : malgré tous les beaux discours et les efforts pour promouvoir le développement, la majorité (sauf quelques exceptions) des pays du monde sont en « état de stagnation durable » plutôt qu’en « voie de développement ». Cette évolution ne signifie pas que la coopération soit inutile mais bien qu'elle ne constitue pas le facteur essentiel du développement : elle ne peut qu'aider des acteurs internes porteurs d'un projet d'avenir, dans les pays où ces acteurs existent, où ils ont le pouvoir d'agir et où ils font vraiment ce qu'ils disent.

La question et les réponses des sociologues. Comment la sociologie explique-t-elle le « dynamisme inégal de développent » des sociétés humaines ? Pourquoi ce dynamisme est-il puissant dans certains pays et pas dans d’autres, plus puissant dans un pays à certaines époques qu'à d’autres ? Les sociologues ne s’accordent pas entre eux sur une réponse à cette question (métaphore de l’appareil photographique). De 1950 jusqu'aujourd'hui, on peut trouver au moins cinq « théories du développement », qui ont été ou sont encore plus ou moins crédibles. Pour la clarté de l'exposé et pour permettre la comparaison entre les réponses, j'ai appliqué à tous la même grille d'analyse en six questions.

La grille d'analyse 1. Cause ? Quelle est la cause principale du sous-développement ? Quel est l’obstacle principal au dynamisme du développement ? 2. Définition ? Qu’est-ce que le processus de développement ? Comment peut-on le définir ? 3. Que faire ? Que faut-il faire pour développer un pays, une collectivité ? Quelle politique faut-il mener ? 4. Qui ? Qui sera l’acteur principal (le pilote) du processus de développement dans une collectivité ? Sur qui peut-on compter ? 5. Exemples ? Où peut-on trouver des exemples historiques de tentatives de développement, menées avec cette politique et conduites par cet acteur ? 6. Coopération ? En quoi doit consister une bonne politique de coopération au développement ?

Chapitre 1. Les deux premières théories1950-1975 Le contexte La guerre de 1940-45 et la redistribution des cartes de l’hégémonie mondiale ; La fin de l’époque coloniale ; L’époque des « trente glorieuses » ; La guerre froide et les deux voies de l’industrialisation au Nord : le capitalisme et le communisme.

(1) Théorie de la modernisation Cause ? Un problème culturel. La mentalité traditionnelle, les coutumes culturelles résistent à la pénétration de la modernité (conception du monde, modes d’organisations et de vie, technologie…). Exemples. Définition ? Le développement est la passage progressif et contrôlé de la société traditionnelle à la société moderne. Que faire ? Une politique de modernisation : infrastructures, économie (monnaie, commerce, réforme agraire, substitution des importations), administration publique, construction de la nation, armée, urbanisation, et surtout, éducation et culture. La démocratie : si possible ! Qui ? Les élites modernisatrices de l’État, au service de la bourgeoisie nationale. Exemples ? Les tentatives nationalistes (Inde, Indonésie, Egypte, Corée du Sud, Taïwan…) et les populismes latino- américains. Coopérer ? Assistance technique au processus de modernisation.

(2) Théorie de la révolution (dépendance) Cause ? Un problème politique. Le pillage systématique des richesses nationales par l’impérialisme (économique, politique et idéologique), avec la complicité des classes dominantes internes. Exemples. Définition ? Le développement est un processus de libération nationale (contre l’impérialisme) et social (contre les classes dominantes internes). Que faire ? D’abord, une révolution politique (prendre le contrôle de l’État : voie armée ou politique) ; ensuite, un programme de modernisation, mené au profit des classes populaires. Qui ? Les élites révolutionnaires du parti (ou du Front) qui prennent le pouvoir et le mettent au service du peuple. Exemples ? Les tentatives socialistes et communistes : Chine, Corée du Nord, Cuba, Algérie, Vietnam, Mozambique, Burkina- Faso, Nicaragua… Coopérer ? Solidarité politique (et militaire) dans la première phase ; assistance technique dans la seconde.

Chapitre 2 : Les deux théories actuelles (1975-2010). Le contexte - le développement de l'informatique et de la robotique a engendré une « révolution technologique » ; celle-ci a rendu possible une forte hausse de la productivité du travail ; d'où la généralisation du capitalisme néolibéral (libre circulation des biens, des services, des capitaux, des informations, des compétences) ; - l'ère coloniale a pris fin (entre 1947 et 1975) ; la paix avait été garantie dans les pays occidentaux (Détente, Construction de l'Europe, OTAN) ; la compétition entre l'Est et l'Ouest s'est soldée (1989) par l'effondrement du bloc communiste ; - la démocratie parlementaire représentative fut très critiquée ; les États nations, liés par de nombreux accords internationaux, on perdu une grande partie de leur souveraineté ; - de « nouveaux mouvements sociaux » et des groupes « terroristes » ont mis en question le contrat social ; - une mutation culturelle à engendré un malaise de la jeunesse, qui s'était exprimé partout par des révoltes ou par un recul de l'implication politique.

