Éthiques Modernes et Postmodernes

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Transcription de la présentation:

Éthiques Modernes et Postmodernes Laurent Rollet (INPL/UHP) Laurent.rollet@ensgsi.inpl-nancy.fr

I / Introduction

Qu’entend-on par Éthiques Modernes et Éthiques Postmodernes ? Cette référence est globalement conventionnelle et renvoie à une large diversité de réflexions contemporaines sur l’éthique. Ces réflexions n’étaient pas (ou très peu) représentées dans les 3 autres courants. Mais : Cela ne veut pas dire qu’elles en étaient absentes. Cela ne veut pas dire non plus que les éthiques contemporaines sont totalement incompatibles avec des réflexions plus classiques ou plus ‘datées’. Les éthiques modernes et postmodernes sont des éthiques qui essayent de dépasser les limites imposées par les éthiques ‘traditionnelles’ (traditions, religions, etc.). Elles visent également à rendre compte des questions éthiques inédites qui s’imposent à l’humanité aujourd’hui et qui engagent son futur. Les concepts de modernité et de postmodernité sont difficiles à définir, précisément dans la mesure où ils véhiculent un grand nombre de nuances, parfois difficilement compatibles. Voici quelques propositions de différenciation entre ces deux concepts.

Qu’entend-on lorsqu’on parle d’une pensée moderne ? En tant que concept philosophique et sociologique, la ‘modernité’ se définit avant tout comme le projet pour imposer la raison en tant que norme. La modernité s’inscrit dans la continuité de l’idéal de la philosophie des Lumières : lutte contre l’arbitraire, critique de l’autorité, refus des préjugés et des traditions avec l’aide de la raison. Quelques caractères de cette pensée moderne : L’avenir remplace le passé comme juge de l’action des hommes ; Il est possible de changer les règles du jeu de la vie sociale, politique et morale ; Il est possible de s’émanciper vis-à-vis des traditions, des doctrines ou des idéologies. C’est la raison qui dispose de la légitimité de la domination politique, culturelle, morale et symbolique. On peut remplacer Dieu ou les ancêtres par une autorité venant de l’homme lui-même, à condition qu’il soit guidé par des principes universalisables plutôt que par ses caprices. La Modernité met en scène l'individu humain qui est à lui-même son propre fondement et sa propre fin, indépendamment de toute référence à une transcendance. Une philosophie du progrès… Être moderne c’est vivre avec son temps !

La Postmodernité Ce concept est né dans les années 1970 sous la plume de Charles Jenk. Il est apparu pour la première fois en français en 1979 chez le philosophe Jean-François Lyotard. Quelques nuances associées à ce terme : Fin de l’époque moderne avec son utopie d’une perfection rationnelle inaccessible. Dissolution de la référence à la raison comme norme transcendante. Critique de la notion de progrès. Mise en avant de l’individualisme et de la subjectivité. Composante fortement relativiste (anti-universaliste) : les théories, les jugements ou les valeurs ne sont plus évaluées en terme de vérité ou de réalité mais en termes pragmatiques (efficacité, opérabilité, résolution d’un problème). Une réflexion critique sur la nature humaine et sur l’histoire en phase avec les grandes catastrophes du 20ème siècle : génocides, guerres, problèmes environnementaux, etc.

Remarques finales Comme on le voit, ces deux concepts sont relativement imprécis et peuvent renvoyer à des champs de réflexion très variés et parfois difficilement compatibles. Cette remarque vaut bien-sûr lorsqu’on les prend en tant que concepts isolés. Mais elle est également valable lorsqu’on considère leur interprétation sous l’angle de l’éthique. Malgré ces difficultés, un certain nombre de traits peuvent être considérés comme communs et rendent compte du quatrième courant des éthiques modernes et postmodernes : Les critiques politiques de la morale traditionnelle. Les critiques vitales de la morale. L’existentialisme. La théorie politique de la justice.

II/ Parcours de quelques tendances des éthiques modernes et postmodernes

La critique politique de l’hypocrisie morale Marx (1818-1883) Marx critique les paravents de la morale et de l’éthique individuelle. On ne peut selon lui se réclamer de la morale alors qu’on ne témoigne que mépris à l’égard des pauvres et des prolétaires. Ceci est la marque de l’hypocrisie d’un système bourgeois qui prône l’universalité sans la mettre en pratique. Il propose une éthique révolutionnaire et un engagement politique plutôt qu’une morale bourgeoise de classe. La morale a donc pour lui un caractère idéologique, sa fonction première étant de réprimer et de maintenir l’ordre établi. « Les lois, la morale, la religion sont à mes yeux autant de préjugés bourgeois derrière lesquels se cachent autant d’intérêts bourgeois ».

