TROUBLES HYDRO-ELECTROLYTIQUES S. MARTINEZ/ A. de WAROQUIER Département anesthésie Réanimation Hôpital LAVERAN
PLAN Introduction/ rappels L’eau et les principaux ions concernés Le sodium Anomalies du bilan de l’eau et du sodium Anomalies du bilan potassique
introduction Motif fréquent d’hospitalisation Complication fréquente lors de l’hospitalisation Large prescription du ionogramme Diagnostic et traitement souvent simples Conséquences dramatiques en l’absence de traitement
Introduction/ rappels Ionogramme: dosage plasmatique/urinaire du sodium (Na+) et du potassium (K+) ( +autres ions dosés en pratique) Eau et ions apportés par l’alimentation en majeure partie En milieu hospitalier apport en plus par voies veineuses (solutés de perfusion) Osmolarité plasmatique = 285 mosmol/l Formule: Na+ * 2 + glycémie
L’eau et les principaux ions concernés Eau : 60% du poids du corps Pertes journalières obligatoires Besoin de compensation quotidienne des pertes Répartition dans différents compartiments de l’organisme
Eau (suite) La proportion d’eau totale chez un individu donné: Varie en fonction de son état d’hydratation >60% en cas d’hyperhydratation <60% en cas de déshydratation Conséquences: variation rapide du poids La proportion d’eau varie d’un individu à l’autre: Masse grasse Âge
Pertes d’eau physiologiques =Pertes obligatoires pour assurer l’état d’équilibre de l’organisme: Température: Sueur, pertes pulmonaires Peu importantes 10ml/kg/j Équilibre ionique et élimination des « déchets » de l’organisme: pertes rénales ajustables Environ 1 à 2 litres/j
Pertes d’eau pathologiques Digestives : diarrhées, aspirations, vomissements Respiratoire : polypnée Rénales : intoxication aux diurétiques, maladies héréditaires…
Apports d’eau Endogènes: faible quantité, 200cc/j (métabolisme cellulaire) Exogène: alimentation et eau de boisson (environ 1-2 litre/j) Perfusions en milieu hospitalier : quantités variables parfois dangereuses
Répartition de l’eau 3 compartiments: Interstitiel Intracellulaire 15% Boissons/perfusions Interstitiel 15% Intracellulaire 40% Plasmatique 5% Poumons Peau Tube digestif Secteur intracellulaire Secteur extracellulaire rein
Mouvements d’eau entre les différents compartiments Secteur intracellulaire vers interstitiel : Différence de concentration en ions de part et d’autre de la membrane cellulaire (osmolarité) Secteur interstitiel vers secteur vasculaire différence de pression hydrostatique et oncotique A L’ETAT D’EQUILIBRE, LA CONCENTARTION DES DIFFÈRENTS MILIEUX EST EGALE DONC PAS DE MOUVEMENT D’EAU
Principe de la loi de Fick Mouvement d’eau du secteur intracellulaire vers le secteur interstitiel eau Membrane perméable à l’eau
Mouvements d’eau du secteur interstitiel au secteur plasmatique Membrane perméable à l’eau et au sodium Secteur interstitiel eau Secteur plasmatique Pression de perfusion Pression oncotique
Le sodium Principal ion extracellulaire Concentration normale : 135-145 mmol/l Sodium sanguin = natrémie Sodium urinaire = natriurèse Les perturbations = anomalies des mouvements d’eau Mais des anomalies des mouvement hydriques ne s’accompagnent pas toujours d’anomalie de la natrémie
Anomalies du bilan de l’eau et du sodium Différents troubles de l’hydratation en rapport avec les différents compartiments Extracellulaire: DEC (déshydratation extracellulaire) HEC (hyperhydratation extracellulaire) Intracellulaire: DIC (déshydratation intracellulaire) HIC (hyperhydratation intracellulaire) Natrémie normale Natrémie perturbée
Déshydratation extracellulaire (DEC) Définition: diminution du volume du secteur extracellulaire ( plasmatique et interstitiel) Perte d’eau et de sodium Perte iso osmotique donc concentration secteur extracellulaire non modifiée Le volume du secteur intracellulaire est inchangé LA NATRÉMIE EST NORMALE
DEC: causes Extrarénales: Rénales: Digestives (vomissements, diarrhées, aspirations, fistules, laxatifs…) Cutanées (sudation, brûlure, dermatoses étendues, mucoviscidose) Rénales: Anomalie rénale Diurétiques Diabète sucré décompensé Insuffisance surrénale aiguë Perfusion de mannitol… Rein adapté
Importance de la surveillance infirmière DEC: clinique Importance de la surveillance infirmière Constantes: TA Tachycardie Poids Urines: oligurie, concentration des urines Peau: sécheresse, pli cutané Soif (moins importante qu’au cours de la DIC)
