Coopération et construction des territoires : quels leviers communs autour de l’écologie industrielle et de l’économie de la fonctionnalité ? Muriel Muriel Maillefert Université Lyon 3 et CRGA-EVS UMR 5600 muriel.maillefert@univ-lyon3.fr Isabelle Robert Université Lille Nord de France-SKEMA Business School isabelle.robert-2@univ-lille2.fr
INTRODUCTION Objectif de la recherche Comparer des expérimentations d’EF et d’EI Regard à partir des acteurs, de l’action collective et des territoires Hypothèse d’une double structuration des démarches : par les modes de coordination et la construction d’une valeur territoriale Déclinaison à partir de cas de l’EF, appui sur l’étude d’entreprises (BM) (Club de l’économie de la fonctionnalité) Recherche de « modèles territoriaux » de l’EF
2 L’économie de la fonctionnalité Plan 1 Les Business Models 2 L’économie de la fonctionnalité 3 Du projet d’entreprise au projet territorial (la construction du territoire) 4 Etude de cas 5 Analyse et discussion Muriel En région Nord Pas de Calais, de nombreux exemples sont désormais bien identifiés : les démarches d'écologie industrielle dans le dunkerquois (Beaurain et Brullot, 2011; Varlet, 2012, Maillefert, coord, 2013), le projet « villes durables » sur la zone de l'Union (Lipovac et Boutonné, 2014), l'ensemble d'initiatives sur les nouveaux modèles économiques dans diverses entreprises (Vuidel et al, 2012), le projet Humanicité etc… L'ensemble de ces projets ou démarches repose sur deux leviers communs. Le premier concerne la question des relations entre acteurs, qui se fondent sur des principes différents de la logique habituelle productive ou consommatrice (par exemple, le développement d'actions collectives privilégiant la coopération plutôt que la concurrence pour le volet productif des démarches; des formes de consommation orientées vers l'usage et sa mutualisation pour le volet consommation). Ainsi, dans une approche systémique de l’écologie industrielle, la coopération s’opère à travers la mutualisation et l’interaction des flux entre parties prenantes (entreprises, acteurs privés et publics territoriaux) (Maillefert et Schalchli, 2010). Dans le cadre de l’économie de la fonctionnalité, elle repose sur la mutualisation des usages entre acteurs et sur des dynamiques de co-production entre usagers, entreprises et acteurs territoriaux (Vuidel et al, 2012). Ce modèle économique tend ainsi à remodeler les relations partenariales entre entreprises et clients autour de solutions construites dans et par la relation coopérative entre parties prenantes (Huet et Choplin, 2012). La seconde dimension commune à ces projets concerne le rapport au territoire. Alors que le territoire est le plus souvent considéré comme un simple support de l'activité économique (productive ou hédonique), les démarches qui se réclament de l'économie de la fonctionnalité et de l’écologie industrielle proposent un rapport différent au territoire. Dans le cas de l'écologie industrielle, la dimension territoriale est analysée à travers la construction, par les acteurs, d'un objectif commun d'action collective (Maillefert et Schalchli, 2010). Dans le cas de l'économie de la fonctionnalité, la proposition aux clients de solutions globales intégrant services et usage de biens tend à s’inscrire dans une logique de création d’externalités sociales et environnementales positives sur le territoire (Du Tertre, 2011). Cette communication cherche ainsi à s'interroger sur ce qui fait sens dans chaque modèle et entre les modèles autour de ces deux dimensions (la coopération et le territoire). Si