Approches fonctionnelle et psychologique d’une personne atteinte d’une maladie neurologique invalidante et de ses proches.

Slides:



Advertisements
Présentations similaires
L’apport des soins palliatifs
Advertisements

Le point de vue du clinicien
Psychopathologie de la douleur
La gestion de l’agressivité
Dr Jean-François SAYET
Centre Françoise MINKOWSKA
La Dépression par le Médecin Généraliste
Quelles sécificités de la prise en charge palliative pour l’enfant ?
Le suivi des familles et des enfants par la pédopsychiatre au CAMSP
Annonce(s) « d’une mauvaise nouvelle » dimensions et problématique
Le Conseil en situation de crise Denis da Conceiçao – Courpotin
Bruno VELLAS Gériatre CMRR Midi-Pyrénées
Les apports de D.W. WINNICOTT
Education thérapeutique
L’aide psychologique pour les patients atteints de cancer
Les mécanismes de défense des soignants
Points de repère pour l’éducation des enfants
Vivre après un cancer du sein
Module 2 Une relation de soins qui implique le patient ?
PSYCHISME et CANCER Vivre avec le cancer
L’empathie dans la prise en charge en EHPAD
CONSÉQUENCES PSYCHOLOGIQUES DE L’ARRÊT DE LA CONDUITE AUTOMOBILE CHEZ LES PERSONNES ÂGÉES Sylvia Lemaire - Psychologue.
Bilan du poste de psychologue à AAPPUI
DOULEUR ET CANCER PSYCHOLOGIE DU PATIENT
Dr M.MAGNET Coordonnateur Soins et Santé Lyon H CAZENEUVE,
L’anticipation comme facteur du bien vieillir
DU Education thérapeutique du Patient Université Bordeaux II
1 Pour mieux comprendre lefficience des groupes dentraide Pour mieux comprendre lefficience des groupes dentraide Par Jacques membre des Alcooliques Anonymes.
L’annonce d’une maladie grave
Témoignage d’une IDE Annick FILHON
Soins palliatifs partout, pour tous, une utopie ?
La gestion d’une équipe vie scolaire
Présenté par Isabelle Vézina inf. M.Sc.
UCL – Programme Soins Palliatifs et qualité de vie 28 novembre 2009: les demandes deuthanasie La discussion en équipe: quelles paroles engagées pour quel.
« J’ai découvert l’Evangile au sein de ma famille car je suis née dans une famille chrétienne ; à la messe chaque dimanche et à l’école au temps de catéchèse.
LE DISCOURS PHILOSOPHIQUE
Comment penser autrement la maladie d’Alzheimer et sa prise en charge?
L’ANNONCE DU VIH Impact Psychologique
L’annonce périnatale du handicap: de l’annonce au travail en réseau
Formation soins palliatifs et qualité de vie
L’accompagnement du deuil.
Pas pathologiques en soi
CHU de Clermont-Ferrand
Le Projet de Vie en Soins Palliatifs
Le deuil Capsule présentée par Edyth Morissette, psychologue
Quand les limites obligent au compromis
MALADIE D’ALZHEIMER VOLET PSYCHOLOGIQUE.
L’éducation à la santé « C'est toute combinaison d'expériences d'apprentissages planifiés destinés à faciliter l'adaptation volontaire de comportements.
QUAND LE BEBE REVE EST CASSE …
Dégénérescence Maculaire Liée à l’Age
Gestion de la souffrance morale
Annonce à l’équipe Questionnement sur nos capacités à répondre :
Le rôle des proches dans la thérapie
FASEout Project Le problème de l'épuisement dû au deuil et à la perte L'impact sur les parents et autres responsables d'enfants atteints.
S’adapter aux changements personnels et professionnels non choisis
Noto ANIMS- SFMC Les acteurs du secours face à la mort.
LE MALADE MENTAL Les émotions
LES ETAPES DE « LA FIN DE VIE » ET DU DEUIL
Le Programme ENTRAIDE à la Résidence Les Adrets Retour d’expérience.
L’annonce de la maladie
Service de Chirurgie Générale CHU Habib Bourguiba Sfax Tunisie
Le triangle de Karpman.
LES SOINS PALLIATIFS Le rôle du bénévole.
Les soins palliatifs Le rôle du bénévole.
Dr Marie-Françoise LAPLANTE CONGRES EVC-EPR 7 et 8 février Unité EVC-EPR Clinique du canal de l’Ourcq.
Annoncer un diagnostic grave DMG Poitiers Département de médecine générale.
Ivèmes journées de Santé de Base Mahdia/Monastir Atelier : Gestion des émotions.
Comment maximiser l’engagement dans le processus thérapeutique chez des parents immigrants dont l’enfant présente un retard développemental? Stratégies.
Annonce d’une Mauvaise Nouvelle Dr Asma Belguith Sriha, Afifa Abdelkafi Koubaa 29 Avril 2016.
Transcription de la présentation:

