Comment étudier l’impact des pesticides sur le phytoplancton marin? Sabine Stachowski 1, Harold Anseaume 1, Dorothée Hureau 2, Gaël Durand 2, Denis de la Broise 1 1 LUMAQ, Université de Bretagne Occidentale, 6 rue de l’université, Quimper, France. 2 Pôle Analytique des Eaux, 120 rue A. De Rochon, B.P. 52, Plouzané, France Objectifs: évaluer l’impact de pesticides sur les communautés phytoplanctoniques naturelles en microcosmes in situ. - tester les pesticides à des concentrations retrouvées en milieu naturel pour connaître leur effet sur l’équilibre des populations, - être représentatifs de ce qui se passe dans le milieu naturel en site non pollué. MATERIELS ET METHODES Les structures immergées Le site choisi pour l’expérimentation se situe dans l’archipel des Glénan, à 10 milles au sud de Concarneau (Figure 1). 3 structures supportant les microcosmes sont immergées au nord de l’île Saint- Nicolas,à l’abri des vents dominants et de la houle (Figure 1 point rouge). Chaque structure a une capacité de 36 bouteilles de 2L ; elles sont suspendues à une bouée à 4 m de la surface, quelque soit la marée (Figure 2). Les communautés phytoplanctoniques ne sont donc pas soumises à la photoinhibition des premiers mètres de profondeur. 4 expérimentations ont été conduites au printemps et durant l’été 2004, chacune ayant duré 2 semaines. Figure 1 Figure 2 Les microcosmes Les bouteilles sont préparées avec de l’eau de mer préfiltrée à 200µm. Les pesticides sont ajoutés sous leur forme commerciale (substance active + adjuvants), à une concentration de 0.1µg/L. Les xénobiotiques choisis sont 5 herbicides (Bentazone, Diméthénamide, Glyphosate, Nicosulfuron, Sulcotrione), 1 insecticide (Chlorpyrifos-éthyl) et 1 fongicide (Epoxiconazole) Afin de ne pas trop s’écarter de l’évolution des communautés dans le milieu naturel, une partie du milieu est renouvelée tous les 2 à 4 jours à raison de 5% du volume total par jour. Caractérisation des communautés Les échantillons prélevés sont filtrés sur membrane polysulfone 0.22µm, puis l’ADN et les pigments sont extraits. - empreinte moléculaire par TTGE (Temporal Thermal Gradient Gel Electrophoresis) : on amplifie par PCR une fraction de l’ADN extrait codant pour l’ARNr 16S ou 18S. Ces produits PCR sont soumis à une électrophorèse en gradient dénaturant thermique dans le temps : la TTGE. Elle permet de séparer les produits PCR par leurs différences de séquence. On pourra déterminer des espèces sensibles ou tolérantes. - empreinte pigmentaire par HPLC : voir résultats. RESULTATS DES ANALYSES PIGMENTAIRES Figure 4 : la composition pigmentaire de la communauté est comparée dans les échantillons témoins et ceux incubés pendant 14 jours en présence de Diméthénamide à 0.1µg/L. Les écarts-types sont peu élevés : une bonne répétabilité de l’expérience est observée. Les 2 types d’échantillons montrent des profils pigmentaires relativement semblables avec des différences sur 4 pics : chlorophylle C3, pigment X, fucoxanthine et chlorophylle A (Mann-Whitney, seuil 5%). On peut remarquer 2 types de réponses : - les proportions des pigments Chlorophylle C3 et X augmentent par rapport aux témoins, - les proportions des pigments Fucoxanthine et Chlorophylle A diminuent. Ces résultats tendent à montrer que le pesticide Diméthénamide aurait un impact sur la proportion des 2 pigments majoritaires de la communauté, à savoir la Fucoxanthine et la Chlorophylle C3. Cette modification du profil pigmentaire suggère un changement au niveau de la communauté phytoplanctonique, voire un possible déséquilibre des populations. Les eaux libres (figure 3) et les témoins en microcosmes (figure 4) présentent des profils pigmentaires comparables, bien qu’une perte de diversité pigmentaire soit visible pour les pigments en proportions minimales : nos microcosmes semblent donc assez représentatifs du milieu naturel malgré les variations de celui-ci. CONCLUSION: la méthode de maintien en immersion des microcosmes nous permet d’avoir des conditions proches de celles du milieu naturel. Les analyses faites par HPLC permettent d’étudier la composition pigmentaire de la communauté phytoplanctonique et nous ont permis de mettre en évidence les effet d’1 pesticide sur cette communauté, à une concentration réaliste susceptible d’être retrouvée en milieu naturel côtier (0.1µg/L). Les analyses en cours (cytométrie de flux et TTGE) pourraient permettre de mieux caractériser ces effets ; les souches ayant montré une sensibilité particulière pourront être cultivées en présence de pesticides afin de réaliser une étude de leur protéome et identifier plus précisément les cibles moléculaires des pesticides. Figure 3 : l’évolution de la composition pigmentaire du phytoplancton en milieu naturel est observée sur 18 jours. Certains pigments (pigment W, Chlorophylle A) varient peu au cours du temps, d’autres (fucoxanthine, pigment X, pigment Y, Diadinoxanthine, Zéaxanthine) varient de façon plus importante. Ces fluctuations illustrent les modifications des populations phytoplanctoniques au cours du temps. Figure 3 Figure 4 Forum des doctorants, , Ecole Doctorale des Sciences de la Mer, Institut Universitaire Européen de la Mer, Plouzané