le territoire est appréhendé à partir de l'idée de création/activation de ressources (Courlet et Pecqueur, 2013), quel lien les acteurs font-ils avec les ressources naturelles, les éco-systèmes (est-ce médiatisé par des objets, des outils etc) ? Comment se construit l'action collective (objectifs, moyen,…)? Comment se construit une proposition de valeur fondée sur une démarche multi-acteurs dans le cas de l’économie de la fonctionnalité? En quoi la dimension partenariale et territoriale devient un facteur clé de succès de ces nouveaux modèles économiques? Au-delà de ces interrogations, cette communication a pour objectif de montrer l'intérêt de mobiliser un nouveau concept, celui de création de valeur territoriale. Nous monterons que celle-ci émerge au carrefour de trois pôles : le système d’acteurs, les ressources et les externalités. http://www.humanicite.fr/Un-projet-urbain-collectif-12.html
1 Les business Models
La proposition de valeur La fabrication de la valeur Les Business Models : une nouvelle façon d’appréhender la capture de la valeur par un réseau d’acteurs Génération Rémunération Partage Les porteurs du projet Les sources de revenus Conventions et conviction La proposition de valeur Le volume de revenus Le réseau des parties prenantes La fabrication de la valeur Les profits L’architecture de valeur Isa La notion de Business Models (BM), dénommée également « modèle économique », apparue à la fin des années 90 avec l’émergence de l’e-business, la propagation des nouvelles technologies de l’information et la dérèglementation massive de nombreux secteurs économiques (Demil et al, 2013), rencontre aujourd’hui un vif succès dans la sphère économique. Au-delà de son analogie avec les activités des start-up internet, ce concept interroge plus généralement les mécanismes de création de valeur. De nombreux auteurs, par des approches distinctives, ont formalisé les composantes d’un BM et étudié plus spécifiquement, d'une part, l’interaction entre ces dernières et la performance de l’entreprise mais également le lien entre la stratégie des entreprises et leur BM. Certains travaux ont mobilisé la théorie des ressources et compétences en y associant une approche systémique (Lecocq et al, 2006), la théorie des conventions (Verstraete et Jouisson-Lafitte, 2009), d’autres l’ont abordé selon une approche évolutionniste (Gambardelle et McGahan, 2010), une approche des systèmes ouverts (Chesbrough, 2006), une approche institutionnelle (Laifi, 2012). L'enjeu est double : appréhender l’émergence de ces nouveaux business models ainsi que leur approche disruptive (Laifi, 2012), d'une part, et circonscrire les différentes facettes de ces BM, d'autre part. Cette diversité d’approches, la mobilisation de dimensions multiples transversales et multidisciplinaires (Lecocq et al, 2006) ; dynamiques (Arlotto et al, 2011) donnent une image incertaine et floue de la notion. Le BM fait ainsi référence à une multiplicité de référents (création de valeur, innovation, réseaux, compétitivité…) ce qui aboutit à la diffusion d’un concept aux contours incertains. Cependant, comme le soulignent Demil et Lecocq (2008), un consensus autour des dimensions génériques du BM émerge. Ce sont (1) la proposition de valeur composée d’un ensemble de produit et/ou service, (2) la fabrication de la valeur reposant sur une combinaison de ressources et de compétences, (3) la captation et la rémunération de cette valeur et (4) la dimension organisationnelle prenant appui sur un réseau d’acteurs (Demil et al, 2013 ; Verstraete et al, 2012 ; Osterwalder et Pigneur, 2011…).
