Concertation, action intersectorielle et mobilisation des communautés: état de situation et enjeux des pratiques au Québec Denis Bourque Chaire de recherche du Canada en organisation communautaire, UQO 8 avril 2010
Contenu 1- Définition termes et notions 2- État de situation des concertations 3- Défis pour acteurs et bailleurs de fonds
La concertation Processus de mise en relation structurée et durable entre des acteurs sociaux autonomes qui acceptent de partager de l’information, de discuter de problèmes ou d’enjeux (par thème ou par territoire) afin de convenir d’objectifs et d’actions susceptibles de les engager ou non dans des partenariats. (Bourque, 2008, p.5) Collaboration Concertation Partenariat
Partenariat Relation structurée et formalisée (par contrat ou entente) entre des acteurs sociaux (communautaire, institutionnel, privé) impliqués dans une démarche convenue entre eux et visant la réalisation d'activités ou de services. (Bourque, 2008, p.6)
Intersectoriel Qui met en relations des acteurs de différents secteurs d’activités comme SSS, éducation, sécurité publique, monde municipal, emploi, etc. Ces secteurs ont leur cadre de référence (lois, professions, etc.), leur mission et leur logique propres. Plus secteurs public, communautaire, privé
Formes des concertations Thématique (problématique ou population-cible) Territoriale (géographique)
Origines: 2 sources qui se sont mutuellement influencées 1- Évolution des formes de réponse des collectivités à leurs problèmes. Innovation des intervenants et des acteurs sociaux 2- Transformation de la gestion des politiques publiques au Québec
Sens La concertation est devenue une stratégie privilégiée par les acteurs locaux et les pouvoirs publics face aux problèmes complexes que les approches compartimentées par programme ne sont pas parvenues à résoudre adéquatement (Bilodeau et al., 2004). Mode de gestion des rapports de pouvoir (souvent concurrentiels) entre les acteurs
Concertation: 2 dimensions 1- Processus = Participation, appropriation des enjeux, action collective 2- Résultats = Réponses collectives aux priorités locales: ressources, services, etc. Processus déterminant: sans appropriation, priorités et réponses risquent d’être non pertinents et résultats non probants L’adaptation de l’intervention publique est un plus grand facteur d’efficacité que la fidélité
Finalités de la concertation 1- Développer potentiel d’innovation, mobilisation et d’action collective des communautés 2- Dépasser l'unique traitement des conséquences des problèmes pour agir sur la promotion et le développement des milieux en misant sur forces, dynamisme et solidarité des communautés 3- Mettre en place réponses adaptées aux besoins sous formes de nouveaux outils collectifs, services de proximité, ressources , etc. Ces réponses sont une co-construction (citoyens, organismes communautaires, institutions, pouvoirs publics, etc.) qui appellent aussi une transformation de l’action institutionnelle
Caractéristiques Stratégie d’action qui a fait ses preuves Énergivore, chronophage, fragile Pertinente seulement lorsqu’indispensable En général, faiblesse des moyens et limites des ressources (dont humaines) pour animer et soutenir les initiatives issues de la concertation intersectorielle Objet recherches sur fonctionnement et conditions de succès, dont organisationnelles, professionnelles et personnelles
Dynamique actuelle Concertation intersectorielle (thématique ou territoriale) se déploie entre 2 pôles qui s’entrecroisent: 1- Instrumentalisation qui utilise communautés pour implanter priorités et programmes publics/privés 2- Appropriation par acteurs des enjeux locaux où les réponses sont coconstruites avec contribution nécessaire mais contrôlée des programmes publics Sur le terrain: hybridation entre les deux dans une dynamique paradoxale
Tendance instrumentalisation Logique descendante Tendance empowerment Tendance instrumentalisation Concertation Tendance autonomiste Tendance affairiste Logique ascendante
Tension logiques en présence Pas de concertation/action intersectorielle sans politiques et programmes, mais tension entre instrumentalisation et appropriation, entre différentes logiques Concertations administratives ou procédure vs concertations innovantes ou processus qui structurent un acteur collectif
Dynamique interne Participation pas toujours volontaire Participation volontaire toujours liée à avantage perçu pour soi ou organisation Gestion déterminante des rapports de pouvoir/compétition toujours présents Cause, appartenance, cible commune favorise dépassement intérêts organisationnels et rapports de pouvoir