(3) Théorie de la compétition Cause ? Un problème économique. La rationalité économique fonctionne mal à cause des interférences néfastes de la logique politique et bureaucratique des États. Exemples. Définition ? Le développement est un processus d’accumulation de richesses, qui résulte du fonctionnement du marché libre. Que faire ? Privatiser tout ce qui peut l’être (donc, pas tout !). Rationaliser l’État et le mettre au service du marché. Exporter : participer aux échanges mondialisés. Responsabiliser les individus. Respecter les ajustements structurels (les grands équilibres économiques). Qui ? Les élites innovatrices privées (l’intérêt privé est le meilleur garant de l’intérêt général), guidées par les grandes organisations internationales (OMC, FMI, BM, G8…) Exemples ? Le Chili, les « Dragons » asiatiques, les pays du Mercosur… Coopérer ? Supprimer l’assistance. Promouvoir l’autonomie, favoriser les échanges, créer des micro-entreprises.

(4) Théorie de la démocratie Cause ? Un problème social et écologique. Le modèle compétitif détruit la solidarité sociale (inégalités croissantes, carences démocratiques, logique de consommation) et l’environnement (logique de profit). Il n’est pas « durable ». Définition ? Le développement est un processus qui dépend avant tout de la démocratisation politique et sociale de la collectivité. Que faire ? Démocratiser la vie politique et sociale. Favoriser les revendications des acteurs populaires. Instituer la conflictualisation de la société. Obliger les États et les classes gestionnaires à s’occuper de l’intérêt général. Qui ? Les mouvements politiques et sociaux populaires (des ouvriers, des paysans, des jeunes, des femmes, des pauvres…) sont les garants du processus de développement. Exemples ? Multiples tentatives de revenir (ou d’en venir) à la démocratie dans beaucoup de pays d’Afrique, d’Am. Lat…. Coopérer ? Coopérer avec les acteurs de « base » (conscientisation, éducation populaire, syndicats, économie social solidaire…)

Chapitre 3 : La cinquième « théorie » : une vision utopique Le contexte Une prise de conscience dans le Sud : la généralisation au monde entier du mode de vie des 20% les plus riches de la planète semble bien impossible et indésirable (raisons écologiques, sociales et culturelles). Par conséquent, le développement ne saurait consister à imiter le mode de vie des pays occidentaux (à grimper dans le ranking des PIB/hab). Une prise de conscience dans le Nord : beaucoup d’acteurs pensent que le modèle de développement qui y règne est mauvais, autant pour le Nord que pour le Sud. Ils cherchent une alternative, ils croient qu’ « un autre monde est possible ». La mondialisation leur apparaît comme la dernière version de l’impérialisme occidental. Ils sont « alter » ou « anti » mondialistes. Une résistance : la mondialisation provoque des résistances, des réaffirmations d’identités culturelles locales (nationales, régionales, ethniques, communautaires, religieuses, intégristes…). L’ « anti » mondialisme se mêle à l’ « alter » mondialisme (même si ce sont bien deux mouvements différents).

L’ethnocentrisme des quatre théories Développe- ment = industriali- sation Qui ? L’État La société civile Voie capitaliste MODERNISATION État et bourgeoisie nationale Nationalisme COMPETITION Elites néolibérales internationalistes Libéralisme Que faire ? Voie socialiste REVOLUTION Dirigeants du Parti révolutionnaire Communisme DEMOCRATIE Mouvements sociaux (ex.: Ouvrier) Social-démocratie

(5) « Théorie » (ou utopie) de l’identité culturelle Cause ? La cause est bien culturelle. Les modèles de développement sont inefficaces parce qu’ils sont inadaptés aux cultures des peuples auxquels ils sont appliqués. Impérialisme culturel. Définition ? Chaque peuple devrait inventer son propre modèle, conforme à son identité culturelle, son histoire, sa mémoire. Que faire ? La base territoriale du développement est le local (non le national) et le culturel (non le politique), ce qui implique une fédéralisation. Il faut sauver du passé tout ce qui peut l’être (religion, coutumes, technologies…) et sélectionner dans la modernité tout ce qui ne nuit pas à l’identité. Qui ? Les élites culturelles des communautés Exemples ? Cette préoccupation pour l’identité culturelle est présente dans beaucoup de pays : Japon, Chine, Pays musulmans, Indes, Europe des Régions… Coopérer ? Mieux vaut ne pas intervenir : la coopération fait partie du problème et non de sa solution. « Restez chez vous ! »