2 L’économie de la fonctionnalité
L’économie de la fonctionnalité : version « as usual » Modèle industriel Économie de la fonctionnalité TRANSITION Vente d’une PERFORMANCE D’USAGE Vente d’un BIEN Isa
Sphères fonctionnelles Externalités L’économie de la fonctionnalité comme création d’externalités (Du Tertre, 2011) Valeur d’usage Système d’acteurs Ressources Sphères fonctionnelles Externalités Isa Parmi les business models innovants, « la substitution de la vente de l’usage d’un bien à la vente du bien lui-même » (Bourg et Buclet, 2005 : 29) (définition initiale de l’économie de la fonctionnalité) questionne le modèle économique d’entreprise dans ses propres fondements (proposition de valeur, architecture de valeur, dispositifs d’innovation, équation économique…). Formalisée en 1986 sous le terme anglais service economy (Stahel et Giarini, 1986), cette approche vise à optimiser la fonction d’usage des produits et services tout en réduisant la consommation matérielle et énergétique. Avec la popularisation du concept de développement durable, l’économie de la fonctionnalité (EF) s’est peu à peu imposée pour les managers comme un nouveau modèle économique visant à réduire les externalités environnementales (Buclet, 2005, Zacklad, 2007). Elle doit également révolutionner l’activité productive (Moati 2012 : 156), qui « s’est jusque-là concentrée sur la production d’outputs et devrait porter sur la fourniture d’outcomes ». Le recentrage sur la valeur d’usage et plus globalement sur « les effets utiles que procurent, dans l’usage, l’intégration des produits ou des services » (Gaglio et al, 2011) et l’absence de transfert des droits de propriété au client constituent la clé de voute du modèle, impliquant de revisiter les modes de production, d’organisation, de rémunération des entreprises et d’initier de nouveaux comportements d’usage aussi bien au niveau des entreprises que des consommateurs. Elle nécessite donc de repenser la propriété et par sa nature coopérative et co-créatrice, de réexaminer les rapports de propriété sur les marchés (Rifkin, 2012). Les travaux du Club Economie de la fonctionnalité ont permis à travers de nombreuses expériences menées sur le terrain et grâce au suivi de nombreux entrepreneurs de proposer une définition plus large que celle définit initialement mais à la fois plus précise : Plus large dans le sens où l’économie de la fonctionnalité ne peut être circonscrite à la simple vente d’un usage. Du Tertre (2011: 35) singularise ce modèle comme étant basé sur « la conception et la réalisation de solutions s’appuyant sur l’intégration de biens et de services de telle manière que cette dernière provoque un changement de niveau systémique des dimensions « fonctionnelles » et institutionnelles de l’action productive ». Plus précise car cette économie de la fonctionnalité repose sur un système d’acteurs où les logiques de coopération et de co-construction prédominent, sur une identification des ressources immatérielles et sur la mutualisation des ressources au sens large, et sur une logique de diminution des externalités négatives et d’amplification des externalités positives (Définition du Club Economie de la fonctionnalité, 2013). Au cours des dernières années, différents BM intégrant les principes de l’économie de la fonctionnalité se sont développés en s’inspirant du concept anglo-saxon dérivé de Product-Service Systems (PSS) (Goedkoop et al, 1999, Mont 2002, Mont 2004, …). Communément défini comme un ensemble intégré de produits et de services visant à satisfaire les besoins des consommateurs, ces PSS sont répartis usuellement selon la classification suivante d’Hockerts (1999) : les PSS orientés produit (offre d’un service complémentaire à la vente d’un produit), les PSS orientés usage (vente de l’usage du produit dans le cadre d’activités de location, de leasing, de mutualisation, de partage, de regroupement de clients…) et les PSS orientés résultat (satisfaction des besoins du consommateur et garantie des résultats reposant sur une combinaison de moyens et d’alternatives). Par la diversité des PSS recensés, ce modèle économique offre de nombreuses opportunités stratégiques en termes d’innovations techniques et servicielles (Gaglio et al, 2011). L’économie de la fonctionnalité permet de pérenniser la relation commerciale en centrant la relation sur ce qui se joue après l’achat et non uniquement sur le moment de l’achat (Moati, 2012). Elle doit aussi contribuer à tisser des liens durables avec les clients en revisitant les relations sous