Peau et tissus mous La Lettre de l’Infectiologue
Contexte et méthode Études CANVAS Émergence des SARM communautaires (SARM-CO) aux États-Unis. Entre 40 et 80 % des infections cutanées à Staphylococcus aureus sont dues à ces SARM, d’où la nécessité d’évaluer de nouvelles stratégies thérapeutiques pour traiter ces infections Évaluation de la ceftaroline fosamil, une nouvelle céphalosporine à large spectre, bactéricide sur les bactéries à Gram positif incluant SARM, VISA et Streptococcus pyogenes, ainsi que les bactéries à Gram négatif Études comparatives, multicentriques, randomisées, en double aveugle, de l’efficacité et de la tolérance de la ceftaroline versus vancomycine + aztréonam dans les infections compliquées de la peau et des tissus mous Dans le contexte de l’émergence des SARM communautaires, plusieurs molécules ont été évaluées depuis quelques années pour le traitement des infections de la peau et des tissus mous. Ces études (CANVAS 1 et 2 [ceftaroline versus vancomycine plus aztreonam in complicated skin and skin-structure infection]), plus faciles à réaliser pour l’industrie, permettent l’enregistrement des molécules auprès de la FDA. Leur but premier n’est pas d’évaluer l’intérêt de ces molécules dans les infections cutanées mais de parvenir à une qualité méthodologique suffisante pour leur enregistrement. C’est dans ce contexte que s’inscrit l’évaluation de la ceftaroline, en vue d’une prochaine autorisation de mise sur le marché (AMM). Les critères de la FDA utilisés pour l’inclusion de patients dans ces études sont critiquables, d’où leur réévaluation en août 2010, avec des critères très différents. La Lettre de l’Infectiologue D'après Corey GR et al. Clin Infect Dis 2010;51:641-50.
Contexte et méthode Études CANVAS 2 Études CANVAS Études multicentriques, randomisées, en double aveugle Analyse intégrée des études CANVAS 1 et 2 Les patients adultes étaient traités par ceftaroline i.v. (600 mg toutes les 12 heures) ou par vancomycine + aztréonam (1 g toutes les 12 heures) 1 378 patients inclus, 693 ceftaroline, 685 vancomycine + aztréonam La Lettre de l’Infectiologue D'après Corey GR et al. Clin Infect Dis 2010;51:641-50. 3
CANVAS 1 et CANVAS 2 ITT Randomisation (n = 1 396) Contexte et méthode Études CANVAS Critères d’inclusion : critères de la FDA 1998 (www.fda.gov/cder/guidance/index.htm) CANVAS 1 et CANVAS 2 ITT Randomisation (n = 1 396) ITT modifiée (n = 1 378) ≥ 1 injection du traitement évalué Ceftaroline = 693, vanco/az = 685 Cliniquement évaluable (CE) Efficacité évaluée Ceftaroline = 610, vanco/az = 592 ITT modifiée microbiologique (n = 1 062) ≥ 1 pathogène isolé Ceftaroline = 540, vanco/az = 522 Microbiologiquement évaluable (n = 914) Évolution connue ≥ 1 pathogène isolé Ceftaroline = 468, vanco/az = 446 Tolérance Efficacité La Lettre de l’Infectiologue D'après Corey GR et al. Clin Infect Dis 2010;51:641-50.
Contexte et méthode Études CANVAS Infections “compliquées de la peau et des tissus mous” Ceftaroline (n = 693) Morsure infectée 1,9 % Ulcère infecté 7,8 % Brûlure infectée 3,8 % Plaie infectée 14,7 % Autres 0,9 % Abcès volumineux 34,3 % Cellulite 35,9 % Vancomycine + aztréonam (n = 685) Morsure infectée 1,6 % Ulcère infecté 7,6 % Brûlure infectée 3,2 % Plaie infectée 12,0 % Autres 1,3 % Abcès volumineux 34,2 % Cellulite 39,9 % Méthodologie rigoureuse. Beaucoup d’abcès inclus : cela pose un problème quand on connaît les résultats de l’étude sur l’intérêt de l’antibiothérapie dans la prise en charge des abcès, qui sera présentée plus loin. La Lettre de l’Infectiologue D'après Corey GR et al. Clin Infect Dis 2010;51:641-50.