La critique vitale de la morale Friedrich Nietzsche (1844-1900) Pour Nietzsche, la morale symbolise la victoire des faibles et des dégénérés sur les forces actives. La morale et la religion constituent selon lui une haine commune contre tout ce qui est vivant. Les moralistes ont fait du ‘bon’ (qui était synonyme de force) un ‘mal’ et transformé tout ce qui était mauvais (synonyme de faiblesse) en ‘bien’. L’histoire de la morale (comme l’histoire du christianisme) est celle de la répression de l’instinct de vie et de la volonté de puissance. La morale n’est que l’expression du ressentiment des faibles à l’égard des forts… D’où l’appel au surhomme. « La morale antinaturelle, c’est-à-dire presque toute morale qui jusqu’à présent a été enseignée, vénérée et prêchée, se dirige, au contraire, précisément contre les instincts vitaux ; elle est une condamnation, tantôt secrète, tantôt bruyante et effrontée, de ces instincts ». Lacan « La seule faute éthique est de céder sur son désir ».

L’existentialisme (athée) Jean-Paul Sartre (1905-1980) : « L’existence précède l’essence ». Un être ne peut pas être défini avant son existence. L’homme apparaît donc dans le monde, existe et se définit après. Au début de son existence, l’homme n’est rien, il devient ensuite et il devient tel qu’il choisit de se faire. Il n’y a donc pas de Dieu pour le concevoir, pour lui donner une âme déterminée. L’homme détermine lui-même son essence. Il n’est rien d’autre que ce qu’il fait. L'homme, par ses choix, définit lui-même le sens de sa vie. L’homme peut se définir comme un être-construit-par-ses-choix, on ne peut l'expliquer par une nature immuable, il n'est pas déterminé. Sans Dieu, pas de morale ou de valeurs transcendantes à l'homme. L'homme est seul, il choisit ses valeurs seul. Il est donc totalement libre.

Henri Bergson, La conscience et la vie « L’homme se fait ; il n’est pas tout fait d’abord, il se fait en choisissant sa morale, et la pression des circonstances est telle qu’il ne peut pas ne pas en choisir une ». Jean-Paul Sartre « L’homme n’est rien d’autre que son projet, il n’existe que dans la mesure où il se réalise, il n’est donc rien d’autre que l’ensemble de ses actes, rien d’autre que sa vie ». « Si, dans tous les domaines, le triomphe de la vie est création, ne devons-nous pas supposer que la vie humaine a sa raison d'être dans une création qui peut, à la différence de celle de l'artiste et du savant, se poursuivre à tout moment, chez tous les hommes. La création de soi par soi, l'agrandissement de la personnalité qui tire beaucoup de peu, quelque chose de rien et ajoute sans cesse à ce qu'il y avait de richesse dans le monde ». Henri Bergson, La conscience et la vie

Politique, Justice et Liberté John Rawls (1921-2002) Théorie de la Justice (1971) : un classique de la philosophie morale contemporaine. Dans un État parfaitement juste, il devrait être indifférent de naître avec telles caractéristiques plutôt que telles autres. La théorie de la justice de Rawls repose sur deux principes : Principe de liberté : un droit égal pour tous tant que la liberté d’un individu n’empêche pas la liberté d'autrui de se réaliser . Principe d’inégalité : il existe des inégalités justes. Ces inégalités de fait ne sont justifiées que si elles sont : Attachées à des fonctions accessibles à tous suivant (principe d’égalité des chances). Mises au service des plus désavantagés (principe de différence). Pas de définition transcendante de la justice. Seul l’équité compte et elle est définie par le groupe humain. Une retour à Kant. Une philosophie des régimes démocratiques. « Chaque personne a un droit égal à un système pleinement adéquat de libertés de base égales, qui soit compatible avec un même système de libertés pour tous ».

III/ Quelques autres tendances de l’éthique contemporaine

D’autres thématiques contemporaines D’autres courants en éthique contemporaine : La méta-éthique (éthique analytique). Ethique de la discussion. Ethique appliquée etc. D’autres mots-clés de l’éthique contemporaine : Les générations futures. Le développement durable. Déclaration universelle des droits de l’animal (1978). Principe de précaution, principe de responsabilité, principe de prudence Etc.