le prisme de la coopération - co-conception, co-production et co-évaluation - (Valeanu-Paun et Boutillier, 2012). Au total, le BM de l'EF se fonde de plus en plus sur la coopération d'acteurs, voire les réseaux d'acteurs qui ont en commun, et qui construisent en commun, beaucoup plus finalement que le seul objectif productif. De ce point de vue, la démarche de l'EF a des points communs incontestables avec les démarches territoriales propres aux systèmes productifs industriels. http://www.club-economie-fonctionnalite.fr/accueil/d%C3%A9finition-de-l-%C3%A9conomie-de-la-fonctionnalit%C3%A9/ SPHERES FONCTIONNELLES Dans quel contexte s’insère son offre? Dézoomer, élargir sa vision sur son offre, décloisonner les secteurs d’activités Exemple de Sphères fonctionnelles : habitation, alimentation, connaissance, mobilité, santé… Outre la SP évidente, il peut y en avoir des secondaires qui peuvent être source d’opportunités SYSTÈME D’ACTEURS Identifier les bénéficiaires évidents et les bénéficiaires secondaires Passer d’une logique de coordination entre fournisseurs, clients, sous-traitants à une logique de coopération et co-construction de la solution Logique de filière Renouer de nouvelles relations RESSOURCES Grâce à l’élargissement du système d’acteurs, on peut envisager une mutualisation des ressources Identifier ses ressources immatérielles Exemple : Compétences, confiance, pertinence, réactivité, écoute… EXTERNALITES Effet non intentionnel induit par l’activité de l’entreprise Très lié à l’ancrage territorial Externalités négatives : essayer de trouver des offres qui vont les réduire Externalités positives : comment les amplifier et les valoriser
3 La construction territoriale
La construction territoriale Construction du territoire Motivations, objectifs de l’action collective Dynamique du territoire Performance, attractivité, ancrage Pérennisation formes de coordination formes de régulation Projet productif Projet territorial Muriel Colletis et Pecqueur (1993) ont proposé de structurer cette construction territoriale autour de la question des ressources et de leur activation. Le processus d’activation permet à la fois la construction et la pérennisation du territoire (Courlet et Pecqueur, 2013). Le territoire existe à travers l’action collective et les projets des acteurs. La dimension de gouvernance (analyse des motivations des acteurs et formes de coordination) devient alors un des éléments centraux de la compréhension du développement territorial et de ses modèles (Maillefert et Schalchli, 2011 ; Decouzon et Maillefert, 2013). Notion de valeur territoriale
4 Etude de cas
1. Entreprise X Initialement Aujourd’hui Plateforme téléphonique pour les médecins 800 000 appels gérés en 2013 Portefeuille de 200 Cabinets médicaux Proposition de valeur: offre de service adressée aux médecins souhaitant externaliser le secrétariat médical Evolution de la mission de l’entreprise autour de trois objectifs: lutter contre les déserts médicaux, améliorer l’accès aux soins et prévenir les risques chez les professionnels de santé. Vision systémique des enjeux médicaux sur le territoire Création de nouvelles relations partenariales Isa Méthodologie du travail de terrain Le papier repose principalement sur deux études de cas : un cas d’entreprise (dénommée X), expérimentant l’économie de la fonctionnalité, et le cas du projet « Parkings Silos-/Centres de services à la mobilité » reposant sur les principes de l’EF dans l’éco-quartier de l’Union à Roubaix. Plus précisément, la méthodologie de recherche repose sur la participation des deux auteures au groupe de travail intitulé « Economie de la fonctionnalité », dans le cadre de la « Mission Rifkin : la Troisième Révolution Industrielle sous l’égide de la Région Nord pas de Calais et de la Chambre Régionale de Commerce et d’Industrie de Lille durant l’année 2013 (8 demi-journées pour les deux auteures). Les auteures ont également participé à des réunions scientifiques et publiques du Club d’économie de la fonctionnalité du Nord pas de Calais (Club Noé). La collecte des données repose également sur de nombreux entretiens réalisés auprès du dirigeant de l’entreprise X et du coordinateur des programmes Territoires au Centre Ressource du Développement Durable (CERDD). Ces entretiens et réunions ont été complétés par la collecte de données publiques (rapports, études de cas, entretiens…). Présentation du cas X La société X, créée en 2004, implantée dans la région Nord pas de Calais, est une société de services qui gère une plateforme