Discussion-débat autour de « L’impôt heureux »

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Discussion-débat autour de « L’impôt heureux » Le rôle démocratique des impôts

Survol historique L’impôt, preuve d’organisation des sociétés Il apparaît avec la sédentarisation des peuples. Organisation d’une défense, ou remplacement des razzias par des tributs réguliers, plus profitables. On comprend les bienfaits d’une certaine modération Il y a deux causes aux révolutions, le prix du pain et le montant des impôts « Un bon berger tond ses moutons, il ne les écorche pas » (Tibère) On ne l’applique pas pour autant Impôts arbitraires au Moyen-Age, Seigneurs exemptés, etc. Entraves à la circulation des marchandises Changement des Révolutions françaises et américaines Jean-Jacques Rousseau: « Les impôts ne peuvent être établis légitimement que du consentement du peuple ou de ses représentants » L’idée de justice fiscale apparaît

L’impôt moderne Définition Fonction Conditions Georges Vedel (France, 1910-2002): « L’impôt est une prestation pécuniaire requise des particuliers par voie d’autorité, à titre définitif et sans contrepartie, en vue de la couverture des charges publiques. » Fonction Essentiellement, l'impôt transfère de l’argent vers le pouvoir politique (et ses organes, qui peuvent être multiples) Cet argent est prélevé auprès de tout ou partie de la population. Conditions L'impôt est donc toujours une part prélevée sur une création de richesse Il ne peut y avoir impôt que s’il y a surplus (Certaines sociétés primitives sans impôts – Amazonie, Bornéo - limitaient volontairement leur production)

Facteur de cohésion sociale L’impôt arbitraire est un ferment d’instabilité Emeutes, révoltes, Jacqueries Ressenti comme équitable, l’impôt est facilement prélevé Diminution de la fraude Maintien du contentieux à un niveau bas Générateur de prestations visibles Sécurité, santé, social, éducation, infrastructures, tribunaux… Compensateur Réduction des inégalités (vieux, chômeurs, familles déstructurées) Accessibilité à la santé ou la culture

La régulation par l’impôt Prélevé, puis dépensé, l'impôt fait toujours coup au moins double, ce qui fait de la fiscalité un outil primordial, déclinable en variantes adaptées à toutes les politiques. Favoriser une production (taxes douanières) Favoriser la santé (impôt sur le tabac) Moderniser (impôt sur les barbes, Russie XVIIIè siècle) Diriger le trafic (Péages pour les centres-villes) Poursuivre les criminels (Al Capone condamné pour fraude fiscale) Influencer l’économie (Baisses d’impôt favorisant la consommation) Influencer la politique extérieure (Grosse taxe US sur le Roquefort français pour faire lever l’interdiction du bœuf aux hormones) …

Quelques anecdotes sur les impôts Le pouvoir du fisc Photographié sur la devanture d’un magasin de Niamey (Niger)

Quelques anecdotes sur les impôts La dérive des impôts Sous le titre « Nadal snobera le Queen’s en 2012 » (Times 13 oct 2011) « La vérité c’est qu’au Royaume-Uni la fiscalité est trop lourde. Quand je joue dans ce pays je perds de l’argent », a répondu Raphaël Nadal au journaliste qui lui demandait pourquoi il irait préparer Wimbledon sur le gazon allemand de Halle et non sur celui du Queen’s à Londres. C’est qu’en Angleterre les vedettes du sport sont non seulement imposées sur leur cachet (50%), mais encore selon leurs revenus mondiaux au prorata du temps passé dans le pays. Or, en 2012, Nadal jouera deux fois à Wimbledon, la seconde à l’occasion des Jeux Olympiques. Ajouter le Queen’s aurait été trop. Il n’est pas le seul à renâcler. En 2010 Usain Bolt a renoncé au meeting de Londres pour la même raison. A vouloir trop gagner, on peut perdre beaucoup.

Quelques anecdotes sur les impôts Et pourtant Londres aime les riches En mai 2011, sous le titre « Immigration », le mensuel « La Revue » notait: « Pour attirer les investisseurs étrangers, le gouvernement du Royaume-Uni vient d’avoir l’idée d’un visa spécial. Un non-Britannique investissant 10 millions d’Euros dans une société du Royaume-Uni pourra y devenir résident permanent en deux ans. Il en faudra trois si on investit 5 millions et 5 pour 1 million. De riches familles du Moyen-Orient se seraient déjà montrées intéressées. » Et l’on ne cesse d’entendre, en Suisse et dans le Canton de Vaud, des appels à la suppression de l’impôt à la dépense (forfait).

