La surdité, un handicap qui ne se voit pas… Dr Benoît Drion Responsable de l’Unité d’Accueil et de Soins des Sourds – Langue des Signes Coordinateur du réseau Sourds et Santé Delphine Fleurion Psychologue spécialisée en neuropsychologie
Introduction Sourds de naissance (sourds pré-linguaux) : 1 à 1,4/1000ème de la population La plupart recourent à la langue des signes française (LSF) comme langue prioritaire LSF reconnue en France (Loi 2005-102) Problématiques spécifiques Accès aux soins en LSF UASS-LS, réseaux des santé… Evaluations cognitives et neurolinguistiques PHRC MMS-LS… Hébergement EHPAD St François de Sales…
Collaborations nécessaires En France, pas de neurologue, ni de neuropsychologue ayant une pratique fluide de la LSF méconnaissance des aspects socio-culturels et neurolinguistiques Humilité de reconnaître son incompétence Collaborations entre équipe de cliniciens et personnalités ayant une expertise pointue en matière de sciences cognitives et surdité et en linguistique des langues signées
Collaborations nécessaires Laurence MEURANT (e), linguiste Fonds National de la Recherche Scientifique Université de Namur Bencie WOLL (e), linguiste Deafness Cognition And Language Research Center, University College London
Un entendant oublie …. Un sourd oublie Plainte mnésique : orientation chez un spécialiste Neurologue, gériatre Consultations Mémoire Examens clinique et neuropsychologique Entretien (anamnèse, plainte de l’entourage, doléances du patient) Outils psychométriques Créés par des entendants Etalonnés dans une population entendante Isolement et problème de communication Au domicile En institution En consultation Présence indispensable d’un interprète français - LSF chez le spécialiste Sur quels modèles théoriques s’appuyer ? Et quels outils psychométriques utiliser ? Comment poser le diagnostic ?
Projet Hospitalier de Recherche Clinique PHRC MMS - LS Objectifs Transposer et adapter le Mini Mental State Examination en Langue des Signes test de dépistage simple et rapide des démences Diagnostic, orientation et prise en charge précoce Moyens 3 centres d’investigation (NPDC, Bretagne, PACA) 150 participants inclus (non déments et atteints de démence) 3 professionnels : Neuropsychologue entendante Interprète Français - LSF Intermédiateur sourde (expertise linguistique) Le MMSE est le test de dépistage utilisé partout dans le monde (traduit dans la plupart des langues vocales) Score sur 30 points (orientation temporelle et spatiale, apprentissage, attention et calcul, mémoire de travail et rappel immédiat, langage, praxies) Aucun trouble cognitif, trouble léger, modéré ou sévère Consultation mémoire
Dispositif aidant patient bureau interprète médiateur neuropsy
LSF Dispositif aidant patient bureau interprète médiateur neuropsy
Dispositif LSF oral aidant patient bureau interprète médiateur neuropsy
Contexte linguistique - LSF Langue des Signes interdite jusqu’en 2005 Interdiction de signer en classe Oralisation favorisée - forcée (efficacité ?) Pratique variable de la Langue des Signes Incompréhension liée au peu d’éducation en LSF ≠ liée à un trouble du langage Utilisation de signes anciens (codes créés à l’école ou en famille) Présence d’un interprète et d’un intermédiateur sourd
Contexte linguistique - LSF Issu d’une famille de sourds ? parents ? fratrie ? Type de scolarisation Intégration avec des entendants, école spécialisée Présence / Absence d’interprète Mode d’éducation Oraliste ou LSF Intégration en milieu professionnel Environnement familial à l’âge adulte Couple de sourds Pratique de la LS quotidienne ou moins fréquente? Stimulation langagière et niveau linguistique Adaptation aux entendants et aisance dans la communication