Modèles de concertation Sans objet Réseautage/information Intervention/référence Prolongement mission dominante Relais Développement /coconstruction
Ce qui a changé Multiplication par sédimentation des instances et démarches de concertation intersectorielle thématique pour 3 raisons: - demandes des acteurs sociaux - exigences des politiques et programmes - fondations privées Apparition de la concertation territoriale Absence ou carence de coordination et d’intégration au plan provincial, régional et local des processus de concertation
Conséquences Hyperconcertation avec 2 niveaux d’effets Fonctionnel: Sur-sollicitation des mêmes acteurs, surinvestissement vs mission, etc. Efficacité: gestion de programmes au détriment initiatives de développement, faiblesse des processus d’appropriation et de participation, faiblesse de l’intégration des concertations/actions intersectorielles
État situation: constats 1- Hyperconcertation menace sens de la concertation 2- Déficit démocratique 3- Prise de conscience et recherche alternatives
MRC Les Moulins 70% des concertations créées depuis 2000 75% initiées par CSSS, villes, Fondation 50% en Enfance-Jeunesse-Famille Depuis 2000, plus gestion budgétaire et services Fort choix individuel des lieux de concertation. 44 % se délèguent eux-mêmes, et presque totalité définissent eux-mêmes leur mandat. 60% font suivi «informel» à leur organisation Peu de liens inter-concertations
Défis des acteurs 1- Ne pas prédéterminer les résultats des concertations 2- Composer avec la pression (ententes de gestion, données probantes, etc.) en évitant d’instrumentaliser les communautés, ce qui dénaturerait leur contribution originale (innovation, participation citoyenne, etc.) 3- Soutenir vision et plan stratégique de la concertation locale capables d’intégrer objectifs institutionnels et communautaires pour les mettre au service du milieu, et ainsi capitaliser sur au lieu de subir les programmes des bailleurs de fonds 4- Combler déficit démocratique et participatif
Défis des bailleurs de fonds Être conscients de son impact sur milieux Distinction et articlulation entre fonctions de soutien à la concertation, acteur de la concertation, bailleur de fonds, etc. S’inscrire dans développement des communautés et concertation territoriale Contribuer à une meilleure coordination régionale et locale entre programmes Développer des indicateurs de processus en plus des indicateurs de résultats
Limites de la concertation Difficile cohabitation concertation et planification DC favorise innovation sociale et nouveaux arrangements entre acteurs locaux mais peut aussi correspondre désengagement État en l’absence de politiques et ressources publiques conséquentes
Huit conditions opérationnelles favorables à la concertation Faire preuve capacité de compromis surtout des acteurs ayant le plus de pouvoir Réunir acteurs pertinents et représentants avec un niveau de pouvoir comparable Tenir compte et intégrer autres concertations Disposer d’un leadership démocratique (sens making) et efficace, ainsi que d’un soutien professionnel et technique adéquat (animation réunions, procès-verbaux et convocations, recherche, etc.)
Suites Collectiviser analyse problématique et choix objectifs ou solutions à mettre en œuvre Faire participer et mettre à contribution les personnes et groupes concernés Avoir temps pour fonctionnement participatif Évaluer collectivement la concertation
Conclusion Concertation et mobilisation des communautés en plein essor mais menacées Pose exigences et défis stratégiques, voire éthiques, aux acteurs centraux au-delà de leur bonne volonté pour réaliser le potentiel de développement des communautés (durable, participatif, significatif, innovant)
La suite vous appartient… Merci
Sources Bilodeau, A. et al. (2004). «L’exigence démocratique de la planification participative : le cas de la santé publique au Québec», Nouvelles pratiques sociales, vol. 17, n° 1, 50-65. Bisset S (2008). Health program implementation, a socio-technical networking process. A case study of a school-based nutrition intervention. Montréal : Département de médecine sociale et préventive, Université de Montréal. Thèse de doctorat. Bourque, D. (2008). Concertation et partenariat : entre levier et piège du développement des communautés, Québec, collection Initiatives, Presses de l’Université du Québec, 142 pages. Green Lawrence W. (2001), “From Research to “Best Practices” in Other Settings and Populations”, American Journal Health Behaviour, vol.25 no.3, pp.165-178.