téléphonique de rendez-vous médicaux. En 2013, avec 16 salariés, la société a pris en charge 800 000 appels téléphoniques. Historiquement, la proposition de valeur de cette entreprise reposait sur une offre de service adressée aux médecins souhaitant externaliser le secrétariat médical. L’offre était valorisée par une souplesse d’accueil avec une permanence téléphonique élargie et par une forte éthique professionnelle. Progressivement, cette société a évolué vers un nouveau business model reposant sur l’économie de la fonctionnalité selon la définition de Du Tertre (2011) dans le sens où les compétences et les ressources immatérielles sont devenues l’épine dorsale du BM ainsi que la constitution d’un réseau de parties prenantes. Le responsable de cette société, bénéficiant d’une formation à l’économie de la fonctionnalité, dans le cadre des formations proposées par le Club Noé, a progressivement remis à plat la vocation de sa société en prenant en compte un enjeu sociétal de taille : la désertification médicale. Le lien étroit tissé avec les patients et les professionnels de santé a permis de mettre en exergue les tensions grandissantes entre ces deux parties prenantes qui se soldent par un accès aux soins des patients non efficient et un mal-être croissant des médecins. La mission de l’entreprise s’est donc peu à peu modifiée pour se circonscrire aux trois objectifs suivants : lutter contre les déserts médicaux, améliorer l’accès aux soins et prévenir les risques chez les professionnels de santé. Cette montée en compétence du chef d’entreprise sur la désertification médicale s’explique en grande partie par un accroissement et une optimisation des informations acquises auprès de multiples parties prenantes sur le territoire et une coordination des acteurs sur le terrain. Ainsi, la question de la gestion des flux de patients devenus inextricable dans un contexte de départs en retraite de nombreux médecins a nécessité un dialogue avec des multiples parties prenantes : services d’urgence des hôpitaux, patients, personnel de santé, élus locaux, décideurs locaux, salariés de l’entreprise. Pour développer des solutions à la fois préventives et palliatives, cette entreprise s’est muée, grâce à son expertise, sa vision systémique des enjeux médicaux sur le territoire et sa captation de l’information en véritable coordonnateur d’acteurs. Ainsi simples clients, les médecins sont devenus des partenaires de l’entreprise qui prend en compte leurs conditions de vie au travail ainsi que les risques psycho-sociaux (burn-out par exemple) que leur profession génère. Outre ce lien étroit avec les médecins, de nouvelles relations partenariales se développées avec les services d’urgence des hôpitaux afin de désengorger ces derniers et de réorienter le flux des patients vers d’autres unités de soins. Une coopération s’est instaurée avec les collectivités locales afin de faciliter l’installation de nouveaux médecins et de les sensibiliser aux problématiques rencontrées par les professionnels de santé. En outre, cette intégration des enjeux de la désertification médicale dans l’ADN de l’entreprise a permis aux salariés de celle-ci d’enrichir leurs missions et de donner davantage de sens à leur activité en préservant les médecins surchargés et en répondant aux mieux aux attentes des patients. Cette coopération pourrait à l’avenir s’étendre également à d’autres parties prenantes telles que les syndicats de médecins, les mutuelles de santés mais également les facultés de médecines …
2. Le projet « Parkings Silos - Centres de services à la mobilité » dans l’éco-quartier de l’Union à Roubaix Construction de centres de services à la mobilité (parkings silos mutualisés) selon trois principes : mutualisation, foisonnement et mutabilité. Passage d’une « logique de propriété de stationnement à une logique de service de stationnement ». Enrichissement et modification de la proposition de valeur du gestionnaire privé de parking Isa L'Union est le premier éco-quartier de Lille métropole, situé sur un ancien site industriel de 80 hectares entre Roubaix, Tourcoing et Wattrelos. A terme, ce site devrait accueillir 6 000 salariés et 3 500 habitants et combiner des activités économiques et résidentielles (construction de 1 300 logements neufs). Ce projet initié par Lille métropole avec les communes du site est piloté en termes d’aménagement, depuis 2007, par la société anonyme d'économie mixte: « SEM Ville renouvelée » en partenariat avec la « SPL (Société publique locale) Euralille ». Outre la question