Résultats Études CANVAS Les résultats montrent la non-infériorité de la ceftaroline par rapport à l’association vancomycine + aztréonam, que ce soit en per protocole ou en ITT. On peut toutefois critiquer le comparateur, que l’on n’utilise jamais en pratique. La Lettre de l’Infectiologue D'après Corey GR et al. Clin Infect Dis 2010;51:641-50.
Conclusion Études CANVAS La ceftaroline peut être ajoutée à l’arsenal thérapeutique pour le traitement des infections cutanées Avantage majeur : son efficacité sur les SARM ; elle est également active sur les bactéries à Gram négatif, parfois isolées, sur certains terrains comme l’infection du pied diabétique Inconvénient : spectre large, non ciblé sur les bactéries à Gram positif le plus souvent responsables de ces infections La Lettre de l’Infectiologue D'après Corey GR et al. Clin Infect Dis 2010;51:641-50.
Contexte et méthode Étude Itani (linézolide) Émergence des SARM communautaires aux États-Unis Étude comparative de l’efficacité du linézolide versus la vancomycine plus l’aztréonam dans les infections compliquées de la peau et des tissus mous dues aux SARM Critères d’inclusion : critères de la FDA 1998 (www.fda.gov/cder/guidance/index.htm) Infections “compliquées de la peau et des tissus mous” documentées à SARM Étude randomisée, ouverte, muticentrique 1 077 patients inclus, 1 052 patients évalués (537 linézolide, 515 vancomycine) 45 % d’abcès Dans ce cas, l’étude est ciblée sur la prise en charge des infections cutanées à SARM, en particulier dans le contexte des SARM communautaires aux États-Unis. Dans ce contexte, l’arsenal des antibiotiques utilisables par voie orale est limité, et le linézolide apparaît comme un traitement intéressant. Le problème de cette étude est lié aux critères d’inclusion de la FDA, comme c’est également le cas de celle évoquée précédemment sur la ceftaroline, en particulier le nombre important d’abcès inclus (45 %). En effet, l’étude à venir montre que l’essentiel du traitement des abcès se fait par la chirurgie et le drainage ; les antibiotiques ne jouent qu’un rôle d’appoint, non indispensable. C’est probablement la raison de la modification récente des critères d’inclusion de la FDA (août 2010) dans les infections de la peau et des tissus mous. La Lettre de l’Infectiologue D'après Itani KM et al. Am J Surg 2010;199:804-16.
Résultats Étude Itani (linézolide) p = 0,168 p = 0,249 p = 0,090 Le linézolide apparaît comme non inférieur au comparateur, la vancomycine. Linézolide 600 mg i.v./12h Vancomycine 15 mg/kg i.v./12h La Lettre de l’Infectiologue D'après Itani KM et al. Am J Surg 2010;199:804-16.
Conclusion Étude Itani (linézolide) Le linézolide peut être ajouté à l’arsenal thérapeutique pour le traitement des infections cutanées à SARM Avantage majeur : il est très bien absorbé par voie orale et est également actif sur les autres cocci à Gram positif dont évidemment les SASM et les streptocoques pyogènes La Lettre de l’Infectiologue D'après Itani KM et al. Am J Surg 2010;199:804-16.
Contexte et méthode Étude sur l’intérêt de l’antibiothérapie pour le traitement des abcès cutanés Émergence des SARM communautaires (SARM-CO) aux États-Unis Plusieurs études rétrospectives ont suggéré que la chirurgie suffisait à traiter des abcès à SASM ou à SARM Évaluation de l’intérêt de l’antibiothérapie dans le traitement des abcès ! 2 études ont comparé l’efficacité d’un antibiotique associé à la chirurgie versus la chirurgie seule pour le traitement des abcès cutanés, chez l’enfant et chez l’adulte La Lettre de l’Infectiologue D'après Duong M et al. Ann Emerg Med 2010;55:401-7. Schmitz GR et al. Ann Emerg Med 2010;56:283-7.
