Bienvenue au Réseau ULg Lundi 18 octobre 2010 « les techniques Du journalisme » Marc Vanesse Chargé de cours Journalisme d’investigation et Déontologie de l’information
Les techniques du journalisme La mission d’informer L’écriture journalistique L’enquête journalistique (dix étapes)
A. La mission d’informer Le journaliste travaille sur une matière première : les faits et les événements qu’il juge significatifs, dignes d’être rendus publics et d’intéresser ses lecteurs. Le journaliste traite ces multiples informations pour aider ses concitoyens à comprendre le monde qui les entoure et leur permettre, le cas échéant, de penser et d’agir en plein connaissance de cause. La première mission du journaliste consiste ainsi à informer le plus justement, le plus précisément, le plus complètement son public. Aujourd’hui plus qu’hier, l’information est devenue un enjeu stratégique capital. Parce qu’elle augmente le niveau de connaissance des lecteurs sur son actualité immédiate, elle leur donne du pouvoir. Le pouvoir d’agir, de réagir, de s’adapter, de s’indigner, de contester…
A. La mission d’informer Plus le public est informé, plus il pourra évoluer et agir dans un environnement devenu moins opaque, plus transparent, plus compréhensible. Cet accès public à une information triée, vérifiée, décodée, analysée sert de socle fondamental au contrat de confiance établi entre le journaliste et ses lecteurs. La crédibilité et la légitimité du journaliste n’existe que par ce lien invisible, mais nécessaire, entre la presse et son public. Ce contrat de confiance contraint le journaliste professionnel à endosser une double responsabilité. Technique. Comme ses écrits peuvent provoquer des réactions difficiles à anticiper, son information doit être vraie, précise, utile et complète. Ethique. Si son information peut parfois servir des intérêts particuliers, elle ne peut en aucun cas desservir l’intérêt général.
A. La mission d’informer Le journaliste écrit pour permettre à ses lecteurs de s’identifier à une image ou à un groupe social. En quelque sorte, l’actualité traitée par le journaliste sert aussi de miroir à son public qui doit pouvoir se retrouver dans la société qu’il décrit, dans les valeurs qu’il défend. Pour aider les lecteurs dans leur quête de sens, dans leur compréhension du monde, le journaliste doit pouvoir privilégier les informations qui correspondent à leurs attentes et adapter son discours aux grilles de lecture accessibles à son public. L’intérêt du lecteur est considéré comme primordial. Le journaliste écrit et informe pour alerter l’opinion, réveiller les consciences, susciter le débat démocratique.
A. La mission d’informer Le journaliste informe, dénonce, critique, analyse parce que le droit à l’information figure au premier rang des libertés publiques. Dans toutes les démocraties, la liberté de la presse est un droit constitutionnel, fondamental et imprescriptible. Le journaliste informe dans un cadre professionnel soumis à des règles, à une déontologie et à un savoir-faire. Le journaliste informe pour gagner sa vie et permettre à son entreprise de conserver sa place dans le paysage médiatique. En contrepartie de son travail, le journaliste peut légitimement attendre une juste rémunération de la part de son employeur.
A. La mission d’informer Trois impératifs doivent guider le journaliste dans sa démarche qui consiste à trier et hiérarchiser l’information : L’actualité L’intérêt du lecteur La ligne éditoriale
B. L’écriture journalistique L’écriture journalistique est destinée à être publiée dans le but d’informer le public. On parle alors d’écriture publique d’information. L’écriture journalistique peut prendre différentes formes selon les supports utilisés : dépêches d’agence, presse quotidienne, presse magazine, radio, télévision, internet... L’écriture journalistique est destinée à transmettre des informations étayées, vérifiées, recoupées. Dès lors, le journaliste se doit de connaître parfaitement le sujet dont il parle avant de transmettre ses informations au lecteur. L’écriture journalistique doit être accessible au lecteur. Tout journaliste se doit d’expliquer, de décoder, de trier, de hiérarchiser, de transmettre ses informations de manière à être lu et compris par le public le plus large.
B. L’écriture journalistique L’écriture journalistique est destinée à mettre en avant l’information et non son auteur. Bien au contraire, ce dernier s’efface devant l’information à transmettre. Il n’écrit jamais pour se mettre en valeur, mais pour élever le niveau de connaissance de ses lecteurs. L’écriture journalistique nécessite une approche professionnelle basée sur l’apprentissage des règles en la matière. Ce dernier exige du temps, de l’énergie, et surtout, de la pratique. L’écriture journalistique nécessite une langue concise. L’écriture journalistique nécessite une langue accessible. L’écriture journalistique nécessite une langue précise.