Approches fonctionnelle et psychologique d’une personne atteinte d’une maladie neurologique invalidante et de ses proches Bruno POLLEZ, MPR Pôle « handicaps, dépendance et citoyenneté » Université Catholique de Lille HAD MPR Synergie métropole lilloise Laurence LAURIER GRYMONPREZ Neuropsychologue Centre SLA - Pr DESTÉE, Dr BRUNAUD DANEL Centre Mémoire - Pr PASQUIER CHRU-LILLE

I. Approche psychologique d’une personne atteinte d’une maladie neurologique invalidante et de ses proches Congrès CNNHG Lille, 29 novembre 2008 Laurence LAURIER GRYMONPREZ Neuropsychologue Centre SLA - Pr DESTÉE, Dr BRUNAUD DANEL Centre Mémoire - Pr PASQUIER CHRU-LILLE

Faire face à la maladie neurologique invalidante Cheminement psychologique du patient confronté à une maladie neurologique invalidante et handicapante Capacités à faire face

Faire face à la maladie neurologique invalidante Faire face à quoi? « basculement », un passage de frontière du monde des « biens portants » à celui des « êtres malades », « des êtres en perte d’autonomie » ou pire « des êtres en sursis » Retentissements sur la vie personnelle (revoir ses projets de vie) sur la vie sociale (Sentiments de solitude, d’isolement) sur la vie professionnelle (Aménagement du poste de travail, du temps de travail, risque de perte d’emploi  conséquences financières  conséquences sur la qualité de vie)

Faire face à la maladie neurologique invalidante Particularité dans les maladies neurologiques Handicap cognitif et ou moteur Handicap définitif: Avant / maintenant (pathologie vasculaire) Handicap définitif ET évolutif :avant / maintenant / après (incertitude) (pathologies dégénératives) Absence de ttt curatif:Diagnostic de mort annoncée

Faire face à la maladie neurologique invalidante Quel signifiant psychologique? Caractère « définitif » deuil d’un état antérieur, de la « bonne santé » deuil des projets Caractère « évolutif » succession de situations de « pertes » = succession de « Deuils » (au fur et à mesure que le handicap évolue cognitif ou moteur) Le caractère « pas de traitement curatif » deuil de soi car renvoie à l’idée de mort

Faire face à la maladie neurologique invalidante Quoi de plus douloureux que d’être confronté à la perte de l’intégrité cognitive? Quoi de plus douloureux que d’être confronté au Handicap moteur qui plus est progressif? « Quoi de plus douloureux et de plus tragique que la confrontation à la mort…? Mort de l’autre qui nous est cher, de l’autre qui nous est confié…mort de nous-même..(…) » Extrait du livre « soigner le relation en fin de vie » MS Richard, Dunod, 2004

Faire face à la maladie neurologique invalidante Au risque de ce ressenti intense et bouleversant, la personne confrontée à la maladie grave (et son entourage proche), va devoir réagir, s’adapter et se protéger Pour survivre (au pire) Ou continuer à vivre (au mieux)

Faire face à la maladie neurologique invalidante « Réagir, s’adapter, se protéger »????? Comment? Grâce à des facteurs externes Et des facteurs « internes »: Mise en place de mécanismes de défense normaux et protecteurs de la continuité de la vie psychique

Faire face à la maladie neurologique invalidante Facteurs « externes » Entourage familial Les aidants familiaux = aidants principaux (conjoints, les enfants…) Aide  directe à la personne (soins), Aide indirecte (gestion de la maison, des finances, des enfants…) Fonction d’étayage = Soutien affectif Responsabilité de la PEC

Faire face à la maladie neurologique invalidante Facteurs « externes »(suite) Intervenants médicaux et paramédicaux Médecin traitant (suivi de proximité) Médecins spécialistes (suivi spécialisé) Paramédicaux (ergothérapeute, kinésithérapeute, orthophoniste, dietéticienne, infirmières, auxiliaires de vie, aide soignantes, psychologues…) Assistantes sociales Bénévoles d’accompagnement…  Rôle capital dans l’aide à « l’adaptation » globale du patient