Contexte et méthode Étude sur l’intérêt de l’antibiothérapie pour le traitement des abcès cutanés 1 étude, randomisée, en double aveugle, comparant chirurgie (incision et drainage) associée à un placebo dans le traitement des abcès cutanés versus chirurgie associée au triméthoprime-sulfaméthoxazole pendant 10 jours, menée chez l’adulte Étude identique menée chez l’enfant Abcès principalement à SARM et à SASM Objectif principal : succès thérapeutique 161 enfants inclus (de 3 mois à 18 ans) et 212 adultes Deux études majeures, de méthodologie similaire : une chez l’adulte, une chez l’enfant, ayant pour but d’évaluer l’intérêt de l’antibiothérapie en traitement adjuvant de la chirurgie dans la prise en charge des abcès cutanés. Cette étude a été motivée par plusieurs études rétrospectives indiquant que des patients ayant reçu un traitement antibiotique inactif contre les SARM communautaires après chirurgie n’avaient pas plus d’échec que ceux ayant reçu un antibiotique actif. Il s’imposait donc d’évaluer cette pratique habituelle de l’adjonction d’un antibiotique actif en plus de la chirurgie dans le traitement des abcès cutanés. La Lettre de l’Infectiologue D'après Duong M et al. Ann Emerg Med 2010;55:401-7. Schmitz GR et al. Ann Emerg Med 2010;56:283-7.
Résultats (1) Étude sur l’intérêt de l’antibiothérapie pour le traitement des abcès cutanés p = 0,12 p = 0,2 La Lettre de l’Infectiologue D'après Duong M et al. Ann Emerg Med 2010;55:401-7. Schmitz GR et al. Ann Emerg Med 2010;56:283-7.
Résultats (2) Étude sur l’intérêt de l’antibiothérapie pour le traitement des abcès cutanés Les conclusions des 2 études sont similaires : les antibiotiques n’augmentent pas le taux de succès thérapeutique après chirurgie. L’intérêt d’un traitement adjuvant réside toutefois dans le taux de rechutes à distance, plus important chez ceux qui n’ont pas reçu d’antibiotique. Toutefois, l’étude n’indique pas clairement s’il s’agissait de rechute de l’abcès traité ou de l’apparition d’une autre lésion. La Lettre de l’Infectiologue D'après Duong M et al. Ann Emerg Med 2010;55:401-7. Schmitz GR et al. Ann Emerg Med 2010;56:283-7.
Conclusion Étude sur l’intérêt de l’antibiothérapie pour le traitement des abcès cutanés La chirurgie est l’élément déterminant dans le traitement des abcès cutanés L’antibiothérapie diminue le risque de récidive Le pilier des recommandations dans la prise en charge des abcès cutanés est la chirurgie première ; l’indication des antibiotiques est limitée à des situations particulières Les critères de la FDA (août 2010) ont été modifiés en vue de l’évaluation des antibiotiques dans le traitement des infections de la peau Ces résultats très importants ont donc comme conséquence une modification des critères de la FDA. En effet, parmi les infections cutanées considérées comme des infections compliquées de la peau et des tissus mous figuraient les abcès volumineux. Or, ces études ont montré que, dans ces cas précis, l’intérêt de l’antibiothérapie adjuvante était faible. La Lettre de l’Infectiologue D'après Duong M et al. Ann Emerg Med 2010;55:401-7. Schmitz GR et al. Ann Emerg Med 2010;56:283-7.