de la mobilité durable, la réduction des déchets, la dépollution industrielle, la participation citoyenne… font partie des enjeux développement durable du projet. Très rapidement la problématique du déplacement fut identifiée comme prioritaire avec une volonté de promouvoir les transports en commun et de réduire drastiquement les possibilités de stationnement. Dans cette optique, la construction de centres de services à la mobilité et plus spécifiquement de parkings silos mutualisés a pris le pas sur la construction de parkings résidentiels et d’entreprises. Ces parkings silos seront construits selon trois principes : mutualisation, foisonnement et mutabilité. Le foisonnement repose sur l’idée que les habitants de l’éco-quartier et les salariés stationnent respectivement la nuit et le jour. Cette réflexion sur la mobilité et la commande territoriale qui en découle nécessite à travers ces trois fonctions de passer d’une « logique de propriété de stationnement à une logique de service de stationnement ». Cette logique servicielle doit amener à transformer ses parkings silos en « conciergeries de quartier » avec des fonctions multiples : services à la mobilité (service de covoiturage, d’auto-partage, location/prêt de vélos, vente et réparation de vélos, points de recharge électriques pour voitures, centre d’information sur la mobilité…) et services à la personne (point relais colis, points de collecte de certains déchets, caddies en libre-service…). Cette conception du centre de services à la mobilité centré sur l’usage, la mutualisation et la multifonctionnalité de l’espace de stationnement s’inscrit dans la dynamique de l’économie de la fonctionnalité dans le sens où il repose sur une valeur d’usage renouvelée, sur la coopération d’un système d’acteurs et sur une acquisition de nouvelles compétences du gestionnaire privé du parking. En effet, la contrainte servicielle exigée par les donneurs d’ordre publics allant dans le sens d’une promotion de la mobilité durable impose aux acteurs privés (gestionnaire de parking) de revisiter leur business model dans toutes ses composantes. Selon l’expression de Jean-Christophe Lipovac, coordinateur des programmes Territoires, et en charge de l'Urbanisme Durable au Centre Ressource du Développement Durable (CERDD). « Absorber » à terme 4 000 salariés/ 6 000 habitants, sans modification fondamentale des structures routières, tout en ayant un quartier traversé et desservi Passage de la propriété du stationnement au service de stationnement Evolution de la réflexion relative aux parkings silos : 2006 : Les Silos sont prévus pour accueillir le stationnement des bâtiments existants conservés sur les secteurs de la Tossée et Plaine Images. Mutualisation du stationnement Vente en copropriété aux propriétaires des immeubles par l’aménageur 2009 : les Silos regroupent l’ensemble du stationnement (bâtiments conservés + bâtiments neufs) de l’îlot. Mutualisation et foisonnement du stationnement Principe d’ouvrages privés à céder par l’aménageur maintenu
Source: CERDD Isa Les parkings Silos de l’Union sont conçus comme : Lieux de centralités adaptés : Parkings mutables + surfaces ouvertes sur l’espace public = Espaces CO-MODE Nouveaux services de mobilités : Outils d’information intelligents + nouvelle offre de déplacements Gamme de services de proximité : Permet de limiter les déplacements = Conciergerie Cadre de vie coopératif : Mutualisation des moyens dédiés à la vie du quartier : entretien, maintenance, sécurité, ... Source: CERDD
5 Analyse et discussion
Eléments structurants Une proposition de valeur enrichie Des processus différenciés de création de valeur territoriale Une montée en généralité : comparaison avec les modèles de développement en écologie industrielle Isa
Clés: ensemble des parties prenantes primaires et secondaires Les principales composantes du BM de l’économie de la fonctionnalité à partir du canevas d’ Osterwalder et Pigneur, 2011 Partenaires Clés: ensemble des parties prenantes primaires et secondaires Activités clés axées sur la résolution de problèmes et l’apport de solutions Proposition de valeur économique enrichie et territoriale Relations avec les clients construites autour de la coopération Diversification des segments de clients Ressources clés: ressources immatérielles (relationnelles et informationnelles) Canaux Isa 3.1 De la création de valeur à la création de valeur territoriale Les entreprises, dans certaines circonstances, sont amenées à modifier leur proposition de valeur et à l'hybrider, pour aller vers une valeur que nous appelons territoriale. 