Faire face à la maladie neurologique invalidante Facteurs internes ou Mécanismes intrapsychiques = Mécanismes de défense (selon E. Kubler-Ross) Processus mis en place par le patient pour tenter de gérer ou de conjurer: (1)l’Angoisse « de la perte » liée aux handicaps (2) l’Angoisse de mort Inconscients et involontaires Propres à chaque individu Dépendants de la représentation de l’idée de la maladie et de la mort

Faire face à la maladie neurologique invalidante Particularité des pathologies évolutives = Remise en question des processus défensifs durant l’évolution Alternance de phase « adaptatives » (efficacité des mécanismes de conjuration des angoisses) et de phase de « chaos » (résurgence de l’angoisse)

Faire face à la maladie neurologique invalidante Nécessité de RESPECTER les mécanismes de défense (même si parfois difficile) Seuls moyens (psychiques) dont le patient dispose pour faire face à ses difficultés Permettent d’éviter les réactions émotionnelles trop intenses N’annulent pas la souffrance, mais la canalisent

Faire face à la maladie neurologique invalidante Selon E. Kubler Ross: 5 phases de réaction au diagnostic de maladie grave: Le refus L’irritation Le marchandage La dépression l’acceptation et/ou la résignation + l’anticipation, le contrôle, affirmation de soi

Faire face à la maladie neurologique invalidante La phase de refus Réaction positive et protectrice pour le patient Eviter un effondrement psychique brutal AMORTIR la violence du choc de l’annonce et d’intégrer progressivement les conséquences de la maladie --> soit refus total, soit refus partiel?

Faire face à la maladie neurologique invalidante Refus total = déni (≠ d’ignorance+++ et d’anosognosie) Déni de la maladie = rare , mais déplacement (lire entre les lignes) Ex: une maman qui ne parle pas de sa mort prochaine, mais qui parle de l’avenir scolaire de ses enfants, de l’avenir professionnel de son mari… ??? De quoi parle-t-elle? de son « absence d’avenir » … Déni de symptômes ou de l’évolution = fréquent Ex: le patient SLA qui chute en raison de la diminution de la force dans les jambes, mais qui explique ses chutes à la lumière de ses releveurs, de la fatigue ou des mauvaises chaussures…forme de déni de l’évolution de la maladie Ex:le patient SLA qui dénie les FR, l’essoufflement…= déni des symptômes redoutés

Faire face à la maladie neurologique invalidante - Refus partiel = Dénégation  Refus du patient que « ce dit terrifiant » le concerne: « c’est une erreur, ce n’est pas une maladie de Parkinson, n’est-ce pas docteur?» Mais possibilité pr le patient d’intégrer ce qui est acceptable: « Ah, vous me rassurez, docteur… il y a des traitements contre les tremblements! »

Faire face à la maladie neurologique invalidante L’irritation (colère et agressivité) Expression ou projection de la colère masquant la douleur et les peurs Projection de colère vers Qui? Vers ceux qui sont bien portant…. Vers les soignants, vers ceux qui ordonnent des examens pénibles, des Hospitalisations … Ex de la patiente qui souligne que JE peux programmer des vacances, que JE profite de ma famille après le travail … Vers le système de soins non adapté….

Faire face à la maladie neurologique invalidante IRRITATION Mécanisme difficile à supporter pour la famille et les soignants mais attention de ne pas répondre par l’agression Q°: comment accueillir cette souffrance qui déborde ces patients et nous éclabousse?

Faire face à la maladie neurologique invalidante Et aussi Le Contrôle: Tentative de gérer et/ou diriger, de manière exagérée les événements et objets de l’environnement afin de minimiser l’anxiété Ex. patiente SLA qui prend les conseils de l’équipe mais qui décide seule de ce qui est bon pour elle, qui décide du moment de réalisation de GPE, des heures de RDV… Impression pour les soignants ou aidants d’être « manipulés », « utilisés »

Faire face à la maladie neurologique invalidante L’Anticipation: prévoir ce qui va arriver et les conséquences + émotions associées / incapacité à faire face à une situation non anticipée Ex. patient qui déroule le film de sa maladie et qui donne ses directives L’Affirmation de soi: Expression des ressentis de façon ni manipulatrice, ni agressive = « douloureux » pour les aidants et soignants (confrontés aux limites thérapeutiques)