B. L’écriture journalistique L’écriture journalistique nécessite une langue vivante. L’écriture journalistique nécessite une approche objective et équilibrée de la réalité observée. L’écriture journalistique exige de la rigueur et ne s’appuie que sur des faits vérifiables, des informations étayées. L’écriture journalistique s’apparente plus à un art qu’à une science exacte. Un même sujet peut être rédigé ou construit de manière différente selon les auteurs ou les publics concernés. Mais chaque texte journalistique respecte les procédés d’écriture en usage dans sa rédaction.
B. L’écriture journalistique L’écriture journalistique vise avant tout à l’efficacité, la concision, la vulgarisation. Tout doit conduire à la description la plus fidèle des faits. Il importe pour le journaliste de dégager le(s) message(s) essentiel(s) de toute information. Une manière de tracer le plan de son article consiste à répondre aux six questions-clés suivantes: - Qui ? - Quoi ? - Où ? - Quand ? - Comment ? - Pourquoi ?
B. L’écriture journalistique La forme de la pyramide inversée La forme en diamant
B. L’écriture journalistique Le feuilleton d’un fait divers en quatre dépêches d’agence 1. Le fait brut (alerte) : 5h12 « Un homme de 40 ans a été tué à l’arme blanche, dans la nuit de samedi à dimanche, dans un café du Quartier Saint-Léonard à Liège, a-t-on appris de source judiciaire. Le parquet est descendu sur les lieux.»
B. L’écriture journalistique 2. Les premières informations : 6h47 « Un homme de 40 ans a été tué à l’arme blanche, dans la nuit de samedi à dimanche, dans un café du Quartier Saint-Léonard à Liège, a-t-on appris de source judiciaire. Le parquet est aussitôt descendu sur les lieux. Selon les premières informations du substitut de garde, Monsieur Bouvier, il s’agirait d’une dispute entre deux clients qui aurait dégénéré en bagarre violente. L’agresseur aurait alors sorti un couteau et frappé à cinq reprises la victime à l’abdomen. L’agresseur s’est ensuite enfui en voiture. La police est à sa recherche. »
B. L’écriture journalistique 3. Les circonstances : 7h23 « Monsieur R.G., un ouvrier liégeois de 40 ans, a été tué à l’arme blanche, vers 4 heures du matin ce dimanche, dans le café Beauséjour situé dans le Quartier Saint-Léonard à Liège, a-t-on appris de source judiciaire. Après avoir porté les premiers soins à la victime, qui perdait beaucoup de sang, le tenancier du café a appelé les services d’urgence ainsi que la police judiciaire. Le parquet est arrivé sur les lieux à 5 heures. Selon les premières informations du substitut de garde, Monsieur Bouvier, il s’agirait d’une dispute entre deux clients qui aurait dégénéré en bagarre violente. L’agresseur, une connaissance de la victime et visiblement sous l’emprise de la boisson, aurait alors sorti un couteau et frappé à cinq reprises Monsieur R.G. à l’abdomen. L’agresseur s’est ensuite enfui en voiture. La police est à sa recherche. »
B. L’écriture journalistique 4. Les premiers témoignages : 9h36 « Monsieur R.G., un ouvrier liégeois de 40 ans, a été tué à l’arme blanche, vers 4 heures du matin ce dimanche, dans le café Beauséjour situé dans le Quartier Saint-Léonard à Liège, a-t-on appris de source judiciaire. Après avoir porté les premiers soins à la victime, qui perdait beaucoup de sang, le tenancier du café a appelé les services d’urgence ainsi que la police judiciaire. Le parquet est arrivé sur les lieux à 5 heures. Selon les premières informations du substitut de garde, Monsieur Bouvier, il s’agirait d’une dispute entre deux clients qui aurait dégénéré en bagarre violente. L’agresseur, une connaissance de la victime visiblement sous l’emprise de la boisson, aurait alors sorti un couteau et frappé à cinq reprises la victime à l’abdomen. Cette dernière aurait succombé à ses blessures peu après l’arrivée des services d’urgence qui n’ont pas pu le ranimer.