3.1.1 Une proposition de valeur enrichie grâce au réseau de valeurs et aux ressources immatérielles Les deux exemples analysés démontrent comment les principes de l’économie de la fonctionnalité impulsés par des acteurs publics ou privés peuvent modifier en profondeur les composantes du BM tant au niveau de sa proposition de valeur, de sa captation que de son partage avec un système d’acteurs. Outre la mutualisation des usages (partage d’un service de stationnement ou d’un secrétariat médical), ce BM peut enrichir la proposition de valeur par l’activation d’un réseau de valeur important. Il ne s’agit pas d’une simple coopération ou d’un d’une co-création avec une partie prenante comme le client à l’instar des BM développés sur le modèle du crowdsourcing mais bien de la constitution d’un réseau d’acteurs et d’optimisation des liens partenariaux. En prenant appui sur le modèle d’Osterwalder et Pigneur (2011), force est de constater que l’économie de la fonctionnalité nécessite de revisiter l’ensemble des composantes du BM. Figure 1 : Les principales composantes du BM de l’économie de la fonctionnalité à partir du canevas d’Osterwalder et Pigneur (2011) Source: D’après Osterwalder et Pigneur, 2011 La mission de l’entreprise et la proposition de valeur qui en découle s’enrichit par la mutualisation, la personnalisation de l’offre mais surtout par l’apport de solutions aux clients qui dépasse le périmètre d’activité habituel de l’entreprise (proposition de solutions préventives et palliatives dans le cadre de la désertification médicale, propositions de services centrés à la fois sur la mobilité mais également sur les personnes tant au niveau des habitants que des salariés pour le centre de service de mobilité du quartier de l’Union). Cet enrichissement de la proposition de valeur se couple à une diversification des segments de clientèle : ainsi le gestionnaire de parking doit prendre en compte des attentes distinctives émanant des habitants possédant ou non un véhicule motorisée, des salariés d’entreprise… Dans le cas de l’entreprise X, le BM, centré sur les médecins et les patients diversifie sa clientèle en proposant une connaissance et une expertise à de nouvelles parties prenantes ; les décideurs locaux par exemple. Cependant la pierre angulaire de ce BM repose sur la constitution du réseau d’acteurs et le développement de nouvelles ressources immatérielles (relationnelles) et de nouvelles formes de savoir-faire et de compétences fondées dans les deux cas décrits sur une connaissance approfondie d’un éco-système ou d’une sphère fonctionnelle (santé, mobilité…). Ce maillage avec les différentes parties prenantes nécessite d’inventer de nouvelles formes partenariales et d’évoluer avec ce réseau d’acteurs en fonction des nouveaux besoins et attentes appréhendés sur le terrain. L’entreprise est contrainte de sortir d’une logique de reproduction classique de son offre pour l’adapter aux besoins du territoire et aux attentes de multiples parties prenantes. Dans cette dynamique, elle doit perpétuellement envisager la mutabilité de son offre et de ses flux de revenus. Cette approche à la fois personnalisée et systémique engendre effectivement une évolution instable de la structure des revenus et une refondation de son l’architecture de valeur et plus particulièrement le mode de répartition de la valeur. Outre l’apport de l’économie de la fonctionnalité à l’enrichissement de la proposition de valeur interne à l’entreprise, ce nouveau business model conduit à la création de valeur territoriale et à générer des externalités positives sur un territoire. Structure de coûts Flux de revenus (accès à l’usage, abonnements, vente de conseils…)
Le processus de création de valeur territoriale : deux schémas alternatifs Schéma « ascendant » Schéma « descendant » Du projet de territoire à la valeur économique Création de valeur économique à partir de besoins originaux du territoire, liés à une externalité sociale ou environnementale positive (la mobilité, la santé, la qualité de vie, le vieillissement) Réponse de l'entreprise en identifiant le besoin comme problème/objet collectif Principe de co-construction avec les usagers et/ou les acteurs privés et publics engagés dans la fourniture potentielle du service. De la création de valeur économique à l’élaboration d’une valeur territoriale. « Endogénéisation » de la valeur territoriale par un principe de captation d'externalités sociales ou environnementales « négatives » (ex