Faire face à la maladie neurologique invalidante Le marchandage Après avoir été en colère, certains patients pensent que « leur avenir » sera plus clément s’ils sont « gentils », Compliants, prévenants… voire séducteurs Et vont tenter de retarder les événements ex: Patiente en échappement thérapeutique d’un cancer qui prépare le mariage de son fis à sa demande et qui a très peur de ne pas être là pour ce gd jour. L’équipe met tout en œuvre pour que ce vœux se réalise, de retour de l’événement, lasse, fatiguée mais heureuse, elle lance au psy: « n’oubliez pas que j’ai un autre fils! »

Faire face à la maladie neurologique invalidante L’acceptation et/ou la résignation La combativité et la sublimation (M. Rusniewski) = le patient prend appui sur l’épreuve pour la dépasser et se dépasser lui-même, qui donne un sens à la maladie Ex Patiente SLA qui m’écrit: pr moi la maladie est l’occasion de m’améliorer en tant qu’être humain: en cela je lui suis reconnaissante car elle est source de connaissance, avt la maladie, je ne savais pas VRAIMENT ce qu’était la compassion, ou la patience, l’humilité…bien sûr, cela ne m’empêche pas d’avoir peur de la mort, mais j’ai tjrs voulu prendre ce que la maladie pouvait m’offrir de mieux, la transcender en qq sorte… La résignation = étape de vide de sentiment mais étape heureuse (repos final avant le long voyage)

Faire face à la maladie neurologique invalidante Et les soignants??? Car « toute situation d’angoisse, d’impuissance, de malaise, d’incapacité à répondre à ses propres espérances ou à l’attente d’autrui, engendre en chacun d’entre nous des mécanismes…qui s’instaurent à notre insu, revêtent une fonction adaptative et nous préservent d’une réalité vécue comme intolérable car trop douloureuse… » Extrait du livre « soigner le relation en fin de vie » MS Richard, Dunod, 2004

Faire face à la maladie neurologique invalidante Les mécanismes des soignants: Le mensonge L’esquive La fausse réassurance La rationnalisation L’évitement La dérision La fuite en avant…

Faire face à la maladie neurologique invalidante Le mensonge « polype/cancer », « anémie/leucémie » L’esquive Etre « hors sujet » pour éluder l’angoisse Ex. Une mère en fin de vie qui évoque sa peur concernant le devenir de ses enfants et au dr de répondre: « ah, ce sont eux que j’ai croisé hier? Ils sont superbes, qu’est-ce-qu’ils vous ressemblent!…Allez, reposez vous maintenant, vous devez être fatiguée! »

Faire face à la maladie neurologique invalidante La fausse réassurance = optimiser les résultats d’un traitement et maintenir un espoir alors que le malade n’y croit plus Ex du malade qui se sent de + en + faible, qui demande au médecin ou il en est pour pouvoir prendre ses dispositions par rapport à sa famille… Et le médecin qui lui répond :il n’y a pas lieu d’autant vous inquiéter, vous avez les meilleurs traitements, gardez le moral, vous êtes découragés en ce moment, soyez tranquille… »

Faire face à la maladie neurologique invalidante La rationalisation Donner toutes les infos en langage médical afin d’éviter tout débordement émotionnel Ne permet pas au patient de comprendre, ni d’intégrer, ni de s’adapter L’évitement Fuite du patient (ne + entrer ds la chambre) ou de la conversation (dossier, discussion avec les internes, infirmières…) = fuite de la dimension relationnelle

Faire face à la maladie neurologique invalidante La dérision Minimiser la maladie et ses conséquences Ex du médecin qui dit que l’on peut vivre très bien avec la maladie d’Alzheimer et qu’il y a des maladies bien pire!… La fuite en avant Se délivrer d’une angoisse en délivrant une vérité crue sans préparation = extremment violent+++ Ex du médecin qui délivre à un patient SLA au moment du diagnostic le scénario de la SLA jusqu’aux causes de DC

Faire face à la maladie neurologique invalidante Comment faire bien? Ou le moins mal? En délivrant une vérité PAS à PAS En tenant compte des mécanismes de défense du soigné et en les respectant… Nécessité de les repérer et de repérer les changements adaptatifs avec l’évolution de la maladie En s’interrogeant sur soi… Proposer une PEC globale de la maladie ET de la personne malade = « ACCOMPAGNEMENT »