Contexte et méthode Efficacité de l’ivermectine orale dans le traitement contre les poux La pédiculose du cuir chevelu touche principalement les enfants de 3 à 11 ans, avec une répartition mondiale. Les insecticides topiques tels que les pyréthrinoïdes et le malathion (en lotion) sont habituellement utilisés La résistance des poux aux insecticides a pour conséquence des échecs thérapeutiques Les auteurs ont comparé l’efficacité de l’ivermectine orale dans le traitement de la pédiculose du cuir chevelu au malathion chez des sujets en échec d’un traitement initial Les difficultés thérapeutiques dans le traitement des poux sont connues de tous, qu’elles soient liées à une résistance ou à un mauvais usage de ces traitements. Une approche originale consiste en un traitement oral de cette parasitose. Plusieurs études ouvertes avaient montré que l’ivermectine orale était efficace contre les poux, mais aucune étude comparative n’avait été menée. La Lettre de l’Infectiologue D'après Chosidow O et al. N Engl J Med 2010;362:896-905.
Contexte et méthode Efficacité de l’ivermectine orale dans le traitement contre les poux Étude multicentrique, randomisée (clusters : foyers), en double aveugle, double placebo, comparant ivermectine orale (400 µg/kg) versus malathion en lotion 0,5 %, administrés à J1 et à J8 Critères d’inclusion : patients âgés de plus de 2 ans, de plus de 15 kg, en échec d’un traitement topique reçu entre 2 et 6 semaines auparavant Objectif principal : absence de pédiculose à J15 Méthodologie parfaite. La Lettre de l’Infectiologue D'après Chosidow O et al. N Engl J Med 2010;362:896-905.
Résultats Efficacité de l’ivermectine orale dans le traitement contre les poux p < 0,001 p = 0,002 (%) Cette étude montre que les résultats sont meilleurs avec l’ivermectine. Un point important : 2 doses ont dû être administrées car l’ivermectine n’est pas active sur les lentes, et il faut donc attendre leur éclosion pour obtenir une efficacité optimale. La Lettre de l’Infectiologue D'après Chosidow O et al. N Engl J Med 2010;362:896-905.
Conclusion Efficacité de l’ivermectine orale dans le traitement contre les poux Pour les pédiculoses en échec thérapeutique des traitements topiques classiques, l’ivermectine orale, prise à 7 jours d’intervalle, a une efficacité supérieure à la lotion de malathion 0,5 %, et constitue une alternative thérapeutique Traitement original, qui permet de contourner les difficultés liées à la résistance aux insecticides et aux difficultés pratiques des traitements locaux. La Lettre de l’Infectiologue D'après Chosidow O et al. N Engl J Med 2010;362:896-905.
En résumé, pour la pratique… 19 Ceftaroline : bêtalactamine active sur les SARM utilisable pour la prise en charge des infections compliquées de la peau, intérêt du fait de son spectre large Linézolide : confirme son utilité dans la prise en charge des infections cutanées dues aux cocci à Gram positif La chirurgie est le traitement premier des abcès cutanés. Il a fallu attendre près de 70 ans pour que des études montrent la place modeste des antibiotiques dans le traitement des abcès cutanés La pédiculose est en pratique difficile à traiter. L’ivermectine offre un moyen original pour contourner ces difficultés L’étude sur la ceftaroline et celle sur le linézolide sont des études d’enregistrement pour la commercialisation des antibiotiques. Leur objectif n’est pas de répondre à une question scientifique. Elles sont conduites avec les anciens critères de la FDA. Elles sont d’intérêt modeste et ne révolutionneront pas la prise en charge des infections cutanées. Les 2 études sur la prise en charge des abcès cutanés sont très bien construites et montrent que les antibiotiques ont une place modeste en complément de la chirurgie, qui reste le traitement principal dans ces infections. Ces études ont conduit à la modification des critères de la FDA, et de nouveaux critères sont apparus en août 2010. L’étude sur l’efficacité de l’ivermectine est remarquable de par sa méthodologie. La Lettre de l’Infectiologue 20