congestion) au profit de l'entreprise Réponse dans une optique d’O ou au mieux de D sans modification du modèle économique Création de valeur territoriale « sous contrainte » Muriel La création de valeur territoriale s'organise autour de deux principes alternatifs : l'un ascendant, l'autre descendant. Le schéma ascendant s'appuie sur la création de valeur économique pour aller vers un élargissement à une valeur territoriale. L'idée est plutôt d'endogénéiser la valeur territoriale par un principe de captation d'externalités sociales ou environnementales au profit de l'entreprise. La co-construction du projet est ainsi tournée vers l'objectif de profitabilité, qui peut s'exprimer sous la forme d'une captation d'un nouveau marché, de l'invention d'une réponse à un besoin exprimé par des clients potentiels, etc. L'adhésion du client se fait sur la promesse d'une diminution des ses coûts (photocopieurs) ou d'une meilleure adéquation du produit au besoin (crowdfunding, centre de services à la mobilité). La démarche d'entreprise n'est pas fondamentalement différente de la démarche habituelle, mais un accompagnement des chefs d'entreprise, comme dans le cas du club de l'EF peut leur montrer qu'une évolution du modèle, et donc des pratiques et objectifs sont possibles pour aller vers un modèle descendant. Le schéma descendant suit une démarche inverse : il s'agit de partir de besoins originaux du territoire. Ces besoins ne s'expriment pas sous la forme de la création d'un nouveau besoin de consommation, comme dans le cas marchand, mais comme la réponse à un besoin social territorialisé. Ainsi, l'entreprise ne répond pas à une demande privée, mais répond à une besoin territorial qui, par exemple, n'est pas pris en charge par le secteur public, mais qui est lié à une externalité sociale ou environnementale (la mobilité, la santé, la qualité de vie, le vieillissement). L'entreprise va répondre à ce besoin en l'identifiant comme objet collectif, et va devoir co-construire une réponse avec les usagers et/ou les acteurs privés et publics engagés dans la fourniture potentielle du service. Dans le cas de la plate-forme d'appel, le problème collectif est double : la désertification médicale et la banalisation de certains soins médicaux. Au total, l'économie réalisée bénéficie au territoire (fourniture d'une réponse médicale aux usagers, rationalisation de l'offre de soins) comme à l'entreprise (vente d'un service). Il s'agit alors bien d'une démarche d'activation d'une valeur territoriale potentielle. Cette valeur territoriale va elle-même se traduire, pour l'entreprise, par l’émergence potentielle d’une nouvelle valeur économique.
Comparaison avec les modèles de développement en écologie industrielle Une approche non focalisée sur la dimension productive (contrairement aux projets d’EI). La logique d'usage est le point de départ de la création de valeur. L’originalité de l’analyse repose sur la question des externalités et la création de valeur via ces externalités Analyse de différentes formes de co-construction du projet par les acteurs (différentes formes de territoire) Muriel
Une esquisse de modèles de développement autour de l’EF Modèles de développement territorial EF au fil de l'eau (business as usual) Associer des services au produit EF comme modalité de l’économie circulaire Construction de filières. Cycle de matières/services autour de l’EF EF comme modèle participant à l’écologie territoriale Ecosystème territorial, création de valeur territoriale, développement territorial Business model Ressource existante exploitée en commun (matérielle ou immatérielle : flux, service) Enjeux/problématique communs (ressource naturelle ou productive, chaine de valeur…) Construction d’un savoir stratégique (base de données, métabolisme territorial, action collective) Forme stratégique opportuniste réactive proactive Forme d’action collective Action collective d’intérêt privé Action collective d’intérêt commun (bien de club) Action collective d’intérêt commun, création et captation d'externalités sociales (bien commun) Relation au territoire (valeur ajoutée territoriale Le territoire est exogène Le territoire est un support de création de valeur. Le territoire permet la création de valeur en générant un problème identifié socialement. Muriel
Conclusion Vision « territoriale » de l’EF Appui sur des études de cas et une démarche régionale Potentialités concrètes de diffusion du modèle sur des territoires Vision nouvelle des services aux territoires et du rôle de l’action publique