DEC: biologie Pas de signe spécifique mais: Hématocrite, protidémie augmentées Urée, créatininémie Natriurèse (si rein adapté), donc recueil correct des urines des 24h (natrémie, créatininurie, urée urinaire, osmolarité urinaire) Gazométrie artérielle (alcalose métabolique) Rq: on demandera toujours un ionogramme car il peut exister des troubles de l’hydratation intracellulaire associés
Traitement Si hypovolémie sévère: solutés de remplissage voire transfusion. Apport de sodium: sérum salé isotonique, sodium per os Traitement étiologiques et préventifs primordiaux Attention aux patients diabétiques (insuline), sous corticothérapie
HEC: hyperhydratation extracellulaire Définition: augmentation du volume du compartiment extracellulaire, surtout interstitiel Due à une rétention d’eau et de sodium Nombreuse causes: Insuffisance cardiaque Cirrhose Rénale: insuffisance rénale, néphropathie (protéinurie à la bandelette urinaire) Hypoprotidémie (dénutrition, perte digestive, rénale) Vasodilatation (grossesse, traitement vasodilatateurs)
HEC: mécanisme (1) Diminution de la pression oncotique (hypoprotidémie) Diminution du secteur vasculaire plasma Eau+sodium Réabsorption rénale d’eau et de sodium Secteur interstitiel
HEC: mécanisme (2) Augmentation de pression dans les capillaires (vaisseaux de petits calibres) Augmentation des 2 secteurs vasculaire et interstitiel Mécanismes complexes Insuffisance cardiaque Rétention de sel par le rein Cirrhose
(suite) Normalisation du volume mais poursuite des fuites si maintien hypoprotidémie Au total: secteur plasmatique peu changé Secteur interstitiel augmenté de volume
HEC: surveillance infirmière Poids: augmentation parfois très importante Œdèmes (mous, blancs, indolores) Œdème pulmonaire (dyspnée) Hypertension artérielle Peu de signes biologiques
On ne doit pas donner à boire à un patient sans un accord médical HEC: traitement Sur prescription médicale Régime désodé Restriction hydrique Diurétiques On ne doit pas donner à boire à un patient sans un accord médical
Déshydratation intracellulaire: DIC Diminution du volume intracellulaire en rapport avec une hyperosmolarité plasmatique. L’hypernatrémie est l’indicateur biologique de la DIC
Membrane perméable à l’eau mécanisme Milieu extracellulaire Milieu intracellulaire eau Membrane perméable à l’eau
DIC: causes Pertes d’eau non compensées Apport excessif de sodium Cutanée Respiratoire Rénale Apport excessif de sodium Solutés utilisés en réanimation Bains de dialyses trop riche en sodium Déficit d’apport en eau Absence d’accès libre à l’eau (nourrissons, vieillard, coma)
DIC: clinique Trouble neurologiques (somnolence asthénie, agitation, convulsion, coma, hémorragies cérébro-méningées, fièvre) SOIF Sécheresse des muqueuses Syndrome polyuro-polydipsique (cause rénale) Perte de poids plus modérée que pour la DEC
DIC: biologie Hyperosmolarité Hypernatrémie (Na+> 145 mmol/l) Préscription médicale de première intention: le ionogramme plasmatique +/- urinaire
Principes de traitement de la DIC Prescription médicale d’un traitement: Étiologique : (arrêt d’un médicament, d’une perfusion, traitement d’un diabète déséquilibré) Préventif: essentiel et en large partie du ressort de l’infirmier ( patient n’ayant pas accès à l’eau) Symptomatique, apport d’eau pour correction lente de l’hypernatrémie ( perfusion de G5% le plus souvent) Nb: formule pour estimer le déficit en eau: Déficit en eau (litres) = 0,6 * poids du patient * ((Na+/140) -1)
Exemple Calculez le déficit en eau chez une femme de 60 kg chez qui vous retrouvez sur le ionogramme sanguin, une natrémie à 155mmol/litre Réponse: 0,6 * 60 = 36 155/140 = 1,108 soit 1,1 environ 36 * ( 1,1 - 1) = 36 * 0,1 = 3,6 Donc besoin d’apporter 3,6 litres d’eau au patient
Hyperhydratation intracellulaire (HIC) Définition: augmentation du volume intracellulaire en rapport avec une hypo-osmolarité plasmatique Signe biologique majeur = hyponatrémie soit Na+ plasmatique < 135 mmol/l
Causes d’HIC Ingestion d’eau > capacités de résorption de l’organisme Anomalies hormonale ( hormone antidiurétique) Défaut d’excrétion de l’eau Hypovolémie ( réabsorption/ le rein): association à DEC Défaut rénal ( IR avancée) Sécrétion inappropriée d’ADH IC, IR, IHC : HEC associée donc hyperhydratation globale
