Les deux émergents asiatiques vis-à-vis des normes internationales de l’industrie cinématographique mondiale Antonios Vlassis, Université libre de Bruxelles/Université du Québec à Montréal.
Circulation des produits et services cinématographiques et négociations multilatérales. Accord général sur les services (AGCS-OMC) – Convention sur la diversité des expressions culturelles (CDEC-UNESCO). Inde et Chine, Parties à la CDEC; elles ont déjà pris des engagements auprès de l’OMC relativement au commerce des produits et services audiovisuels. Inde: premier producteur mondial de films, Chine: deuxième marché cinématographique mondial en termes de recettes.
Problématique: Les deux puissances émergentes constituent-elles un axe commun vis-à-vis des pays développés du Nord ? Quels sont les facteurs qui expliquent la nature des préférences de la Chine et de l’Inde, ainsi que le caractère de leurs stratégies? Littérature existante sur les puissances émergentes fondée sur deux approches: approche réaliste – courant libéral/constructiviste Concept de soft power Discipline de la communication: Hollywood vs. Bollywood; plusieurs pôles de production culturelle; bataille culturelle entre Chine et Hollywood.
Lecture du comportement à travers les structures domestiques Nature et trajectoire historique des institutions politiques, arrangements organisationnels entre États et groupes cinématographiques a. Émergence d’un régime international de l’audiovisuel: Poids de Hollywood dans le paysage cinématographique mondial; rapports de force lors des négociations multilatérales; les positions et le rôle de la Chine et de l’Inde b. Structures domestiques de deux puissances émergentes en tant que source d’interpretation de leur comportement au sein des négociations.
Hollywood: de l'âge d’or des studios et du modèle fordiste à l’avenement du cinéma-monde dans les années Hollywood entre dans l’ère post-industrielle Avènement d’un nouveau produit (film évènement), approche mondiale du marché, concentration horizontale des groupes autour des activités des loisirs. Hollywood s’impose dans de nombreux pays pas comme un cinéma national étranger mais comme le cinéma. Déclin des cinématographies nationales en Europe
Les normes internationales pour le cinéma entre l’OMC et l’UNESCO Négociations sur l’AGCS-OMC en 1993: Libéralisation du secteur audiovisuel (États-Unis, Japon, Nouvelle-Zélande) vs. Exception culturelle (France, Canada): Jusqu’à présent 30 membres de l’OMC ont pris des engagements dans le secteur de l’audiovisuel De l’exception culturelle à la diversité culturelle Négociations sur la CDEC-UNESCO: D’un côté, une grande coalition d’Etats (France, Canada, Espagne, plusieurs pays d’Afrique et d’Amerique latine etc.) favorisant une CDEC efficace face aux accords commerciaux et voué à renforcer la coopération culturelle internationale et d’un autre, d’autres gouvernements tels que les États-Unis, le Japon, la Nouvelle-Zélande, l’Australie opposés à l’adoption d’un instrument international voué aux industries culturelles. Sur des points controversés, le texte de la CDEC s’est négocié sur la base d’un consensus délibérément ambigu.
Inde: stratégie modérée, alliances sporadiques et ambivalence. Chine: intégration réservée, stratégie coherente et contraintes institutionnelles. Rôle d’appui et rôle de balancier. Absence du clivage Nord vs. Sud ou pays développés vs. puissances émergentes. Les deux puissances ne constituent pas une coalition avec des stratégies communes. Alliances sporadiques en fonction des questions très spécifiques.
Inde et cinéma: fragmentation, intervention discrète, langage filmique particulier et autosuffisance. Absence d’une véritable politique interventionniste; système de taxation privilégiant les films régionaux dans les différentes provinces. Film “massala” – film de divertissement, langage filmique particulier adapté au goût du public indien; les films d’autres genres ou les films d’auteur représentent une place infime dans le paysage cinématographique indien. Les films étrangers représentent à peine 10 % de la fréquentation. Le marché des films indiens hors du pays reste extrêmement limité; les films indiens sont surtout destinés à la diaspora indienne.
Chine et cinéma: centralisation, ouverture contrôlée et insertion continue A la fin des années 1980, le cinéma est un des secteurs étatiques les plus conservateurs et son fonctionnement se fonde sur une planification centrale et la propriété étatique. Début des années 1990, ouverture lente du marché cinématographique chinois sous la crainte d’un effondrement de l’industrie cinématographique et sous la pression de l’administration. Depuis 1996, les films étrangers et notamment hollywoodiens accaparent environ % du marché cinématographique annuel. La Chine développe un film d’auteur qui reçoit un grand nombre de prix dans les cinq grands festivals internationaux (Cannes, Venise, Berlin, San Sebastian, Locarno). De 1995 jusqu’à présent, cinq productions chinoises ont enregistré des recettes de plus de 10 millions US$ dans le marché des États-Unis contre une seule production indienne (Monsoon Wedding (2002)). Au début des années 2000, le quota est passé de 10 à 20 films étrangers, distribués en partage de recettes et d’autres films étrangers, dont le nombre est variable, sont vendus à China Film Group au forfait. Depuis le début des années 2000, la croissance du marché cinématographique chinois reste considérable.
La structure du régime international de l’audiovisuel n’obeit pas à une logique des coalitions Nord vs. Sud, pays développés vs. puissances émergentes; alliances sporadiques en fonction des questions très spécifiques. L’analyse doit se tourner vers les structures domestiques, facteur explicatif du caractère de l’interaction collective à l’échelle internationale. Inde: les coûts et les bénéfices de son intégration dans le régime international de l’audiovisuel n’ont pas des véritables effets sur le fonctionnement et la structure de l’industrie cinématographique indienne. Chine: une stratégie reflétant ses priorités domestiques, elle vise à sauvegarder sa souveraineté culturelle/contrôle étatique dans l’industrie cinématographique et à favoriser l’OMC en tant qu’entité nécessaire à la Chine et à l’industrie cinématographique. L’Inde est une puissance peu concernée par les enjeux du régime international de l’audiovisuel vu le caractère autarcique de sa cinématographie; la Chine correspond à un éléphant tranquille censé dans un avenir proche revendiquer l’innovation du régime et devenir l’instigateur des nouvelles règles du jeu.