Chapitre 4 : Pour un développement éthique et durable Critique des théories exposées ci-dessus : 1. La théorie de la modernisation nous apprend qu'il ne peut y avoir développement sans modernisation technique et culturelle, mais elle ne nous met pas en garde contre le danger de détruire les cultures traditionnelles. 2. La théorie de la révolution nous apprend que le développement est impossible sans contrôle des richesses nationales, mais ne dit pas qu'il est tout aussi impossible si la nation se replie sur elle même et ne participe pas aux échanges internationaux. 3. La théorie de la compétition nous apprend qu'il ne peut y avoir développement sans croissance de la richesse produite, mais elle ne nous dit pas qu'il sera tout aussi difficile si cette richesse n'est pas distribuée dans l'ensemble de la population. 4. La théorie de la démocratie nous enseigne qu'il n'y a pas de développement sans démocratie politique et sociale, mais elle oublie qu'il sera tout aussi difficile sans un gouvernement fort qui pilote le processus. 5. La théorie de l'identité culturelle nous apprend que le développement doit s'enraciner dans la culture ancienne de la collectivité, mais elle a tendance à oublier qu'il faut aussi moderniser l'ensemble des structures de la société.  

Les problèmes vitaux de la vie collective Pour qu'une collectivité humaine quelconque puisse survivre (durer dans le temps) et se développer, elle doit être capable de résoudre six problèmes vitaux : 1. Produire plus de richesses qu'elle n'en consomme et les distribuer de manière à satisfaire les besoins de sa population ; 2 Produire des richesses sans détruire ses ressources non renouvelables et son environnement ; 3. Garantir la paix avec les autres collectivités et ne pas perdre le contrôle de ses ressources dans ses échanges avec elles ; 4. Maintenir son ordre politique interne (légiférer, juger, réprimer, gouverner) ; 5.Garantir la coexistence pacifique entre les groupes d'intérêt qui la constituent (son contrat social) ; 6. Socialiser ses nouveaux membres et les intégrer (leur donner des rôles sociaux et des ressources pour les accomplir).

(6) La théorie du développement éthique et durable La résolution de ces six problèmes vitaux implique la gestion de contradictions et de conflits entre les acteurs du développement. 1- Le bien-être matériel : ceux qui contrôlent la croissance des richesses ne sont pas souvent disposés à la redistribuer. 2- La sécurité écologique : ceux qui participent au mouvement d'innovation technique ont tendance à détruire l'environnement. 3- L'autonomie internationale : ceux qui participent aux échanges externes tendent à perdre le contrôle des ressources nationales. 4- La démocratie politique : les gouvernements forts préfèrent ne pas devoir respecter les exigences de la démocratie politique. 5- La démocratie sociale : les groupes sociaux dont les intérêts sont reconnus (institués) ont tendance à exclure du contrat social les groupes dont les intérêts ne sont pas reconnus. 6- L'intégration sociale : ceux qui participent utilement à la réalisation d'un projet de développement ont tendance à imposer leur normes et leurs valeurs à ceux qui en ont d'autres.

Développement et coopération - Le développement serait alors le fruit de la capacité des acteurs (dirigeants et dirigés) d’une collectivité de résoudre les contradictions et les conflits énoncés ci-dessus, d’une manière efficace, et par des moyens légitimes. - Au cours de l'histoire, depuis deux ou trois mille ans, dans toutes les régions du monde, de nombreux acteurs, ont réussi à maîtriser cette capacité. Le développement est donc possible. - Cependant, pour qu'il se produise dans une collectivité donnée, il faut que les acteurs qui ont intérêt à résoudre ces contradictions et ces conflits soient plus forts que ceux qui, au contraire, ont intérêt à les exacerber. - Ce rapport de force se produit quand de tels acteurs dirigeants parviennent à contrôler les pouvoirs de l'État et la production des richesses économiques, et quand ils sont à la fois soutenus et contrôlés par des acteurs dirigés organisés et mobilisés. - Coopérer au développement c'est aider ces acteurs-là, ceux qui cherchent vraiment à (et pas seulement qui disent vouloir) résoudre ces contradictions et ces conflits . Corollaire : c'est aussi refuser de collaborer avec ceux qui ont tout intérêt à les exacerber ! Toute la question est donc de savoir à qui l'on a affaire, avec qui l'on veut collaborer et pour faire quoi.

Sources : Guy Bajoit, « Pourquoi les richesses du monde sont-elles si inégalement réparties ? Théories sociologiques du développement » et «Repenser le développement », in Revue Antipodes, n° spécial Le Développement, série « outils pédagogiques », réédition d’octobre 1997. Ces articles sont disponibles sur le site d’ITECO au format PDF. (www.iteco.be). Voir aussi : Guy Bajoit, François Houtart et Bernard Duterme : Amérique Latine, à gauche toute ? (Charleroi, Editions Couleur Livre, 2010, Publication du CETRI).