HIC: clinique Troubles neurologiques Prise de poids modérée Nausées Vomissements Céphalées Anorexie Prise de poids modérée Absence de soif voire dégoût de l’eau
HIC: biologie Hypo-osmolarité plasmatique Hyponatrémie < 135 mmol/l Le diagnostic étiologique : dosages complémentaires (ADH, ionogramme urinaire) Examens complémentaires : ionogrammes sanguin et urinaire en priorité
HIC: principes de traitement Restriction hydrique associé à Supplément de Na+ si DEC associée Régime hyposodé et diurétiques si HEC associée Apports standards de Na+ si normalité du compartiment extra cellulaire Parfois prescription de solutés hypertonique (chlorure de sodium hypertonique) en cas d’hyponatrémie sévère Perfusion lente à respecter impérativement
Anomalies du bilan du potassium( K+ ) K+ : principal ion intracellulaire Majeure partie dans le muscle Peu abondant dans le milieu extracellulaire ( 3,5-5 mmol/l : valeur du ionogramme plasmatique) Les transferts sont régulé par L’état acido-basique L’insuline Les cathécholamines et l’aldostérone
L’hyperkaliémie Définition: concentration plasmatique de potassium > 5 mmol/l Peut mettre en jeu rapidement le pronostic vital (urgence) attention aux fausses hyperkaliémies: Hémolyse d’un prélèvement avec brassard serré: idéalement, la kaliémie se mesure sur un prélèvement veineux effectué SANS GARROT Centrifugation tardive du prélèvement Hyperleucocytose ou thrombocytémie
Hyperkaliémie: clinique Signe cardiaques: réalisation rapide d’un électrocardiogramme Au maximum fibrillation ventriculaire et arrêt cardiaque Sera demandé par le médecin en urgence avant le ionogramme Signe neurologiques: Paresthésies des extrémités et péribuccales Plus tardivement faiblesse musculaire jusqu’à paralysie
Hyperkaliémie causes Excès d’apport ( perfusions, transfusions, certains médicaments) Transfert: Acidose (sortie de K+ des cellules) Destruction cellulaire (crush syndrome) Exercice musculaire (sécrétion de glucagon et inhibition de l’insuline) Causes médicamenteuses Réduction de l’excrétion rénale IR Insuffisance surrénalienne Causes médicamenteuses (AINS, héparines, IEC, diurétique dits epargneurs de potassium)
Hyperkaliémie: diagnostic Ionogramme sanguin Ionogramme urinaire ( kaliurèse) ELECTROCARDIOGRAMME ( ECG ) Évaluation des apports en potassium Recherche de lésions cellulaires (lésions musculaires, brûlures, garrots prolongés…)
ECG : Hyperkaliémie
Principes du traitement Moyens: Gluconate ou chlorure de calcium Bicarbonate de sodium Insuline Diurétique Kayexalate Epuration extra rénale (hémodialyse) Stratégie: à l’initiative du médecin
L’hypokaliémie Définition: concentration plasmatique de potassium< 3,5 mmol/l Fausses hypokaliémie rares ( patients leucémiques)
Clinique Signes cardiaques: Signes musculaires Signes digestifs Doit faire réaliser un ECG Troubles du rythme avec au maximum fibrillation ventriculaire et arrêt cardiaque Signes musculaires Crampes Myalgies Faiblesse musculaire Signes digestifs Constipation Signes rénaux Polyuro-polydipsie Alcalose métabolique (chapitre suivant) HTA (hypersecrétion d’aldostérone)
ECG : Hypokaliémie
Causes d’hypokaliémie Carence d’apport : anorexie, nutrition artificielle Transfert excessif: alcalose, insuline, agents béta adrénergiques endogènes ou exogènes, stimulation de l'hématopoïèse par administration de Vit B12, certains types d’anémies et hémopathies Augmentations des pertes : Extra rénales : vomissements, diarrhées Rénales: diurétiques, augmentation des stéroides surrénaliens (aldostérone), certaines néphropathies et tubulopathies
Examens complémentaires Ionogramme plasmatique Ionogramme urinaire ECG Penser à surveiller la tension ( la secrétion d’aldostérone augmente l’élimination de K+ par le rein et augmente la réabsorption de Na+ et d’eau et est responsable d’une hypertension)
Principes du traitement Étiologique ( du ressort du médecin) Supplémentation potassique Aliments riches en potassium ( fruits, légumes, viande, chocolat) Sels de potassium ( Diffu-K, Kaleorid) Chlorure de potassium iv en cas d’hypokaliémie sévère < 3 mmol/l, imposant une surveillance : Ionogrammes plasmatiques répétés Scope cardiaque Veine perfusée (veinotoxicité)
conclusion Troubles de l’hydratation : intrication de plusieurs mécanismes Importance de la clinique Examens paracliniques simples suffisants Un réflexe : KALIÈMIE ANORMALE = ECG sans tarder