Quelques anecdotes sur les impôts Le Mobilhome… ne l’est que pour le fisc Qui n’a été frappé par l’aspect ridiculement accessoire des roues de ces gigantesques caravanes nommées « Mobilhome »? Vous n’envisageriez pas de remorquer un tel engin? Vous avez raison. Ces roues ne sont indispensables… que fiscalement. En France, pour ne prendre qu’un exemple, elles permettent à ces véritables résidences secondaires (et parfois principales) de n’être assujetties ni aux taxes foncières ni aux taxes d’habitation. Lorsqu’il s’agit vraiment de déplacer un « Mobilhome », c’est une grue qui s’en charge et le dépose délicatement sur le pont d’un camion.

Universalité de l’impôt On paie le fonctionnement et les prestations de tout l’Etat, et non morceau par morceau. Avantages Simplicité Adaptation permanente aux différentes dépenses Souplesse d’utilisation (L’ affectation à la route du compte routier complique une gestion intégrée des transports) Lissage des situations particulières (La taxe au sac ignore la différence entre une famille de trois bébés et un célibataire) Inconvénients Opacité des coûts

Diversité des prélèvements Plus il y a d’impôts, plus c’est facile de moduler En se reposant presque uniquement sur les impôts de consommation, la Grèce s’est mise en danger Nombre de pays africains ne connaissent pas de réel système fiscal. Les ressources de l’Etat proviennent des matières premières (pétrole, mines, bois, cacao, etc.) En Suisse (2009) le montant total des impôts et taxes des collectivités publiques s’élevait à 120,3 milliards de francs Confédération: 57,1 milliards Cantons: 38,8 milliards Communes: 24,4 milliards

Aperçu des impôts prélevés par l’Etat de Vaud Comptes 2010 Part du total Revenu 3’055’923’000 59,7% Fortune 427’945’000 8,4% Source 162’713’000 3,2% Impôt spécial étranger 101’910’000 2,0% Impôt sur le bénéfice 587’315’000 11,5% Impôt sur le capital 56’909’000 1,1% Impôt compl. Immeubles 22’942’000 0,4% Gains immobiliers 170’692’000 3,3% Droits de mutation 175’164’000 3,4% Successions et donations 97’154’000 1,9% Taxes auto 214’182’000 4,2% Divers 47’714’000 0,9% 5’120’563’000 100%

Exemple de modulation d’un impôt Pour 2012, le Grand Conseil a admis une modification de l’impôt des entreprises et du coefficient cantonal Depuis 2009 (imputation de l’impôt sur le bénéfice sur l’impôt sur le capital) les entreprises rentables ne paient plus d’impôt sur le capital, seules les entreprises sans marge s’en acquittent, ce qui aggrave leurs problèmes Cet impôt passe de 0,6 à 0,3 pour mille. Il devient marginal, mais subsiste, ce qui permettrait de le rehausser en cas de besoin. Le Coefficient cantonal baisse d’un point pour la première fois depuis vingt ans. Mais pour un an seulement La pression fiscale doit pouvoir être adaptée régulièrement à la situation des finances publiques. Une rediscussion annuelle permet ce réglage

Le poids des impôts Comparaison internationale Impôts et cotisations sociales en % du PIB en 2010 Sources. OCDE, 2010. *2009

Equité fiscale Repose largement sur un « bon sens collectif » La notion de « Justice fiscale » a été introduite par les Révolutions françaises et américaines Elle est indispensable à l’acceptabilité du système Repose largement sur un « bon sens collectif » Celui qui gagne plus peut payer plus Il doit y avoir une limite (sinon exode des bons contribuables) A situations spéciales régimes spéciaux Personnes économiquement faibles Biens à protéger (domaines agricoles) Etrangers sans activités lucratives … La diversité des cas rend « l’égalité fiscale » inaccessible, mais le système doit être ressenti comme juste.

Impôts et démocratie vont de pair Deux économistes français (André Barilari et Thomas Brand) ont vérifié le « paradoxe de Montesquieu »: « Plus les gens sont libres, plus ils acceptent les impôts, moins ils le sont, moins ils les admettent. » Constat: Poids fiscal faible (12 à 15% PIB), pays dictatoriaux ou à faible indice de développement humain (IDH) Poids moyens (15à 25% PIB), semi-démocratique, IDH moyen Audessus (plus de 28% du PIB), pays presque toujours démocratiques, IDH élevé. Coût marginal croissant Au-dessus de 33%, l’augmentation de la fiscalité ne correspond plus, ou très marginalement à des progrès démocratiques.

Conclusion La Suisse est un des très rares pays où le peuple vote souvent sur les impôts. Conséquence pour l’autorité: Attention aux changements (nouvelles activités, redevance TV) Réglages perpétuels Correspondance aux prestations Continuelle nécessité d’expliquer, de faire comprendre, et de faire admettre le système fiscal (Et c’est pour cela que j’ai réalisé « L’impôt heureux ») Pascal Broulis