B. L’écriture journalistique Selon le tenancier, l’agresseur s’est enfui aussi vite après les faits au volant d’une BMW de couleur verte. Je ne connaissais pas ces deux clients qui venaient pour la première fois dans mon établissement, relate le cafetier. Ils avaient visiblement déjà bu quelques verres. Ils discutaient tranquillement au comptoir quand le ton est subitement monté. Tout s’est passé très vite, je n’ai rien pu faire pour les séparer. La police est toujours à la recherche de l’agresseur mais, selon un enquêteur, son identité serait déjà connue. Il s’agirait du beau-frère de la victime, déjà connu des services de police pour divers faits de violence et condamné à deux reprises pour coups et blessures. Selon un client témoin des faits, le motif du différend qui opposait les deux hommes concernait une somme d’argent que la victime avait prêtée à son agresseur et qu’il refusait de rembourser. »
C. L’enquête journalistique Quel que soit le milieu, quelle que soit l’ampleur du dossier, chaque enquête contient sa part de spécificité. Mais l’art de l’investigation contient aussi un certain nombre de problèmes, de pratiques, d’obstacles récurrents. Dès lors, il est possible de dégager une méthodologie propre au travail d’investigation, une trajectoire indispensable à chaque enquête, dont voici les dix étapes fondatrices.
1. Le choix du sujet et de l’angle Les sources d’inspiration L’information privilégiée sur des faits cachés L’actualité immédiate qui impose de rebondir L’actualité récurrente qui nécessite un approfondissement La reconstitution d’un événement, d’une affaire Le portrait fouillé d’un acteur, d’une institution Le questionnement sur un phénomène de société L’immersion dans un univers méconnu La série imaginée autour d’un thème L’enquête d’opinion
1. Le choix du sujet et de l’angle L’angle de l’enquête L’angle large qui pousse à la synthèse L’angle étroit qui suscite l’originalité
2. Les recherches préparatoires La documentation personnelle La documentation de la rédaction La documentation publique Les « fixeurs » ou les « aiguilleurs » L’observation préparatoire Le premier découpage ou synopsis
3. Le recours au carnet d’adresses Les entretiens préparatoires La liste des acteurs directs à interroger Le recours aux spécialistes, aux experts les plus qualifiés Les informateurs masqués
4. L’immersion et le travail de terrain Le travail du reportage La présence aux événements, aux manifestations La collation des témoignages Les planques
5. Le contournement des résistances et de l’hostilité du terrain La prise de rendez-vous L’explication de la démarche La discrétion avec les témoins Les entretiens en tête-à-tête La prise de notes indispensable
5. Le contournement des résistances et de l’hostilité du terrain L’art de mettre son interlocuteur en confiance Le secret et le cloisonnement des sources La patience, l’insistance La crédibilité du journaliste
6. La collation minutieuse des faits Les faits, beaucoup de faits Les événements La chronologie Les chiffres Les documents, les preuves La précision du détail
7. La confrontation, la vérification Le retour inlassable vers les informateurs, les témoins La mise en avant des éléments de contradiction La confrontation des points de vue Le droit de réplique Le recours à de nouvelles sources La réaction en chaîne
8. La structure de l’enquête et son sens nouveau La relecture soigneuse et sélective des notes L’affinage de l’angle et du découpage Le classement des informations La mise à jour constante du carnet d’adresses Le maintien du contact avec les acteurs L’information sur des développements nouveaux
9. La narration et la mise en forme du récit investigatif L’alternance des genres journalistiques La mise en avant des plus-values : le travail d’enquête, le reportage, les révélations L’intérêt du lecteur Le sens du récit, la variation des rythmes d’écriture La précision lexicale La rédaction dans une langue vivante
9. La narration et la mise en forme du récit investigatif Le décodage des éléments de complexité La description des décors, de l’atmosphère, des acteurs La citation des sources Le respect de la confidentialité Le respect des longueurs et des délais de bouclage
10. La défense et la légitimation du travail journalistique La conservation de toutes les pièces Les enregistrements Les notes La relecture par des tiers La protection des sources confidentielles
10. La défense et la légitimation du travail journalistique La crédibilité des documents La possibilité de relancer, d’étayer les informations Les articles de confirmation Le suivi des réactions L’avis éclairé d’un juriste
Les techniques du journalisme "Notre métier n'est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie." (Albert Londres, Terre d'ébène, 1928) Merci pour votre attention.