Contexte neurolinguistique - LSF Tenir compte des spécificités de cette langue visuelle et gestuelle : Utilisation de l’espace péricorporel (emplacement, transfert) Importance des expressions faciales Grammaire, syntaxe et lexique différents Représentations sémantiques et organisations conceptuelles différentes Le Sourd pense en images Accès à la communication ? Langue privilégiée et qualité de la pratique ? Dire la langue des signes est une langue comme les autres avec sa grammaire propre
Pour s’adapter à cette réalité là, une adaptation de l’affiche GRIPPE que vous connaissez, les choses ont été rendues plus visuelles parce que la maitrise ne leur permettait pas de comprendre correctement ce type de phrases. INPES
Quelques exemples : Abstraction et raisonnement catégoriel Trouver un concept commun à deux items Catégoriser et conceptualiser ? Orange et Abricot = FRUITS Souvent, le Sourd décrit et donne des exemples concrets sans utiliser de concept général Le Sourd se base sur ce qu’il voit Une mauvaise réponse n’est pas forcément le signe d’une atteinte fonctionnelle mais d’un fonctionnement cognitif différent Se basent sur la perception, sur ce qu’ils voient plutôt que sur le concept
Quelques exemples : Abstraction et théorie de l’esprit Jugement social Avez vous des problèmes de « mémoire » ? Vous rappelez vous facilement les « événements » récents ? Avez vous constaté un changement dans votre façon de gérer les « activités quotidiennes » ? Mauvaise compréhension des questions ou réponses inadaptées Certaines personnes âgées sourdes ne comprennent pas les notions abstraites : attention aux termes employés dans le discours (même traduits en LSF) ! Besoin d’exemples concrets Jugement social Que feriez vous dans telle situation ? Si vous rencontrez tel problème, comment réagissez vous ? Difficultés pour certains sourds d’imaginer une scène qu’ils n’ont pas réellement vécue
Quelques exemples : Fonctions instrumentales Praxies Tous les gestes (non significatifs pour les entendants) ont un sens pour les sourds Evaluation du langage (des connaissances sémantiques) Phasie : épreuve de dénomination / désignation possible en LSF Présence indispensable de l’interprète Importance de la communication neuropsy - interprète : Prendre en compte les temps de latence, les hésitations, les parasignes, ralentissement du discours, défaut de compréhension Connaître les anciens signes
Scolarité et autonomie Niveau scolaire Peu révélateur des connaissances académiques Relativiser les performances en calcul … Connaissances du français en lecture ? écriture ? Compréhension de l’écrit ? Intérêt de proposer des consignes écrites ? Diplôme(s) et métier(s) exercé(s) Nombreux CAP En milieu protégé (CAT, ESAT) ou ordinaire ? Autonomie du patient avant l’apparition des troubles ? Gestion des tâches administratives, des comptes et des factures, des rendez-vous, lecture des courriers ? Sollicitation des réseaux d’aide (SOURDMEDIA…) ? Résumer une phrase Relativiser les niveaux scolaires : manque de pertinence chez les sourds car difficile aux études
Quelques exemples : Mémoire à court terme et mémoire de travail verbale Répéter des chiffres à l’endroit, à l’envers Manipulation des nombres difficile pour certains Sourds en raison de leur parcours scolaire Difficultés en calcul mental, besoin de poser à l’écrit Besoin d’exemples illustrant le calcul : « 20 - 3 = ? » « Sur une pile de 20 chaises, on en enlève 3, il en reste combien ? »
Face à un Sourd Connaître et comprendre la communauté Appréhender les spécificités culturelles et neurolinguistiques Utiliser les outils de communication adaptés et à disposition : Interprètes français - LSF Intermédiateurs sourds Interpréter avec précautions les résultats aux tests non étalonnés dans cette population L’interprétation du comportement d’un sourd par un entendant peut être biaisée si méconnaissance de la surdité Tenir compte du parcours linguistique et éducationnel du patient
EHPAD St François de Sales Une idée toute simple : Rassembler en un même lieu, des locuteurs d’une même langue, la LSF… … entourés par du personnel qui pratique cette langue Benoit